Le BIM en France

Le BIM en France

Le BIM en France sera d'abord abordé à travers les rares textes légaux ou réglementaires traitant de ce nouvel outil (Sous-section I) , avant d'en analyser les principaux freins d'adoption en France (Sous-section II) . Ces réflexions conduiront à l'étude des autorisations administratives de travaux dans un environnement numérique, voire en BIM (Sous-section III) .

Les textes légaux et réglementaires français traitant du BIM

Contrairement à d'autres pays qui se sont lancés vers le déploiement du BIM au moyen de parcours réglementaires progressifs (par ex. : Royaume-Uni Entré en vigueur le 4 avril 2016, le UK BIM Mandate rend obligatoire, pour les marchés publics d'état hors collectivités, l'utilisation du BIM de niveau 2. Pour une analyse détaillée, V. rapport « BIM et gestion du patrimoine », op. cit., p. 13-14 ou encore PTNB, Le développement du BIM – Benchmark européen, 26 juin 2018, p. 79. ou Allemagne Le BIM sera rendu obligatoire pour tous les projets d'infrastructures relevant de la responsabilité du ministère fédéral des Transports et des Infrastructures numériques, à l'issue des travaux de la commission « Road Map for Digital Design and Construction » lancée en 2017. ) allant jusqu'à rendre le BIM obligatoire dans la commande publique, la France a choisi une stratégie d'adoption volontaire sans contrainte spécifique, fondée sur l'incitation des professionnels du secteur.
Il n'existe actuellement qu'un seul texte français traitant directement du BIM en matière de commande publique, le décret no 2016-360 du 25 mars 2016 D. no 2016-360, 25 mars 2016 d'application de l'ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015 relatif aux marchés publics codifié au sein des articles R. 2132-10 et R. 2132-14 du Code de la commande publique. Art. R. 2132-10 : « L'acheteur peut, si nécessaire, exiger l'utilisation d'outils et de dispositifs qui ne sont pas communément disponibles, tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires. Dans ce cas, il offre un ou plusieurs des moyens d'accès mentionnés à l'artilce R. 2132-14, jusqu'à ce que ces outils et dispositifs soient devenus communément disponibles aux opérateurs économiques ». qui est la transposition de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics La directive 2014/24/UE du 26 février 2014, art. 22, prévoit : « Pour les marchés publics de travaux et les concours, les États membres peuvent exiger l'utilisation d'outils électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires » (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32014L0024">Lien). . Ce texte permet aux acteurs publics, à l'initiative de la commande publique, d'exiger l'utilisation d'outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou d'outils similaires. L'approche de la France est entièrement basée sur le volontariat et l'on peut observer que même la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi Elan », malgré l'ambition de son titre quant au numérique, n'évoque à aucun moment la maquette numérique ou le BIM.
Plus récemment, deux arrêtés du 12 juillet 2019 A. 12 juill. 2019, portant création du titre professionnel de coordinateur BIM du bâtiment, art. 1 : JO 27 juill. 2019, no 0173, texte no 22 et A. 12 juill. 2019, portant création du titre professionnel de BIM modeleur du bâtiment, art. 1 : JO 27 juill. 2019, no 0173, texte no 24 (www.legifrance.gouv.fr">Lien). ont créé deux nouveaux titres professionnels de « coordinateur BIM du bâtiment », qui veille à la bonne application des chartes, méthodes et protocoles sur des projets à réaliser selon une démarche BIM, et de « BIM modeleur du bâtiment », qui est en charge de la modélisation de la maquette numérique d'un projet de construction pour un ou plusieurs corps d'état. Le BIM Manager qui est chargé de piloter la démarche BIM du projet ne bénéficie pas à ce jour d'un titre professionnel dédié.
Deux axes prioritaires se distinguent dans ce plan dont les travaux débutent :
  • généraliser et structurer la demande de BIM dans les projets ;
  • accompagner les acteurs pour se doter des outils BIM et les maîtriser.
Malgré le choix de ne pas forcer réglementairement le BIM, la France n'est pas significativement en retard par rapport à ses voisins Présentation détaillée des différents plans dans « Pour aller plus loin », no . . Dès 2009, la France a initié successivement des plans de recherche et de promotion du BIM, dont le dernier en date est le Plan BIM 2022. Selon un benchmark PTNB, Le développement du BIM – Benchmark européen, 26 juin 2018 (https://plan-bim-2022.fr/actions/plan-bim-2022-ptnb-axe-a/le-developpement-du-bim-benchmark-europeen">Lien). réalisé par le Plan transition numérique dans le bâtiment (PTNB), la France figure en tête pour le nombre d'appels d'offres de marchés publics incluant un volet BIM ou IFC passés et publiés dans le Journal officiel de l'Union européenne (JOUE). Dans ce classement, elle est immédiatement suivie par l'Allemagne et le Royaume-Uni.
À l'occasion de la première édition des Assises du Logement Les Assises du Logement qui se sont tenues le 15 novembre 2018 au Conseil économique, social et environnemental à Paris, ont réuni une cinquantaine d'intervenants sur le thème « Comment produire des logements confortables, économes, évolutifs et adaptés ? Réglementations, Loi Elan, tendances et perspectives ». Elles ont été conclues par le ministre chargé de la ville et du logement, J. Denormandie, avec notamment la signature du Plan BIM 2022 entre la filière du bâtiment et l'État. , le ministre chargé de la ville et du logement a signé, avec la filière de la construction, le plan BIM 2022, qui a pour but d'accélérer la transformation digitale dans la construction, et vise à fournir aux professionnels de la construction des méthodes nouvelles pour faciliter et améliorer la construction des bâtiments.

Synthèse des principales actions menées en France en vue d'étudier, de promouvoir et d'organiser l'adoption du BIM

La France s'est très tôt inquiétée de la digitalisation de l'industrie française en initiant dès 2005 un programme TIC et PME 2010 Lancé fin 2005 par le ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, le Programme TIC & PME 2010, placé sous la responsabilité de la Direction générale des entreprises (DGE) vise à améliorer la compétitivité des entreprises et des territoires grâce au numérique. afin de pallier l'insuffisante intégration des « technologies de l'information et de la communication dans les PME ». Dans le rapport de synthèse Marc Sahraoui, consultant, évaluateur des programmes TIC&PME2010 Rapport TIC&PME2010. , le programme cible en ces termes le « retard important des entreprises françaises : l'enquête menée en 2008 auprès des vingt-sept pays de l'Union européenne (indicateur i2010) montre que le pourcentage d'entreprises françaises apparaît très en dessous de la moyenne européenne : dix-neuvième sur les vingt-sept de l'UE pour les flux d'informations liés à la réactivité de l'entreprise (gestion des stocks et des livraisons) et à sa gestion des relations fournisseurs. ▪▪
Or, ce sont ces flux qui sont essentiels pour améliorer la productivité de la chaîne de valeur interentreprises, sous réserve que leur usage se fasse à une échelle suffisamment grande dans l'ensemble de la chaîne de valeur pour générer un bénéfice économique. La dimension collective des projets de filières ciblés par le programme TIC&PME2010 se révèle ainsi indispensable pour faire bénéficier l'économie française des gains de productivité possibles dans les relations interentreprises. » ».▪▪
Parmi les seize projets du programme TIC et PME 2010 ayant permis de définir des standards d'échanges électroniques entre les entreprises, la filière du bâtiment s'est illustrée avec le projet eXpert-Bâtiment rassemblant les métiers de la filière construction.
