La présentation de la tokenisation appliquée à l'immobilier

La présentation de la tokenisation appliquée à l'immobilier

Le concept de tokenisation, déjà évoqué en matière de cryptoactifs V. infra, nos et s. , se comprend plus facilement en immobilier en le comparant à une transaction immobilière classique, dont il se démarque très difficilement. Ainsi, après avoir dressé un constat de ce que la tokenisation appliquée à l'immobilier est et n'est pas (Sous-section I) , les différents modes de tokenisation seront analysés (Sous-section II) .

Les différences irréductibles entre tokenisation immobilière et « blockchainisation » de la vente immobilière

Le concept de tokenisation immobilière

– La représentation numérique d'un actif par un jeton. – La tokenisation est la création de la représentation numérique d'un actif sur une blockchain. Elle désigne l'inscription d'un actif et de ses droits sur un token afin d'en permettre la gestion et l'échange en pair-à-pair sur une blockchain (ou dispositif d'enregistrement électronique partagé [DEEP]), de façon instantanée et sécurisé V. Glossaire : « DEEP ». .
Lorsqu'un jeton est créé ou transféré sur la blockchain, différents intervenants (les mineurs) authentifient la transaction au moyen d'un cryptage qui est alors enregistré et horodaté sur la chaîne. Le protocole informatique du token permet donc d'identifier son porteur, mais également de tracer les différentes transactions opérées sur celui-ci, avec l'historique des échanges. De la sorte, se constitue un registre distribué (public, privé ou hybride) et décentralisé permettant de valider et retracer des transactions accessibles à tout moment via les ordinateurs participant à cette blockchain (les « nœuds »).
L'émetteur d'un token va définir ce qu'il représente en vertu d'une convention, par exemple un droit de propriété, un droit à des revenus locatifs, un droit à dividendes ou encore un droit de jouissance.
– Le token support de smart contract. – L'émetteur de token peut également intégrer des fonctions au programme informatique constituant le token (smart contract ou « contrat intelligent ») V. présentation complète du smart contract par la Commission 3, infra, nos et s. L'émetteur des jetons peut ainsi définir le périmètre de cessibilité du token, imposer des restrictions à certaines personnes déterminées ou pré-agréées ou à certains types d'agents économiques, entités relevant de certaines zones économiques ou systèmes juridiques prédéterminés, etc.
– La tokenisation, des possibilités infinies. – L'usage de la blockchain est libre, et toute personne peut décider de stocker des données, notamment confidentielles, sur un DEEP sous réserve du respect des droits de propriété intellectuelle, de la loi informatique et libertés et du règlement général sur la protection des données.
Tout objet dont les droits n'impliquent pas un support de détention, des contrats, des modalités de gestion ou encore des formes d'enregistrement réglementées peut ainsi être tokenisé.
Ainsi, tokeniser une location de vélo à l'heure, en distribuant des jetons d'utilisation à des souscripteurs via une application ne nécessite aucune régulation ou réglementation particulière, les relations entre émetteur et souscripteurs étant alors régies par le contrat sur l'application qui fixera les droits et obligations respectives des parties. Dans ce contexte, et sauf dysfonctionnements causant une inexécution du contrat, le support blockchain, qui constitue en quelque sorte la partie back-office d'une application, est indifférent à la convention qui porte sur la location d'un vélo.
– La limite de la tokenisation. – Dès lors que l'objet de la convention est soumis à un formalisme particulier, par exemple une vente immobilière qui implique un acte authentique et la publicité foncière, ou encore la tenue d'un registre d'actionnaires ou de parts qui répond à un formalisme légal obligatoire, il n'est pas possible de recourir au seul support blockchain qui n'a pas valeur d'écrit. Pour ces objets, l'intervention du législateur est obligatoire afin d'atténuer le formalisme auquel ils sont soumis pour autoriser l'emploi d'un DEEP.
– Le token immobilier : un objet protéiforme. – L'immeuble peut s'appréhender sous deux angles : il représente, d'une part, un bien procurant un usage dans le temps prenant diverses formes (logement, travail, production, etc.), mais il est également d'un point de vue financier un bien frugifère produisant des revenus locatifs. La tokenisation immobilière consiste à représenter numériquement, en support d'un contrat, la propriété d'un bien immobilier ou de l'un ou plusieurs de ses attributs.
Les possibilités sont tellement nombreuses qu'il serait inopportun d'en dresser une liste exhaustive, mais, à titre illustratif, un jeton pourrait représenter :
  • la propriété de l'actif immobilier ;
  • la propriété des parts d'une société détenant un ou plusieurs immeubles ;
  • le droit à percevoir des revenus fonciers générés par un actif immobilier ;
  • le droit de jouir de l'immeuble pour une durée déterminée ;
  • le droit d'utiliser une partie déterminée ou indéterminée de l'immeuble, par exemple un bureau ou une chambre pour une durée déterminée.
– Les deux catégories de token . – Ainsi, comme il a été vu V. supra, no . , la tokenisation immobilière peut prendre deux formats selon que les jetons émis procurent : 1) des revenus, un droit politique ou financier contre l'émetteur, sur le modèle d'une action (qui donne un droit en capital sur l'émetteur) ou d'une obligation (qui donne un droit au remboursement d'une créance sur l'émetteur), lui conférant la qualification de security token, ou 2) un usage ou un service sur l'immeuble (par ex., une semaine de vacances).

