La question des droits détenus par les acteurs du BIM

La question des droits détenus par les acteurs du BIM

– Le BIM en tant qu'objet de droits. – Le BIM est un objet protéiforme entièrement informatique qui pose la question des droits issus des créations immatérielles. Habituellement, la création numérique est abordée sous l'angle des droits de la propriété intellectuelle ou industrielle impliquant notamment le donneur d'ordre, les éditeurs de logiciels ou encore les créateurs et artistes participant à la conception de « l'œuvre ». Mais le BIM, en tant qu'avatar numérique d'un immeuble, rejoint sensiblement la question des droits sur l'immeuble lui-même, notamment en tant que création et œuvre d'un architecte, qui peuvent amoindrir les droits du maître d'ouvrage qui pense légitimement avoir les pleins pouvoirs sur sa « propriété ». À côté des droits intellectuels classiques, le BIM en tant que « base de données » bénéficie de certaines protections au titre de la propriété intellectuelle et d'un droit sui generis protégeant les créateurs de bases de données. Enfin, le BIM est également une forme de savoir-faire, et à ce titre peut bénéficier de la protection du secret des affaires.
– Le BIM l'antithèse de la propriété individuelle ? – L'approche collaborative du BIM et l'échange régulier de données qu'il met en œuvre décloisonnent l'organisation séquentielle et parfois « individualiste » du secteur de la construction. Une donnée, tout en possédant une finalité propre à son concepteur (par ex., architecte) pourra être utilisée par un autre acteur dans un autre but (par ex., ingénieur), sans que la donnée de base en soit altérée D. Richard, Construction – BIM : analyse et perspectives de l'immeuble numérique : Constr.-Urb. déc. 2017, no 12, étude 11. . Ainsi la délimitation des droits propres à chaque partie prenante sera de plus en plus difficile à dessiner, brouillant l'approche individualiste des droits, à mesure que l'ouvrage deviendra réellement collectif, traduisant l'usage optimal du BIM jusqu'à son niveau 3.
Le BIM pose la question de la propriété des données incluses dans la base BIM (Sous-section 1) , des droits et obligations vis-à-vis des éditeurs de logiciels (Sous-section II) , de la propriété intellectuelle (Sous-section III) , de la protection sui generis des bases de données (Sous-section IV) et du nouveau régime de la protection du secret des affaires (Sous-section V) .

La propriété des données

– Le BIM, support de données informatiques susceptibles de propriété ? – Le BIM se présente comme l'avatar numérique de l'immeuble et devrait logiquement à ce titre conférer une forme de propriété à son détenteur. Toutefois, la notion de BIM est protéiforme et difficile à rattacher aux catégories traditionnelles des biens immatériels D. Richard, Le BIM à l'épreuve du droit des biens : RD imm. 2018, p. 484. Si l'on se cantonne au BIM, une des notions les plus pertinentes a été développée par le doyen Carbonnier. Il s'agit du concept de biens incorporels absolus. Ces derniers se définissent comme « (…) des droits absolument détachés de tout support matériel ». . En effet, le BIM est une démarche entièrement numérique qui peut renvoyer alternativement à une méthode de construction digitale collaborative, à une base de données ou encore à une maquette 3D de l'immeuble. Comme réceptacle d'un ensemble d'informations, dont la propriété est débattue compte tenu de leur hétérogénéité et de leur impersonnalité J. Frayssinet, A. Lucas et J. Devèze, Droit de l'informatique et de l'Internet, PUF, 2001, § 472, p. 271. – P. Catala, Ébauche d'une théorie juridique de l'information, in Le droit à l'épreuve du numérique : Jus ex machina 1998, § 31, p. 242. , le BIM semble difficilement pouvoir être qualifié de bien J.-C. Galloux, Ébauche d'une définition juridique de l'information : D. 1994, 229 : « L'information entre donc dans la catégorie des choses avant de pouvoir être considérée comme bien car toutes les choses qui existent ne sont pas des biens pour le droit ». . La reconnaissance d'un droit de propriété sur les données, parfois présentée comme une mesure de nature à favoriser leur circulation, soulèverait en revanche de multiples difficultés, notamment dans la définition de son champ et de ses titulaires, ainsi que dans son articulation avec le droit de la propriété intellectuelle V. Rapport « Droit de la propriété littéraire et artistique, données et contenus numériques » présenté au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) qui dépend du ministère de la Culture, 11 oct. 2018, Mission présidée par V.-L. Benabou. .
– Qualification des informations ou des données. – Le BIM a recours au numérique et donc au système d'information (SI) qui désigne un ensemble organisé de ressources permettant de collecter, stocker, traiter et distribuer de l'information. Pour autant, les notions de « donnée » et d'« information », ou de « contenu numérique », qui sont souvent employées comme synonymes, ne bénéficient d'aucune définition légale même si elles sont l'objet de nombreux textes nationaux et internationaux Exemple avec la loi no 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui utilise le mot « donnée » cent quarante-deux fois sans en donner une quelconque définition. . La donnée renverrait à « un fait, une notion ou une instruction représentée sous la forme conventionnelle convenant à une communication, à une interprétation ou à un traitement soit par l'homme, soit par des moyens informatiques » Selon la définition de l'Afnor. , et pourrait être décrite comme « … un message porteur de signification dont la valeur patrimoniale est fonction de sa densité informative » E. Daragon, Étude sur le statut juridique de l'information : D. 1998, p. 63. .
– La donnée renvoie à la notion d'information. – La définition et la qualification de l'information posent question depuis les premières lois traitant de la donnée, et notamment la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés P. Catala, Ébauche d'une théorie juridique de l'information : D. 1984, 98, « l'information est un bien en soi, immatériel certes, mais constituant un produit autonome et antérieur à tous les services dont elle pourra être l'objet (…). L'information est un bien créé et non pas donné. C'est un produit de l'activité humaine (…). Mais les éléments régulièrement captés ne deviennent information véritable qu'à travers le deuxième terme de l'appropriation : la formalisation qui les rend communicables ». . Le Sénat avait proposé la définition suivante : « Ensemble composé d'une ou plusieurs unités de traitement automatisé de mémoire, de logiciel, de données, et d'organes d'entrée sortie et de liaisons qui concourent à un résultat déterminé, cet ensemble étant protégé par un dispositif de sécurité » Définition proposée par le Sénat lors de l'élaboration du nouveau Code pénal, V. Rapp. Sénat no 3, 1987-1988, J. Thyraud, p. 52). . On peut également citer la définition issue de la Convention sur la cybercriminalité (dite aussi « convention de Budapest ») signée le 23 novembre 2001, aux termes de laquelle l'expression « données informatiques » caractérise « toute représentation de faits, d'informations ou de concepts sous une forme qui se prête à un traitement informatique, y compris un programme de nature à faire en sorte qu'un système informatique exécute une fonction ».
L'absence de définition légale de la donnée se comprend cependant au regard du but poursuivi ; elle permet d'embrasser large et ainsi de mieux servir la finalité des textes et suivre l'évolution rapide des technologies numériques Rapport « Droit de la propriété littéraire et artistique, données et contenus numériques » présenté au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) qui dépend du ministère de la Culture, 11 oct. 2018, Mission présidée par V.-L. Benabou. . En pratique, la notion de donnée ou d'information répond à des qualifications « spéciales » dotées d'effets propres à chaque catégorie. Nous retiendrons ainsi que toute information renseignée dans la base BIM pourra, selon les circonstances et sa finalité, être une donnée appropriable et susceptible de droits.
– Les attributs d'une propriété sur la base BIM. – Dans l'attente d'une avancée notable des débats théoriques sur la qualification du BIM en tant que bien sous un concept unitaire de propriété, la question est de savoir si le propriétaire d'un BIM bénéficie des attributs d'une propriété qui lui ferait défaut O. de Maison Rouge, La donnée, enjeu cardinal de la cybersécurité : Dalloz IP/IT 2018, p. 170 : « C'est pourquoi il convient ensuite de la qualifier, de manière à la soumettre à un régime juridique ad hoc, et à la préserver, en l'absence de tout droit de propriété. En l'espèce, la préservation prime sur le défaut de réservation ». et qui prend souvent la forme d'une réservation. Du point de vue du maître d'ouvrage qui pense détenir le BIM de son immeuble, la base BIM consiste en un ensemble d'informations ou de données sur un immeuble au format numérique, pouvant être visualisées sous forme d'une maquette. Ce sentiment de propriété est-il corroboré par un exercice plein et véritable des droits associés à la propriété, à savoir l'usus, droit d'user de la chose, le fructus, droit d'en récolter les fruits et l'abusus, droit de disposer de la chose ?
– La contractualisation des attributs de la propriété sur la base BIM. – Le droit d'user, de récolter les fruits et de disposer de la chose va résulter des contrats passés avec les producteurs de la base BIM, tel que le BIM Manager et tous les contributeurs tels que la maîtrise d'œuvre, les entreprises, bureaux d'études, etc. Aussi, il est indispensable de prévoir la cession de tous les droits patrimoniaux de toutes sortes détenus par les contributeurs et créateurs du BIM, et de fixer l'étendue des effets de la cession. La nature de ces droits et les modalités de cession seront analysées plus loin V. infra, nos à . . Le droit d'user de la chose va également résulter du support logiciel qui est l'outil de visualisation et d'utilisation des données en format natif (par opposition aux formats ouverts et universels tels que l'IFC). Il est donc indispensable de maîtriser parfaitement les contrats d'éditeurs de logiciels qui seront conclus en vue d'en garantir la pérennité d'accès, la sécurité et l'interopérabilité. Les fruits de l'utilisation et de l'exploitation des données issues du BIM seront en principe attribués au détenteur de la base de données dans les mêmes conditions que l'utilisation du BIM, sauf à tirer des revenus particuliers de la maquette non prévus par les parties.
– La protection des données du BIM. – Il appartient à l'équipe de BIM Management d'organiser la sécurité de la base de données, pendant la période de production de la maquette, et jusqu'à sa remise au maître d'ouvrage dans sa version finalisée. Le maître d'ouvrage devra ensuite, éventuellement avec tous conseils spécialisés, organiser l'hébergement, l'entretien de la maquette, les logiciels et leur sécurité, antivirus, firewall, etc. Ces mesures visent à assurer la détention pérenne de la maquette et à protéger contre des intrusions et des extractions frauduleuses des données.
Bien qu'elles soient immatérielles et insusceptibles d'appropriation en dehors de mécanismes de défense et de cryptographie, les données informatiques sont aujourd'hui protégées contre une appropriation frauduleuse, par les dispositions de l'article 323-1 du Code pénal qui réprime le fait « d'extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre » frauduleusement les données d'un système de traitement automatisé de données (STAD) Le « système de traitement automatisé de données » n'est pas défini par une loi, mais la jurisprudence a déjà pu reconnaître cette qualification pour : un disque dur (CA Douai, 7 oct. 1992) ; un radiotéléphone (CA Paris, 18 nov. 1992) ; le réseau Carte bancaire (T. corr. Paris, 25 févr. 2000). .
Pour la jurisprudence, « l'accès frauduleux, au sens de l'article 323-1 du Code pénal, vise tous les modes de pénétration irréguliers d'un système, que l'accédant travaille déjà sur la même machine mais à un autre système, qu'il procède à distance ou qu'il se branche sur une ligne de télécommunication » Paris, 11e ch., 5 avr. 1994 : LPA 1995, no 80, p. 13, obs. V. Alvarez ; JCP E 1995, I, no 461, obs. M. Vivant et C. Le Stanc ; D. 1994, inf. rap. 130. . Le vol de données est plus sévèrement sanctionné que le vol classique d'un bien. Le risque pénal d'un mauvais usage ou d'un usage frauduleux de la base de données remise ou cédée au maître d'ouvrage doit conduire les parties prenantes à définir précisément les droits et modalités de consultation/alimentation de la maquette aux différentes étapes et après achèvement.

