Les mutations à titre onéreux

Les mutations à titre onéreux

Le régime particulier des preneurs

– Les conditions d'application du régime de faveur. – L'acquisition d'immeubles ruraux par les preneurs en place, que ce soit en pleine propriété, usufruit ou nue-propriété, bénéficie du taux réduit de 0,70 % (CGI, art. 1594 F quinquies D) 1508745784123.
Ce régime de faveur suppose :
  • qu'au jour de l'acquisition, les immeubles soient exploités depuis au moins deux ans, soit en vertu d'un bail consenti à l'acquéreur personne physique, à son conjoint, à ses ascendants ou aux ascendants de son conjoint ou encore à la personne morale acquéreur 1508616004265 ;
  • en présence d'une personne morale acquéreur, l'existence d'un bail ou d'une mise à disposition à son profit (dans les conditions de l'article L. 411-37 du Code rural et de la pêche maritime ou de l'article L. 323-14 dudit code s'il s'agit d'un GAEC) ;
  • que l'acquéreur prenne l'engagement, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit quand il s'agit d'une personne physique, de mettre personnellement en valeur les biens acquis pendant un délai minimal de cinq ans à compter de la date du transfert de propriété 1508665882454.
Le régime de faveur s'applique également à l'acquisition réalisée en vue de l'installation d'un enfant majeur ou mineur émancipé de l'acquéreur. Par tolérance, il est étendu à l'acquisition réalisée par un descendant issu d'un précédent mariage du conjoint du titulaire du bail et par un adopté simple lorsque la location a été consentie à l'adoptant 1508710257231. En présence d'une exploitation agricole composée d'un bâtiment d'habitation et de terres, l'acquisition doit être réalisée par la même personne pour bénéficier du régime de faveur 1508617641639. Par immeubles ruraux, il faut entendre ceux affectés à la production agricole au jour de la vente, à l'exception des bâtiments à usage d'habitation n'en constituant pas l'accessoire 1508741655859. Lorsque le bail a été consenti au profit d'une société civile agricole, ses membres ne bénéficient pas du régime de faveur 1508664645762. L'inobservation de l'engagement d'exploitation personnelle pendant cinq ans entraîne, en principe, la déchéance du régime de faveur.
– La déchéance du régime de faveur. – Deux causes de déchéance sont prévues :
  • la cessation de l'exploitation personnelle du fonds, dans le délai de cinq ans à compter de la date de son acquisition ;
  • et l'aliénation à titre onéreux, dans le même délai, de la totalité ou d'une partie du fonds 1508614073308.
Il existe toutefois des dérogations à la déchéance liée à l'absence d'exploitation personnelle sous certaines conditions :
  • la location du bien à un descendant ou au conjoint du descendant, lequel s'engage lui-même à continuer l'exploitation personnelle du fonds jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter de la date d'acquisition initiale ;
  • la mise à disposition au profit d'une société civile agricole, lorsqu'elle est effectuée dans les conditions prévues à l'article L. 411-2 du Code rural et de la pêche maritime, c'est-à-dire notamment lorsque le propriétaire, auteur de la mise à disposition, participe effectivement à leur exploitation au sein de la société. Le BOFIP exige au surplus que la mise à disposition soit réalisée conformément à l'article L. 411-37 du même code et ne donne pas lieu, de ce fait, à l'attribution de parts sociales 1508613737793 ;
  • la concession à titre onéreux de la jouissance des biens, notamment par bail, à un groupement foncier agricole, un groupement agricole d'exploitation en commun, une entreprise agricole à responsabilité limitée, une société civile d'exploitation agricole (CGI, art. 1594 F quinquies, D, I, 2°, al. 4). Toutefois, l'acquéreur ou ses ayants cause à titre gratuit doivent continuer à mettre personnellement en valeur les biens acquis dans le cadre du groupement ou de la société, jusqu'à l'expiration du délai de cinq années à compter de la date d'acquisition 1508613907914.
Des dérogations à l'obligation de conservation existent également dans les hypothèses suivantes :
  • l'apport à un groupement foncier agricole, un groupement agricole d'exploitation en commun, une entreprise agricole à responsabilité limitée, une société civile d'exploitation agricole ; à condition que l'apporteur prenne l'engagement pour lui, son conjoint ou ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts jusqu'à l'expiration du délai de cinq ans à compter de la date de transfert de propriété initial (CGI, art. 1594 F quinquies, D, 2°, al. 3) ;
  • l'aliénation, lorsqu'elle est consentie à un descendant ou au conjoint d'un descendant, lequel s'engage à continuer l'exploitation personnelle 1508745973618. Le BOFIP ne précisant pas le régime applicable à l'acquisition par le conjoint du descendant séparé de biens, il est possible d'étendre le principe de l'indifférence du régime matrimonial applicable à l'acquisition par le conjoint du preneur ;
  • l'échange, à la condition que l'engagement d'exploitation personnelle soit reporté sur les biens échangés et que ceux-ci soient d'égale valeur 1508746056361.
En outre, certaines précisions sont apportées par la doctrine en cas d'apport :
  • l'engagement pris par l'apporteur doit être inclus dans l'acte d'apport ;
  • l'apport doit être à titre pur et simple 1511705441658 ;
  • les parts reçues doivent être conservées, mais aucune obligation n'est faite à l'apporteur de continuer à exploiter personnellement ;
  • la mutation à titre gratuit des parts suite à un décès ou à donation n'entraîne pas la remise en cause du régime de faveur, à condition que les héritiers ou donataires poursuivent l'engagement de conservation.
– Les effets de la déchéance. – La déchéance est sanctionnée par le paiement du complément de la taxe dont l'acquisition a été dispensée, augmentée de l'intérêt de retard décompté à partir du premier jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de présentation de l'acte à la formalité 1508742607420. La déchéance ne porte que sur la partie du prix d'acquisition des immeubles pour lesquels l'engagement n'a pas été respecté. Dans l'hypothèse d'une vente au profit d'un descendant ou du conjoint d'un descendant, ce dernier est tenu solidairement au paiement des droits 1508746346431.

