? Aujourd'hui. ? L'opération « intellectuelle » précitée se rapporte à l'intelligence. Selon la sensibilité de l'auteur de la définition, le terme « intelligence » renverra tantôt à une capacité exclusivement humaine
L'intelligence est l'ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle / Aptitude d'un être humain à s'adapter à une situation, à choisir des moyens d'actions en fonction des circonstances (www.larousse.fr/dictionnaires/francais/intelligence/43555">Lien).
, tantôt à une capacité pouvant ne pas être humaine
L'intelligence est l'ensemble des processus retrouvés dans des systèmes, plus ou moins complexes, vivants ou non, qui permettent de comprendre, d'apprendre ou de s'adapter à des situations nouvelles. La définition de l'intelligence ainsi que la question d'une faculté d'intelligence générale ont fait l'objet de nombreuses discussions philosophiques et scientifiques (https://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence">Lien).
. Pour les acteurs du monde numérique les plus audacieux, l'IA serait donc à même de tenir un raisonnement juridique. Cela supposerait que la logique des algorithmes soit compatible avec la rationalité du droit. Cela supposerait également que la machine puisse qualifier, interpréter puis appliquer la bonne règle de droit à l'aide de données objectives, c'est-à-dire qu'elle puisse suivre les étapes de 1/ à 4/ précitées en appliquant le bon syllogisme juridique. Qu'en est-il réellement ? À ce jour, il semble que l'IA soit d'ores et déjà en mesure d'effectuer les deux premières étapes du raisonnement juridique précité basées sur la recherche
V. supra, no .
. C'est à tout le moins ce que semble démontrer une étude comparative américaine de 2018. Dans le cadre d'une compétition, il avait été demandé à des humains (vingt lawyers) et à un logiciel utilisant l'IA (LawGeex) de comparer le contenu de cinq accords de confidentialité pour rattacher chaque passage identifié des contrats à trente thèmes prédéfinis
B. Dondero et B. Lamon, Juristes humains contre IA : l'analyse de contrats?À propos de l'étude LawGeex : JCP G 19 nov. 2018, no 47, 1201.
. À noter qu'il n'a pas été demandé aux participants d'effectuer une analyse juridique de l'opportunité, de la clarté ou de la légalité des clauses. Les résultats moyens du groupe ont démontré que la machine a obtenu, dans tous les thèmes définis, de meilleurs résultats que l'humain. Même si une étude plus précise démontre toutefois que deux humains ont de meilleurs résultats que la machine dans l'analyse de certains contrats. Cette étude ne démontre aucunement la capacité d'une machine à tirer des conclusions d'analyses qu'elle n'opère pas. Elle démontre cependant que la machine est globalement meilleure et surtout plus rapide que l'humain dans la recherche de l'information. En effet, alors que les humains ont employé un temps moyen de 92 minutes à l'analyse de ces cinq contrats (51 minutes au minimum, 156 au maximum), la machine n'a mis que 26 secondes ! Et c'est peut-être là tout l'intérêt de l'IA actuellement pour les professionnels du droit : gagner du temps dans la recherche et la collecte des informations pour en consacrer davantage à leurs analyses et aux conclusions à en tirer. Le conseil juridique s'en trouvera amélioré et la sécurité juridique renforcée. Car, à ce jour, l'IA ne semble pas être en mesure d'effectuer les étapes 3/ et 4/ du raisonnement juridique prédéfini que seul l'esprit humain est en mesure d'appliquer. En effet, pour la plupart des auteurs, l'IA n'est pas l'intelligence humaine. Ainsi, comme le rappelle justement Ch. Gijsbers, « les règles de droit ne sont pas conçues et formulées en vue de leur application par des automates mais en vue d'une solution juste que seule l'intervention d'un homme peut pleinement apporter »
Entretien entre T. Attia, Ch. Gijsbers, L. Guyot, L. Leguil, F. Paul et O. Vix, Les fondamentaux du notariat confrontés à l'intelligence artificielle : JCP N 9 mars 2018, no 10, 1111.
. Ce même auteur rappelle avec un sens certain de la formule que l'esprit juridique n'est pas l'esprit géométrique en se référant au raisonnement totalement stéréotypé et à la froide logique de la pensée algorithmique. Un autre auteur écrivait en 2018 que l'IA ne comprend pas les raisonnements humains, elle ne sait rien de plus sur ce qu'est la justice, elle est seulement passée du côté marketing
D. Bourcier, Le droit va-t-il disparaître dans les algorithmes ? : LPA 7 nov. 2018, no 223, p. 8 ; V. égal. en ce sens C. Jubault, Les professions réglementées dans la révolution numérique : CDE mai 2018, no 3, dossier 14.
. D'autres auteurs s'amusent à comparer l'Homme à la machine
L'intelligence artificielle : dangers ou opportunités pour le notariat, Rapport de l'Assemblée de Liaison des notaires de France, 2018, 69e session, p. 233, § 1664.
. Ils soulignent « l'adaptabilité, l'agilité et la flexibilité de l'homme, sa curiosité, sa motivation de progresser, sa capacité d'analyse, son intelligence émotionnelle » que n'a pas la machine. L'IA ne sait pas être empathique. Enfin, encore très récemment, un auteur affirme même que l'intelligence artificielle n'existe pas et qu'il s'agit d'une erreur de langage
L. Julia, L'intelligence artificielle n'existe pas, First éditions, 2020 ; à ce propos, on peut noter la définition de l'IA proposée par le Larousse : « Ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine » (www.larousse.fr/dictionnaires/francais/intelligence/43555/locution?q=intelligence#180249">Lien).
.
L'IA ne sait traiter de cas très précis que si des informations spécifiques lui sont délivrées en très grand nombre. L'IA ne sait pas généraliser. Et encore faut-il que les données qui l'alimentent ne soient pas biaisées par des partis pris ou par des lacunes, voire des discriminations. En effet, de telles données fausseront à leur tour les algorithmes qui donneront un résultat biaisé qui alimentera de nouveau la data et ainsi de suite. L'IA ne sait pas apporter des correctifs au résultat trouvé. Elle ne fera jamais plus que ce que l'homme lui aura demandé
L. Julia, Entretien en visioconférence, Paris, 9 oct. 2020.
. Si aujourd'hui l'IA n'est pas en mesure d'effectuer toutes les étapes du raisonnement juridique, qu'en sera-t-il demain ?
L'IA n'existe pas !
Tout au plus peut-on parler de capacité cognitive ou mémorielle augmentée, mais pas d'intelligence telle qu'elle est définie habituellement.