La domiciliation numérique

La domiciliation numérique

L'ouverture d'un compte auprès de n'importe quel service numérique crée un point de contact virtuel pour le client, utilisable a minima pour les échanges entre l'hébergeur et le client. Certains services numériques, notamment les messageries en ligne et les réseaux sociaux, ont pour finalité la création d'un tel point de contact qui est par définition ouvert aux autres utilisateurs de ce service, voire à n'importe quel utilisateur d'un service en ligne compatible.
Le service numérique de référence en la matière est le courrier électronique ou e-mail, qui peut être considéré comme une alternative au domicile traditionnel (§ I) . Toutefois, ses défauts invitent à envisager d'autres formes de domiciliation numérique (§ II) .

L'adresse e-mail comme alternative au domicile traditionnel

Le système de courrier électronique auquel est attachée l'adresse e-mail est l'un des plus anciens protocoles d'internet, issu directement de son prédécesseur immédiat, le réseau Arpanet. Sa généralisation est directement liée à la diffusion d'internet, et son protocole ouvert et potentiellement gratuit fait que toute personne peut disposer facilement d'une adresse e-mail permettant de contacter et d'être contactée par toute autre personne disposant également d'une adresse e-mail.
– Élection de domicile. – En droit français, le domicile est régi par les articles 102 à 111 du Code civil. Ces articles déterminent les critères permettant d'identifier le domicile d'une personne. Aucune mention n'est faite d'un éventuel domicile numérique. Aussi une domiciliation numérique ne pourra qu'être supplétive, prenant ainsi la forme d'une élection de domicile telle que régie par l'article 111 du Code civil « Lorsqu'un acte contiendra, de la part des parties ou de l'une d'elles, élection de domicile pour l'exécution de ce même acte dans un autre lieu que celui du domicile réel, les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte pourront être faites au domicile convenu, et, sous réserve des dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile, devant le juge de ce domicile » (C. civ., art. 111). .
– Élection de domicile numérique en matière contractuelle. – À ce sujet, l'article 1126 du Code civil dispose, à propos de l'exécution d'un contrat, que : « Les informations qui sont demandées (…) au cours de son exécution peuvent être transmises par courrier électronique si leur destinataire a accepté l'usage de ce moyen ».
Une lecture conjuguée des articles 111 et 1126 du Code civil permet donc d'envisager, dans le cadre d'une relation contractuelle, une élection de domicile numérique sur une adresse e-mail en respectant un certain formalisme.

Bases légales du domicile numérique

Une application combinée des articles 111 et 1126 du Code civil permet de créer une domiciliation numérique en référence à une adresse e-mail dans le cadre de l'exécution d'un contrat et de ses suites.
– Lettre recommandée électronique. – L'article L. 100 du Code des postes et des communications électroniques C. P et CE, art. L. 100. le confirme et prévoit des conditions précises de validité en renvoyant à l'article 44 du règlement européen eIDAS PE et Cons., règl. (UE) no 910/2014, 23 juill. 2014, sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE. et à un décret à prendre en Conseil d'État. Il s'agit en l'espèce du décret du 9 mai 2018 sur la lettre recommandée électronique D. no 2018-347, 9 mai 2018, relatif à la lettre recommandée électronique : JO 12 mai 2018. .
Il résulte de ces différents textes qu'il peut être adressé à toute personne physique ou morale un courrier recommandé électronique ayant la même valeur qu'un courrier recommandé traditionnel, à condition que cette personne ait communiqué son adresse e-mail, qu'elle ait accepté l'utilisation de ce procédé si elle a la qualité de particulier, et que l'outil utilisé soit agréé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).
Au-delà de l'aspect dématérialisé, immédiat et sans déplacement du recommandé électronique, un intérêt inattendu peut lui être trouvé : contrairement au courrier recommandé traditionnel, l'expéditeur est identifié, et donc signe le courrier recommandé électronique, avec un degré élevé de sécurité.

Les prérequis pour pouvoir faire usage de la lettre recommandée électronique

L'usage de la lettre recommandée électronique comme alternative à la lettre recommandée traditionnelle n'est possible que si la personne physique ou morale destinataire a communiqué son adresse <em>e-mail</em>, a accepté l'utilisation de ce procédé si elle a la qualité de particulier, et que l'outil utilisé est agréé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). L'expéditeur est identifié avec un degré élevé de sécurité.

– Limites de l' e-mail comme alternative au domicile traditionnel. – L'adresse e-mail comme alternative au domicile traditionnel présente toutefois des limites dont deux principales peuvent être relevées :
  • l'identité de l'expéditeur d'un simple e-mail ne peut jamais être assurée. En effet, même si l'on a la certitude qu'une personne utilise une adresse e-mail déterminée, on ne peut pas avoir la certitude qu'un courriel se prévalant de l'adresse en question a bien été émis par son titulaire. En cas de doutes sérieux, la seule solution est de répondre au message en demandant confirmation de son contenu, car s'il est très facile d'adresser un e-mail pour le compte d'un tiers, il est beaucoup plus difficile de lire les e-mails qu'il reçoit ;
  • la dénomination d'une adresse e-mail ne peut avoir aucun rapport avec son titulaire ; elle peut même prêter facilement, voire volontairement, à confusion.
Compte tenu de son ancienneté et de son déploiement, une modification du protocole e-mail corrigeant ces limites n'est toutefois pas envisageable.

Les alternatives à l'e-mail pour sécuriser la domiciliation numérique

– Domiciliation via les réseaux sociaux ? – Les utilisateurs des réseaux sociaux ont quotidiennement recours à des systèmes de communication électronique plus modernes, en se servant de leur nom ou d'un pseudonyme notoire. Ils sont seuls à y avoir accès, tant en termes d'émission que de réception, et l'inscription à ces services étant le plus souvent gratuite, n'importe qui peut les contacter facilement.
– Les risques en termes d'identification. – L'absence de contrôle d'identité systématique lors de l'inscription peut créer une réticence à l'usage de tels services pour établir une relation épistolaire officielle. Le nombre et la diversité des publications peuvent toutefois rapidement confirmer l'identité de la personne. De plus, certains réseaux sociaux prévoient la possibilité de faire certifier son identité.
– Les risques en termes de confidentialité. – L'autre réticence à l'usage de ces services est l'incertitude sur la confidentialité pratiquée par les hébergeurs lors des échanges de messages, le modèle économique des réseaux sociaux gratuits reposant notamment sur l'analyse de l'activité individuelle de ses membres afin de proposer une publicité ciblée. Aussi, admettre l'envoi de documents ou d'informations d'une importance certaine (car l'enjeu est là) sur les comptes des clients des réseaux sociaux serait prendre le risque de divulguer des informations par nature sensibles et confidentielles.
Un arbitrage délicat doit donc être fait.
La création d'un registre des domiciliations électroniques permettrait sans doute de favoriser ces correspondances électroniques. En s'inscrivant sur ce registre, le titulaire d'une adresse e-mail ou de toute autre identité numérique admise accepterait d'être contacté officiellement par n'importe quelle administration, cocontractant, débiteur ou créancier sur le ou les comptes indiqués.