Sous le projet « La maquette numérique » qui correspond au BIM, sept groupes métier se sont réunis sur une période de deux ans :
  • maîtrise d'ouvrage et exploitants ;
  • industriels et fabricants de produits pour la construction ;
  • maîtrise d'œuvre (architectes, ingénieurs, économistes, ordonnateurs pilotes coordonnateurs [OPC]) ;
  • entreprises de BTP ;
  • éditeurs de logiciels et sociétés de services internet pour le BTP ;
  • enseignement et formation professionnelle ;
  • foncier et géolocalisation.
Ce programme conduit en partenariat avec les principales organisations du BTP a ciblé de manière précoce les trois conditions à l'adoption du BIM : 1) disposer d'un standard ; 2) implémenter le standard, et 3) promouvoir l'usage du standard. La réponse à ces conditions a été trouvée dans l'adoption des IFC et l'implémentation des outils de production (CAO, calculs, etc.). Les participants du groupe eXpert ont en parallèle mené des actions de promotion du BIM auprès de l'ensemble des acteurs de la construction pour les familiariser avec ce nouveau concept. Un des moyens mis en œuvre a été l'instauration d'un « BIM tour » en régions avec l'organisation du premier BIM's day en 2009.
Le groupe eXpert a dressé le constat qu'en France, l'appropriation des pratiques d'exploitation des maquettes numériques d'échange est plus difficile à mettre en œuvre que dans les autres domaines de la construction et de l'aménagement. Les causes de ces difficultés seraient : la dispersion, la multiplicité et l'hétérogénéité des acteurs, et un handicap structurel pour mettre en œuvre des méthodes collaboratives Constat mis en évidence lors du Projet eXpert (V. site de Mediaconstruct). Mediaconstruct a aussi constaté que c'est le cas pour la majorité des pays de culture latine. .
Ainsi le BIM a émergé en France comme une forme de réponse à l'enjeu du partage d'informations et de l'adoption de modes de communication ordonnés en matière de construction.
Le programme eXpert s'est poursuivi avec un nouveau programme « BIM 2015 » déposé par buildingSMART France dans le cadre des « TIC et PME 2015 » Lancé fin 2005 par le ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, le Programme TIC & PME 2010, placé sous la responsabilité de la Direction générale des entreprises (DGE), vise à améliorer la compétitivité des entreprises et des territoires grâce au numérique. afin d'exploiter les résultats du projet eXpert. Les termes de l'appel à projet « TIC et PME 2015 » sont éloquents : « Les entreprises françaises sont particulièrement en retard dans l'usage du numérique pour gérer les échanges avec leurs partenaires : ainsi en 2008, seulement 12 % des entreprises françaises de plus de dix salariés recouraient au partage électronique d'informations avec leurs fournisseurs et/ou leurs clients, contre 17 % en moyenne sur l'UE15, 16 % dans l'UE27 et 35 % en Belgique ».
Le nouveau programme BIM 2015 réunissant les acteurs de la filière a duré deux ans avec pour objectif de favoriser la généralisation du BIM-IFC dans les PME. Les travaux ont permis de faire émerger le format BIMétré Le standard BIMétré a été mis au point avec la Fédération française du bâtiment (FFB), Mediaconstruct et les principaux éditeurs. BIMétré est un format de fichier standard pour l'échange du bordereau des travaux entre la maîtrise d'œuvre et les entrepreneurs, utilisé dans les logiciels de devis-métré en relation avec la CAO-BIM des maîtres d'ouvrage. , ainsi qu'une certification nationale IFC.
En parallèle de ces initiatives qui ont permis le développement du BIM sous l'angle du data et de la digitalisation des échanges, les pouvoirs publics se sont intéressés au BIM sous l'angle du développement durable et de la performance de la filière construction, principalement dans le logement.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, un groupe de travail « Plan Bâtiment Grenelle » piloté par Philippe Pelletier, avocat, a été lancé en 2009 sous autorité ministérielle, pour coordonner l'élaboration d'un plan d'action pour réduire les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments.
Le groupe de travail a identifié que la maquette numérique, le BIM et le format IFC permettraient une meilleure interaction entre les acteurs, et a donc souhaité promouvoir la démarche BIM. Dès 2009, un sous-groupe de travail « Innovation et Recherche » a formulé vingt-huit propositions concernant le BIM Rapport « BIM et Gestion du patrimoine », op. cit., p. 16. .
Un groupe de travail dédié au BIM a été formé sous le nom de « BIM et Gestion du patrimoine », piloté par Frank Hovorka, département pilotage du groupe Caisse des dépôts et Pierre Mit, président de l'Union nationale des économistes de la construction.
Après plus d'un an de concertation avec les acteurs de la filière, le groupe de travail a remis un rapport Plan Bâtiment durable – Rapport groupe de travail « BIM et Gestion du patrimoine » – Un avatar numérique de l'ouvrage et du patrimoine au service du bâtiment durable : le « Bâtiment et Informations Modélisés » (BIM), mars 2014. Le groupe de travail est aussi identifié sous le vocable « Plan Bâtiment » ou « Plan Bâtiment Grenelle ». contenant une présentation du BIM et des propositions en vue de son adoption en France. Le rapport propose une définition française du BIM, cible les évolutions à opérer sous l'angle humain, technique, économique, financier et juridique.
Le rapport synthétise clairement les enjeux de productivité pour la filière construction tout au long du cycle de vie de l'immeuble. Le rapport livre par exemple un comparatif entre le niveau de détail des informations de construction d'un véhicule automobile par rapport à la construction d'un immeuble Rapport « BIM et Gestion du patrimoine », op. cit. p. 9 : « Plus d'informations sur ma voiture que sur mon bien immobilier ?! ». . Cette comparaison démontre l'incapacité actuelle de la filière du bâtiment à délivrer une documentation ordonnée et réutilisable par le futur utilisateur de la construction et voit dans le BIM un remède à ce problème. Les propositions du rapport ont constitué les fondements des plans BIM poursuivis sous la tutelle de l'État.