L'impossible tokenisation directe d'un immeuble en France

– Le rêve d'un immeuble tokenisé. – De nombreux investisseurs rêvent de pouvoir atomiser la propriété immobilière en fractions pouvant être échangées aussi facilement que des actions ou obligations. Si la réglementation a ouvert la possibilité à une tokenisation indirecte des actifs immobiliers, elle semble inappropriée à la tokenisation directe des immeubles, au format d'utility token, à savoir un jeton matérialisant directement tout ou partie de l'actif immobilier, que ce soit sa propriété ou un droit de jouissance personnel ou réel.
– Le système de publicité foncière. – L'un des principaux obstacles à la tokenisation directe de l'immobilier réside en l'incompatibilité, pour ne pas dire la concurrence entre la blockchain et le système foncier français qui repose sur un duo : registre de publicité foncière administré par l'État D. no 55-22, 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière, art. 1 : « Il est tenu, pour chaque commune, par les services chargés de la publicité foncière, un fichier immobilier sur lequel, au fur et à mesure des dépôts, sont répertoriés, sous le nom de chaque propriétaire, et, par immeuble, des extraits des documents publiés, avec référence à leur classement dans les archives. Le fichier immobilier présente, telle qu'elle résulte des documents publiés, la situation juridique actuelle des immeubles ». , et alimentation exclusive par l'intermédiaire de tiers de confiance réglementés V. C. civ., art. 710-1 : « Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d'un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d'une décision juridictionnelle ou d'un acte authentique émanant d'une autorité administrative ». , les notaires français, les juges (décision judiciaire) ou autorités administratives Les préfets reçoivent les actes d'acquisitions immobilières passés en la forme administrative par l'État, en assurent la conservation et confèrent à ces actes l'authenticité en vue de leur publication au fichier immobilier (CGPPP, art. L. 1212-4) ; il en va de même pour les baux (CGPPP, art. L. 2222-1 et L. 4111-3. – Pour les maires, V. CGCT, art. L. 1311-13). , qui soumettent des demandes d'inscription. Les deux systèmes ont la particularité de constituer des registres publics enregistrant tout à la fois des informations sur les actifs et des transactions.
Alors que la réglementation a facilement admis la coexistence de registres de titres de sociétés sous forme numérique ou papier Exemple de la tenue sur un DEEP du registre des titres d'une société par actions en lieu et place d'un registre papier (V. infra, no ). , il semble difficilement concevable que l'État autorise dans les années à venir la coexistence d'une publicité des transactions immobilières sur la blockchain et sur le fichier immobilier pour les raisons qui suivent.
– La valeur du fichier immobilier. – La publicité foncière est un enjeu de politique publique, d'abord parce que son efficacité a une incidence sur la valeur économique des immeubles, mais également parce que le fichier immobilier est une base importante pour établir la fiscalité immobilière, qu'elle soit sur la propriété ou sur les transactions. Le fichier immobilier moderne a été conçu comme un lieu de collecte des impôts, droits et taxes exigibles, le conservateur des hypothèques Cette mission est aujourd'hui dévolue au service de la publicité foncière qui dépend de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). ayant dès 1956 une mission de comptable public, en percevant au profit de l'État et des collectivités territoriales les impôts, droits et taxes exigibles lors des opérations de publicité foncière. Cette mission de collecte et de contrôle des taxes s'exerce en pratique conjointement avec les notaires qui collectent les taxes générées par leurs actes.
– Question de l'opposabilité. – S'il est aujourd'hui techniquement possible de tokeniserdirectement un actif immobilier (c'est-à-dire d'accorder au porteur de parts la titularité directe de l'immeuble sans interposition d'une société), la détention d'un token immobilier n'est pas juridiquement opposable aux tiers V. D. no 55-22, 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière, art. 30 : « 1. Les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1o de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques. Ils sont également inopposables, s'ils ont été publiés, lorsque les actes, décisions, privilèges ou hypothèques, invoqués par ces tiers, ont été antérieurement publiés ». et à l'administration fiscale à défaut d'acte authentique publié.
La pleine efficacité juridique d'une tokenisation immobilière directe nécessiterait aujourd'hui une double inscription de la transaction sur la blockchain et au fichier immobilier, ce qui retire tout l'intérêt d'un recours à la blockchain, qui est un vecteur d'économie et d'optimisation.
– La question du paiement de la fiscalité. – En admettant que l'État autorise un nouveau fichier immobilier blockchain bénéficiant d'un régime particulier, en dérivation ou à part du fichier dans sa forme actuelle, comment s'organiserait alors le paiement de la fiscalité à l'occasion des transactions, et quel serait le régime juridique de la multipropriété en cas de détention directe de l'immeuble sous forme de token ?
– La fiscalité sécurisée par le tiers de confiance. – Dans la mesure où le notaire est un redevable légal des impôts vis-à-vis du Trésor public pour les actes qu'il reçoit CGI, art. 1705 : « (…) Les droits des actes à enregistrer ou à soumettre à la formalité fusionnée sont acquittés, savoir : 1o Par les notaires, pour les actes passés devant eux ; (…) ». , les parties aux actes et l'État sont garantis quant au paiement des droits dus si la provision versée est insuffisante. Ainsi, et dans la mesure où la publication de l'acte est intimement liée au paiement des taxes – ce que le législateur appelle la « formalité fusionnée » –, le notaire assure la fiscalité et la publicité de l'acte de vente, sous peine de ne pas pouvoir payer les taxes et de s'exposer aux pénalités.
Le système foncier actuel français garantit que les impôts seront payés et que l'acte de vente sera publié, ce qu'un système alternatif, même en blockchain, ne semble pas pouvoir offrir dans l'immédiat.
– La difficulté à concevoir un modèle alternatif aussi sécurisant pour l'État. – Pour l'État, la procédure actuelle est très sécurisante car il dispose d'un agent qui calcule, liquide et perçoit sous sa responsabilité les taxes et impôts. Il serait sans doute possible aujourd'hui d'automatiser et de traduire informatiquement les modalités de calcul, de prélèvement, et de paiement des taxes dues au titre d'une transaction immobilière, même dans un schéma fiscal complexe.
Toutefois, des données informatiques devront bien être saisies dans la plateforme. Qui sera alors le garant de la validité des données saisies ? Cette question renvoie à la présence d'un « oracle » fiable, sorte d'agent de confiance confirmant la validité des données saisies, et la licéité des échanges V. la présentation du concept d'oracle et ses enjeux, infra, Commission 3, nos et s. .
– Les effets « indésirables » de la propriété collective de l'immeuble. – À admettre que l'évolution du droit permette la tokenisationde la propriété immobilière directe, se poserait la question de la propriété collective d'un même immeuble, dont le régime devrait nécessairement être modifié.
Il ne semble exister en France que deux alternatives de détention d'un bien immobilier par plusieurs propriétaires dotés de la personnalité juridique : l'indivision V. C. civ., art. 815 à 815-18, « Du régime légal de l'indivision ». , d'une part, qui n'est pas connue pour être le régime le plus souple, et les organisations prévues par la loi du 10 juillet 1965 L. no 65-557, 10 juill. 1965, art. 1 : « La présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis à usage total ou partiel d'habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ». , d'autre part, à savoir la division en lots de copropriété et la division volumétrique adossée à une association de gestion.
Les deux régimes ne semblent pas correspondre aux attentes de la tokenisation.
– La copropriété et la tokenisation. – Le concept de tokenisation, qui viserait à diviser la propriété d'un immeuble en fractions échangeables sur blockchain, ne semble pas compatible avec la copropriété, qui implique la division de l'immeuble en lots affectés d'une quote-part indivise du sol correspondant à des emprises privatives. L'inverse impliquerait de créer un nombre limité de tokens équivalent à chaque lot privatif, ce dont on voit mal l'intérêt sauf à vouloir en faire une forme de société d'attribution en propriété ou en jouissance. Sous cet aspect, la copropriété semble incompatible avec les enjeux de la tokenisation, à savoir créer de la granularité dans la détention et de la liquidité.
Le régime de l'indivision, éventuellement adossé à la société en participation, mérite de plus amples développements.
– L'inadaptation du régime de l'indivision / société en participation à la tokenisation immobilière. – La tokenisation s'accompagne nécessairement d'un contrat qui pourrait prendre la forme d'un contrat de société en participation V. C. civ., art. 1871 à 1873. dépourvu de personnalité morale. Ce contrat régirait les relations entre associés, mais ne serait pas opposable aux tiers.
Le patrimoine de la société en participation étant inopposable aux tiers, il s'ensuit que l'immeuble est aux yeux des tiers détenu par un ou plusieurs des associés qui sont seuls propriétaires. Le législateur a offert la possibilité de conférer au patrimoine social une unité dans les rapports avec les tiers, soit en attribuant la propriété des biens sociaux à l'un des associés (C. civ., art. 1872, al. 4), soit en les mettant en indivision (C. civ., art. 1872, al. 3).
L'attribution de la propriété de l'immeuble de la société en participation à un seul des associés, généralement le gérant, serait particulièrement risquée. D'une part, l'associé investi de la pleine propriété aurait les pouvoirs les plus étendus sur les biens sociaux, sans même que puisse jouer la limite de la fraude puisque le pacte social est inopposable aux tiers V. supra, no . . Mais également car l'immeuble viendrait se confondre dans le patrimoine de l'associé, étant ainsi offert en gage non seulement aux créanciers sociaux mais aussi aux créanciers personnels de l'associé. Un tel montage visant à organiser la tokenisation d'un immeuble détenu par l'émetteur au travers d'une société en participation présente donc peu d'intérêt.
L'hypothèse de la détention indivise de l'immeuble par les associés de la société en participation titulaires de tokens serait donc la seule solution. Cette situation poserait la question de l'entrée en indivision de l'immeuble, achat indivis ou apport à l'indivision, qui devra, aux fins d'opposabilité, faire l'objet des formalités légales et/ou conventionnelles. Il faudrait donc admettre que la publicité foncière soit adaptée pour permettre une tokenisation indivise de l'immeuble sans recourir à l'acte notarié qui priverait d'intérêt le montage, sauf adaptation technique et formelle de l'acte authentique.
Dans les rapports avec les tiers, ce sont les règles de gestion de l'indivision qui prévalent sur les règles internes de la société en participation V. C. civ., art. 1872-1, al. 4. . Aussi les modalités de gestion de l'immeuble indivis résulteraient uniquement du régime de l'indivision du Code civil éventuellement adapté par convention. En l'absence de convention d'indivision, les règles de principe applicables à la gestion de l'immeuble seraient celles édictées par les articles 815-2 et suivants du Code civil, impliquant, hors le cas des actes conservatoires, le consentement de tous les indivisaires. L'éclatement de la propriété aurait alors pour conséquence de rendre la gestion de l'immeuble impossible.
Une convention d'indivision permettrait d'adapter en partie les modalités de gestion de l'immeuble en organisant la représentation et l'administration de l'indivision, ce qui gommerait imparfaitement les défauts de l'indivision mais ne permettrait pas de régler les droits de disposition qui nécessitent l'unanimité. Aussi il semble que ce régime ne soit pas adapté à la détention d'un immeuble.
– L'enjeu rédhibitoire de la responsabilité des indivisaires. – À admettre que les souscripteurs acceptent de devenir propriétaires indivis de l'immeuble, il ne faut pas oublier que la responsabilité de la gestion du bien indivis incomberait personnellement à tous les indivisaires qui seraient alors tenus sur leurs biens personnels. En effet, que l'acte ou le fait dont procède l'engagement soit accompli personnellement par les indivisaires ou par leur représentant, il l'est toujours en leur nom et pour leur compte. Il s'ensuit que les indivisaires seraient tenus, conjointement ou solidairement, de ces engagements selon que l'activité, dont les biens sociaux réputés indivis sont le support, est civile ou commerciale En principe les coïndivisaires sont tenus au passif conjointement, chacun pour leur part, et non pas solidairement (V. Cass. 3e civ., 12 mai 1975, no 74-11.154 : JurisData no 1975-098165 ; Bull. civ. 1975, III, no 165) ; toutefois, si les indivisaires exploitent une entreprise commerciale, ils acquièrent alors la qualité de commerçant, ce qui entraînera une solidarité pour le paiement des dettes communes. . Cela semble très dangereux et inadapté à la gestion d'un actif immobilier.

Conclusion sur la tokenisation immobilière en France

En l'état actuel du droit positif, que ce soit la publicité foncière ou les règles de droit civil en matière de propriété collective, le seul moyen de tokeniserun actif immobilier est de procéder à une tokenisation indirecte d'une société dotée de la personnalité morale et possédant un ou plusieurs immeubles. La tokenisation de la propriété directe d'un actif immobilier semble donc exclue à court terme en France.

Les différents modes de tokenisation immobilière

La tokenisation peut être effectuée selon plusieurs montages et avec différents régimes juridiques selon la nature des droits conférés par les jetons émis. Après avoir présenté les premiers montages réalisés en France (§ I) , les deux principaux types de tokenisation seront présentés, à savoir la tokenisation d'une société (§ II) et les utility token (§ III) .

La présentation des tokenisations déjà réalisées en France

– Des opérations de tokenisation du registre de titres d'une société par actions. – Les premières opérations de tokenisation françaises ont consisté à inscrire le registre des titres d'une société par actions non cotée, détenant un actif immobilier, non pas dans un registre de titres traditionnel, mais directement sur la blockchain ou DEEP En application du décret no 2018-1226, 24 déc. 2018 analysé supra, nos et s. .
Ces opérations ne bouleversent donc pas l'architecture classique des ventes immobilières, contrairement à ce qui a pu être annoncé dans la presse qui y voyait les « premières ventes en blockchain » www.capital.fr/immobilier/premiere-vente-immobiliere-via-blockchain-en-france-1342764">Lien alors que ce sont plutôt des formes de titrisation digitale. En définitive, il s'agit d'une nouvelle modalité de tenue d'un registre d'actionnaires dont le sous-jacent, détenu par la société, est un immeuble. Même si ce montage nouveau n'est pas intrinsèquement révolutionnaire, l'utilisation du numérique, et plus particulièrement de la blockchain, permet d'envisager de nombreuses simplifications et de nouvelles applications.
– La première opération française : l'hôtel particulier dit « AnnA ». – La première opération de tokenisation française est une opération francilienne dénommée « AnnA ». L'hôtel particulier AnnA, destiné à la restructuration en logements, a tout d'abord été acquis aux termes d'un processus d'achat classique devant notaire par une société par actions simplifiée pour un montant estimé à 6,5 millions d'euros.
La société Equisafe www.equisafe.io">Lien , plateforme d'investissements fonctionnant via la technologie blockchain, a ensuite enregistré la société en tant qu'émetteur dans son système. Le 25 juin 2019, l'émetteur a ainsi transformé en tokens (cent au total) le capital social de la société détentrice de l'hôtel particulier. À chaque token correspond une action de cette société, et l'ensemble des parts/tokens a ainsi été réparti entre les deux acquéreurs Sapeb, Immobilier et Valorcim promoteurs immobiliers impliqués dans l'opération. , engagés à les conserver au minimum un an. Précisons également qu'il a été créé au préalable une identité numérique pour chacun des acheteurs Via un smart contract de gestion de l'identité numérique : nationalité, typologie d'investisseurs, niveau de qualification… qui font l'objet d'une vérification Know Your Customer, puis sont enregistrées pendant une durée d'un an (renouvelable) sur la blockchain comme le permettent les règles financières européennes. .
– La mise en œuvre de smart contracts . – Pour cette opération, Equisafe indique avoir également conçu quatre smart contrats et exploité près de deux cents fonctions, faisant notamment référence à des règles métier relatives au pacte d'actionnaires, aux droits et restrictions du registre C. Auffray, 22 oct. 2019 (https://cryptonaute.fr/anna-vente-immobiliere-particuliere-permise-blockchain">Lien). . Ces fonctions interviendront ainsi lors d'une éventuelle revente ultérieure des cent tokens, entiers ou fractionnés, chaque token pouvant être scindé.
Le projet a reposé sur la blockchain publique Ethereum et des smart contracts développés en Solidity Solidity est un langage de programmation orienté objet dédié à l'écriture de smart contracts sur diverses blockchains, notamment Ethereum (https://bitconseil.fr/solidity-langage-ethereum/">Lien). pour leur solution (standard ERC-20) Comme le souligne Blockchain magazine : « Développé il y a environ un an et demi, l'ERC 20 définit une liste commune de règles à suivre. Il permet aux développeurs de prédire avec précision comment les nouveaux tokens fonctionneront dans le système Ethereum. Son impact sur les développeurs est énorme, car les projets n'ont pas besoin d'être changés à chaque fois qu'un nouveau token est émis. Ils sont conçus pour être compatibles avec tous les nouveaux tokens répondant aux mêmes standards. Un nouveau standard ERC 223 est en préparation » (http://blockchainmag.fr/token-mais-au-fait-quest-ce-que-erc-20">Lien). . Equisafe a toutefois précisé envisager de basculer leurs smart contracts existants vers la plateforme Tezos, qui n'utilise pas le même langage de programmation qu'Ethereum pour ses smart contracts.
À ce jour, aucune communication n'a été faite sur une éventuelle revente et/ou fractionnement des tokens du projet, et il semble que l'organisation d'un marché secondaire en soit au stade de projet potentiel https://cms.law/fr/fra/news-information/premiere-transaction-immobiliere-en-europe-grace-a-la-blockchain">Lien .
– La première opération de tokenisation tertiaire française. – La première opération de tokenisation d'un projet tertiaire a été menée peu de temps après par un institutionnel français (Mata Capital) www.matacapital.com">Lien . Ce projet, structuré en club-deal, a porté sur un actif parisien dans le 15e arrondissement, transformé en un hôtel quatre étoiles, pour un volume d'investissement de vingt-six millions d'euros.
Ce club-deal, réservé à une clientèle professionnelle, a été constitué sous forme de société par actions simplifiée, dont les actions ont été enregistrées dans un DEEP. Les actions de la société ont ainsi été tokenisées sur la blockchain Ethereum Mentionnée supra, no . . Pour ce projet, et dans la perspective d'héberger tous les projets éligibles, Mata Capital a développé une plateforme blockchain, opérationnelle depuis le 31 juillet 2019.
Cette plateforme est destinée à permettre la tenue des comptes-titres de véhicules immobiliers via la blockchain, mais permettrait également de réaliser l'ensemble des démarches AML (anti-money laundering) et KYC (Know Your Customer) à travers la plateforme. L'objectif serait de permettre, à terme, aux investisseurs de souscrire et de revendre facilement leurs titres de gré à gré, à partir d'un centime d'euro Pour une présentation du projet, V. par ex. : www.pierrepapier.fr/actualite/premiere-plateforme-blockchain-investissement-immobilier-mata-capital">Lien .

La tokenisation du passif de la société (registre de parts)

– La tokenisation par inscription du registre des titres en DEEP. – L'ordonnance du 8 décembre 2017 Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017 analysée supra, no . a introduit la possibilité d'inscrire certains instruments financiers dans un dispositif électronique d'enregistrement partagé (DEEP) Le terme « Dispositif d'enregistrement électronique partagé » (DEEP), correspond à la manière dont la technologie blockchain était déjà désignée par les dispositions de l'article L. 223-12 du Code monétaire et financier relatives aux minibons, introduites par l'ordonnance no 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse. en lieu et place d'une inscription en compte. Ce texte a posé un principe d'équivalence entre l'inscription traditionnelle en compte-titres et l'inscription dans un DEEP, qui tient lieu d'inscription en compte.
L'inscription sur DEEP permet de matérialiser et de présumer la propriété sur les titres ainsi inscrits au même titre que l'inscription en compte-titres. Il est indifférent que le patrimoine social sous-jacent soit constitué de biens immobiliers (parts ou actions de sociétés civiles de placement immobilier, d'organismes de placement collectif immobilier, de sociétés par actions simplifiées, etc.).
– Peut-on véritablement parler de tokenisation ? – On peut s'interroger sur la qualification véritable de l'action consistant à inscrire les titres d'une société en DEEP. En effet, l'inscription en blockchain des titres en lieu et place d'un registre des titres papier semble être une démarche technique de substitution de support sans révolution. La qualification de jeton ou token pour ces actions n'est pas évidente si l'on se réfère au Code monétaire et financier qui précise que les actifs numériques comprennent les jetons à l'exclusion de ceux qui présentent les caractéristiques des instruments financiers Mentionnés à l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, ce qui inclut les actions de société. . Si l'on suit ce raisonnement, les actions de société sur blockchain ne seraient pas des actifs numériques, mais des titres financiers.
Certains auteurs en concluent que les actions inscrites en DEEP sont des titres financiers dits « blockchainisés » et non pas véritablement des jetons/tokens, qui seraient réservés à ceux reproduisant contractuellement les droits financiers, voire les droits politiques d'un titre financier, mais sans en être V. par ex., P. Pailler : RD bancaire et fin. mai 2020, no 3, dossier 10, cité infra, no . . Mais ce débat n'a pas de conséquence juridique immédiate, et au niveau mondial, le concept de tokenisation renvoie de manière générique à l'action d'inscrire en blockchain sans distinguer.
  • soit les statuts de la société prévoient l'inscription en DEEP, et dans ce cas une simple décision du représentant légal de procéder à l'inscription suffit ;
  • soit les statuts prévoient que les titres sont au nominatif, sans pour autant viser l'inscription en DEEP, et dans ce cas la décision pourrait relever également d'une simple décision du représentant légal de la société. Il est toutefois conseillé de faire valider cette modalité en assemblée générale des actionnaires pour adapter les statuts ;
  • soit enfin, les statuts ne sont pas clairs sur la nature des titres qui pourraient être au porteur (ou le sont obligatoirement), et dans ce cas il est impératif de modifier les statuts avant toute inscription en DEEP.
L'inscription des titres financiers Les titres financiers comprennent les titres de capital émis par les sociétés par actions, les titres de créance et les parts ou actions d'organismes de placement collectif. (C. monét. fin., art. L. 211-1 à L. 211-34, art. D. 211-1 à R. 212-3). dans un DEEP relève d'une décision de l'émetteur (la société dont le capital est inscrit en DEEP) C. monét. fin., art. L. 211-7, al. 2. et ne doit pas nécessairement être prévue dans les statuts. Ainsi, plusieurs situations peuvent se présenter :
Si l'émetteur est en principe en charge de l'inscription des titres en DEEP, il peut cependant désigner un mandataire pour l'accomplissement des missions qui lui incombent en raison de la forme nominative des titres qu'il émet. Il lui appartient alors de publier au Bulletin des annonces légales obligatoires la dénomination et l'adresse de son mandataire, ainsi que la catégorie de titres financiers qui fait l'objet du mandat.
Le DEEP doit être conçu et mis en œuvre de façon à garantir l'enregistrement et l'intégrité des inscriptions et à permettre, directement ou indirectement, d'identifier les propriétaires des titres, la nature et le nombre de titres détenus. Et le propriétaire des titres inscrits en DEEP doit pouvoir disposer de relevés des opérations qui lui sont propres.
