Il est nécessaire d'appréhender le concept d'urbanisme de projet (§ I), avant d'analyser l'ampleur de ce qu'il permet, par l'exemple du Grand Paris (§ II).
Pour un urbanisme de projet
Pour un urbanisme de projet
Le concept de l'urbanisme de projet
– Un urbanisme de projet trop étriqué. – Même si le sujet est évoqué depuis un certain temps
1507398397077, il n'existe aucune définition de l'urbanisme de projet. Si l'on s'en tient au rapport rendu à M. Benoist Apparu sur le sujet le 27 mai 2011
1507395631548, cet urbanisme de projet pourrait ne correspondre qu'à une inflexion du PLU, appelé à retrouver sa vocation d'être le garant du projet de territoire, plutôt qu'un document de plus en plus volumineux définissant avec de multiples détails la manière d'utiliser le sol.
À l'aune de cette vision restrictive, la définition de l'urbanisme de projet semble trop étriquée
1507465457313. Il ne s'agirait alors que d'une nouvelle retouche du PLU, visant son énième simplification
1507467432250et sa restriction aux seules règles strictement nécessaires à la réalisation du projet de territoire exprimé dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Quelle serait sa plus-value par rapport à ce PADD
1507398765352et aux orientations d'aménagement et de programmation (OAP)
1507398815123, qui sont déjà des outils d'un urbanisme de projet ?
– Pour un urbanisme de projet permettant la flexibilité des règles. – Certes, un assouplissement des conditions de rédaction du règlement du PLU est utile, en ce qu'il confère un pouvoir plus grand aux élus locaux dans la définition des règles applicables au territoire communal
1507481224476, comme la possibilité pour certaines parties du territoire communal de ne pas faire l'objet de règles écrites (C. urb., art. R. 151-8).
Mais il ne doit en rien empêcher d'autres avancées, comme augmenter de manière générale la flexibilité dans l'application du PLU. Il est peu probable que prospère l'idée de considérer les normes édictées par le PLU comme de simples directives à caractère indicatif
1507481926196. En revanche, revenir sur le tabou interdisant à l'administration d'octroyer des dérogations aux projets bloqués par des difficultés non envisagées au moment de l'édiction de la règle d'urbanisme donnerait une véritable bouffée d'oxygène au système
1507482220694, lorsqu'ils sont compatibles avec le projet d'ensemble de la zone concernée
1507482792394.
– Une PIL déchargée. – Une vision encore plus extensive de l'urbanisme de projet consiste à permettre une procédure simplifiée et rapide de modification des règles d'urbanisme locales incompatibles avec un projet d'intérêt général. Le projet voulu par la collectivité publique justifie une dérogation dans le circuit si compliqué de réformation des textes d'application locale. Le projet est le vecteur déclenchant de la modification de la norme.
Ces outils existent : il s'agit de la déclaration de projet (C. urb., art. L. 300-6)
1510780138795et de la procédure intégrée pour le logement dite « PIL » (C. urb., art. L. 300-6-1), étendue également à l'immobilier d'entreprise
1507491623227.
L'une et l'autre sont appliquées de temps en temps, mais sans doute moins qu'escompté par leurs créateurs.
La PIL concerne une opération de construction d'intérêt général appelant une mise en compatibilité de documents d'urbanisme et devant concourir à la mixité sociale. Elle permet de mettre en compatibilité plusieurs documents d'urbanisme conjointement. Le retour d'expérience est décevant
1507492291419. En effet, les services appelés à manipuler la PIL le font avec une prudence telle qu'elle la rend inopérante. Vue comme une procédure dérogatoire appelée à ne s'appliquer qu'à certaines opérations de logement dans un contexte particulier ne nécessitant l'évolution de documents d'urbanisme que sur des points restreints, la PIL est très peu utilisée. Le peu de recul en matière de jurisprudence quant à la justification de l'intérêt général n'invite pas non plus à l'emballement.
Toutes proportions gardées, s'agissant d'un projet hors normes, l'adaptation des dispositions législatives et réglementaires au projet du Grand Paris va dans le sens de cet urbanisme de projet.
L'exemple du Grand Paris
– Le pari du Grand Paris. – Si Paris est la capitale française d'aujourd'hui, le Grand Paris entend déjà répondre au défi de la ville de demain au niveau mondial. Projet d'aménagement à l'échelle d'une agglomération de douze millions d'habitants, il fait le pari d'améliorer le cadre de vie des habitants sur un modèle durable, tout en corrigeant les inégalités territoriales.
Dans sa phase opérationnelle, le projet du Grand Paris repose sur la rénovation et le développement d'un réseau de transport public de voyageurs pour la région Île-de-France, et sur l'émergence de véritables projets urbains tout au long de ce tracé de transport. Ainsi, de nouveaux quartiers sont appelés à accueillir, principalement autour des gares, des fonctionnalités multiples mêlant logements et activité économique, pôles universitaires et équipements culturels
1508264197842. Des quartiers isolés seront désenclavés, dans la logique d'un meilleur équilibre entre l'est et l'ouest, Paris et sa banlieue, territoires riches et pauvres.
La lutte contre le dérèglement climatique fait également partie intégrante du projet, ainsi qu'une moindre consommation de tout ce qui n'est pas renouvelable, la protection des espaces naturels et l'idée d'une proximité aux services essentiels.
– Un exemple atypique. – Les gouvernements successifs et les collectivités territoriales portent ensemble la réalisation de cet ambitieux projet de modernisation et de développement depuis des années. Mais la législation n'était pas compatible avec une réalisation efficace et rapide d'un projet faisant consensus. Qu'à cela ne tienne, il suffit d'adapter la norme au projet. Dans le cas du Grand Paris, la norme évolutive est législative. Ainsi, depuis 2010, huit lois ont créé le Grand Paris puis l'ont impacté directement. Plusieurs articles du Code des transports et du Code général des impôts lui ont été dédiés
1507470176185. Les particularités provenant de ces lois diverses donnent à penser qu'il y a un droit de l'urbanisme parisien différent de celui du reste du pays
1507473621193. Ainsi, cet exemple est totalement atypique
1507474278091. Il est pourtant révélateur d'un constat important : lorsque le projet le mérite, la règle peut changer pour lui donner les moyens de prospérer. Il en serait de même à plus petite échelle avec un urbanisme négocié.