Dans le prolongement des travaux du Plan Bâtiment Grenelle qui ont une approche globale et stratégique, la Caisse des dépôts et consignations a initié une recherche avec les acteurs de la commande publique sous l'angle de la performance et de la gestion d'un parc immobilier.
Le groupe de travail « BIM et Gestion du patrimoine » a analysé onze cas correspondant à environ 100 000 logements sociaux, 4 000 000 m2 de surface de patrimoine de conseils régionaux, près de 1 200 000 m2 de surface de locaux d'enseignement et de recherche et près de 7 000 000 m2 de surface de patrimoine d'immobilier tertiaire. Le rapport, diffusé au format d'un livre blanc Livre blanc – Maquette numérique et gestion patrimoniale – Préparer la révolution numérique de l'industrie immobilière, mai 2014 (www.planbatimentdurable.fr/publication-du-livre-blanc-sur-la-maquette-a795.html">Lien). , contient des données chiffrées sur les gains attendus par les maîtres d'ouvrage en phase d'exploitation, en partant du constat que : « Les phases d'exploitation/maintenance d'un bâtiment durant dix fois plus longtemps que les phases de conception/ construction, les coûts d'exploitation sont six fois supérieurs aux coûts de construction, les maîtres d'ouvrage, gestionnaires et exploitants doivent donc être les principaux bénéficiaires de la maquette numérique qui modélise les données du Bâtiment permettant de constituer un référentiel dynamique de données patrimoniales graphiques interopérable ». La Caisse des dépôts, qui est partenaire privilégié des bailleurs sociaux et collectivités, poursuit ses travaux et publie régulièrement du contenu sur la digitalisation immobilière.
Dans une approche de terrain, le Plan urbanisme construction architecte « Puca » Le Plan urbanisme construction architecture (Puca), est un organisme interministériel de recherche et d'expérimentation placé sous la tutelle des ministères de la Transition écologique et solidaire, de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, de la Culture et de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Depuis sa création par arrêté du 23 avril 1998, le Puca développe des programmes de recherche incitative, des actions d'expérimentations et apporte son soutien à l'innovation et à la valorisation scientifique et technique dans les domaines de l'aménagement des territoires, de l'habitat, de la construction et de la conception architecturale et urbaine (Source : site internet du Puca, www.urbanisme-puca.gouv.fr/missions-organisation-deontologie-r27.html">Lien). et l'Agence de la transition écologique (ADEME) L'Ademe est un établissement public sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation des ressources. ont lancé une consultation publique de type recherches-actions à l'échéance de fin 2013, au moyen du programme « BIM – Maquette numérique » C'est pour explorer ces questions que le Puca et ses partenaires ont lancé, dans le cadre du Prébat, le programme « BIM maquette numérique ». Il comporte deux volets : un référencement des bonnes pratiques ; la sélection de processus, concepts, idées, services pouvant conduire à des expérimentations sur des opérations de bâtiments de toute nature (Source : site internet du Puca, www.urbanisme-puca.gouv.fr/bim-maquette-numerique-r69.html">Lien). , sous forme d'appel à projet aux acteurs de la filières pour créer des clusters, identifier les verrous de l'optimisation digitale des échanges dans la construction et travailler sur des références contractuelles permettant notamment d'assurer la sécurité des échanges entre acteurs. Le programme se poursuit actuellement. À ce jour, trente-quatre projets ont été lauréats dans les deux guichets expérimentations et bonnes pratiques Liste des lauréats accessibles sur le site du Puca (www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/laureats_bim.pdf">Lien). .
Les travaux pilotés par le Puca qui se poursuivent encore aujourd'hui sont ancrés dans la pratique et l'expérimentation du BIM dans le prolongement des préconisations stratégiques des plans gouvernementaux (Plan Bâtiment Grenelle ou Plan BIM 2022).
Le Puca a mené plusieurs études et évaluations transversales sur le BIM avec des groupes de travail, notamment un rapport d'avril 2016 Le BIM ? Oui, mais… l'interopérabilité dans le secteur du bâtiment ? (Source : site internet du Puca, www.urbanisme-puca.gouv.fr/le-bim-oui-mais-l-interoperabilite-dans-le-secteur-a1777.html">Lien). en trois parties d'un groupe de réflexion « BIM Serveur Intelligent » piloté par Mediaconstruct et commandé par le Puca en décembre 2014. L'objectif de la mission était d'analyser l'écart entre l'engouement présumé du BIM et la pratique réelle dans le contexte difficile du bâtiment. Les trois axes de réflexion du rapport sont les expérimentations du BIM-IFC dans l'objectif de l'interopérabilité, les procédures de transformation d'objets, et l'outil d'exploitation adapté (le BIM Serveur Intelligent).
Le rapport est scindé en trois parties. La première partie synthétise dans les grandes lignes l'état de l'art du BIM et les objectifs de recherche du groupe de travail vers un « BIM parfait », interopérable et intelligent. La deuxième partie du rapport rend compte d'une véritable expérimentation via un protocole test d'interopérabilité du BIM et des outils existants au travers d'un projet déjà édifié : la Maison du Bâtiment du Val-d'Oise Installée rue Francis Combe, à Cergy, la Maison du Bâtiment Val-d'Oise abrite entre autres les nouveaux locaux de la Fédération française du bâtiment Val-d'Oise (FFB 95) ainsi que des services pour les entreprises et artisans du bâtiment : banque, assurance, services sociaux et médicaux. . Le rapport conclut que : « L'exploitation du BIM IFC normalisée ISO n'est pas suffisamment avancée par l'ensemble des éditeurs pour envisager dans l'immédiat une pratique de l'interopérabilité simple et efficace à travers des outils dédiés ». La troisième partie fait une analyse prospective des freins et leviers au développement des outils et logiciels du « BIM parfait ».
On peut également citer une étude très récente du Puca, « BIM et maquette de gestion exploitation-maintenance » BIM et maquette de gestion exploitation maintenance : premiers enseignements, nov. 2019 (Source : site internet du Puca, www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/plaquette_bim_web-2.pdf">Lien). , qui dresse un premier bilan de l'utilisation du BIM sous l'angle de la gestion et la maintenance du bâtiment.