La relation avec l'éditeur de logiciels BIM

– Logiciel au format propriétaire ou libre. – L'utilisation du BIM repose sur des logiciels Le droit français ne définit pas les logiciels. On retrouve dans le droit communautaire (Dir. 2009/24/CE, 23 avr. 2009, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur) une définition du « programme d'ordinateur » qui vise « les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel. Ces termes comprennent également les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d'un programme, à condition qu'ils soient de nature à permettre la réalisation d'un programme d'ordinateur à un stade ultérieur ». dont les propriétaires (éditeurs) vont bénéficier de la protection des droits d'auteur CPI, art. L. 112-2 qui prévoit, que « sont considérés comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : (…) les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ». , incluant des droits patrimoniaux et des droits moraux. Les éditeurs de logiciels vont consentir aux utilisateurs du logiciel des droits d'utilisation qui prennent la forme d'une licence d'exploitation, et plus rarement des cessions emportant transfert de tout ou partie des droits patrimoniaux sur le logiciel. La mise à disposition au profit de l'utilisateur peut se faire au format « propriétaire », de manière strictement encadrée par une licence qui définit l'étendue des droits, limite les copies, et restreint son exécution pour des usages donnés. Le logiciel peut également être diffusé en format « libre ». Dans ce cas, son utilisation, sa modification et sa duplication par autrui en vue de sa diffusion sont autorisées, techniquement et légalement, soit parce que les droits font partie du domaine public, soit parce que le logiciel est mis à disposition sous un format de licence dite « libre ». Les principaux éditeurs de logiciels en matière de BIM Les logiciels BIM les plus connus sont notamment Revit édité par Autodesk, qui est le plus utilisé, Archicad édité par Graphisoft ou encore Allplan édité par le groupe Nemetschek. fonctionnent dans un format de licences propriétaires au moyen d'un abonnement annuel payant.
  • le droit de réaliser une copie de sauvegarde (CPI, art. L. 122-5) ;
  • le droit d'accomplir les actes nécessaires à l'utilisation du logiciel ;
  • le droit d'étudier le fonctionnement du logiciel ;
  • le droit de décompiler le logiciel à des fins d'interopérabilité (CPI, art. L. 122-6-1, IV).
– Le contrat de licence. – Dans le cadre d'une licence, l'éditeur ne se destitue pas de ses droits patrimoniaux, mais permet simplement l'utilisation de son logiciel dans les conditions prévues par la licence, sauf exceptions de l'article L. 122-6-1 du Code de la propriété intellectuelle La doctrine considère que le contrat de licence n'est pas un contrat de vente, mais un contrat de louage lorsqu'il est conclu à titre onéreux (C. civ., art. 1709) et un contrat de prêt lorsqu'il est conclu à titre gratuit (C. civ., art. 1875). . Le droit d'utilisation du logiciel est ainsi limité par les stipulations du contrat de licence, qui fixe notamment les droits des utilisateurs selon le nombre de postes ou d'utilisateurs déterminé, le volume d'utilisation, le type de droit concédé, l'étendue géographique et/ou la durée, les responsabilités, les garanties, la confidentialité, etc. Le Code de la propriété intellectuelle confère toutefois un certain nombre de droits intangibles aux utilisateurs d'un logiciel, nonobstant toute rédaction contraire au sein du contrat de licence :
– La négociation illusoire du contrat de licence. – En principe, c'est la maîtrise d'œuvre ou le BIM Manager qui contracte avec l'éditeur du logiciel et qui, dès lors, négocie les garanties et engagements de service ainsi que le droit de sous-licencier aux autres acteurs de la maquette. En pratique, les logiciels du BIM impliquent des multinationales Le logiciel major est Revit, édité par la société américaine Autodesk (capitalisée à 31 921 millions USD [oct. 2019]) actuellement disponible en version 2020.2 (Source : Wikipédia). avec lesquelles il semble illusoire de vouloir négocier tout ou partie du contrat de licence, qui se présente comme une forme de contrat d'adhésion en ligne, sauf à justifier d'un volume d'affaires significatif. La situation de quasi-monopole de certaines firmes ne les incite pas nécessairement à jouer pleinement le jeu de la concurrence entre les différents formats. L'utilisation du format IFC, qui se présente comme un langage universel, ne permet pas à l'heure actuelle de répondre entièrement à la difficulté d'interopérabilité entre logiciels propriétaires, ce qui incite à l'utilisation du même logiciel par tous les opérateurs.
– La maîtrise technique et juridique des logiciels par le BIM Manager . – Dans la mesure où les logiciels sont édités via des contrats d'adhésion, le BIM Manager devra parfaitement maîtriser les conditions d'utilisation des logiciels employés sur le projet et organiser informatiquement la base de données BIM afin que les droits conférés à chaque acteur et au maître d'ouvrage puissent être exercés (alimentation, extraction, copie). A minima le BIM Manager devra s'assurer que l'éditeur s'engage sur la sécurité et la fiabilité des données transitant par le logiciel, et garantisse la perte, l'altération ou la destruction des données du logiciel Rapport Mission « Droit du numérique et bâtiment », préc., p. 27-28. . Le BIM Manager devra également se préparer à un plan B en cas d'indisponibilité de la solution logicielle, de mise à jour conflictuelle, de dysfonctionnement ou d'erreurs de traduction des IFC et formats concurrents qui lui seront délivrés par les acteurs du projet. Dès lors que l'organisation d'un projet de construction s'appuie sur le BIM, il est impératif de prévoir un plan de continuation dans l'hypothèse de dysfonctionnements informatiques, le chantier ne pouvant pas être mis à l'arrêt à cause d'une défaillance de la maquette BIM ou des logiciels.
– L'effet des clauses d'exonération de responsabilité des éditeurs. – Il est fréquent que le contrat de licence limite sa responsabilité en cas de dysfonctionnement du logiciel, d'erreur de traduction des IFC dans le langage objet, de problème de mises à jour, d'interopérabilité des fonctions, ou encore en cas d'arrêt ponctuel du service. En principe, les clauses limitatives de responsabilité ne peuvent pas produire effet dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (réservés aux personnes physiques) ou un « non-professionnel » (toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles) C. consom., art. liminaire. .
La jurisprudence a reconnu que le Code de la consommation ne s'appliquait pas « aux contrats de fournitures de biens ou de services informatiques qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant » V. Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, Sté Héliogravure Jean Didier c/ EDF : JCP E 1995, pan. 335 ; D. 1995, jurispr. p. 327-330, note Plaisant. . Cette solution a été confirmée en matière de fourniture d'un logiciel Cass. 1re civ., 30 janv. 1996, SA Crédit de l'Est c/ Sté André Bernis « Latitude 5 » et a. : JCP E 1997, I, 657, obs. M. Vivant et C. Le Stanc ; D. 1996 somm. p. 325-326, note D. Mazeaud ; Bull. civ. 1996, I, no 55 ; Contrats, conc. consom. 1996, comm. 56, obs. L. Leveneur ; JCP G 1996, I, no 3929, obs. F. Labarthe. . Les juges du fond ont un pouvoir souverain d'appréciation du caractère de rapport direct du logiciel avec l'activité du cocontractant. En matière de construction BIM, les contrats souscrits par le BIM Manager, la maîtrise d'œuvre et les entreprises ont un lien direct avec leur activité de conseil ou de constructeur, ce qui pourrait être discuté s'agissant du maître d'ouvrage (selon son activité). Pour ces raisons, il semble raisonnable de ne pas compter sur l'application du droit de la consommation pour rééquilibrer les contrats et s'en tenir au contrat passé avec l'éditeur, négocié on non.

