La blockchain

La blockchain

Cette technologie de stockage de données et de transmission d'informations sous forme de registre distribué fonctionne grâce à des outils cryptographiques avec des clés asymétriques. Elle permet des échanges en peer-to-peer, c'est-à-dire sans intermédiaire http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-communes/chaines-de-blocs">Lien . La technologie blockchain est donc avant tout une technologie de conservation de données qui se veut infalsifiable et pérenne. L'est-elle réellement ? Les lacunes de la blockchain publique en matière de conservation des données sont aujourd'hui assez bien identifiées et très largement commentées par des auteurs de tous horizons 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, ?Familles ?Solidarités ?Numérique, Le notaire au cœur des mutations de la société, p. 988 et s., § 3485 et s.?Rapp. AN no 1501, Les chaînes de blocs (blockchains), déc. 2018 ; V. égal. art.s multiples in Dalloz IP/IT 2018, 2019. . Quelques-unes peuvent être citées.

Les limites d'une conservation fiable

Une conservation fiable des données inscrites sur une blockchain publique repose principalement sur deux caractéristiques :
  • le mode de validation. Pour être inscrite, l'opération doit être validée par 51 % des mineurs. Il faut donc détenir 51 % de la puissance de calcul du minage pour en modifier le contenu. Plus le nombre de mineurs sera important, plus les modifications seront longues. Dès lors, l'information inscrite sur la base de données ne peut plus être effacée, ni modifiée par une minorité. Et toute tentative de modification serait immédiatement détectée par les autres membres du réseau ;
  • la fonction d'horodatage ( time stamping ). Cette fonction permet d'offrir à ses utilisateurs la certitude de la date et de l'heure de l'inscription du bloc dans la chaîne de blocs.
Toutefois, la blockchain publique reste en proie à des difficultés pouvant nuire à la fiabilité de l'information conservée.
  • Les mineurs peuvent être animés de mauvaises intentions . Une collusion de mineurs, agissant pour le compte d'une organisation ou d'un État malintentionné pourrait ainsi réussir à désinscrire des données et déstabiliser tout l'écosystème. Chacun reconnaît néanmoins que ce risque de piratage est plus probable dans une blockchain privée ou hybride que dans une blockchain publique.
  • L'identité du déposant est incertaine et contestable .
  • L'algorithme de validation du proof of work dans la blockchain publique connaît des limites techniques. Le débit (nombre de transactions par seconde) et la latence (temps de validation des transactions) sont faibles comparativement à d'autres secteurs. Ainsi, le nombre d'opérations est de 25/s pour la blockchain là où la carte Visa oscille entre 4 000 à 56 000/s au maximum. Le temps entre le dépôt réel de l'information par le déposant et son inscription sur la blockchain peut s'avérer assez long.
  • La preuve de l'authenticité du document déposé reste incertaine. Plus précisément, il s'agit de l'existence même et du contenu de la pièce déposée sur le registre qui posent question. La blockchain conserve le document ou l'information sous forme d'empreinte (le hash). Mais la blockchain n'a jamais été un outil de conservation du document lui-même numérisé ou numérique. Il existe donc un doute, au mieux quant à la correspondance entre l'empreinte sur la blockchain et le document, au pire quant à l'existence même du document.

Les limites d'une conservation pérenne

La pérennité des données inscrites sur une blockchain publique reste une question fondamentale aujourd'hui. Pour répondre à cet objectif, plusieurs difficultés devront être surmontées.
  • L'algorithme de validation du proof of work est énergivore. En effet, l'opération de minage nécessite des ordinateurs extrêmement puissants. Des « fermes de minage » munies d'équipements superpuissants construits uniquement à cette fin, ont ainsi vu le jour. Elles fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour mobiliser une puissance de calcul toujours plus importante. Ces data centers consommant une très grande quantité d'énergie pour fonctionner se développent dans des pays proposant des coûts énergétiques plus favorables (Québec). À l'heure du réchauffement climatique et de la préservation de la planète, cette problématique pourrait sonner le glas de ce type de consensus. C'est la raison pour laquelle de nouveaux consensus de validation apparaissent comme le tirage au sort (proof of stake) ou la preuve de la détention (proof of shake), la preuve de la possession (proof of hold), la preuve d'utilisation (proof of use).
  • Les outils cryptographiques ont une obsolescence programmée à plus ou moins long terme. Ainsi, en quelques années et pour garantir l'intégrité du document, les blockchains sont passées d'empreintes calculées en SHA-1 (clé de 160 bits) à des empreintes calculées en SHA-2 (clé de 256 bits). Aujourd'hui, la technologie blockchain s'appuie sur des terminaux dont la puissance de calcul est physiquement limitée. Elle ne permet pas à un ordinateur traditionnel de retrouver une clé privée à partir de la clé publique lisible par tous. Mais qu'en sera-t-il le jour où les ordinateurs quantiques seront fonctionnels ? Ils permettront de lever cet obstacle purement mathématique en utilisant des paradoxes de la mécanique quantique. Ce nouveau mode de calcul révolutionnaire permettra de casser tous les codes en étudiant des quantités gigantesques de solutions cryptographiques. Le système de cryptographie asymétrique sur lequel repose la technologie blockchain deviendra alors obsolète, sauf à évoluer lui aussi….
  • Assurer la pérennité des algorithmes utilisés ? Les archives sont vivantes. Tous les deux ou trois ans les algorithmes changent : comment certifier la lecture des informations dans vingt/trente ans ?
Si la blockchain publique constitue un outil de stockage, les limites connues en matière de pérennité et de fiabilité entament la confiance en cette technologie. Qu'en est-il du coffre-fort numérique ?