Le régime particulier des jeunes agriculteurs

– Régime général de l'article 1594 F  quinquies  E du Code général des impôts. – Les droits réduits au taux de 0,70 % concernent les acquisitions d'immeubles ruraux réalisées dans des zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A du Code général des impôts 1508749414418par des jeunes agriculteurs bénéficiaires d'une dotation jeunes agriculteurs (DJA), qu'ils soient exploitants individuels ou associés d'une société civile agricole 1508749355934. Son application est limitée dans le temps et dans son montant. En effet, les acquisitions réalisées doivent intervenir au cours des quatre années suivant l'octroi de la dotation jeunes agriculteurs 1508749458988pour un montant total plafonné à 99 000 €. Comme pour le régime précédent, l'acquisition est entendue au sens large et s'applique également à la soulte dans un partage d'origine successorale ou communautaire. Concernant la nature des immeubles concernés et de la mutation, il convient de se référer au régime précédent. Pour le jeune agriculteur marié sous le régime de la communauté, l'acquisition seul pour le compte de la communauté lui permet de profiter du taux réduit sur la totalité du prix d'acquisition 1508749919566, ce qui n'est pas le cas en régime séparatiste, la réduction ne portant que sur sa part 1508750218871. Un certificat délivré par la direction départementale du travail attestant du bénéfice de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) est produit à l'appui de la publication et, en cas d'acquisitions successives, un rappel de son application antérieure est porté dans l'acte.
– La déchéance du régime de l'article 1594 F  quinquies  E du Code général des impôts. – La suppression de la DJA ou la cessation d'activité dans le délai de cinq ans remet en cause le régime. La déchéance est sanctionnée par le paiement du complément de droits, outre l'intérêt de retard.