La propriété intellectuelle dans le BIM

– Le BIM, objet de propriété intellectuelle. – Le BIM signe l'entrée de l'immobilier dans l'univers immatériel et, par là, dans les problématiques de la propriété intellectuelle V., D. Richard, Le BIM à l'épreuve du droit des biens : RD imm. 2018, 484. qui était jusqu'alors réservée à la protection des droits d'auteur de l'architecte. Le BIM, en tant que procédure de construction d'un avatar numérique de l'immeuble, pose la question des droits des créateurs et contributeurs de la base BIM créée à l'occasion d'un projet. Les données alimentant le BIM proviennent des participants à l'acte de construire, notamment la maîtrise d'œuvre de conception, les entreprises et bureaux d'études, et vont être agrégées sous la responsabilité d'un BIM Manager qui peut être l'un des acteurs susvisés ou une tierce personne.
La finalité de la construction de la maquette BIM est bien, en dernier lieu, de remettre au maître d'ouvrage une maquette BIM complète de la construction exécutée. Aussi il est naturel de prévoir la cession de tous les droits des contributeurs à la maquette. Cet exercice implique de circonscrire et de qualifier les droits potentiellement constitués au profit des différents intervenants, au titre de la propriété intellectuelle, des droits voisins ou encore du secret d'affaires. Sous l'angle de la propriété intellectuelle, le BIM pourrait être protégé en ce qu'il forme pour tout ou partie une œuvre ou qu'il constitue une base de données Rapport Mission « Droit du numérique et bâtiment », préc., p. 14-15. .
– Les droits sur les œuvres incluses dans la base BIM. – Le processus BIM ne bouleverse pas les rôles des acteurs et en principe la titularité des droits de propriété intellectuelle sur les livrables échangés au sein du processus BIM En ce sens, A. Blandin et A.-M. Bellenger, Le BIM sous l'angle du droit, préc., p. 118-119 (V. supra, no ). . Pour autant, le BIM en tant que base de données va être le réceptacle d'une multitude de documents, informations, données, produits par les intervenants à l'acte de construire. Bien que le contenu des informations échangées par les acteurs du projet reste inchangé sur le fond, le BIM modifie les modalités de remise et le format des rendus qui doit donc être adapté sur la forme. Par ailleurs, le concept même du BIM implique de fusionner différents livrables afin de créer une seule et même maquette. Aussi, il faut tenir compte des droits d'auteur de l'architecte sur ces livrables tels que plans, croquis ou encore maquettes qui seraient inclus dans la base BIM, en préservant toute modification ou altération illicite sans empêcher toutefois la démarche collaborative du BIM. Étant rappelé que la diffusion d'un contenu numérique, lorsqu'il est une œuvre, constitue un acte de communication au public et doit en principe être autorisée par l'auteur. La convention BIM et le plan d'exécution doivent impérativement intégrer cette composante « droit d'auteur » des différents contributeurs et veiller à la traçabilité des interventions et modalités d'évolution du projet au sein de la base BIM.
– La base BIM en tant qu'objet de droit de propriété intellectuelle. – En principe, l'adaptation technique d'une œuvre sur un autre support ne se traduit pas par la création d'une œuvre distincte Cass. 1re civ., 1er déc. 2011, no 09-15.819 : JurisData no 2011-026679 : « Même si elle conservait la trace de l'œuvre, la plaque de zinc, simple moyen technique utilisé pour permettre la production des lithographies qui sont seules des œuvres originales, ne pouvait être elle-même qualifiée d'œuvre de l'esprit ». . Sous cet angle technique, le BIM ne serait pas l'objet de droits particuliers au titre de la propriété intellectuelle. Pour autant, la procédure du BIM et la base BIM constituée par les acteurs du projet semblent dépasser une simple reproduction technique pour devenir un ouvrage distinct qui n'interdit pas des choix créatifs. D'ailleurs, l'objet de la maquette BIM dépasse la seule construction de l'immeuble et a vocation à organiser les différents cycles de vie de l'immeuble et son exploitation. En cela, la base BIM va disposer d'une architecture propre et d'un contenu augmenté par rapport aux livrables traditionnels, et pourrait constituer en soi une création nouvelle distincte de l'œuvre architecturale. Chaque maquette BIM est conçue spécifiquement pour chaque opération sans être générique ; elle remplit en ce sens un critère d'originalité susceptible de bénéficier de la protection par le droit d'auteur.
– La question de l'originalité en BIM. – La principale condition constitutive d'une œuvre V. supra, no . est son originalité. Mais cette originalité n'est pas évidente à établir intrinsèquement en dehors de l'immeuble dont la base BIM est l'objet. La distinction entre la base BIM et l'œuvre architecturale s'établit matériellement, mais la capacité de distinguer ce qui relève de la création sur la maquette et ce qui relève des créations habituelles relatives à l'immeuble est complexe.
En soi, une maquette est une forme de livrable objet d'un processus de création au même titre que des plans M. Quiniou et D. Richard, Construction – Droit d'auteur, droits voisins et secret d'affaires dans le process BIM : Constr.-Urb. nov. 2018, no 11, étude 11. , et rien ne semble s'opposer à ce qu'une maquette BIM soit elle-même sujette à de tels droits. Il semble que le principal critère de distinction entre la création et la simple exécution soit la nature de prestation technique ou non TI Nîmes, 26 janv. 1971, Gout c/ Colombo : JCP G 1971, II, 16767 ; Gaz. Pal. 1971, 1, 306 : « Dès lors que l'ouvrage d'un ingénieur-conseil constitue un travail technique, établi sur des projets d'architecture simples, conçus par un architecte, dont les plans ne sont que la traduction graphique des calculs théoriques et l'application simple de règles techniques et de lois physiques, les héritiers de l'ingénieur-conseil ne sauraient revendiquer (…), un droit de reproduction… ». . Sur ce champ, une autre difficulté naît d'une forme de standardisation du processus créatif au travers de logiciels, le BIM étant le vecteur d'une forme d'industrialisation de l'immobilier V. supra, no . . Pour autant, la jurisprudence considère que les logiciels n'excluent pas l'apport intellectuel de l'auteur sous réserve de la « subsistance de la condition de l'originalité » A. R. Bertrand, Droit d'auteur, Dalloz Action, 2010, « Subsistance de la condition d'originalité pour la création assistée par ordinateur », § 103.23 et s. .
– Le régime des droits des contributeurs du BIM, en tant qu'œuvre collective – La base BIM et les maquettes qui en sont la traduction visible constituent une combinaison originale des différents éléments et données la composant produits par différents contributeurs, tels que le BIM Manager, les BIM coordinateurs, BIM Modeler, maîtrise d'œuvre, entreprises, etc., pouvant constituer une œuvre. Cette situation de collaboration et d'œuvre construite collectivement pose la question de l'identité du ou des auteurs et titulaires des droits d'auteur sur la base BIM ainsi créée. Le Code de la propriété intellectuelle prévoit trois régimes de détention des droits d'auteur alternatifs : l'« œuvre collective », l'« œuvre de collaboration » ou encore l'« œuvre composite » (CPI, art. L. 113-2) qui sont susceptibles de s'appliquer au BIM.
L'œuvre collective est celle « créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé » (CPI, art. L. 113-2). Cette qualification semble la plus adaptée dès lors que la base BIM et la maquette sont gérées par une seule et même personne qui jouerait un rôle d'administrateur, tel que le BIM Manager. En ce sens, l'œuvre pourrait être créée à l'initiative du BIM Manager, en son nom et sous sa direction pour être ensuite livrée et cédée au client maître d'ouvrage. L'œuvre collective serait alors la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée ; cette personne serait investie des droits d'auteur.
L'œuvre de collaboration est celle « à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques » (CPI, art. L. 113-2). C'est en principe l'œuvre sur laquelle plusieurs auteurs ont travaillé sans qu'il soit possible de déterminer avec précision les apports des différents auteurs. Cette cotitularité non individualisable de l'œuvre se traduit par un régime d'exercice des droits proche de l'indivision, l'exploitation de l'œuvre dans sa globalité étant réservée à l'obtention du commun accord de toutes les parties. Il ne semble pas que la séquence actuelle de construction d'une base BIM soit qualifiable d'œuvre de collaboration dans la mesure où chaque contributeur exerce une mission déterminée, et qu'en principe la contribution de chacun suit un objectif propre. Toutefois, en BIM de niveau 3 V. supra, no . , la base de données deviendra une seule et même œuvre dans laquelle toutes les contributions seront collectivement apportées, possiblement simultanément.
L'œuvre composite est « l'œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière » (CPI, art. L. 113-2). Cette qualification pourrait également convenir à partir du BIM de niveau 2 dans lequel une seule et même maquette serait alimentée successivement par plusieurs contributeurs. Dans ce cas, le travail de chaque contributeur va s'incorporer dans une nouvelle œuvre s'appuyant sur l'œuvre précédente. L'œuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur s'appliquant à l'œuvre préexistante. Ce régime impliquerait de définir une chaîne de contributeurs, et de garder trace de l'objet de leur contribution à chaque œuvre, ce qui pourrait se concevoir par exemple pour le passage du BIM conception au BIM réalisation, et enfin au BIM exploitation. Lorsque la maquette passe d'une phase à une autre et évolue du fait de l'intervention d'autres acteurs (maquette de base, de conception, interventions des entreprises puis interventions des exploitants), on peut envisager la qualification d'œuvre composite ou dérivée.
– L'importance de l'encadrement des droits sur la base BIM dans le contrat. – Faute de précision dans les contrats, l'application de la notion d'œuvre collective ou de collaboration ou encore d'œuvre composite s'appliquerait selon qu'un seul ou plusieurs intervenants sont à l'origine (concomitamment ou consécutivement) de la conception de la maquette. Le régime de l'œuvre de collaboration qui pourrait exister, notamment en BIM de niveau 3, ne semble pas souhaitable du fait de sa proximité avec une indivision rigide En ce sens, Rapport Mission « Droit du numérique et bâtiment », préc., p. 12 et 16 : « Les membres du groupe de travail ont pris conscience des risques liés au régime de copropriété sur une œuvre et ainsi de l'œuvre de collaboration ». . Il est donc impératif d'organiser contractuellement le régime de propriété de l'œuvre, en le traduisant dans le mode d'organisation et de création de la base BIM pour ne pas dénaturer la qualification retenue. Afin d'accompagner la transformation et le passage au BIM de niveau 3, des auteurs préconisent de faire évoluer le droit immobilier et de la propriété intellectuelle En ce sens, Rapport Mission « Droit du numérique et bâtiment », préc., p. 16 : « Les membres du groupe de travail ont trouvé un consensus sur la nécessité de l'évolution du droit immobilier en raison de l'apparition des nouveaux outils auxquels il devra s'adapter avec les règles de propriété intellectuelle classiques. Cette évolution du droit immobilier et plus largement de ce secteur a d'ores et déjà été vécue par d'autres secteurs tels que la défense ou l'automobile ». .
– Le BIM est par essence un objet destiné à évoluer. – Le BIM est un objet mouvant dont l'objet même est d'évoluer au fur et à mesure des contributions en vue d'aboutir à la maquette finale, sous la direction ou la diligence du BIM Manager. Il serait totalement contre-productif et antinomique au BIM collaboratif de devoir stopper le processus de modification faute d'accord de l'un des contributeurs. Par ailleurs, une fois la maquette BIM livrée au maître d'ouvrage à la fin des travaux, il est indispensable qu'il puisse utiliser sa maquette et la faire évoluer raisonnablement vers une base BIM d'exploitation. Pour toutes ces raisons, il semble indispensable de prévoir le régime de droit des auteurs sur la base BIM avec le BIM Manager, en fonction des modalités d'intervention sur le projet, et la cession des droits patrimoniaux de tous les contributeurs de la maquette au maître d'ouvrage dans les formes les plus larges, en respectant le formalisme de la cession (étendue et destination de la cession, lieu et durée) Rapport Mission « Droit du numérique et bâtiment », préc., p. 16 : « C'est la raison pour laquelle l'importance particulière de définir le régime de propriété de l'avatar de l'œuvre dès sa création a été soulignée par les membres du groupe de travail tout comme la question de l'utilisation de l'œuvre après la fin du projet de conception-réalisation ». .
– La cession des droits d'auteur. – Le Code de la propriété intellectuelle ne distingue pas entre cession et licence en matière de droit d'auteur, ce qui fait douter de la pertinence d'opposer un transfert de droit réel (la cession) et une concession de droit personnel (la licence) V., sur la controverse doctrinale, A. Lucas, A. Lucas-Schloetter et C. Bernault, Traité de la propriété littéraire et artistique, LexisNexis, 5e éd. 2017, nos 630 et 631. dans ce domaine. Le terme de « cession » sera utilisé pour désigner tout transfert des droits patrimoniaux de l'auteur qui peuvent être démembrés indéfiniment (droit de représentation et/ou droit de reproduction, durée de l'exploitation, forme d'exploitation autorisée, lieu, etc.). Cette granularité des contrats de cession qui sont adaptés à chaque situation explique que « les contrats par lesquels sont transmis des droits d'auteur doivent être constatés par écrit » (CPI, art. L. 131-2), et que la cession de tel ou tel attribut ne se présume pas V. TGI Paris, 17 oct. 2019, no 16/01008 : JurisData no 2019-018156 ; Propr. intell. 2020, no 74, p. 58, obs. J.-M. Bruguière. . D'ailleurs, « le consentement personnel et donné par écrit de l'auteur est obligatoire », ce qui renforce cette obligation d'un écrit et exclut en principe la représentation de l'auteur, sauf incapacité. Toutefois, certains auteurs considèrent que l'écrit ne serait requis qu'ad probationem et non pas ad validitatem JCl. Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1310, Droit d'auteur. Exploitation des droits, par A. Maffre-Baugé et A. Lucas. , en reconnaissant toutefois que l'exploitant qui n'arriverait pas à démontrer son droit risque d'être poursuivi pour contrefaçon Cass. 1re civ., 27 nov. 2001, no 00-11.506 : JurisData no 2001-011882 ; Comm. com. électr. 2002, comm. 41, note C. Le Stanc. ce qui est très dissuasif.
La transmission des droits de l'auteur peut être consentie à titre gratuit ou onéreux et est subordonnée à certaines mentions. Ainsi l'article L. 131-3, alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ». La clause de rémunération de la cession doit être explicite et non équivoque, son absence ou sa mauvaise rédaction pouvant conduire à la nullité du contrat dans son ensemble V. TGI Paris, 30 nov. 1999, Benhaddou c/ Sté librairie Éd. l'Harmattan : Comm. com. électr. 2001, comm. 87, note Caron ; RIDA juill. 2000, p. 435. . Par exemple, beaucoup de contrats d'architecte font le choix de la gratuité, au regard de la mission globale de l'architecte qui est rémunérée, mais cela doit être écrit de manière détaillée. Il est donc obligatoire de lister les droits cédés, de préciser le prix de cession et les modalités d'exercice des droits et de circonscrire le lieu d'exploitation et la durée. Le contrat qui omettrait une partie de ces mentions serait privé d'efficacité et encourrait la nullité pour absence d'objet V. Cass. 1re civ., 16 déc. 1992, no 91-11.480, Gouy c/ Nortène : JurisData no 1992-002868 ; RIDA avr. 1993, p. 193, note P. Sirinelli. . Les contrats relatifs aux droits d'auteur ne donnent lieu en général à aucune formalité de publicité.
S'agissant des effets de la cession, la jurisprudence énonce que « les contrats portant sur les droits d'auteur sont gouvernés par le principe de l'interprétation stricte, d'où il découle que l'auteur est supposé s'être réservé tout droit ou mode d'exploitation non expressément inclus dans un contrat de cession » CA Versailles, 13 févr. 1992 : D. 1993, jurispr. p. 402, note B. Edelman. , la « cession du droit de reproduction d'une œuvre de l'esprit est limitée aux modes d'exploitation prévus au contrat » V. Cass. 1re civ., 30 sept. 2010, no 09-15.091 : JurisData no 2010-017136 ; Comm. com. électr. 2010, comm. 119, note C. Caron. . Le contrat s'interprète strictement, et en faveur de l'auteur lorsque la convention est ambiguë. La cession des droits patrimoniaux de l'auteur sur des œuvres non identifiées qu'il n'aurait pas encore créées est frappée de nullité (CPI, art. L. 131-1). Par exception, la jurisprudence valide la cession d'œuvres non créées, mais qui peuvent être identifiées et individualisées à la conclusion du contrat V. Cass. 1re civ., 6 nov. 1979 : Bull. civ. 1979, I, no 271 ; RIDA juill. 1980, p. 167 ; JCP G 1980, IV, p. 25 ; D. 1982, inf. rap. p. 207. .
L'article L. 131-6 du Code de la propriété intellectuelle tolère l'insertion d'une clause tendant « à conférer le droit d'exploiter l'œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat », ce qui permettrait de tenir compte des évolutions technologiques.
– La cession des droits d'auteur en BIM. – La maquette BIM et les livrables qu'elle contient (maquettes, plans, schémas, calculs, etc.), peut être le résultat d'une forme d'originalité susceptible de bénéficier des droits d'auteur. Si les contrats du BIM et/ou les marchés de travaux ne prévoient aucune cession des droits patrimoniaux ni l'autorisation d'utiliser et de diffuser les données insérées dans la base au titre des droits sur l'œuvre, il est en théorie possible aux contributeurs justifiant d'un droit d'auteur de faire exercice de leur droit.
Pour la passation des marchés publics de travaux, les adjudicateurs peuvent recourir au CCAG PI Cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par arrêté du 16 sept. 2009 (NOR: ECEM0912503A) : JO no 0240, 16 oct. 2009. qui prévoit deux options d'utilisation des droits de reproduction et de présentation, sous forme de concession ou de cession des droits patrimoniaux de l'auteur.
– L'enjeu de la juste rétribution des architectes en BIM. – Le BIM est en phase d'adoption et génère un travail supplémentaire, notamment pour l'architecte ou les ingénieurs qui peuvent exposer un investissement particulier sur la base BIM de conception au-delà de leurs missions traditionnelles. Aussi il n'est pas impossible qu'un architecte, un bureau d'études ou un ingénieur qui aurait exposé un travail considérable sur la maquette puisse invoquer son droit pour s'opposer à l'utilisation de ces données ou à la modification de la maquette (par ex. en cas d'évolution du projet). Des auteurs considèrent que la fréquence de la problématique d'établissement des droits sera faible, avec toutefois un risque d'une forte intensité si rien n'a été prévu par les conventions M. Quiniou et D. Richard Construction – Droit d'auteur, droits voisins et secret d'affaires dans le process BIM : Constr.-Urb. nov. 2018, no 11, étude 11. .