Dans le prolongement des travaux du Plan Bâtiment Grenelle, une commission de normalisation des références des produits de construction au sein du BIM Commission Afnor « PPBIM » qui a élaboré et publié en janvier 2015 la norme NF XP P07-150 (dite « norme PPBIM ») « Propriétés des produits et systèmes utilisés en construction – Définition des propriétés, méthodologie de création et de gestion des propriétés dans un référentiel harmonisé ». L'expérimentation et la mise en place de cette norme figurent parmi l'un des cinq programmes prioritaires retenus par le Plan transition numérique dans le bâtiment (PTNB) présidé par Bertrand Delcambre. Cela permettra par la suite de constituer le dictionnaire harmonisé « PPBIM France ». a été lancée en 2012 par l'Association française de normalisation (Afnor) à l'initiative de l'Association des industriels des produits de construction (AIMCC) et de Mediaconstuct L'association Mediaconstruct, est une association loi 1901 créée en 1989 pour aider à la diffusion et l'appropriation des NTIC dans toute la filière Bâtiment ; cette association œuvre pour l'interopérabilité des logiciels dans le cadre de la maquette numérique « libre » normalisée ou OpenBIM. Mediaconstruct est le chapitre francophone de BuildingSMART International en charge d'un ensemble de normes relatives à la maquette numérique (dont l'ISO-IFC). .
D'autres initiatives gouvernementales peuvent être citées, notamment le rapport « Objectifs 500 000 » La ministre du Logement et de l'Égalité des territoires a initié une démarche, baptisée « Objectifs 500 000 », reposant sur quatre groupes de travail en charge de réfléchir sur les normes (GT1), sur la mobilisation du foncier (GT2), sur l'adaptation du logement (GT3) et sur l'innovation (GT4). Le GT4 a travaillé sur l'ensemble des innovations du secteur du bâtiment, tant techniques qu'organisationnelles. Son rapport remis le 21 février 2014 est accessible ici : https://media.xpair.com/pdf/basse-consommation/Rapport-GT4-Objectifs500000.pdf">Lien dont les travaux concluent à l'obligation de faire rentrer le bâtiment dans l'ère du numérique pour booster la performance de la filière. Les difficultés ciblées par le rapport sont l'interopérabilité et la traçabilité des évolutions successives de la maquette. Concernant l'échéance de la généralisation de la maquette, le groupe propose d'unifier les outils et méthodes d'ici à 2017, la formation et le déploiement de ces derniers entre 2017 et 2020, et la généralisation à compter de 2020.
  • convaincre et donner envie à tous les acteurs, et notamment aux maîtres d'ouvrage. Il s'agit en particulier de créer un portail du Bâtiment numérique accessible à tous les acteurs ;
  • répondre aux besoins d'équipement et de montée en compétences numériques des acteurs, notamment TPE/PME. Par exemple, le développement de la formation numérique ;
  • développer des outils adaptés à la taille de tous les projets. Il s'agit notamment de mettre en place des kits BIM (offre matérielle, logicielle et services) ou encore la numérisation de processus administratifs et financiers ;
  • installer la confiance de l'écosystème du numérique français, notamment en définissant les systèmes de normes et bibliothèques de données utiles à la maquette numérique.
La relève du Plan Bâtiment durable est assurée par le lancement en juin 2014 Bertrand Delcambre a été nommé « Ambassadeur du numérique dans le bâtiment » par Sylvia Pinel, ministre du Logement et de l'Égalité des territoires, dans le contexte du plan de relance pour le logement lancé en 2014. de la mission « Numérique et Bâtiment » confiée à Bertrand Delcambre, alors président du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) dans le cadre du Plan de relance de la construction. Ce groupe de réflexion a été missionné pour dresser un état des lieux du savoir-faire numérique français appliqué au bâtiment, et identifier les axes stratégiques du développement en vue d'une généralisation à l'horizon 2017. En à peine six mois, le groupe de travail collectera près de cent trente consultations d'acteurs privés et publics et diffusera un rapport B. Delcambre, rapport « Mission Numérique et Bâtiment », 2 déc. 2014 (www.planbatimentdurable.fr/publication-du-rapport-de-la-mission-numerique-du-a858.html">Lien). contenant une analyse d'opportunité du BIM pour chaque acteur du processus (maîtres d'ouvrage, maîtres d'œuvre, promoteurs, entreprises, industriels) et un plan d'action en quatre axes :
Plus de cinq ans après les premiers travaux du Plan Bâtiment durable, le BIM se présente toujours comme une démarche inéluctable de numérisation de la construction et un gisement de performance pour toute la filière ; le rapport a conclu « qu'il ressort un souhait commun et partagé de lancer une mobilisation générale sur la thématique de la numérisation de la filière, et ce sous l'égide de l'État ».
Mais l'expression de cette forte ambition ne se traduisait visiblement pas sur le terrain de la technologie, l'incitation à l'adoption étant repoussée à de nouveaux plans d'action assez génériques à un horizon de temps de trois à cinq ans.
L'étude de McKinsey France V. supra, no . a confirmé ce constat : « Le secteur de la construction entame tout juste sa mue : à l'heure actuelle, seuls 60 % des constructeurs ont commencé à déployer des technologies de maquette numérique du bâtiment (BIM – Building Information Modeling), et ce de manière très partielle puisqu'elles concernent moins de 30 % de leurs projets. »
Conformément aux recommandations du Plan Bâtiment durable, les travaux se sont poursuivis dans un nouveau « Plan transition numérique dans le bâtiment » (PTNB) Dans le cadre du plan de relance de la construction, Sylvia Pinel a annoncé lors du Conseil des ministres du 10 décembre 2014 un « Plan transition numérique dans le bâtiment » (PTNB) avec une mobilisation financière de vingt millions d'euros. La feuille de route du PTNB est accessible ici : https://www.programmepacte.fr/sites/default/files/actualites/docs/ptnb_feuille_de_route.pdf ">Lien fin 2014 avec une enveloppe de vingt millions d'euros, sous le pilotage du même Bertrand Delcambre. Partant du postulat que le BIM serait à terme une évidence technologique pour la filière, le PTNB a été directement orienté vers les acteurs qu'il fallait convaincre, former et inciter à passer au BIM.
En l'espace de trois ans, le PTNB aura accompagné quatre-vingts projets de construction, de rénovation et d'exploitation de bâtiments ayant expérimenté le BIM, parfois a posteriori, en ciblant tout particulièrement les TPE/PME qui sont les plus en retard dans leur digitalisation. Le rapport final du PTNB diffusé en décembre 2018 « Plan transition numérique dans le bâtiment », Rapport final, déc. 2018 https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-03/PTNB%20-%20Rapport%20Final%202018%20nume%CC%81rique.pdf">Lien a dressé le bilan des actions menées sur les trois axes « convaincre et donner envie », « accompagner la montée en compétences et développer les outils adaptés », et enfin « apporter de la confiance dans le numérique ».