Ainsi la technologie blockchain (DEEP) doit être déployée en back-office d'une application ou plateforme délivrant des informations aux souscripteurs, qui doivent pouvoir y accéder par des moyens sécurisés.
Les inscriptions réalisées en DEEP doivent faire l'objet d'un plan de continuité d'activité actualisé comprenant notamment un dispositif externe de conservation périodique des données. Cela implique que l'émetteur, par l'intermédiaire de son représentant légal, organise un dispositif de sauvegarde externe à la solution. Dans le cas d'une blockchain publique, cette sauvegarde peut consister à doter l'émetteur d'un dispositif de minage afin de devenir un des nœuds du réseau, disposant à ce titre d'une copie de la blockchain.
– Les titres susceptibles de tokenisation. – L'ordonnance du 8 décembre 2017 ne vise que les titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d'un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison d'instruments financiers. Il faut ainsi en déduire que seuls les titres non cotés sont concernés.
Sont ainsi susceptibles d'être inscrits en registre DEEP :
  • les titres de créance négociables, qui sont des dépôts à terme ouvrant droit à un remboursement à une échéance convenue. Par exemple un bon du Trésor. Ces titres ne sont pas impliqués dans le dispositif de tokenisation ;
  • les titres de capital émis par les sociétés par actions, principalement des actions, et les titres de créance autres que les titres de créance négociables (titres non cotés), à condition que ces titres ne soient pas négociés sur une plateforme de négociation ;
  • les parts ou actions d'organismes de placement collectifs (OPC). En matière immobilière ils prennent la forme d'OPCI. Ces OPC doivent être gérés par des sociétés de gestion de portefeuille disposant d'un agrément délivré par l'Autorité des marchés financiers.
Ainsi deux principales formes de titres peuvent faire l'objet d'une tokenisation immobilière : les sociétés commerciales de type société par actions, société anonyme ou société en commandite par actions, ou encore les parts et titres des OPCI.
Pour autant, la seule inscription des titres en registre DEEP ne répond pas à l'objectif véritable de liquidité porté par la tokenisation, qui est la capacité technique mais surtout juridique d'organiser des marchés secondaires.
– La tokenisation des SCPI. – Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) sont des sociétés civiles, qualifiées d'OPC et plus particulièrement des fonds ouverts à des investisseurs non professionnels relevant de la catégorie des fonds d'investissement alternatifs (FIA) C. monét. fin., art. L. 214-1 et L. 214-24. . Ainsi les parts de SCPI sont qualifiées d'instruments financiers, et devraient pouvoir bénéficier des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2017 Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017. .
Toutefois, la réglementation prévoit que les transferts de propriété des parts de SCPI obéissent à un régime ad hoc, par inscription sur le registre des associés, et non pas en compte-titre C. monét. fin., art. L. 214-93. . Le régime spécifique relatif à la tenue de registre des associés de SCPI, droit spécial, semble exclure le recours alternatif à l'inscription en DEEP, même si aucun texte réglementaire ne l'interdit.
En l'absence de disposition législative ou réglementaire contraire, le choix technologique quant à la tenue du registre des associés par la SCPI semble possible. Pourrait-on admettre qu'il prenne la forme d'un DEEP ? Il semble qu'aucune obligation réglementaire n'interdise le recours à la blockchain en appliquant volontairement le dispositif de l'ordonnance du 8 décembre 2017 Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017. . À notre connaissance, aucune SCPI n'a initié une telle démarche.
L'intérêt de la tokenisation des parts de SCPI est actuellement limité par les conditions de revente sur marché secondaire, notamment pour les sociétés à capital variable pour lesquelles on parle de retrait par l'intermédiaire de la société de gestion qui fixe le prix en fonction de la valeur du patrimoine de la société, indépendamment de l'offre et de la demande. Dans ce cas, il n'y a pas véritablement de marché et l'intérêt de la blockchain serait de réduire les coûts de back-office et d'optimiser les procédures.
S'agissant des sociétés à capital fixe, le marché secondaire est organisé par la société de gestion qui confronte des ordres d'achat/vente inscrits chronologiquement sur un registre tenu au siège de la société C. monét. fin., art. L. 214-93, al. 1er. . Là encore, le formalisme imposé aux souscripteurs rend la traduction informatique dans une blockchain, à admettre qu'elle soit juridiquement possible, très complexe.

