Les principales applications et les perspectives d'avenir

Les principales applications et les perspectives d'avenir

Des smart contracts existants

Tendant à éviter toute intervention humaine, les blockchains sont génératrices de confiance V. infra, nos et s. . Les smart contracts s'exécutent automatiquement dès la réunion des conditions fixées au préalable. Couplées, les deux techniques séduisent par leur efficience et le sentiment de sécurité qu'elles dégagent. Le monde de l'entreprise a développé des smart contracts illustrant cette efficacité. Les limites du système sont toutefois perceptibles. La blockchain n'est pas en mesure de trouver toutes les réponses aux applications smart contract. Très vite, la nécessité d'aller chercher l'information en dehors du système se fait sentir. De nombreux smart contracts ont été développés dans les domaines de l'entreprise et de l'assurance en s'appuyant sur un tiers de confiance extérieur à la blockchain. Le droit public semble être un domaine où le smart contract pourrait trouver de nombreuses applications.
? Smart contract et entreprises. ? L'activité économique dépend de la réactivité des divers intervenants à une opération. La blockchain se substituant aux intermédiaires est la promesse d'une efficacité sans égal. Elle a déjà séduit le monde des affaires. Le transfert des minibons sur une blockchain a été introduit dans le Code monétaire et financier dès 2016 Ord. no 2016-520, 28 avr. 2016, relative aux bons de caisse : JO 29 avr. 2016, no 0101, texte no 16. . Plus récemment, l'ordonnance du 8 décembre 2017 Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017, relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers : JO 9 déc. 2017, no 0287, texte no 24. relative à la représentation et la transmission des titres financiers a permis l'utilisation de la blockchain pour le transfert et le nantissement de titres non cotés. Le décret d'application du 24 décembre 2018 D. no 2018-1226, 24 déc. 2018, relatif à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers et pour l'émission et la cession de minibons : JO 26 déc. 2018, no 0298, texte no 33. conforte l'utilisation de la blockchain dans ces opérations en en précisant les modalités.
L'objectif affiché est le gain de rapidité. Du domaine de la loi, ces dispositions ont été prises par ordonnances comme une réponse au besoin d'efficience des entreprises.
Lors de la création d'une société et au fil de sa vie Sur la digitalisation du droit des affaires : V. supra, no . , la blockchain donne des perspectives de simplification se traduisant par un gain de temps. Par exemple, les tribunaux de commerce français souhaitent déployer l'immatriculation des sociétés sur blockchain www.lemondedudroit.fr/decryptages/63174-tribunaux-commerce-blockchain-securiser-gestion-registre-du-commerce-societes.html">Lien, consulté le 9 novembre 2020. . De même, le Nasdaq en Estonie propose de valider les votes des actionnaires sur blockchain www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-le-nasdaq-va-utiliser-un-blockchain-pour-enregistrer-les-votes-des-actionnaires-63922.html">Lien, consulté le 9 novembre 2020. pour les sociétés cotées en bourse.

et financement participatif

L'ordonnance du 28 avril 2016 a introduit les « minibons » dans notre système juridique comme une variété particulière de bons de caisse. Les bons de caisse sont des titres généralement émis par les banques en contrepartie d'un dépôt d'argent (dépôt qui en réalité est un véritable prêt). L'émission, le transfert de propriété et la cession des minibons pourront être réalisés via des smart contracts. Ainsi le financement participatif ne nécessite plus l'intervention d'intermédiaires. La blockchain prend le rôle de tiers de confiance.
Decentralized Autonomous Organization (DAO). Une DAO est un fonds d'investissement ayant pour objectif de financer de manière informelle des startups difficilement éligibles aux prêts classiques. C'est une véritable entreprise avec la vocation de réaliser des profits. À l'instar d'une société, l'échange de cryptoactifs donne droit à des tokens formant un capital social nommé equity. Ces tokens représentent des parts de l'entreprise et donc des droits de vote. Ainsi une entreprise propose un projet à soutenir. La DAO vote pour ou contre son financement par la communauté.
Décentralisée à deux niveaux, son fonctionnement génère un sentiment de sécurité. La DAO repose sur un registre décentralisé, la blockchain, où tout est transparent et auditable. Elle repose sur un empilement de smart contracts accomplissant un ensemble de tâches similaires à celles d'une société. Comme elle, la DAO prend des décisions par un système de vote et a vocation à contracter avec des tiers. En revanche, la DAO ne peut être une forme de société. Elle n'a pas la personnalité juridique. La société fonctionne avec des règles de gouvernance et se fonde sur la volonté de s'associer (affectio societatis) et d'œuvrer dans un but commun. À l'inverse, la DAO revendique l'absence de gouvernance. Le système inspire confiance parce que personne ne peut le contrôler. Le pouvoir n'est détenu entre aucune main et il n'y a pas d'organisation hiérarchique. Les règles sont codées et déployées sur la blockchain, elles sont autoexécutantes et ne nécessitent pas d'organe dédié à leur mise en œuvre. Lorsque les conditions sont réunies, elles s'exécutent automatiquement.
Les smart contracts programmés à l'origine s'exécutent lorsque les conditions sont réunies. La blockchain est la gardienne de la bonne exécution du programme. Si un contributeur verse X ethers, il a une contrepartie de X tokens. S'il a X tokens, alors il a X droits de vote. Si un projet est financé, alors sa rémunération est de X par token. Si un projet n'est pas financé, alors la mise de chaque contributeur lui est restituée, etc. L'ensemble est vérifiable sur la blockchain.
Initial Coin Offering (ICO) . Suite à l'échec du projet « The DAO » en 2016, l'ICO est inventée. Les entreprises souhaitant opérer une levée de fonds directement auprès des investisseurs présentent leur projet dans un livre blanc. Elles programment ensuite une ICO">Lien. Un smart contract prévoit l'émission de jetons, appelés tokens, contre des cryptoactifs. Ces tokens permettent de spéculer sur leur valeur ou d'utiliser le service ou le produit que l'entreprise souhaite financer au moyen de l'ICO. En revanche, les tokens ne sont pas une part de capital social.
Les ICOs ont pris une dimension très importante en 2018 avec plus de vingt et un milliards de dollars levés dans le monde. Elles illustrent un changement de paradigme. Pour obtenir le financement bancaire de son développement, une idée devait prouver son intérêt. L'ICO suppose de miser sur une idée au plus tôt et de spéculer sur son succès futur.
Devant l'ampleur du phénomène, la loi Pacte est venue encadrer ce mode d'échange des cryptoactifs afin de garantir une certaine sécurité aux investisseurs.
? Smart contract et pacte d'actionnaires V. supra, nos et s. . ? Un pacte d'actionnaires est un contrat conclu entre tous ou certains actionnaires d'une société. Jusqu'à présent, seule l'intervention d'un tiers de confiance pouvait garantir l'exécution régulière du pacte d'actionnaires.
Pour comprendre l'intérêt du smart contract, prenons l'exemple de la clause de préemption prévoyant d'accorder une préférence à un ou plusieurs associés pour acquérir des titres. Elle peut être prévue dans les statuts ou par certains associés seulement dans le cadre d'un pacte d'actionnaires. Son existence n'est soumise à aucun texte légal. Le non-respect de la clause de préférence n'entraîne pas la nullité de la cession À l'exception des sociétés par actions simplifiées pour lesquelles la nullité du non-respect de la clause de préférence est prévue légalement (C. com., art. L. 227-15). , mais le versement de dommages et intérêts Cass. com., 11 mars 2014, no 13-10.366, publié au bulletin. .
Un smart contract peut prévoir la boucle conditionnelle suivante : si une promesse de vente de la société X est consentie à un tiers, une proposition d'achat est automatiquement adressée aux associés bénéficiaires du pacte de préférence Et dans le cadre des sociétés cotées, la communication obligatoire à l'AMF (C. com., art. L. 233-11). . La proposition enregistrée devient irrévocable pour la durée prévue dans le pacte. Si l'associé bénéficiaire use de son droit, le transfert des titres à son profit est automatique. S'il répond par la négative ou ne répond pas dans le délai prévu, sa renonciation expresse ou tacite entraîne le transfert automatique des titres au profit du tiers.
Le respect du pacte ne nécessite alors pas l'intervention d'un tiers de confiance.

Deux clauses de la librairie créée par l'Université de Grenoble

Le projet a été mené sous la direction de Mme Amélie Favreau, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Grenoble et directrice adjointe du Centre universitaire d'enseignement et de recherche en propriété intellectuelle. Il a commencé le 15 février 2018 et a duré plus de deux ans. Son objectif était de créer une librairie de smart contracts sur une plateforme en accès ouvert afin de permettre aux professionnels du droit de s'emparer de la technologie.
Le groupe de travail s'est naturellement tourné vers le droit des sociétés pour sélectionner les clauses à automatiser afin de proposer un clausier utilisable immédiatement.
Il est composé de cinq clauses don't deux sont ci-après exposées :
  • La clause de buy or sell. Elle s'utilise généralement en cas de mésentente des associés. L'un propose à l'autre d'acquérir ses parts à un prix déterminé. Si l'autre accepte, le premier quitte la société. S'il refuse, il cède ses parts au premier au même prix et quitte la société. Le but est d'éviter une situation de blocage.L'associé souhaitant mettre fin à l'association en informe le second par le biais d'un avis de vente dans lequel il lui propose d'acquérir ses parts au prix et conditions fixés. Il fixe notamment le délai de validité de l'offre. L'avis de vente prend la forme d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (électronique).Trois situations peuvent alors se présenter :Pour garantir le bon fonctionnement de cette clause, un contrôleur est mis en place. Il a la possibilité d'utiliser deux fonctions spécifiques :La fonction isControllable permet d'indiquer de façon transparente aux utilisateurs les fonctions accessibles au contrôleur.Pour pouvoir exercer son rôle, le contrôleur doit donc s'assurer que l'associé offrant et l'associé bénéficiaire de l'offre ont tous deux suffisamment d'actifs pour financer le rachat des parts sociales. Il doit avoir un portefeuille pour le cas où il s'en rendrait lui-même acquéreur.Le contrôleur n'a pas d'appréciation sur la situation. Il applique la clause objectivement compte tenu du prix et des délais fixés.
  • La clause d'option. Elle confère à son débiteur un droit d'acquérir ou de vendre un instrument financier dit « sous-jacent ». Deux prix doivent être fixés. Le prix de l'option est le prix à payer pour acquérir le droit d'opter. Le prix d'exercice est le prix d'acquisition de l'instrument financier.Le vendeur crée un token représentant l'actif qu'il souhaite céder. Il propose de le vendre à un prix et pendant une période fixe. Pour obtenir la possibilité de réfléchir tout en ayant l'exclusivité, le bénéficiaire paie le prix de l'option, définitivement acquis au vendeur. À l'issue du délai, soit le bénéficiaire a souhaité acquérir et il paie le prix d'exercice, soit il n'a pas opté et il perd son droit.Durant toute la durée de l'option, le vendeur transmet l'instrument financier sous-jacent tokenisé au smart contract qui le tient en séquestre. Lorsque le bénéficiaire lève l'option, le token lui est transmis automatiquement et le prix est payé.Le smart contract remplace donc les chambres de compensation dans le rôle de tiers de confiance.
? La garantie autonome. ? La garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues (C. civ., art. 2321">Lien). La garantie autonome est habituellement considérée comme le substitut d'une garantie réelle avec mise en possession du créancier. L'immobilisation entre les mains du créancier (gage-espèces) empêche le garant d'opposer une exception tenant à l'obligation garantie. Le smart contract apparaît comme un processus parfaitement adapté pour confisquer la somme donnée en garantie dans l'attente de son éventuel déclenchement. L'utilisation de la blockchain permet de vérifier en amont de la transaction la disponibilité des fonds dans le wallet V. supra, nos et : le wallet est un portefeuille numérique permettant le stockage de cryptoactifs. du garant. Dès l'ancrage du smart contract, la somme convenue est bloquée et ne peut plus être utilisée jusqu'à la réalisation du contrat. Si le débiteur paie, la somme bloquée est de nouveau disponible dans le wallet du garant. Dans le cas contraire, elle est versée au créancier.
La garantie autonome est exclue en matière de droit de la consommation (C. consom., art. 314-19">Lien) et de baux d'habitation L. 6 juill. 1989, art. 22-1-1. .
? Smart contract et assurances. ? « Médiateur neutre, la blockchain n'appartient à personne mais agit au bénéfice de toutes les parties dans une logique gagnant-gagnant » https://atos.net/wp-content/uploads/2017/10/livre_blanc_acta_blockchain_webFinal.pdf">Lien, consulté le 9 nov. 2020. .
Les intérêts divergent du point de vue de l'assureur et de l'assuré. En cas de sinistre, le premier recherche le traitement du dossier à moindre coût tandis que le second souhaite être indemnisé rapidement.
Les développeurs ont donc introduit rapidement le smart contract dans le domaine des assurances. L'automatisation répond à la recherche d'efficience tant de l'assureur que de l'assuré. En revanche, les informations contenues sur la blockchain sont insuffisantes au règlement des dossiers. Le fonctionnement du smart contract nécessite l'introduction d'un oracle.
? Assurances voyage. ? S'agissant du transport aérien, l'idée née à Londres en 2015 part d'un constat édifiant. Étant donné la complexité et la longueur des démarches, plus de 60 % des passagers victimes de retards dans les transports ne demandent jamais à être indemnisés. L'enjeu est donc d'améliorer le délai d'indemnisation et la relation de confiance entre l'assuré et les compagnies aériennes.
Un groupe de développeurs propose alors la mise en place d'une indemnisation automatique grâce à la technique du smart contract. L'assurance proposée est de type paramétrique Également appelées « indicielles », ces couvertures reposent sur des paramètres objectivables (temporels, de pluviométrie, de température, d'humidité, ou de rendements de culture par exemple) permettant de fixer des seuils de déclenchement pour le paiement des sinistres et non sur une déclaration de sinistre. . La compagnie d'assurance se connecte sur la base de données de l'aéroport, considérée comme fiable, pour constater un éventuel retard. Les passagers concernés n'ont aucune demande à formuler pour être indemnisés. Le montant du remboursement est prédéfini compte tenu du retard constaté.
Cette technologie a été commercialisée sous le nom de Fizzy">Lien par AXA en 2017. Seulement quelques centaines de polices ayant été souscrites, l'expérience n'a pas eu le succès escompté auprès des consommateurs. Elle a pris fin deux ans plus tard. D'autres assurances paramétriques ont depuis vu le jour. En revanche, elles ne s'appuient pas nécessairement sur une blockchain.
? Assurances et agriculture. ? L'assurance liée à la météorologie peut tout d'abord être indicielle V. supra, no . . Ainsi un smart contract conclu entre une compagnie d'assurance et un agriculteur peut prévoir une indemnisation en cas de sécheresse.
Pour ce faire, le smart contract doit être lié à un service considéré comme fiable par les deux parties pour analyser les données pluviométriques.
La mise en place du smart contract peut également être liée à un constat visuel. Atos a développé un projet dénommé « Vignes et gel » https://atos.net/wp-content/uploads/2017/10/livre_blanc_acta_blockchain_webFinal.pdf">Lien, consulté le 9 novembre 2020. sur Ethereum. Ce programme est désormais porté sur Quorum, déclinaison privée d'Ethereum.
L'indemnisation est automatique lorsque le viticulteur apporte la preuve photographique que la parcelle de vignes couverte par le contrat a gelé.
Une application mobile est mise en place et associée au smart contract. L'assuré se connecte avec son identifiant, qui est aussi sa clé publique. L'assuré envoie à son assureur une photographie géolocalisée et horodatée des vignes touchées. Le constat est immédiat et ne nécessite pas de dépêcher sur place un expert. Le déclenchement du remboursement s'ensuit automatiquement.
En cas de doute, une consultation de Météo-France permet de lever l'incertitude. S'agissant d'une autorité indépendante, elle joue le rôle d'oracle et confirme ou non l'épisode de gel sur la parcelle concernée.

Automatisation de l'indemnisation en cas de sécheresse

S'il s'écoule trente jours sans pluie, la sécheresse sera avérée et l'indemnisation sera déclenchée automatiquement pour un montant prédéterminé.
? Assurances vie. ? Entrée en vigueur le 1er janvier 2016, la loi Eckert L. no 2014-617, 13 juin 2014, relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance-vie en déshérence : JO 15 juin 2015, no 0137, p. 9951, texte no 1. oblige les assureurs à rechercher les bénéficiaires de contrats d'assurance vie.
Le décès des souscripteurs serait signalé grâce à un recoupement régulier du fichier de la compagnie d'assurance avec le Répertoire national d'identification des personnes physiques. Ce constat déclencherait automatiquement le versement à destination des bénéficiaires.
Le concept est encore à l'état de projet, peut-être en raison de la rigidité de la blockchain. Du vivant du souscripteur, les bénéficiaires sont difficilement modifiables sur un registre réputé immuable.
? Smart contract et contrats de droit public. ? Compte tenu des nombreux documents nécessaires lors de la candidature à un marché public, la fonction de registre de la blockchain présente un grand intérêt. De même, l'ancrage de smart contracts pour exécuter chacune des étapes de la vie d'un contrat administratif paraît tout à fait adapté dans le domaine de la commande publique, à la fois empreint de formalisme et d'ores et déjà largement dématérialisé www.economie.gouv.fr/daj/plan-transformation-numerique-commande-publique">Lien, consulté le 14 janvier 2021. . Des propositions d'automatisation ont déjà été formulées pour fluidifier les échanges dans cette matière où la lourdeur des procédures a tendance à ralentir les opérations. Par exemple : automatiser la libération de la retenue de garantie dans les marchés publics, ce qui conduirait à couvrir les réserves formulées à la livraison des prestations objets du marché ou pendant le délai de garantie (CCP, art. R. 2191-32">Lien) ; automatiser la restitution à l'extinction de la garantie de parfait achèvement (CCP, art. R. 2191-35">Lien) en l'ancrant dans un smart contract conditionné à l'absence de réserve, ce qui simplifierait la procédure C. Vaysse, La blockchain et le smart contract au service du formalisme du contrat administratif… les acheteurs publics sur la sellette ? : LPA 12 janv. 2021, no 8, p. 9. .
Par ailleurs, le financement d'infrastructures publiques nécessite très souvent un partenariat avec le secteur privé. Certains voient ici aussi dans le smart contract un moyen de gagner en fluidité tout en sécurisant le financement www.village-justice.com/art.s/Blockchain-smart-contracts-droit-public-des-affaires-une-combinaison-gagnante,25065.html">Lien, consulté le 14 janvier 2021. . Par exemple, dans le cas d'un financement sur fonds propres par la société privée, celle-ci percevrait automatiquement les loyers dus par la personne publique dès que les objectifs de performance seraient atteints. Un prêt bancaire garanti par une cession « Dailly » pourrait également être facilité par l'utilisation de smart contracts. Dans cette hypothèse, la société cède la ou les créances qu'elle détient contre la personne publique au profit de l'établissement prêteur afin de garantir le financement demandé. L'utilisation d'un smart contract permettrait le déblocage automatique du prêt dès l'acceptation de la cession de la créance par la personne publique.

Smart contracts et IoT

Smartphone, smart home, smart city, smart building, smart grid… Les objets intelligents envahissent notre quotidien.
L'internet des objets connectés a l'ambition de relier les objets entre eux et avec les individus. Nommée IoT (Internet of Things) V. Glossaire : « IoT ». , cette technologie désigne à la fois les objets et le réseau permettant de les connecter et d'analyser les données véhiculées. Tous les objets peuvent être connectés, une montre, une imprimante, une machine à laver, un vélo, un vêtement…
Les architectures IoT existent hors d'une blockchain. Elles sont reliées à une plateforme jouant le rôle de tiers de confiance. Mais il est difficile d'en juger la qualité au regard de l'hébergement des données recueillies, de leur stockage et de leur éventuelle exploitation future.
L'interaction entre les technologies IoT et blockchain crée des opportunités de développement. À l'instar de la plateforme, la blockchain sert de passerelle entre le monde physique et le monde virtuel. Le changement de paradigme tient à la décentralisation des données. La blockchain répond aux besoins de sécurisation et de conservation des données ainsi que d'interopérabilité. Le registre forme une chaîne d'identification permettant aux objets d'interagir entre eux sans l'intervention d'un tiers (type plateforme). Le code détermine le cadre d'action de chaque objet. Le risque d'attaque est diminué.
Désintermédiation des échanges = Nouveaux usages de l'IoT
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Source : https://www.postscapes.com/blockchains-and-the-internet-of-things/#applications">Lien</a>, consulté le 9 novembre 2020.
La blockchain instaure un climat de confiance propice au développement des IoT. Le smart contract élargit le champ des possibles. L'interaction entre les objets connectés et le smart contract favorise l'économie collaborative hors plateforme. Selon les cas, l'objet connecté contribue soit à la vérification des conditions préalables à l'exécution des smart contracts, soit à l'exécution elle-même des smart contracts.
? L'assurance. ? Déjà développée plus haut, l'assurance « Vignes et gel » relève de l'alliance entre smart contract et IoT V. supra, no . . La connexion du smartphone à la blockchain permet la vérification des conditions préalables du smart contract grâce à l'horodatage et à la géolocalisation de la photographie transmise.
Au Royaume-Uni, une compagnie propose une assurance automobile payable à l'heure L'assurtech Cuvva met en place une méthode de paiement pour son offre d'assurance « Pay as you drive ». . La communication de la photographie de la plaque d'immatriculation du véhicule à assurer suffit à déclencher une proposition de tarif. À réception, elle peut être validée immédiatement sur smartphone pour la durée convenue.
? Le smart building et les smart cities . ? Un bâtiment peut être qualifié de smart à deux conditions. Il doit être connecté à son environnement (équipements, espaces, utilisateurs, ville). Cette interaction doit permettre de créer un algorithme de prédiction améliorant la vie de l'utilisateur final.

Une journée type dans un

« Vous allez bientôt déménager dans un smart building flambant neuf ? On vous décrit ici une petite partie d'une journée type dans votre futur lieu de travail. Pour profiter pleinement des services de votre bâtiment connecté et intelligent, une application mobile sera à votre disposition. Renseignez-y votre identité, le numéro de la plaque d'immatriculation de votre véhicule et donnez accès à votre agenda ! Commençons :
1. Dès votre arrivée au parking, votre expérience est digitale. Une caméra lit la plaque d'immatriculation de votre véhicule et l'autorise à accéder au parking. Une place vous est attribuée dynamiquement, nul besoin de tourner pour en chercher une.
2. Pour accéder au bâtiment, utilisez votre badge traditionnel ou, si vous l'avez oublié, une version dématérialisée prenant la forme d'un QR code sur votre smartphone. Pour votre visiteur, utilisez votre application pour déclarer sa visite. Il recevra un QR code qui va lui permettre lorsqu'il le présentera à la borne d'accueil de vous notifier de son arrivée. Il pourra aussi utiliser ce QR code pour accéder au bâtiment sans passer par le bureau d'accueil (et donc sans délai pour obtenir un badge visiteur).
3. Adepte du flex office, votre application vous aide à trouver une place pour travailler. Si c'est votre première fois dans ce bâtiment, votre application vous indique le chemin à suivre pour vous y rendre grâce aux balises Bluetooth déployées dans tout l'immeuble.
4. Besoin d'une phonebox pour participer à une téléconférence et ainsi éviter de déranger vos voisins ? Un coup d'œil sur votre application et celle-ci vous dira lesquelles sont disponibles, elles sont toutes équipées de capteurs de présence.
5. Pour votre réunion de 11 heures, vous avez déjà réservé une salle. Une fois dedans, sans action de votre part votre réservation est maintenue par la lecture à distance de votre badge. Si vous ne vous y rendez pas, la salle est libérée pour vos collègues.
6. Durant votre réunion, la salle régule d'elle-même ses équipements pour atteindre le niveau de confort que vous avez défini (intensité de l'éclairage, température de la pièce, ventilation pour la qualité de l'air). À tout moment, vous pouvez changer, depuis votre application, ces paramètres pour les adapter à un nouveau niveau de confort.
7. Le bâtiment sait faire le décompte de personnes présentes dans son enceinte. Cette information est utile en cas d'évacuation par exemple mais tout aussi importante pour le restaurant d'entreprise. En effet, des algorithmes prédisent le nombre de personnes à servir en fonction de l'affluence du passé et des conditions météorologiques parfois favorables aux repas à l'extérieur.
8. Vous avez envie de connaître le menu du jour du restaurant d'entreprise ? Il se trouve dans votre application. Dans le restaurant, des caméras vous donnent l'affluence en temps réel. Vous pouvez composer (voire payevotre plateau avant même de vous y rendre. Adieu la file d'attente physique, vous serez averti dès que votre plateau sera prêt : bon appétit !
9. Vous préférez aller faire du sport à la pause déjeuner ? N'oubliez pas de sécuriser votre ordinateur portable dans un casier. Ils sont tous connectés, votre application vous dira lequel est disponible. Entrer le code du casier sur votre smartphone pour le verrouiller ou le déverrouiller.
10. Votre journée se termine et vous avez oublié dans quel sous-sol vous vous êtes garé ? Demandez à votre application, elle saura vous répondre.
11. Votre usage du bâtiment a été agréable parce que d'autres services se sont bien déroulés sans que vous vous en rendiez compte. En effet les bacs de collecte des déchets sont connectés, ils alertent automatiquement les services en charge lorsqu'ils sont pleins. Le technicien est passé réparer l'ascenseur avant qu'il ne tombe en panne (une alerte avait été déclenchée par le système de maintenance prédictive qui surveille les équipements). Une fuite d'eau a été détectée sur la chaudière, celle-ci s'est mise en sécurité et un ordre de réparation a été créé automatiquement. Et bien plus encore… »
Concernant l'habitat, les mêmes points clés sont impactés : le confort, la sécurité et l'énergie.
  • Le confort :L'IoT pourrait permettre le maintien des personnes âgées ou à mobilité réduite à domicile. Contrôler l'électroménager via une tablette ou un smartphone rend la vie plus facile. Le réfrigérateur connecté qui ne serait pas ouvert suffisamment régulièrement pour une alimentation correcte est capable d'adresser un message à la famille. Une caméra connectée permet d'en vérifier le contenu. Le confort est important et permet de maintenir une personne dans son environnement en tranquillisant ses proches.De manière plus générale, la domotique connectait à l'origine les objets à une base permettant de les contrôler. Le développement de l'IoTpermet désormais de les connecter directement entre eux. La communication M to M optimise le confort du logement. Ainsi un système de climatisation peut être relié à un volet orientable en fonction de la lumière du soleil. Un système de chauffage peut alimenter un logement en prenant en compte le besoin de chaleur et le montant mensuel maximum des dépenses du foyer pour allier confort et budget. L'analyse de l'occupation de chaque pièce du logement et du comportement de ses occupants trouve une application concrète dans l'IoT.L'IoT permet également la gestion de l'immeuble intelligent en détectant immédiatement une fuite, un dysfonctionnement électrique, etc. Reliée à un smart contract, la détection d'un problème technique déclenche immédiatement l'intervention d'un professionnel choisi initialement. Le smart contract impute la charge des travaux à celui du propriétaire ou du locataire convenu. Cette configuration nouvelle semble disrupter les syndics, agences de location et autres intermédiaires de l'immobilier. Par l'IoT, le rôle de gestionnaire d'immeuble peut disparaître. Mais il peut aussi prendre un tour nouveau. La question se pose de savoir qui maîtrise l'immeuble intelligent. Le gestionnaire contrôlant les datas a une position de force inédite.