À mi-parcours, un an et demi après le lancement du PTNB, une étude publiée dans la Revue française des sciences de l'information et de la communication S. Khainnar, Le BIM entre changement épisodique et changement continu-situé : regard de l'étudiant en formation universitaire : Revue française des sciences de l'information et de la communication 12/2018 (https://journals.openedition.org/rfsic/3412">Lien). a pointé le décalage entre la volonté de faire du BIM, quasi unanime, et son adoption réelle par la filière. Les termes de l'étude sont éloquents : « Selon nos observations, pour la plupart des cas observés, la maquette numérique en phase conception et pour la maîtrise d'ouvrage est souvent utilisée pour le moment comme un outil au service d'une meilleure compréhension du projet auprès des parties prenantes, notamment les élus qui sont les premiers clients à convaincre. Toutes les questions d'amélioration de la coordination et de la coopération entre tous les acteurs, de calcul pour mieux gérer les coûts de construction et de gestion sont relativement absentes des pratiques et des considérations au niveau opérationnel en tout cas ».
En d'autres termes, beaucoup d'acteurs jouent le jeu de la maquette 3D à des fins commerciales ou marketing, tout en continuant à travailler « à l'ancienne » sans véritable digitalisation et collaboration numérique dans la conduite du projet.
Cette étude menée par des chercheurs en sciences de l'information et de la communication, extérieurs à la filière construction, a pointé les difficultés organisationnelles du secteur de la construction et s'est interrogée très justement sur la justification du BIM à toutes les étapes : « Mais s'il faut déconnecter le BIM gestion du BIM construction, peut-être faudrait-il arrêter de parler de BIM qui est trop connoté à la maquette numérique pour parler plutôt de management de la donnée ». Cette observation révèle sous un jour scientifique la nature véritable du BIM, qui est avant tout une base de données et une méthode de management des données au format numérique, dont la maquette 3D n'est qu'une forme de représentation.
Les travaux du PTNB ont fait l'objet de nombreuses publications et initiatives, parmi lesquelles on peut notamment citer :
  • un guide à destination des maîtres d'ouvrage accompli par la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), diffusé en juillet 2016. Ce guide développe un argumentaire détaillé de l'intérêt du BIM pour le maître d'ouvrage, qui est l'acteur principal de l'initiation du BIM, et synthétise les enjeux pratiques et juridiques de la démarche pour lui et les autres acteurs de la construction avec lesquels il va interagir en BIM ;
  • un kit gratuit d'aide à la rédaction de convention BIM comprenant, sous différents formats informatiques, des modèles de contrat, des notices d'aide à la rédaction, un document de présentation ou encore un glossaire afin de permettre aux acteurs d'accompagner juridiquement l'utilisation du BIM. Le kit est délivré avec la réserve que l'outil ne traite pas des dimensions juridiques, ce qui semble assez paradoxal et fait craindre que les moins avisés juridiquement, comme les TPE, s'en remettent au kit sans totalement maîtriser leurs engagements ;
  • une étude comparative du développement du BIM au niveau européen, sous forme d'un benchmark , dressant pour chaque pays un état des lieux du secteur de la construction, un état des lieux du BIM et des indicateurs clés comparables, comme par exemple le volume de recherche du terme BIM sur internet. L'étude conclut que la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne sont les pays les plus avancés dans l'adoption du BIM ;
  • un rapport sur la stratégie française pour les actions de prénormalisation et de normalisation BIM, qui décrit le contexte et l'écosystème BIM à l'international ainsi que les projets actuels et à venir de normalisation. Ce rapport est très précieux pour comprendre les différentes couches de traitement de l'information pour administrer le BIM, classifiées en trois principales fonctions : organiser les processus (qui fait quoi ? quand ?) via les IDM et les MVD, organiser les échanges d'informations et l'interopérabilité (via les IFC), en s'appuyant sur des dictionnaires / classifications partagés. La standardisation / procédurisation de la filière construction est l'un des maillons essentiels au déploiement du BIM ;
  • une plateforme de travail collaboratif dénommée « Kroqi » développée par le CSTB. Cette plateforme publique et gratuite est un levier de digitalisation pour les acteurs de la construction, principalement les TPE/PME non outillées, qui vont pouvoir organiser entièrement l'échange d'informations, les échéances, rendez-vous, validation, etc., via la plateforme. La plateforme est en lien direct avec un viewer gratuit de maquette numérique du bâtiment – BIM multi-échelles – également développé par le CSTB. La plateforme se veut interopérable avec les autres solutions comptables IFC et des fonctionnalités tierces payantes y sont directement reliées.
Dans le cadre du plan PTNB, et en partenariat avec le Conseil supérieur de la construction et de la transition énergétique (CSCTE), un groupe de travail a été formé en septembre 2015 sur le thème du droit du numérique. Ce groupe de travail, présidé par l'avocat Xavier Pican (Lefèvre Pelletier & associés), est le premier dédié spécifiquement à la recherche sur les questions juridiques soulevées par le numérique appliqué au bâtiment. Un rapport a été remis le 31 janvier 2016 Mission « Droit du numérique et bâtiment » – Rapport au Président du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique et au président du Plan transition numérique dans le bâtiment, Xavier Pican Avocat Associé, Lefèvre Pelletier & Associés, janv. 2016. .
Ce rapport synthétise deux séries de problèmes et de solutions, selon qu'ils s'appliquent à la phase en amont de la construction (conception, construction du bâtiment, etc.), ou qu'ils s'appliquent à la phase en aval (exploitation, rénovation du bâtiment, etc.). Le rapport conclut qu'une intervention normative ne semble pas indispensable et renvoie globalement au contrat afin de traiter les différents enjeux juridiques du BIM. Le rapport formule onze propositions Rapport Mission « Droit du numérique et bâtiment », préc., p. 68. pour accompagner les acteurs dans leur transition numérique, qui seront reprises dans le rapport final du PTNB, mais aucun aménagement du droit positif n'est proposé.
Dans la continuité du PTNB, l'État et les principaux représentants de la filière construction ont signé une charte d'engagement volontaire de généralisation du BIM dans la construction neuve pour 2022 Charte d'engagement volontaire de la filière du bâtiment pour la construction numérique « Objectif BIM 2022 » signée le 6 novembre 2017 avec le ministre de la Cohésion des territoires https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-06/Charte%20Engagements%20volontaires%20BIM%202022%20020518%20VF.pdf">Lien . Cette charte contient des engagements réciproques de la part de l'État et des différents acteurs de la filière construction (maîtres d'ouvrage, entreprises, organisations professionnelles, etc.). Le BIM est érigé en mode de conception de principe à partir de 2020, et en mode de conception quasi obligatoire pour les nouveaux projets à partir de 2022. Les acteurs s'engagent également à promouvoir l'utilisation de la plateforme collaborative Kroqi afin de permettre aux PME-TPE de s'approprier le BIM.
Afin d'accompagner la démarche initiée par le PTNB, les principales organisations La liste des membres fondateurs est accessible ici : www.adnconstruction.org/membres">Lien professionnelles de la construction ont décidé de se regrouper au sein de l'« Association pour le développement du numérique dans la construction » (ADN construction), afin de contribuer activement au développement du numérique et du BIM.
Les travaux du PTNB se sont terminés fin 2018 avec l'objectif que toutes les actions menées se poursuivent afin que le BIM soit adopté par toute la filière d'ici 2022. C'est donc naturellement qu'un plan BIM 2022 doté de dix millions d'euros a été annoncé par le ministre Julien Denormandie aux Assises du Logement jeudi 15 novembre 2018, avec ADN Construction pour piloter et porter les actions du plan BIM 2022 Les huit actions du plan BIM 2022 sont décrites sur le site internet dédié : https://plan-bim-2022.fr/actions">Lien . Le plan BIM 2022 a pour ambition de généraliser l'utilisation du numérique dans le bâtiment d'ici 2022. Le site internet du plan BIM 2022 vient d'être déployé et les actions menées dans ce nouveau cadre n'ont pas encore été publiées à ce jour.

Les contraintes liées à l'adoption du BIM en France

– Le BIM comme vecteur d'industrialisation ? La faible industrialisation de la filière construction s'expliquerait par l'éclatement des acteurs de la filière Dix-huit millions de personnes, dont 95 % sont employées par des petites et moyennes entreprises (PME) (Source : Forum européen de la construction, 2017). et le fait que le bâtiment ne soit pas une industrie modulaire, chaque projet ayant ses contraintes propres. Le BIM contient une réponse à ces obstacles grâce au numérique, avec des gains de productivité importants à terme, impliquant toutefois un investissement immédiat pour les différents acteurs Selon le rapport annuel de la European Construction Industry Federation (FIEC) de 2017, l'adoption plus large du BIM en Europe permettrait au secteur de la construction de réaliser 10 % d'économies, soit 130 milliards d'euros pour un marché de 1 300 milliards d'euros. .
– L'investissement d'adoption du BIM. – En pratique, la mise en œuvre de la démarche à partir du niveau 2 implique que tous les contributeurs de la maquette soient non seulement dotés d'un logiciel BIM, dont le coût n'est pas neutre pour des petites PME du secteur de la construction, mais également formés à la bonne utilisation des logiciels et équipés d'ordinateurs suffisamment puissants. On parle d'investissements de plusieurs dizaines de milliers d'euros qui, couplés au ralentissement de la capacité de production pour les premiers projets en phase d'apprentissage, génèrent au départ une perte de rendement pour les acteurs qui ne perçoivent pas nécessairement les gains à venir. Selon le rapport de la Mission Numérique Bâtiment, le surinvestissement en équipements pour passer de la 2D à la 3D est évalué à plusieurs milliers d'euros par poste de travail (fourchette de 8 000 à 15 000 € selon Cinov) Pour une analyse succincte de la question du coût du BIM : www.objectif-bim.com/index.php/bim-maquette-numerique/combien-coute-le-bim-et-surtout-qui-doit-payer">Lien . Une étude constate que l'adoption du BIM induirait un bouleversement des habitudes de travail des acteurs de la construction sur les trois axes de la construction : l'organisation, l'information et l'action Étude in RFSIC citée supra, no . .
– Un sentiment de partage inégal de la valeur créée par le BIM. – Les professionnels peuvent avoir des difficultés à percevoir les gains de productivité inhérents au BIM, d'abord parce que la démarche ne donne généralement pas lieu à une facturation complémentaire par rapport aux contrats traditionnels, mais aussi parce que les prix risquent de tenir compte à l'avenir de la meilleure performance globale, le bénéficiaire final pouvant être finalement le seul maître d'ouvrage.
La question du retour sur investissement est le principal frein à l'adoption massive du BIM, car son bénéfice se concentre principalement en phase d'exploitation, alors qu'il alourdit la phase amont sans que les acteurs soient mieux rémunérés pour autant. Les maîtres d'ouvrage portent la responsabilité de mieux rétribuer les acteurs du BIM et d'adapter le rythme des versements à un travail amont plus important.
Par ailleurs, les problèmes d'interopérabilité entre les logiciels conduisent à une forme de ségrégation des acteurs utilisant des logiciels minoritaires, qui subissent non seulement la mauvaise administration du format IFC et les erreurs de traduction dans le format natif du logiciel, mais également une dépendance vis-à-vis des logiciels majors Exemple d'une pétition d'architectes contre l'augmentation des tarifs d'Autodesk lors d'une mise à jour (https://www.lemoniteur.fr/recherche=pourquoi%20des%20architectes%20lancent%20une%20p%C3%A9tition%20contre%20un%20%C3%A9diteur%20de%20logiciels%20exclusif">Lien). . L'investissement dans des logiciels sous forme d'abonnement peut dissuader certains acteurs.
– Les chiffres du BIM en France. – Compte tenu de ces obstacles, le niveau global d'adoption du BIM reste assez faible en France, et le dernier baromètre du PTNB conclut à un taux d'adoption en 2018 d'à peine 51 % Troisième enquête réalisée pour le baromètre du PTNB sur l'utilisation des outils numériques et digitaux par les professionnels du Bâtiment publiée le 20 mars 2018, accessible ici : https://plan-bim-2022.fr/actions/plan-bim-2022-ptnb-axe-a/la-transition-numerique-saccelere">Lien .
Cependant, ce taux cache de grandes disparités entre les petites entreprises de moins de dix salariés qui sont à 13 % d'adoption et les entreprises de plus de cinquante salariés qui ont un taux de 72 %. En parallèle, une étude menée auprès de bureaux d'études pointe que malgré un taux d'utilisation de 77 %, 71 % des sondés se considèrent débutants et n'ont pas une connaissance suffisante du BIM Enquête sur la pratique du BIM par les bureaux d'études conduite en mai 2018 par Cegibat auprès de cent treize bureaux d'études thermiques (BET) pour faire un état des lieux sur la pratique du BIM au sein de l'ingénierie. .

Les autorisations administratives de travaux en BIM

La digitalisation progressive de la procédure de construction d'un bâtiment pose légitimement la question de la digitalisation des autorisations administratives de travaux. En effet, dès lors que les acteurs publics ou privés vont fonctionner entièrement en numérique pour la programmation et la conduite de leurs travaux, il semblerait logique que les phases de dépôt, d'instruction et de délivrance des autorisations administratives de travaux par les collectivités ou l'État soient alignées avec des échanges au format numérique (par ex. : permis de construire, installations classées, loi sur l'eau, établissement recevant du public, etc.). Déjà dans le rapport du Plan Bâtiment durable de 2014 V. infra, no . , la proposition (2.1) portait sur la procédure d'instruction du permis de construire en BIM avec une incitation au moyen de délais d'instructions réduits. Mais qu'en est-il en France ?
En France la procédure d'instruction des autorisations de construire échappe encore à l'obligation de saisine par voie électronique prévue par les articles L. 112-8 et suivants du Code des relations entre le public et l'administration V. infra, no . . Des textes spéciaux ont reporté l'obligation au 1er janvier 2022, date à laquelle les services instructeurs auront l'obligation d'instruire numériquement les autorisations d'urbanisme au moyen d'une téléprocédure prévue par l'article L. 423-3 de Code de l'urbanisme. À ce jour les décrets d'application précisant les modalités de mise en œuvre de cette téléprocédure n'ont pas été adoptés.
– Y a-t-il une chance de voir le BIM intégrer la téléprocédure à l'horizon 2022 ? Cela semble très peu probable. En effet, les collectivités rencontrent déjà des difficultés pour digitaliser leur procédure et ont obtenu un premier report de 2018 à 2022 de l'obligation de téléprocédure pour les autorisations d'urbanisme. Même si la téléprocédure nécessite des investissements et un paramétrage des organisations, cela implique des outils informatiques relativement simples, et principalement des bases de données et des interfaces en ligne pour le dépôt et l'échange de documents sécurisés. Le BIM est d'un niveau de sophistication largement supérieur et implique de disposer de logiciels spécialisés coûteux et une formation des administrations pour savoir les utiliser et les lire. Mais peut-être que le BIM pourrait devenir une procédure optionnelle si le pétitionnaire et la ville sont équipés et le souhaitent.
– Les deux enjeux du BIM dans les autorisations d'urbanisme. – Même si son adoption semble lointaine, l'utilisation du BIM en matière d'autorisations d'urbanisme présente deux séries d'enjeux : au niveau de la règle d'urbanisme (le BIM permettrait un contrôle automatisé du respect des normes de construction pour autant que le plan local d'urbanisme [PLU] aurait été traduit dans un programme de contrôle), mais aussi au niveau de la procédure d'instruction en elle-même sur la base d'une base BIM et non plus des dossiers papiers ou numérisés.
– L'automatisation du contrôle en BIM via un PLU programmé. – Les normes de construction et d'urbanisme appliquées au bâtiment sont par essence des normes concrètes et pratiques avec une vocation opérationnelle évidente. Il semble aujourd'hui possible de modéliser l'intégralité d'un plan local d'urbanisme en considération du bâtiment existant, ce qui permettrait de voir en quelques clics les volumes, destination, règles de prospect, etc. La programmation complète d'un PLU est aujourd'hui possible Des logiciels BIM tels que Revit proposent des règles de vérification des normes de construction, mais sont aux standards propriétaires dédiés à un seul logiciel, ce qui rend leur interopérabilité limitée. .
Bien que la technologie émerge, il faut admettre que l'urbanisme implique énormément de normes de construction très complexes qui ne sont pas reprises dans les PLU et dont la rédaction rend leur programmation complète presque impossible. D'abord parce que ces normes évoluent constamment et sont souvent formulées en principe/exception difficilement programmables, mais également car de nombreuses règles sont subjectives, comme l'aspect extérieur ou l'harmonie avec les environnants.
Pour permettre de programmer entièrement les normes de construction, il faudrait donc les simplifier et les rationaliser. Pour cela, elles devraient être de moins en moins qualitatives et de plus en plus quantitatives, ce qui supposerait de définir majoritairement des règles objectives avec des seuils et des valeurs réelles et chiffrées.
Dans l'immédiat, la vérification par la collectivité et ses services du respect des normes de construction par le pétitionnaire pourrait se faire au mieux de manière semi-automatique avec une assistance technique limitée.
– L'instruction des autorisations en BIM. – La procédure d'instruction du permis par le BIM (permis « BIMé ») impliquerait de définir le niveau d'information nécessaire à la collectivité pour instruire le permis avec les services consultés, au même titre que n'importe quel acteur du projet. Cette écriture de la procédure nécessiterait un niveau de maturité du BIM et une forme de standard communément admis par les acteurs de la construction et les collectivités.
Au niveau du projet, la mission de la maîtrise d'œuvre devrait être adaptée afin qu'une interface dédiée à la mise en instruction des permis de construire soit créée dans la base BIM. Cette interface orientée « vérification de la règle d'urbanisme » n'existe pas actuellement dans les logiciels BIM. Par ailleurs, le permis de construire BIMé impliquerait que la maquette objet du dossier de permis de construire puisse être figée à la date du dépôt de la demande et la fiabilité de ses données assurée. Les services instructeurs devraient également avoir la capacité de viser/figer la base BIM à l'appui de l'autorisation accordée (équivalent du tampon apposé sur les documents du dossier de permis de construire) afin de garantir le contenu du projet autorisé.
S'agissant enfin du dossier de permis de construire, toute personne intéressée devrait pouvoir en solliciter une copie, ce qui pose la question du format de consultation. Faudrait-il limiter la communication, sous format papier, des seuls extraits de la maquette correspondant aux plans et documents listés par le Code de l'urbanisme au titre de la composition du dossier de permis de construire, ou toute la maquette en elle-même ?
– De l'immeuble à la ville en BIM. – Les enjeux de l'adoption d'une procédure de permis BIMérejoignent ceux de la smart city et de la digitalisation de la planification d'urbanisme. Le BIM implique la création d'un avatar numérique d'un immeuble en particulier, et l'addition des BIM de chaque immeuble interconnecté pourrait former à l'avenir un quartier, voire une ville entière avec ses infrastructures. À l'échelle du bâtiment il est d'ailleurs très probable que l'État intervienne pour imposer aux maîtres d'ouvrage de « BIMer » les bâtiments existants, dans le prolongement du carnet numérique de l'immeuble.