Rappel du régime des droits d'auteur en matière de construction

– Présentation de la propriété intellectuelle. – Les droits de propriété intellectuelle, dont le droit d'auteur, confèrent à leurs titulaires un droit exclusif d'autoriser ou d'interdire l'utilisation de leur réalisation protégée. On distingue, au sein de la propriété intellectuelle, les droits de propriété industrielle qui font l'objet d'un dépôt (brevets, marques, dessins et modèles), des droits de propriété littéraire et artistique qui naissent sans nécessité de dépôt.
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– La propriété industrielle des données. – La propriété industrielle, si elle est justifiée, s'établit par un dépôt qui la rend opposable. Certains procédés techniques ou certains produits de la construction sont susceptibles de faire l'objet d'un brevet, dès lors qu'ils constituent des « inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle » (CPI, art. L. 611-10). Le brevet confère à son titulaire un droit exclusif d'exploitation sauf transmissions conventionnelles. En matière de construction, de nombreux procédés sont brevetés et l'emploi du BIM ne semble pas modifier les pratiques déjà existantes. Les données inscrites dans la base BIM devront tenir compte des éventuels brevets mis en œuvre et des contrats d'utilisation associés.
La base BIM orientée objet peut contenir des données protégées par le droit des marques, un logo, un nom, une représentation graphique associée à un mot ou encore une combinaison de ces différents éléments (CPI, art. L. 711-1). La mention des marques devra être réservée dans la base BIM, sauf utilisation d'objets ou de produits génériques. Enfin, des dessins et modèles peuvent bénéficier d'une protection par la propriété industrielle L'article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle précise que seul le dessin ou modèle nouveau et présentant un caractère propre peut être protégé. de « l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux » (CPI, art. L. 511-1). Tous les contributeurs du BIM devront veiller à ne pas employer des objets ou données bénéficiant d'une protection au titre de la propriété industrielle, ou à défaut devront renseigner toutes les composantes du droit au sein de la base afin d'éviter une contrefaçon.
– Les droits d'auteur dans la construction. – L'immeuble objet de la procédure BIM est lui-même l'objet de propriété intellectuelle au titre des droits d'auteur, principalement de l'architecte. Le BIM ne change pas la propriété intellectuelle sur le travail architectural, mais il existe une érosion de l'œuvre en raison du caractère intrinsèquement lié entre l'avatar numérique du bâtiment et le bâtiment lui-même Rapport « Droit de la propriété littéraire et artistique, données et contenus numériques », préc., p. 17. .
Avant d'analyser la propriété intellectuelle de la maquette et des données qu'elle contient, il faut définir les contours de la propriété intellectuelle, appliquée à la construction avec ou sans BIM.
– Le fondement des droits sur l'œuvre originale. – L'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous… », et l'article L. 112-1 précise que : « Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ». L'œuvre doit remplir deux conditions cumulatives : une formalisation suffisante et une originalité qui s'exprime notamment en matière d'architecture. Aucun dépôt ni formalité ne conditionne la naissance du droit d'auteur, contrairement à la propriété industrielle.
La formalisation implique que le stade de l'idée ait été dépassé, et que la « création naisse au monde sensible, quittant ainsi le seul esprit de l'auteur » JCl. Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1134, Objet du droit d'auteur. – Œuvres protégées. Notion d'œuvre. . Pour autant, une œuvre inachevée bénéficie de la protection, ce qui est par exemple le cas des croquis et esquisses diffusés dans un concours.
La protection de l'œuvre est également subordonnée à l'originalité CA Douai, 27 oct. 2009 : RTD com. 2009, p. 105, obs. F. Pollaud-Dulian. À propos du jardin et des serres d'Auteuil dont l'originalité n'est pas démontrée : TGI Paris, 3e ch., 10 nov. 2016, no 15/17625 : LEPI févr. 2017, 110j2, obs. C. Bernault. si elle présente « un caractère artistique certain », si elle sort « du commun ».
L'auteur d'une œuvre de l'esprit dispose sur cette œuvre d'un droit de propriété incorporelle du seul fait de la création de l'œuvre, sans aucune formalité ou dépôt, contrairement aux modèles, dessins et brevets. Par sa seule création, l'œuvre devient la propriété incorporelle de son auteur, et donc opposable à tous.
Cette disposition est d'ordre public, il n'est en conséquence pas possible d'y déroger. Aussi, toute disposition contractuelle de l'auteur contraire à ce dispositif, notamment s'il renonce à faire valoir les droits qui lui sont attribués par cet article, serait susceptible d'être remise en cause à tout moment.
– L'œuvre originale en matière de construction. – Le Code de la propriété intellectuelle cite à deux reprises les « travaux » des architectes comme étant des œuvres de l'esprit, mais cette qualité reste une présomption qui n'est pas irréfragable. Ainsi le juge vérifie que l'œuvre présente un caractère d'originalité suffisant pour la regarder comme une œuvre de l'esprit afin qu'elle puisse bénéficier des droits qui lui sont attachés. À ce titre ne sont pas protégées par la loi les œuvres architecturales dénuées de caractère particulier ou original, qui ne sont que la simple reproduction d'édifices largement répandus à travers le territoire.
En matière de commande publique, la commande architecturale a une double nature : elle est à la fois une prestation technique et met en cela en œuvre des savoir-faire techniques et des logiques de responsabilité propres aux interventions d'experts ; mais elle relève aussi de la commande d'une œuvre d'art en ce que la création architecturale et tous les éléments qui y concourent (croquis, maquettes, plans) sont considérés comme des œuvres originales relevant pleinement de la propriété littéraire et artistique – au même titre qu'une œuvre d'art plastique Guide des marchés publics et droits de propriété intellectuelle réalisé par le Groupement français de l'industrie de l'information à la demande du ministère de l'Équipement, des Transports et du Logement, Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction, sept. 2003, p. 101. . Ainsi, malgré la précision de la programmation qui peut restreindre le champ de création de l'architecte, ce dernier bénéficie des droits d'auteur dès lors qu'il donne une traduction architecturale particulière à sa conception.
– Le titulaire des droits sur l'œuvre. – Le législateur a posé une présomption de titularité de la qualité d'auteur qui « appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée » CPI, art. L. 113-1. La même présomption figure à l'article 15.1 de la convention de Berne et à l'article 5 de la directive du 29 avril 2004 sur le respect des droits de propriété intellectuelle. . L'existence d'un contrat de travail ou d'un contrat de commande n'emporte aucune cession implicite de droits au profit de l'employeur et/ou du commanditaire. Ainsi, lorsque l'œuvre a été créée par un salarié, c'est le salarié qui est titulaire des droits portant sur la création et non l'employeur, même si le salarié a été embauché pour réaliser une ou plusieurs œuvres. Le salarié peut céder ses droits patrimoniaux sur l'œuvre, mais l'article L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle pose le principe de la nullité des cessions globales des œuvres futures et il faut donc un contrat spécifique.
– Les auteurs d'une œuvre issue d'un travail collectif. – En matière d'œuvre architecturale, la création est souvent l'œuvre d'une personne morale ou l'association momentanée de plusieurs personnes morales, société d'architecture et/ou bureau d'études, composées respectivement de plusieurs personnes physiques agissant sous l'autorité de cette entité ou de ces entités en cas de groupement, ce qui peut correspondre, selon les cas, à une « œuvre collective », une « œuvre de collaboration », ou encore une « œuvre composite » définies par l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle.
Ces régimes particuliers, susceptibles de s'appliquer en BIM en tant qu'œuvre collaborative, seront analysés plus loin V. infra, nos à . .
– Le contenu des droits sur l'œuvre. – L'auteur d'une œuvre jouit sur celle-ci d'un droit de propriété incorporelle exclusif, comportant des attributs d'ordre intellectuel, moral et patrimonial (CPI, art. L. 111-1). L'auteur dispose ainsi de deux catégories de droits sur l'œuvre : les droits moraux et les droits patrimoniaux.
Le droit moral matérialise le lien très fort qui existe entre l'auteur et sa création et confère un droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre nonobstant tout dessaisissement de l'œuvre.
Les droits patrimoniaux réservent à l'auteur le droit d'exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit, ce qui implique d'en contractualiser les modalités d'exercice en tout ou partie par un tiers. L'exécution du contrat de maîtrise d'œuvre de conception et la prise de possession de l'immeuble par le maître d'ouvrage n'épuisent pas les droits détenus, qui demeurent la propriété de l'auteur, sauf cession des droits patrimoniaux.
– Le droit moral de l'auteur de l'œuvre. – Le droit moral comporte notamment les prérogatives suivantes réservées à l'auteur de l'œuvre :
  • le droit de divulgation, qui confère à l'auteur le choix de rendre son œuvre publique ou non, et de décider du moment et des modalités de la première communication de son œuvre ;
  • le droit de paternité, qui permet à l'auteur d'apposer son nom sur son œuvre ou, s'il le souhaite, de rester anonyme ou encore d'utiliser un pseudonyme. Ce droit peut se matérialiser par l'apposition du nom de l'architecte sur l'immeuble ou encore par l'obligation de le mentionner dans les images de l'œuvre ou une maquette ;
  • le droit au respect de l'intégrité de l'œuvre, qui offre à l'auteur la faculté de s'opposer à toute modification, suppression ou ajout susceptible de modifier son œuvre initiale, tant dans la forme que dans le fond.
– Le droit au respect de l'intégrité en matière architecturale. – Le droit au respect de l'œuvre est la composante du droit moral la plus complexe à appréhender en matière d'œuvre architecturale, l'immeuble ayant une vocation utilitaire que les nécessités pratiques interdisent de figer pour l'éternité. Par ailleurs, le droit moral de l'architecte doit se concilier avec le droit de propriété du maître de l'ouvrage. La jurisprudence française retient des solutions de compromis.
  • les modifications doivent être justifiées par la nécessité d'adapter la construction à des « besoins nouveaux » ;
  • les modifications sont cantonnées à ce qui est « strictement nécessaire » et non « disproportionnées au but poursuivi ». Un exemple célèbre de la rigueur de ce critère est un stade de football restructuré, pour lequel il avait été établi qu'il existait d'autres solutions que celle choisie par la ville pour accroître la capacité d'accueil sans dénaturer l'œuvre architecturale d'origine.
Le maître d'ouvrage peut toujours démolir une œuvre architecturale en cas de nécessité, et la modifier pour des impératifs d'intérêt général.
Le droit moral est imprescriptible et s'exerce par l'auteur sa vie durant et, à sa mort, et sauf stipulation testamentaire différente, est dévolu aux ayants droit qui en deviennent titulaires puis à leurs propres ayants droit sans limite de temps. Les ayants droit sont toutefois tenus d'exercer le droit moral dans le même esprit que l'auteur de l'œuvre.
Ainsi, il appartient « à l'autorité judiciaire d'apprécier si ces altérations de l'œuvre architecturale sont légitimées, eu égard à leur nature et à leur importance, par les circonstances qui ont contraint le propriétaire à y procéder », étant à cet égard « tenue d'établir un équilibre entre les prérogatives du droit d'auteur et celles du droit de propriété » Cass. 1re civ., 7 janv. 1992, no 90-17.534 : JurisData no 1992-000123 ; Bull. civ. 1992, I, no 7 ; RIDA 2/1992, p. 194 ; RJDA 1992/2, p. 210 ; D. 1993, p. 522, note B. Edelman ; RTD com. 1992, p. 376, obs. A. Françon. . Par exemple, sont prohibés des travaux ayant « dénaturé » une œuvre architecturale « en détruisant l'harmonie de l'ensemble » sans justifier d'impératifs techniques Cass. 1re civ., 1er déc. 1987, no 86-12.983. . La jurisprudence a ainsi posé deux critères pour permettre au maître d'ouvrage de modifier une œuvre architecturale Cass. 1re civ., 11 juin 2009, no 08-14.138 : JurisData no 2009-048691 ; RIDA 4/2009, p. 395 ; Comm. com. électr. 2009, comm. 75. :
– Les droits patrimoniaux sur l'œuvre architecturale. – Les droits patrimoniaux correspondent au droit exclusif de l'auteur d'exploiter son œuvre, qui se matérialise notamment par les droits de reproduction et de représentation (CPI, art. L. 122-1). Le droit exclusif sur l'œuvre de l'auteur est protégé toute sa vie durant, et se poursuit au profit de ses ayants droit soixante-dix ans après l'expiration de l'année civile de sa mort (CPI, art. L. 123-1). Ainsi le bâtiment dont l'architecte est l'auteur ne peut être reproduit ni par un dessin ni par une photo, ni par un autre bâtiment identique, sans l'autorisation expresse de l'architecte auteur qui en aura fixé les limites dans le cadre d'un contrat de cession partielle de ses droits d'auteur.
La cession des droits patrimoniaux est soumise à un formalisme particulier, et la jurisprudence impose la forme écrite pour délimiter l'étendue de la cession. Ainsi le contrat de louage d'ouvrage n'emporte pas par lui-même la cession des droits d'exploitation de l'œuvre protégée, une telle cession ne pouvant résulter (CPI, art. L. 111-1, al. 3) que d'une convention expresse (« La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ») Cass. 1re civ., 16 mars 2004 : RIDA juill. 2004, p. 209, no 2010. sous peine d'invalidité de la cession. Même s'il a cédé ses droits d'exploitation, l'architecte auteur a le droit de faire cesser l'utilisation abusive de son œuvre et d'en obtenir réparation CA Paris, 4e ch., 15 déc. 2004 : D. 2005, no 41. .
– La protection des droits d'auteur. – La violation des droits d'auteur est constitutive d'une infraction pénale résultant de l'atteinte portée à un droit civil : le droit d'auteur. La contrefaçon peut ainsi donner lieu non seulement à l'application de peines et de mesures de sûreté, mais aussi à l'application de dommages et intérêts en raison du préjudice qu'elle cause à l'auteur ou à ses ayants droit en vertu de dispositions civiles (CPI, art. L. 121-1 à L. 123-12) et pénales (CPI, art. L. 335-2 et L. 335-3). Ainsi le titulaire de l'action peut alternativement agir devant le juge civil, se constituer partie civile d'une procédure pénale, ou les deux. Les solutions retenues par les deux juridictions sont toutefois assez homogènes Le juge pénal utilise « largement à titre préalable les concepts civils et institutions de la propriété littéraire » (P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, 11e éd. 2019, no 745, p. 814). .
Le délit de contrefaçon est passible de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende (CPI, art. L. 335-2 à L. 355-3) et le juge peut prendre toutes mesures pour faire cesser la contrefaçon. La réparation peut également consister, selon la nature de l'atteinte subie, en une remise en état, une indemnisation, etc.