  • La sécurité :Comme le démontre l'exemple précédent, un compteur d'eau ou d'électricité, un ascenseur peuvent être connectés. C'est également le cas d'une dalle béton avec l'intérêt de la prévention d'un risque sismique. Le comptage et la géolocalisation des personnes sont également des moyens importants en cas de nécessité d'évacuer un bâtiment.
  • L'énergie :Le difficile recyclage des objets connectés et l'émission d'ondes de plus en plus nombreuses posent la question de l'impact environnemental lié au développement de l'IoT. Cependant, il ne faut pas cataloguer trop vite les objets connectés. Le bâtiment est au cœur des problématiques environnementales actuelles. Sa part dans l'énergie mondiale consommée est actuellement de 40 %. En France, le résidentiel et le tertiaire cumulés représentent 47 % de l'énergie consommée en 2016. L'électricité, le chauffage, l'air conditionné, l'eau chaude sanitaire sont plus énergivores que l'industrie ou les transports. L'IoT permet la gestion de l'énergie. L'utilisateur gère sa consommation personnelle. Le producteur analyse les besoins des consommateurs au moyen des informations recueillies. Le contrôle de la surproduction et de la perte d'énergie permet l'anticipation des pics de pollution. Placer des capteurs dans les équipements rendant perceptibles la qualité et la quantité des flux permet de créer des algorithmes capables d'anticiper des modèles de consommation. Grâce à ses capacités prédictives, l'IoT pourrait donc se révéler un acteur important dans la recherche d'une consommation d'énergie raisonnée.Les smart grids sont des réseaux électriques intelligents ayant pour objectif une gestion durable de l'énergie. L'acheminement de l'électricité est fondé sur la centralisation de la production d'énergie dans quelques sites pour être ensuite distribuée. L'échange d'énergie se fait habituellement du producteur au consommateur et réciproquement. La blockchain et le smart contract permettent également de l'envisager directement entre particuliers.La blockchain participe à la transition énergétique en facilitant la mise en place des microgrids d'autoconsommation collective. Elle enregistre la production et la consommation d'électricité en temps réel tout en garantissant la provenance d'une électricité verte. Elle permet également de comptabiliser précisément la consommation de chacun. Pour être efficient, le mécanisme a besoin de souplesse car la production d'énergie verte de type éolien ou photovoltaïque varie en fonction de la météorologie. En cas de besoin, l'usager du réseau autonome peut donc se connecter au réseau d'électricité centralisé.La technologie smart contract permet par ailleurs d'aller plus loin en automatisant les échanges peer-to-peer . Chaque utilisateur est tantôt consommateur, tantôt producteur. Le paiement de l'énergie consommée est automatisé sans action des parties. Le smart contract s'exécute dès lors que les conditions fixées sont remplies. Techniquement, chaque utilisateur particulier devrait disposer d'un compteur électrique relié à la blockchain. Chaque utilisateur serait identifié par un smart contract précisant les modalités d'achat ou de revente de l'énergie. Les conditions fixées par le smart contract peuvent toucher à l'aspect financier en favorisant le microgrid lorsque le coût de l'énergie est inférieur à un montant déterminé. Il peut également préférer au réseau centralisé le microgrid lorsqu'il propose une énergie propre. D'autres conditions pourraient être prévues.
Sans doute un tel système permet-il en contrepartie de couper l'électricité chez un mauvais payeur…
La ville entière devient smart. Ainsi la gare Aix-en-Provence TGV est équipée du système mis en place par la startup montpelliéraine Kuzzle https://objectif-languedoc-roussillon.latribune.fr/innovation/innovation-technologique/2019-01-08/ces-2019-kuzzle-accelere-la-digitalisation-du-smart-building-803037.html">Lien, consulté le 9 octobre 2020. permettant de gérer en temps réel les infrastructures (ascenseurs, escalators, etc.) et l'énergie (l'intensité lumineuse varie selon le besoin et les personnes présentes). La question de l'intensité lumineuse et de la chaleur solaire s'est également posée lors de la réhabilitation de l'ancienne gare maritime de Bruxelles www.divercitymag.be/fr/un-vitrage-intelligent-a-tour-taxis/">Lien, consulté le 9 octobre 2020. . La solution trouvée consiste dans un verre intelligent équipé de cellules photovoltaïques pour gérer la chaleur et se teintant pour tenir compte de l'intensité lumineuse.
Si l'énergie proposée a un coût maximum de … €, alors le microgrid devra être préféré au réseau centralisé, sinon, le réseau centralisé alimentera le logement.
Si l'énergie produite provient d'une production solaire, alors le microgrid devra être préféré au réseau centralisé, sinon, le réseau centralisé alimentera le logement.