Les autorisations d'urbanisme et la relation à l'administration dans un monde numérique

La France a, dès la fin des années 1990, engagé une réflexion sur la facilitation des relations entre l'administration et les citoyens par la voie d'échanges électroniques. Une première action notable a été engagée en 1997 avec le lancement du « Programme d'action gouvernemental pour la société de l'information » (PAGSI), dans le cadre d'un nouveau Comité interministériel pour la société de l'information (CISI). À l'issue du quatrième CISI du 10 juillet 2003, plus de soixante-dix mesures visant « à renforcer la confiance en l'internet du grand public et des familles, et à permettre à un nombre croissant de Français de se familiariser avec ces technologies » ont été annoncées.
Il faut attendre une première ordonnance du 8 décembre 2005 Ord. no 2005-1516, 8 déc. 2005, relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives : JO 9 déc. 2005, p. 18985. Cette ordonnance a été prise en application d'une loi d'habilitation no 2004-1343 du 9 décembre 2004, de simplification du droit, art. 4. pour que le principe du traitement des autorisations administratives par voie électronique soit consacré, mais sans aucune obligation. Cette ordonnance a ainsi créé un cadre juridique pour l'administration électronique, mais sans établir d'obligation pour l'administration, ce qui n'a pas permis la digitalisation des autorisations de construire.
Presque dix ans après, une ordonnance du 6 novembre 2014 Ord. no 2014-1330, 6 nov. 2014, relative au droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique. Le titre vise bien un droit des usagers, là où l'ordonnance de 2005 ne visait que les échanges électroniques. a érigé cette faculté de traitement dématérialisé en droit aux termes du nouvel article 2 qui dispose que : « Tout usager, dès lors qu'il s'est identifié auprès d'une autorité administrative, peut adresser par voie électronique à celle-ci une demande, une déclaration, un document ou une information, ou lui répondre par la même voie. Cette autorité administrative est régulièrement saisie et traite la demande, la déclaration, le document ou l'information sans demander à l'usager la confirmation ou la répétition de son envoi sous une autre forme ». Ces ordonnances des 8 décembre 2005 et 6 novembre 2014 ont été codifiées au sein des articles L. 112-8 et suivants du Code des relations entre le public et l'administration par l'ordonnance no 2015-1341 du 23 octobre 2015.
La mise en œuvre d'un tel droit d'accès à une administration digitalisée obligatoire a nécessité des textes subséquents pour préparer les administrations et prévoir les modalités de cette nouvelle relation digitalisée, parmi lesquels il faut citer :
  • le décret no 2015-1404 du 5 novembre 2015 pris pour l'État et ses établissements publics, prévoyant les modalités d'identification de l'usager, d'information du public et le contenu de l'accusé de réception. En parallèle quinze décrets en date du 6 novembre 2015 ont prévu cent quarante-cinq exceptions à cette procédure pour l'État ;
  • le décret no 2016-1491 du 4 novembre 2016 relatif aux exceptions à l'application du droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique concernant les démarches effectuées auprès des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou des EPCI.
Le décret no 2016-1491 du 4 novembre 2016 intéresse principalement la dématérialisation des autorisations d'urbanisme et de construire relevant de la compétence des collectivités locales, avec les exceptions suivantes en annexes 1 et 2 :
  • huit exceptions « définitives » pour motif de bonne administration pour des démarches prévues au Code de l'urbanisme et au Code de la construction et de l'habitation, pour des immeubles ou équipements sensibles, notamment immeubles de grande hauteur, établissements recevant du public ou dérogation aux règles d'accessibilité pour les immeubles d'habitation collectifs ;
  • dix-neuf exceptions à titre transitoire, jusqu'au 7 novembre 2018, afin d'offrir le temps de créer les téléservices et la dématérialisation des procédures, et notamment les demandes de permis de construire comprenant ou non des démolitions, demandes de permis d'aménager comprenant ou non des constructions ou des démolitions, demandes de permis de démolir, déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux ou encore déclaration d'intention d'aliéner, au titre du droit de préemption urbain.
Ainsi les autorisations d'urbanisme autres que celles susvisées de l'annexe 1 devaient être entièrement administrées par voie électronique à compter du 8 novembre 2018.
La dématérialisation de la procédure de permis de construire était très attendue par les acteurs de la construction compte tenu de la lourdeur du dossier à constituer, de la quantité d'informations et des modalités de récolement/tampon des pièces en plusieurs exemplaires. Cet engouement n'était pas partagé par les collectivités qui n'avaient que deux ans pour appliquer ces nouvelles procédures posant de nombreux problèmes d'organisation, de sécurité ou encore de financement de nouveaux outils. Pour cette raison, les mairies se sont vivement opposées à la mise en œuvre de ce dispositif L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et l'Assemblée des communautés de France (AdCF) ont demandé en janv. 2018 un report en matière d'autorisations de construire à 2022 (www.adcf.org/files/THEME-Urbanisme/presentation-AMF-AdCF-des-motifs-et-contraintes.pdf">Lien). et ont plaidé pour un report à 2022.
Constatant un retard irrattrapable du côté des mairies qui auraient été incapables au niveau national d'administrer correctement les dossiers, l'État a pris un décret le 5 novembre 2018 D. no 2018-954, 5 nov. 2018, modifiant le décret no 2016-1491 du 4 novembre 2016, relatif aux exceptions à l'application du droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique concernant les démarches effectuées auprès des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou des établissements publics de coopération intercommunale, modifiant l'annexe 2 du décret no 2016-1491 du 4 novembre 2016 « Exceptions à titre transitoire jusqu'au 31 décembre 2021 ». , deux jours avant l'échéance initialement fixée. Ce décret a décalé de plus de trois ans l'échéance de dématérialisation obligatoire des autorisations de construire en la repoussant au 31 décembre 2021.
La loi Elan du 23 novembre 2018 Art. L. 423-3 en vigueur depuis le 25 novembre 2018 : téléprocédure spécifique leur permettant de recevoir et d'instruire sous forme dématérialisée les demandes d'autorisation d'urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2022. Cette téléprocédure peut être mutualisée au travers du service en charge de l'instruction des actes d'urbanisme. Un arrêté pris par le ministre chargé de l'urbanisme définit les modalités de mise en œuvre de cette téléprocédure. a limité l'obligation de dématérialisation aux communes de plus de 3 500 habitants. À compter du 1er janvier 2022, les communes de plus de 3 500 habitants devront être dotées d'une « téléprocédure spécifique » propre à recevoir et instruire sous forme dématérialisée les demandes d'autorisations d'urbanisme, qui peut être mutualisée au travers du service en charge de l'instruction. Les arrêtés d'application de ce texte n'ont pas été adoptés.