Le régime particulier des échanges d'immeubles ruraux

– Le bénéfice de l'exonération de taxe de publicité foncière ou droit d'enregistrement. – Il s'agit notamment des opérations effectuées conformément aux articles L. 124-3 et L. 124-4 du Code rural et de la pêche maritime. La doctrine administrative précise que les échanges d'immeubles ruraux susceptibles d'être considérés comme des opérations intercalaires doivent permettre de regrouper des terres et d'améliorer les conditions d'exploitation. L'échange bilatéral est toujours amiable, tandis que l'échange multilatéral peut éventuellement présenter un caractère obligatoire 1509006361818. L'article L. 124-3 du Code rural et de la pêche maritime dispose que les immeubles échangés doivent être situés soit dans le même canton, soit dans un canton et dans une commune limitrophe. En dehors de ces limites, l'un des immeubles échangés doit être contigu aux propriétés de celui des échangistes qui le reçoit.
Par mesure de tolérance, les immeubles échangés peuvent être situés :
  • dans un canton et dans plusieurs communes limitrophes de ce canton, qu'elles appartiennent elles-mêmes à un ou plusieurs cantons ;
  • sur une commune non limitrophe du canton, à la condition qu'il s'agisse non de parcelles isolées, mais d'une exploitation ne présentant aucune solution de continuité 1511706138385. Cependant, il y a lieu de considérer comme contigus des immeubles qui, sans être naturellement voisins les uns des autres, sont regardés comme les parties d'une même propriété. Ainsi, deux terrains séparés par un chemin rural, par un ruisseau ou par toute voie n'empêchent pas la continuité de l'exploitation. Mais ce caractère n'appartient pas à des immeubles séparés par un fleuve, par un chemin de fer ou par tout autre obstacle constituant une interruption réelle de communication entre les propriétés 1509007140764. Seules les soultes d'échanges d'immeubles ruraux sont soumises au tarif prévu pour les ventes d'immeubles 1509008208114.
– Le bénéfice de l'exonération d'impôt sur la plus-value. – Les plus-values réalisées lors de ces opérations sont exonérées (CGI, art. 150 U, II, 5°) 1509009760530. En principe, la stipulation d'une soulte n'entraîne pas la requalification du contrat. Toutefois, ce principe ne vaut que si la soulte apparaît bien comme un accessoire de l'opération principale. Lorsqu'il y a disproportion entre la soulte et la valeur du bien acquis en échange, l'opération doit, en principe, être requalifiée en une simple vente. Toutefois, une décision a écarté toute requalification alors même que la soulte représentait plus de sept fois la valeur du bien reçu en échange 1509009944175.

Le régime particulier des ventes et substitutions SAFER

– Le régime général de l'article 1028 terdu Code général des impôts. –  Cet article dispense les cessions réalisées par la SAFER de toute perception au profit du Trésor.
L'application de ce régime de faveur suppose la réunion de deux conditions :
  • que la cession soit effectuée en application de l'article L. 141-1 du Code rural et de la pêche maritime, ce qui signifie qu'elle doit porter sur des immeubles ruraux ;
  • que les biens sur lesquels elle porte coniservent une destination conforme aux dispositions de l'article précité pendant le délai de dix ans à compter du transfert de propriété.
La qualification de biens ruraux est confiée à l'appréciation de la SAFER 1508753731041. La condition de maintien de la destination, prévue à l'article L. 141-1 du Code rural et de la pêche maritime, est satisfaite lorsque l'acquéreur prend l'engagement, pour lui et ses ayants cause, de conserver celle-ci pendant dix ans dans un cahier des charges établi par la SAFER 1508753971392.La prise de cet engagement engendre l'exonération de toute perception au profit du Trésor (CGI, art. 1028 ter, I). Ce dispositif de faveur est également applicable aux mutations intervenant au titre de la substitution par une SAFER d'un acquéreur de son choix dans le bénéfice de la promesse régularisée initialement à son profit (CGI, art. 1028 ter, II) 1508761827675. Les conditions exposées ci-dessus sont reprises et les engagements sont constatés dans un acte réitératif auquel intervient la SAFER.
Deux conditions sont requises pour l'application de ce régime :
  • les droits de la SAFER doivent provenir d'une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente, avec ou sans condition suspensive, ayant date certaine 1508761964082 ;
  • et la substitution doit être effectuée dans les six mois de la conclusion de la promesse authentique ou de son enregistrement.
Ainsi, cette dernière condition est respectée non seulement par la réalisation de l'acte de vente dans ce même temps, mais aussi par la régularisation d'un acte de substitution ayant date certaine dans ce même délai 1508761920058.
– La déchéance du régime de l'article 1028 terdu Code général des impôts. – La mutation à titre gratuit ou onéreux, portant sur des biens soumis à l'engagement, ne constitue pas en tant que telle une cause de déchéance 1508760193232. L'acquéreur peut, pendant le délai de dix ans, sans encourir la déchéance, vendre, donner ou louer, dès lors que ses ayants cause ou ayants droit respectent la destination agricole contenue dans le cahier des charges 1508760569242. Tel n'est pas le cas lorsque l'ensemble immobilier est utilisé comme résidence d'agrément sans maintien de l'exploitation agricole 1508760637384. Le contrôle de la conformité de la destination appartient à la SAFER. Ainsi, le rôle de l'administration se borne à tirer les conséquences de la constatation du non-respect du cahier des charges par la SAFER 1508762275196. Le contrevenant s'expose au rattrapage des droits, augmentés de l'intérêt de retard. En cas de rupture partielle, le redressement ne porte que sur la partie des biens pour lesquels l'engagement n'est pas respecté 1511697376612. Les commissions perçues au titre des substitutions représentent environ 70 % des ressources de la SAFER. Elles sont en réalité supportées par les collectivités territoriales, privées des droits d'enregistrement. Comme l'énonce la Cour des comptes, « il est apparu que de telles opérations peuvent intervenir alors que l'opération de vente a déjà été conclue sur le principe » 1511699317267. En bénéficiant du savoir-faire de la SAFER, le vendeur et l'acheteur sont ainsi certains de la bonne fin de l'opération et de l'obtention de l'autorisation de la commission de contrôle des structures. Pour la Cour des comptes, l'outil de la substitution ne conduit pas la SAFER à remplir pleinement ses missions fixées dès le début des années 1960 : favoriser l'installation des jeunes agriculteurs et permettre l'existence de structures d'exploitation de taille moyenne.