Exemples d'infractions aux droits d'auteur en matière de construction

Est sanctionnée la reproduction non autorisée de l'œuvre, qui peut prendre la forme d'une reproduction à l'identique ou d'une reproduction par imitation, qui reproduit les éléments essentiels d'une œuvre protégée tout en s'en détachant par certains aspects. La communication de l'œuvre sans autorisation est également sanctionnée ; ainsi, le fait d'offrir au public sur un site l'accès à une œuvre protégée sans avoir obtenu l'accord de l'auteur constitue une contrefaçon. L'infraction de contrefaçon nécessite du point de vue pénal d'établir l'élément intentionnel qui réside dans la mauvaise foi « présumée » du prévenu, et sanctionne la violation du droit moral comme du droit patrimonial.
Par exemple, un directeur d'une société d'économie mixte a été condamné pour avoir substitué, sans autorisation, le nom de cette société au nom de l'architecte sur les documents graphiques correspondant au plan d'aménagement urbain qu'il avait réalisé. Est également justifiée la condamnation pour contrefaçon de sociétés ayant commercialisé des cartes postales représentant « La Géode » sans autorisation de la Cité des sciences et de l'industrie, établissement public chargé de sa gestion et cessionnaire des droits d'auteur de l'architecte. Devant le juge administratif, un office public d'HLM a été condamné à réparer le préjudice causé à l'architecte pour avoir modifié le portique de l'immeuble, les adjonctions ainsi faites portant « atteinte au droit qu'a l'auteur d'une œuvre architecturale de la voir respecter ».

La protection des bases de données

– Le BIM protégé en tant que base de données. – Le BIM met en œuvre une base de documents et informations indexés et classifiés dans la finalité d'obtenir plusieurs résultats issus de la réunion de ces données, tels que des visualisations 3D selon différentes requêtes, des calculs de surface, de matériaux, etc. Cette acception du BIM en tant que base de données peut donner lieu à deux formes de protection particulières : la première au titre du droit d'auteur, qui protège le contenant de la base et son architecture originale, et la seconde au titre du droit sui generis, qui protège le contenu de la base de données, en tant que masse de données constituant une valeur pour son producteur.
Le droit d'auteur porte sur le contenant de la base de données lorsque sont caractérisés des choix originaux et une forme de classification originale, constituant ainsi une forme d'œuvre de la part de son auteur. Le droit sui generis du producteur porte sur le contenu de la base de données lorsque sa constitution, son entretien ou sa représentation attestent d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Ces deux dispositifs bénéficient de textes spéciaux au sein du Code de la propriété intellectuelle.
– Les bases de données protégées par le droit d'auteur. – Le droit d'auteur sur les bases de données protège la « structure de la base » PE et Cons. UE, dir. 96/9/CE, 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de donnée, considérants 15, 35 et 58. , à savoir les « choix ou la disposition des matières » qui « constituent des créations intellectuelles » (CPI, art. L. 112-3, al. 1er), et qui forment l'architecture intellectuelle et technique de la base de données. Le critère déterminant de la protection est l'originalité de la structure de la base de données.. Le droit communautaire précise que ce droit naît lorsque « son auteur exprime sa capacité créative de manière originale en effectuant des choix libres et créatifs, et imprime ainsi sa « touche personnelle » » CJUE, 1er mars 2012, aff. C-604/10, Football Dataco Ltd et a. c/ Yahoo ! UK Ltd et a., pt 38 et 45 : RIDA avr. 2012, p. 337, obs. P. Sirinelli ; Comm. com. électr. 2012, comm. 47, note C. Caron. .
– Le critère d'originalité, fondement du droit d'auteur. – L'originalité suppose un certain degré d'autonomie ou de pouvoir d'initiative du créateur qui va au-delà d'une simple réponse à des contraintes techniques. L'appréciation de l'originalité relève des juges du fond et la Cour de cassation exerce en la matière un contrôle restreint à l'existence d'une motivation. Le juge a, par exemple, pu retenir au sujet de la base du Guide Michelin que la disposition des données était « strictement fonctionnelle », pour conclure que le choix ou la disposition des matières « sont banals et ne constituent pas une expression originale de la liberté créatrice de son auteur » V. CA Paris, pôle 5, ch. 1, 27 oct. 2015, no 14/14239, SAS Michelin Travel Partner et SCA Manufacture française des pneumatiques Michelin c/ SAS La Fourchette : Propr. intell. 2016, p. 69, note J.-M. Bruguière. .
– Les bases BIM protégées par le droit d'auteur. – Le processus d'alimentation et d'indexation de la base BIM n'est actuellement pas standardisé malgré l'émergence des normes ISO V. supra, no . , de telle sorte que sa création pourrait remplir la condition d'originalité et donner lieu au droit d'auteur. Il semble toutefois que la marge d'originalité se réduit à mesure que les guides et trames de charte BIM (cités supra, no ) sont diffusés et utilisés par les acteurs.
– L'originalité d'une base BIM. – Sur la condition d'originalité de la base BIM, le processus créatif pourrait avoir lieu en amont du projet au niveau de la maîtrise d'ouvrage lors de l'écriture de la charte BIM qui va exprimer la stratégie BIM et éventuellement préciser une forme d'architecture type. Dans ce cas, il n'est pas certain que, prise individuellement, la base BIM d'un projet donné soit l'objet d'un droit d'auteur dans la mesure où la base serait générique, mais la base BIM type pourrait bénéficier d'un tel droit.
– Un processus créatif plus ou moins important sur la finesse de programmation. – Si la charte BIM n'est pas renseignée sur les modalités d'alimentation et la trame de la base BIM, ce processus créatif pourrait être repoussé à la phase de programmation quand le maître d'ouvrage va préciser ses atteintes sur un projet donné telles que précisées dans le cahier des charges BIM. Dans ce cas, la base BIM pourrait naître en tant qu'œuvre dès l'écriture suffisamment précise du cahier des charges énonçant la méthodologie de la base BIM, qui pourra éventuellement se traduire dans une base BIM de programmation. Dans ce cas, il semble que la capacité créative des acteurs de la conception et de la réalisation sera difficile à rétablir, sauf à démontrer des modifications originales substantielles imputables à un ou plusieurs auteurs.
– Un processus créatif souvent reporté en phase conception. – Dans l'hypothèse fréquente où la documentation de programmation ne serait pas assez précise sur l'organisation future de la base BIM, la création de la base BIM sera reportée en phase de conception impliquant le BIM Manager et la maîtrise d'œuvre classique (architecte, bureau d'études, etc.), et le droit d'auteur existera si une originalité particulière est mise en œuvre pour construire la base BIM. Il semble que chronologiquement les entreprises ne soient pas impliquées dans le processus créatif de la base, qui doit intervenir avant la phase de réalisation. Il n'est pas exclu qu'une nouvelle base soit constituée avec le passage en phase exploitation, traduisant de nouveaux objectifs traditionnels et de nouvelles données propres à la vie de l'immeuble.
– Titulaire du droit éventuel sur l'œuvre. – La qualité de titulaire d'un droit sur la base BIM au titre de la protection des bases de données reviendra à un ou plusieurs auteurs dans les mêmes conditions que celles en matière de cession de droits d'auteur V. supra, no . . Il est donc essentiel d'organiser la cession des droits patrimoniaux du ou des auteurs et de qualifier les droits (œuvre collective, composite ou de collaboration) si plusieurs auteurs sont susceptibles d'en bénéficier. Si le processus créatif original intervient chez le maître d'ouvrage, cette cession devra éventuellement s'organiser avec l'AMO BIM missionné pour assister le maître d'ouvrage. En phase conception, la cession s'organisera avec le maître d'ouvrage, le BIM Manager et la maîtrise d'œuvre. Concernant la base BIM exploitation, le processus créatif impliquera le maître d'ouvrage, l'exploitant s'il est différent, éventuellement un locataire et tous conseils spécialisés en BIM exploitation. Le cas échéant la cession des droits devra être organisée dans le bail et les contrats avec l'exploitant ou tous conseils spécialisés.
