Les droits d'usage forestiers

Les droits d'usage forestiers

– Définition des usages. – Les usages forestiers sont les droits réservés aux habitants d'une zone géographique 1493454954276de prélever sur la forêt d'autrui une partie de ses fruits ou produits, dans la limite de leurs besoins personnels. Hérités de l'Ancien droit, ils répondaient jadis aux nécessités de subsistance des habitants des campagnes. Le Code civil les mentionne très succinctement 1492849404655. En revanche, le Code forestier comprend de nombreuses dispositions relatives à l'exercice des droits d'usage forestiers, sans toutefois en apporter de définition 1492869107730. Ces usages portent essentiellement sur :
  • la coupe des arbres pour l'affouage 1492446827864et le marronnage 1492435363028. Le droit peut également porter sur le ramassage du bois mort ;
  • la nourriture pour le bétail : droit de pâturage ou de pacage 1494094243369en forêt pour les grands animaux 1492436122212et le petit bétail. Les caprins et les ovins sont généralement exclus du droit de pâturage (C. for., art. L. 241-14, al. 1 et 2) 1492442476942. Le droit de glandée et de panage permet aux porcins d'accéder aux sous-bois pour se nourrir de glands et de faînes 1492436564183en automne et parfois en hiver ;
  • le droit aux fruits et produits de la forêt et de son territoire : droit d'extraire des matériaux ou des produits superficiels, droit de soultrage 1492437439752, ramassage des champignons 1492953941815, cueillette.
Certains droits régionaux subsistent, tels que le droit de « cayolar » dans le Pays basque 1492437764317. D'autres, comme le droit de « bandite », ont été supprimés 1492438642430.
– Les caractéristiques des droits d'usage. – L'usage forestier est attaché à l'habitation. On parle de maison usagère ou de village usager. La simple résidence dans un lieu, à titre de propriétaire ou de locataire, ouvre le bénéfice de ces droits à l'habitant. Le droit est incessible. Ainsi, l'immeuble ne peut pas être vendu indépendamment du droit à l'usage. Les droits d'usage sont perpétuels 1492449026070. Ils grèvent une forêt identifiée, la qualité de son propriétaire 1493456561465important peu pour la reconnaissance de ce droit.
L'affouage et le marronnage concernent exclusivement les besoins personnels des usagers (C. for., art. L. 241-17) 1492441849363. Les droits de pâturage et de panage s'appliquent uniquement aux activités agricoles (C. for., art. L. 241-12). Le titulaire des droits a l'obligation de communiquer les identifiants de chacun des animaux admis au pacage et au panage à l'ONF (C. for., art. R. 241-25).
L'usager doit demander la délivrance de son droit, tant pour les forêts de l'État que pour celles des collectivités publiques (C. for., art. L. 146-3). Cette obligation permet à l'ONF de s'assurer de la compatibilité de l'usage avec les possibilités de la forêt 1492847014304. Les droits de pâturage et de panage sont admis uniquement dans les forêts ne justifiant pas une mise en défens 1509204132195. Ce contrôle est réalisé par l'ONF (C. for., art. L. 241-10) ou par l'administration chargée des forêts s'agissant des propriétés privées (C. for., art. L. 314-2).
Le titulaire d'un droit d'usage forestier ne peut l'exercer d'autorité. Ainsi, aucun bois ne peut être partagé sur pied ni abattu individuellement par le titulaire du droit d'usage. Il ne peut prendre le bois qu'après délivrance (C. for., art. L. 241-15). Dans les forêts relevant du régime forestier, le bois de chauffage est exploité à l'initiative de l'ONF, puis remis aux titulaires du droit d'usage (C. for., art. R. 241-29). La délivrance des bois de construction est faite sur présentation de devis d'entreprises (C. for., art. R. 241-30).
Chaque année, dans les forêts publiques, l'ONF constate par un procès-verbal l'état des parcelles forestières où peuvent s'exercer le pâturage, la glandée ou le panage. Il indique le nombre d'animaux admissibles et les époques d'exercice de ces droits (C. for., art. R. 241-20). Le maire de chacune des communes, ainsi que les particuliers titulaires de ces droits dans les bois et forêts de l'État, remettent annuellement à l'ONF, avant le 31 décembre pour le pâturage et avant le 30 juin pour le panage, l'état des bestiaux que chaque titulaire du droit d'usage possède, avec la distinction entre ceux destinés à un usage agricole et ceux dont il fait commerce (C. for., art. R. 241-17).
– Une nature juridique hybride. – En raison de leur singularité, le référencement des droits d'usage forestiers dans une catégorie juridique ne va pas de soi. