– Le notaire dépositaire de contenu numérique. – Les notaires offrent depuis de nombreuses années la capacité aux parties de déposer du contenu numérique au rang de leurs minutes, conférant ainsi date certaine et garantie d'intégrité aux données déposées. Cette offre s'exerce principalement dans ses actes authentiques, avec toutefois des limites quant au format des fichiers, en PDFA
Le PDF/A est une version normalisée ISO (19005) du format PDF (Portable Document Format) spécialisée pour l'archivage et la conservation à long terme des documents numériques (www.pdfa.org">Lien).
et au poids maximal actuellement de 35 mégaoctets, ce qui limite les cas d'usage à des fichiers simples. Ce service peut aussi prendre la forme d'une convention de dépôt au coffre-fort électronique auprès de la Chambre des notaires de Paris
V. infra, nos
et s.
. Cette seconde offre, méconnue du public, permet de déposer de nombreux formats sans limite de taille, mais son principal défaut est qu'il n'est pas directement accessible par le déposant et fait l'objet d'un formalisme de requête/délivrance ponctuelle, qui rend ce service proche d'une forme de coffre-fort à n'utiliser qu'en cas de conflits sur un contenu numérique.
Le BIM dans l'activité notariale
Le BIM dans l'activité notariale
– Les limites techniques actuelles du service notarial. – Les deux services que nous venons d'évoquer ne sont d'aucun secours pour celui qui souhaiterait héberger une base de données BIM directement accessible et modifiable. Au mieux, le notaire pourrait déposer à une certaine étape formelle, par exemple la base BIM de livraison au format de dossier des ouvrages exécutés, qui pourrait être restituée au client en cas de demande, ce service faisant office de sauvegarde payante « de luxe » avec date certaine, permettant possiblement une traçabilité accrue des modifications postérieures. Mais actuellement, le notaire n'offre aucun service d'hébergement vivant d'un contenu numérique. Il semble indispensable que le notariat mène une réflexion en vue d'accompagner la transformation du format des livrables échangés par les parties à l'acte, qui dépasse la simple numérisation d'un document simple.
– La place du notaire dans la démarche BIM actuelle. – Le notaire n'a généralement pas d'information sur le contenu des marchés de travaux, le support des échanges pendant les travaux ou encore les livrables remis par les différents intervenants à l'acte de construire. À ce titre, on peut s'interroger sur le fait de savoir si le notaire est réellement sollicité, voire même informé de la mise en œuvre d'une démarche BIM par un maître d'ouvrage et les acteurs d'un projet de construction.
Tant que la base BIM ne constituera pas le vrai référentiel contractuel d'un contrat reçu habituellement par acte authentique (on pense principalement aux ventes en l'état futur d'achèvement, contrats de promotion immobilière ou bail en l'état futur d'achèvement), il semble que le notaire n'aura pas à accompagner techniquement ou juridiquement la démarche BIM.
Les marchés de travaux eux-mêmes continuent à se référer à des livrables classiques, plans, notices, cahiers des charges pour définir les charges et obligations des parties. Il en résulte que les vendeurs en état futur d'achèvement, promoteurs, ainsi que leurs clients, continuent de s'engager contractuellement sur la base des plans et notices, même si une démarche BIM est engagée par ailleurs. Il semble donc peu probable que le notaire soit sollicité pour héberger une base ou maquette BIM contractualisée en annexe d'un acte authentique dans l'immédiat.
– L'exemple des états descriptifs de division en volumes. – L'amélioration des techniques ne se traduit pas nécessairement dans les référentiels, ainsi qu'en témoigne la pratique des divisions en volumes, qui repose toujours sur des plans en deux dimensions et une notice littéraire avec des référentiels de cotes altimétriques.
Aujourd'hui les géomètres auraient la capacité d'émettre des maquettes en 3D avec du contenu numérique décrivant les coordonnées et caractéristiques d'objet, à mi-chemin entre le BIM et la simple représentation graphique. Pour autant, il n'y a pour le moment aucune demande pour utiliser ce genre d'instruments dans les états descriptifs de division en volumes, tant du côté des géomètres, qui devraient s'engager sur un contenu numérique et donc pratiquer des délais et coûts très importants, que du côté des clients qui n'ont pas forcément intérêt à définir parfaitement les volumes dans l'espace en bénéficiant généralement de tolérances d'exécution. Sauf erreur grossière, les clauses de tolérance et engagements de régularisations permettent aujourd'hui de régler les erreurs d'emprise des constructions. Le couple coût/opportunité semble à l'heure actuelle déséquilibré, mais à moyen terme il ne paraît pas exclu que le coût de la 3D intelligente modifiera la pratique des états descriptifs de division en volumes actuels.
– L'impact du BIM sur le contenu des actes du notaire et le conseil. – Dès lors que le notaire est informé que l'acte authentique qu'il reçoit (principalement les ventes en l'état futur d'achèvement ou les ventes à terme) implique une démarche BIM du constructeur, il faut s'interroger sur le devoir d'information du notaire et sur les clauses à insérer éventuellement dans l'acte.
Actuellement les actes ne contiennent aucune information relative aux outils informatiques du projet de construction, et le fait que le projet soit construit avec des logiciels d'architectes en 2D, en 3D ou en BIM ne semble pas impacter le contrat, sauf éventuellement la liste des pièces remises par le vendeur/promoteur qui peut contenir des fichiers et formats spéciaux. Il semble souhaitable d'insérer a minima une clause informant de la démarche BIM et indiquant les obligations du vendeur/promoteur au regard de la base BIM remise à l'acquéreur, en renvoyant éventuellement aux contrats/marchés avec les acteurs du projet.
Dès lors que le BIM deviendra une annexe des engagements des parties, support des engagements des parties à l'acte comme les notices et plans, le notaire devra être en mesure d'accompagner technologiquement cette évolution, ce qui pose le problème du format et de la taille des annexes. À ce sujet, les contraintes actuelles ne permettent pas d'envisager d'annexer une maquette 3D à un acte authentique, sauf à renvoyer à un acte de dépôt électronique.
Le dépôt électronique concomitamment à l'acte ne semble possible que dans le cas où les documents ne sont pas des annexes obligatoires directes de l'acte authentique, aux fins d'informations
Sur cette question, le Cridon (Réponse Dossier : 843676, 29 sept. 2015) a confirmé en matière de diagnostics que : « L'esprit des textes prévoyant l'annexion de certains documents est la perfection de l'information donnée à l'acquéreur : l'annexion de ces documents à la promesse est constitutive d'un formalisme informatif susceptible d'être sanctionné (absence d'exonération de la garantie des vices cachés visée à l'article L. 271-4 CCH ; mise en cause de la responsabilité du rédacteur d'acte ou vice du consentement s'agissant du nouvel article L. 721-2 CCH). En conséquence, les documents à annexer à un acte de vente, pour l'information de l'acquéreur, conformément aux articles L. 271-4 à L. 271-6 et L. 721-2 du CCH, ne peuvent efficacement faire l'objet d'un acte de dépôt à la place d'une annexion. Un tel acte de dépôt ne serait pas constitutif d'une annexe à l'acte : il ne permettrait pas de considérer que les documents nécessaires à l'information de l'acquéreur lui ont été communiqués ».
. Ainsi, pour les constructions à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation dites du « secteur protégé »
V. CCH, art. L. 261-10.
, le contrat de vente en l'état futur d'achèvement doit revêtir un certain formalisme et contenir en annexe « un plan coté du local vendu et une notice indiquant les éléments d'équipement propres à ce local »
V. CCH, art. R. 261-13.
. Ainsi, la dissociation entre l'acte de vente en l'état futur d'achèvement et ses annexes dans un acte séparé de dépôt électronique ne serait possible qu'en dehors de l'habitation, dans le secteur tertiaire et secondaire. Dans ce cas, il faudrait que le service soit simplifié et adapté afin de répondre à l'enjeu des parties, offrir une base contractuelle fiable et traçable, avec une facilité d'accès (par clés login/mot de passe) sans avoir à passer par le notaire.
L'aspect « droit d'auteur » est abordé sous le prisme des droits patrimoniaux de l'architecte afin d'assurer à l'acquéreur qu'il aura les droits nécessaires à son projet Le cas échéant, les clauses BIM des contrats et marchés pourront être reproduites pour assurer l'information à l'acquéreur et éventuellement négocier des avenants.