– Les bases de données protégées par le droit sui generis . – La protection des bases de données trouve sa justification dans un « investissement financier, matériel ou humain substantiel » consenti par son propriétaire en vue de l'exploiter. Ainsi le droit sui generis sur les bases de données se justifie par une approche purement économique visant à encourager les investissements dans des bases de données JCl. Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1410, Droits voisins du droit d'auteur. – Nature des droits voisins, par X. Daverat. Avec l'article L. 341-1, il est clairement dit que les droits voisins assurent principalement la sauvegarde de l'exploitation commerciale. Avec le droit du producteur de bases de données, nous ne sommes pas très éloignés de la seule défense des investissements ». , sans qu'il soit nécessaire de démontrer une quelconque originalité. Le droit sui generis est attribué au producteur ou « fabricant », selon la directive 96/9/CE V. supra, no . , qui est « la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants ». Ce droit peut faire l'objet d'une cession ou d'une licence (CPI, art. L. 342-1).
– Preuve de l'existence d'un droit sui generis . – Il appartient à celui qui revendique un droit sui generis sur la base de données de démontrer l'investissement et sa finalité directement liée à la constitution, la vérification ou la présentation des données. La jurisprudence européenne distingue l'investissement pour la constitution des données qui « doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base » V. CJCE, 9 nov. 2004, aff. C-46/02, Fixtures Marketing Ltd. , de l'investissement en vue de créer des données, l'activité de création n'étant pas prise en compte. Les juges français ont repris cette distinction, et ont par exemple reconnu que le « droit sui generis n'est (…) pas destiné à stimuler la création de données, mais à rentabiliser l'investissement affecté à la constitution d'un ensemble informationnel » V. CA Paris, pôle 5, ch. 2, 23 mars 2012, no 10/11168 : JurisData no 2012-011871 ; D. 2012, p. 1060, obs. C. Manara. . Ainsi par exemple, en matière de BIM, les investissements exposés par le maître d'ouvrage pour créer les données, tels que le coût de la maîtrise d'œuvre ayant produit les plans ou encore le coût d'installation et d'entretien d'objets connectés pour un BIM exploitation, ne doivent pas être pris en compte.
En ce qui concerne l'ampleur de l'investissement « substantiel », les jurisprudences les plus connues la chiffrent en millions d'euros, mais le juge a pu reconnaître le droit sur la base de données en considération d'investissements s'élevant à quelques centaines de milliers d'euros V. TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 13 avr. 2010, no 09/03970, Sté Optima on Line : JurisData no 2010-010806 – « Ainsi, la société demanderesse démontre investir chaque année la somme de 600 000 euros dans la présentation, la mise à jour et la vérification de sa base de données France Prospect et répond ainsi aux conditions fixées par l'article L. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle ». .
– Le contenu des droits sui generis sur la base de données. – Le droit sui generis ne confère pas d'exclusivité sur une donnée en particulier, mais il organise une forme de réservation sur une « masse » de données, se traduisant par les droits d'extraction et de réutilisation. Ainsi, « Le producteur de bases de données a le droit d'interdire : 1o l'extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ; 2o la réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu'en soit la forme » (CPI, art. L. 342-1) CPI, art. L. 342-1. .
– Les critères qualitatifs et quantitatifs formant un investissement considérable. – L'investissement substantiel dans une base de données peut se quantifier selon une approche qualitative (valeur) ou quantitative (volume relatif), qui est le reflet de l'ampleur de l'investissement requis pour l'obtention d'un droit sui generis V. CJCE, 9 nov. 2004, aff. C-203/02, The British Horseracing Board Ltd, qui énonce que l'appréciation du caractère substantiel s'opère en contemplation de l'investissement opéré. .
Concernant le critère quantitatif, à savoir à partir de quel volume critique une extraction se révélerait frauduleuse, le juge a par exemple retenu que constituait une extraction quantitativement substantielle, l'extraction de 36 000 artistes sur les 184 000 artistes référencés dans une base de données du marché des œuvres d'art V. CA Paris, 4e ch., sect. B, 18 juin 2003, no 2002/03195 : JurisData no 2003-223155 ; Comm. com. électr. 2003, comm. 106, note C. Caron ; D. 2003, p. 2756, obs. P. Sirinelli. .
Le critère qualitatif est peu exploité en jurisprudence, car il requiert une approche plus subjective en tenant compte de l'importance ou de l'intérêt des données V. JCl. Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1650, Droits des producteurs des bases de données. . Une des rares décisions jurisprudentielles porte sur une base de données sur les performances des enseignes de la grande distribution dont quelques graphiques uniquement avaient été reproduits, mais ces graphiques traduisaient en réalité un investissement substantiel sous-jacent V. CA Paris, pôle 5, ch. 1, 22 juin 2011, no 09/17015 : JurisData no 2011-017515. .
Les droits du producteur de la base de données sont protégés pénalement et civilement contre la contrefaçon par des textes spéciaux (CPI, art. L. 343-1 et s.) de la même manière que le droit d'auteur, avec le bénéfice d'un dispositif particulier de saisie-contrefaçon comme en matière de logiciel.
– Les bases BIM protégées par le droit sui generis . – La base BIM peut constituer une base de données ayant donné lieu à un investissement important, et le groupe de travail du PTNB a considéré qu'à partir du niveau 2 le BIM est une base de données pouvant être protégée par le droit sui generis Rapport Mission « Droit du numérique et bâtiment », préc., p. 13 à 16. . Pour autant, il semble qu'en phase construction, les investissements en vue de la constitution et l'alimentation de la base BIM ne sont pas nécessairement individualisables de l'investissement dans la construction de l'immeuble lui-même. Le critère d'investissement substantiel spécial pourrait ainsi être difficile à établir à cette étape.
– L'objet d'un éventuel droit sui generis sur la base BIM. – En ce qui concerne l'objet même de la protection sui generis des bases de données, il n'est pas certain qu'une base BIM déterminée soit susceptible d'une extraction qualitative ou quantitative pertinente, car les données en tant que telles ne sont pas génériques et portent sur un projet donné. Dans ce cas, c'est plutôt la méthode ou l'architecture de la base qui ont une valeur, ce qui relève des droits d'auteur. Toutefois, si le projet est d'une très grande importance, justifiant une base BIM exceptionnellement importante, ou si l'extraction porte sur plusieurs bases BIM d'un même exploitant/maître d'ouvrage, une part quantitative ou qualitative des données pourrait être extraite et bénéficier de la protection des bases de données. En phase d'exploitation, la base BIM devient une véritable base de données qui va moissonner des informations en vue de rendre l'exploitation plus efficiente et moins coûteuse. D'ailleurs, l'alimentation et l'entretien de la base BIM exploitation peuvent avoir un coût substantiel facilement individualisable. Aussi la base BIM exploitation pourrait plus naturellement bénéficier du droit sui generis.
En cas de soustraction par un tiers, la nécessité de recourir au droit des bases de données n'est pas évidente dans la mesure où, en principe, les bases BIM n'ont pas vocation à être rendues publiques, et ainsi toute extraction frauduleuse pourrait être pénalement sanctionnée V. supra, no . . Si la soustraction provient d'une personne ayant un accès licite à la base, il semble également que la responsabilité contractuelle (s'il y a un contrat) et délictuelle du soustracteur puisse être recherchée.