L'utility token

– Concept d'utility token . – Il n'y a pour l'heure pas de définition légale précise des actifs numériques classifiant les utility tokens et les security tokens. Il est communément admis que les utility tokens sont des jetons numériques qui donnent aux utilisateurs le droit d'accéder à un produit ou un service et dont la valeur provient principalement de ce droit. À ce titre, les utility tokens ne confèrent à leurs détenteurs aucun droit de propriété sur la plateforme ou les actifs de l'entreprise.
Les utility tokens ne doivent pas non plus poursuivre une logique ou une attente de rendement financier sous peine de devenir des security tokens. En outre, bien que les utility tokens puissent être échangés entre leurs détenteurs, ils ne sont pas utilisés en premier lieu comme un moyen d'échange (à l'inverse d'une cryptomonnaie). Cela implique que même si un utility token peut être utilisé en règlement d'un bien ou d'un service distinct de celui en vue de la livraison duquel il a été émis, cette utilisation n'est qu'incidente à sa fonction principale.
– L'intérêt avéré des utility tokens . – Les utility tokens sont le carburant des levées de fonds en ICO Présenté infra, nos et s. , permettant, en théorie, et sous réserve de respect des règles de régulation et du Code monétaire et financier, de financer un projet de services par la vente anticipée des services d'une société sous forme de token.
À ce jour, aucun projet notable d'utilty token n'a été publié dans le domaine de l'immobilier, même si de nombreux articles de presse font la promotion de cette idée V. par ex. : Blockchains et financement de l'immobilier – La « tokenisation » des actifs immobiliers (www.ieif.fr/revue_de_presse/blockchains-et-financement-de-limmobilier-la-tokenisation-des-actifs-immobiliers">Lien). .
– La diversité des usages possibles des utility tokens en immobilier. – L'immobilier offre avant toute chose un usage pour ses occupants, que ce soit pour vivre, travailler ou produire des biens et services. À ce titre, l'immobilier se prête tout particulièrement à l'imagination de jetons numériques matérialisant un usage de tout ou partie d'un immeuble dans le temps. Dès lors qu'un token ne matérialiserait pas la propriété et/ou un revenu, il est probable qu'un token immobilier relèverait de la catégorie des utility tokens.
Le champ des possibles est vaste et l'on pourrait citer à titre d'exemple :
  • token d'utilisation d'un bureau de coworking. On peut imaginer qu'un token puisse matérialiser le droit de jouir d'un bureau dans un espace de coworking de bureaux, pour un nombre d'heures ou jours déterminé ;
  • token d'utilisation d'une chambre d'hôtel. Dans le même esprit, un token hôtelier pourrait servir de carte d'accès à une chambre d'hôtel pour une nuit dans une chaîne déterminée ;
  • token d'utilisation d'une servitude de passage. Idem, avec l'utilisation pour un temps donné d'un espace de stockage ou rangement.
Ces idées devront se vérifier par des cas d'usage concrets, justifiant un investissement dans une blockchain par les pionniers de l'économie du numérique. À l'heure actuelle, ces services ne semblent pas justifier le recours à la blockchain.
– La blockchain comme outil de modernisation des sociétés de time-share . – La tokenisation pourrait permettre de donner un nouvel élan aux résidences de vacances en time-share, qui permettent actuellement à des associés de jouir une ou plusieurs fois par an d'une résidence secondaire. Bien que cela puisse prendre la forme de titres de sociétés par actions tokenisées, et donc des titres financiers, on peut s'interroger sur leur nature d'utility token ou security token, dans la mesure où la finalité première et prépondérante est l'attente d'un service.
Si le projet était conduit sous forme d'une société tokenisée, ce projet de société devrait respecter et mettre en œuvre le dispositif de la loi sur les sociétés d'attribution en jouissance L. no 86-18, 6 janv. 1986, relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé. .

de société d'attribution en jouissance

Ce projet pourrait consister à tokeniser le registre des titres d'une société par actions simplifiées inscrits en DEEP et contenant, via un smart contract, les modalités de jouissance et les semaines de jouissance affectées. Dans la mesure où la dématérialisation des convocations et des assemblées générales est aujourd'hui autorisée pour la société par actions simplifiée, une telle société pourrait fonctionner entièrement en digital. Cela impliquerait de traduire en formalités numériques toutes les obligations imposées par la loi du 6 janvier 1986 (gestion, dépenses, état des lieux, tableau d'affectation, etc.) et de gagner en souplesse sur les modalités de division, d'attribution et de jouissance du bien.
Dans l'esprit d'une économie collaborative basée sur une égalité d'accès aux semaines sur l'année, on pourrait imaginer que chaque part de la société donne droit à l'attribution d'un nombre déterminé de tokens de jouissance, ces tokens pouvant par la suite être utilisés pour la réservation de semaines non attribuées, via un système de réservation, qui pourrait également prendre la forme d'un système d'enchères à la hollandaise. Un système de calendrier fonctionnant avec une grille de base, et un système de jetons, avec un tableau précisant que X parts donnent droit à X jetons sur l'année, pourraient fonctionner en théorie. Il faudrait toutefois que le système soit parfaitement décrit et compris des associés, et qu'il garantisse la faculté pour tous les associés de jouir de l'immeuble d'une manière ou d'une autre au moyen du système. À défaut, un associé lésé pourrait essayer d'agir en retrait ou annulation de la société.