Les apports et les cessions

La formation d'une société implique la réalisation d'apports effectués par les associés à la société. Les apports sont purs et simples, à titre onéreux ou mixtes.

La fiscalité des apports

– Les apports purs et simples réalisés lors de la constitution de la société. – Les apports purs et simples réalisés lors de la constitution d'une société civile agricole relevant de l'IR sont exonérés de droits d'enregistrement, ainsi que de la taxe de publicité foncière.
La fiscalité des apports est différente pour une société relevant de l'IS. En effet, les droits de mutation sont en principe perçus :
  • au taux de 5 % pour les apports d'immeubles ou de droits immobiliers ;
  • pour les apports de fonds de commerce, clientèle, droit au bail, au taux global de 3 % sur la fraction comprise entre 23 000 € et 200 000 €, et de 5 % au-delà.
Toutefois, ces apports réalisés lors de la constitution de la société à l'IS sont exonérés s'ils portent sur l'ensemble des éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice de l'activité et que l'apporteur s'engage à conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie (CGI, art. 810, III).
– Les apports à titre onéreux réalisés lors de la constitution de la société. – Les apports à titre onéreux dans les sociétés agricoles à l'IR sont souvent la contrepartie d'une prise en charge d'un passif personnel de l'apporteur par la société. Cette prise en charge rend en principe exigibles les droits de mutation à titre onéreux à hauteur du montant du passif. En présence d'un apport mixte, les immeubles étant soumis à une taxation de 5 % (CGI, art. 810, III), il est possible d'imputer le passif sur les biens mobiliers (matériel, stock, créance), soumis à un droit fixe de 125 €.
Toutefois, les sociétés agricoles, GAEC, EARL, GFA exploitants ou non exploitants, groupements forestiers, GFR, bénéficient d'une exonération pour les apports à titre onéreux (CGI, art. 810 bis, al. 1).
Les SCEA n'en bénéficient en revanche qu'en remplissant les conditions suivantes :
  • l'apport est réalisé par une personne physique et porte sur l'ensemble des éléments d'actifs immobilisés affectés à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions de l'article 151 octiesdu Code général des impôts ;
  • l'apport est effectué à titre pur et simple au-delà de l'engagement du passif grevant l'immeuble apporté ;
  • l'apporteur s'engage à conserver les droits sociaux pendant trois ans.
– Les apports réalisés après la constitution de la société. – Les apports sont soumis au droit fixe de 375 €, porté à 500 € si le capital social est supérieur à 225 000 € après l'apport.

La fiscalité des cessions de droits sociaux

– Les cessions de parts de sociétés agricoles relevant du droit fixe de 125 €. – Les cessions de parts de sociétés civiles à objet principalement agricole sont enregistrées au droit fixe de 125 €. Au nombre de ces sociétés figurent les GAEC, EARL, SCEA à l'IR, GFA exploitant ou non, groupements forestiers, GFR. Les GAEC et les SCEA à l'IS bénéficient de ce même droit fixe. En revanche, les EARL à l'IS sont soumises au régime de droit commun applicable aux droits sociaux autres que les actions.