La protection du secret des affaires

– La nouvelle protection du secret des affaires. – Si certaines créations ne sont pas directement protégeables par un droit de propriété intellectuelle, elles peuvent être protégées par des accords de confidentialité, et il en va de même pour le savoir-faire industriel qui ne fait pas l'objet d'un brevet Rapport « Droit de la propriété littéraire et artistique, données et contenus numériques », préc., p. 13. . Au-delà du cas de violation d'un accord de confidentialité qui impliquerait la responsabilité contractuelle ou délictuelle des acteurs, le savoir-faire industriel, technique ou organisationnel en tant que tel peut également bénéficier d'une protection spécifique au titre du secret des affaires qui a été reconnu en tant qu'actif des entreprises, et comme tel protégeable par le nouvel article L. 151-1 du Code de commerce L. no 2018-670, 30 juill. 2018, relative à la protection du secret des affaires. .
– Les critères de la protection d'une information par le secret des affaires. – Aux termes de ce nouveau dispositif, une information protégée par le secret des affaires doit répondre aux trois critères cumulatifs suivants :
« 1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret » (C. com., art. L. 151-1).
La définition légale est assez proche de la reconnaissance du « savoir-faire » par le droit de l'Union européenne au titre de la réglementation concurrentielle des accords de transfert de technologie Comm. UE, règl. (UE) no 316/2014, 21 mars 2014, relatif à l'application de l'article 101, § 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords de transfert de technologie, art. 1er « Définitions ». , dont l'objet est d'encadrer les concessions de licences de droits sur technologie, et dont il est connexe.
– Le secret des affaires dans le BIM. – L'organisation du BIM et les méthodologies appliquées par les acteurs du processus de création de la maquette peuvent illustrer le savoir-faire particulier de certains d'entre eux. Cette nouvelle protection vient compléter les éventuels droits d'auteur et protections contractuelles et techniques qui auront été mises en œuvre pour protéger les données. Pour cette raison, il est fondamental pour les contributeurs de la base BIM, et notamment le BIM Manager, mais également le maître d'ouvrage qui aura conçu la programmation avec une charte BIM et un cahier des charges BIM, éventuellement avec l'aide d'un AMO BIM, de circonscrire les méthodes ou données susceptibles d'être protégées par le secret des affaires, en précisant, par exemple, leurs conditions d'utilisation.
– Les sanctions de la violation du secret des affaires. – La violation du secret des affaires est sanctionnée par les mesures judiciaires prévues aux articles L. 152-1 et suivants du Code de commerce, permettant au juge de prévenir, faire cesser et réparer une atteinte au secret des affaires, avec notamment des mesures d'injonction et d'interdiction, indemnité, dommages et intérêts. Ce qui est intéressant, c'est que le juge peut octroyer, a posteriori, une forme d'indemnité correspondant au prix que l'utilisateur du secret des affaires aurait dû verser pour en faire usage, organisant une forme de licence ponctuelle.