Le (BMG), comment ça marche ?

En 2016, Lo Energy, spécialiste de l'énergie solaire, et ConsenSys, société de technologie logicielle blockchain spécialisée sur Ethereum, se sont alliés pour lancer le Brooklyn Microgrid Project. Le choix s'est porté sur un quartier de Brooklyn où les installations photovoltaïques en toiture étaient particulièrement répandues. Comptant à l'origine quatre participants, l'expérience réunit à ce jour environ trois cents logements et cinquante sites de production essentiellement photovoltaïques.
Le projet, soutenu par l'État de New York, consiste à développer un système électrique décentralisé à l'échelle d'un quartier. L'objectif affiché est le développement d'une économie verte et locale.
Deux types d'utilisateurs composent le réseau. Certains sont à la fois producteurs et consommateurs. Équipés de panneaux photovoltaïques éventuellement couplés avec des systèmes de stockage, ils utilisent le réseau pour fournir et recevoir l'énergie. Les autres sont uniquement consommateurs. Trois groupes classés selon leur degré d'importance composent cette seconde catégorie. Sont priorisés les hôpitaux et bâtiments publiques, les commerces, puis les logements.
La technologie des smart contracts contribue à créer un marché local de l'énergie. L'énergie produite circule d'une habitation à l'autre et les échanges sont gérés sur Ethereum. Si un utilisateur produit plus qu'il ne consomme, il dispose d'un excédent d'énergie. Il peut le vendre et reçoit en retour des tokens appelés solar coins ">Lien. Il pourra à son tour les utiliser lorsqu'il consommera plus qu'il ne produit.
Certains utilisateurs ont complété leur installation solaire avec un générateur gaz ou diesel. Afin d'intégrer la dimension écologique au système, les jetons n'ont pas le même prix selon l'importance de la part renouvelable dans l'énergie revendue.
Fournisseur local d'énergie de la filière traditionnelle, l'entreprise ConEdison est partie prenante au projet. À terme, l'objectif de la New York State Energy Research and Development Authority (Nyserda) est de proposer un réseau entièrement décentralisé. Totalement autonome, la communauté gérera le réseau en interne par l'échange de ressources et vis-à-vis du monde extérieur en revendant le surplus local au réseau régional ou national.
Au-delà de la seule idée d'une production locale, c'est un système efficient et à coût faible qui est proposé.
Le système centralisé est dimensionné pour gérer les pics de consommation d'énergie. L'ensemble des installations, réseaux, abonnements sont conçus par rapport aux quelques moments de l'année nécessitant une énergie massive. Le système de particulier à particulier fonctionne inversement. Chacun produit l'énergie nécessaire à la communauté et le système centralisé n'est sollicité qu'en renfort. Dans ces conditions, il n'est pas utile de le surdimensionner.
L'idée de rentabilité des installations est exclue. Chacun des utilisateurs met en place une installation pour son autoconsommation. Les frais généraux générés par cette installation sont les mêmes que l'électricité soit revendue sur le réseau ou non. Le prix est fixé indépendamment de cette notion. Il s'agit de partager la ressource et d'éviter le gaspillage, non de faire un bénéfice. La dimension collaborative prime. Il est satisfaisant de savoir que lorsque je pars en vacances, l'énergie produite sur mon toit alimentera le réfrigérateur de mon voisin.
La transparence de la blockchain permet une vision partagée de la consommation effective. Elle offre également la sécurité et la fiabilité. Grâce au chaînage, il est impossible de falsifier la consommation. Pour modifier chaque instant de la chaîne, il faudrait hacker chaque maillon simultanément.
Le système pose de nombreuses questions. La poursuite de l'engouement à long terme, le volume échangé par rapport à la consommation totale ou encore le risque que les intérêts économiques supplantent la qualité verte de l'énergie sont autant de points d'interrogation sur le long terme.
Toujours est-il que l'idée d'une consommation verte produite à l'échelle locale de manière autonome, en totale rupture avec la production actuelle, est séduisante et ne manquera pas de faire des émules.
Suivant l'exemple de Brooklyn, Bouygues Immobilier, associé à Energisme et Stratumn, a lancé le premier projet de smart grid français, dans le quartier lyonnais de Confluence. La Poste, propriétaire d'un parc de panneaux solaires important, étudie également la possibilité de concevoir un smart grid par sa filiale Docapost. Grâce à la solution développée par TEO, les consommateurs peuvent choisir le type d'énergie souhaitée (éolienne ou solaire), sa provenance et être informés de l'impact de leur choix de consommation sur la réduction de l'empreinte carbone. D'autres initiatives pourraient suivre.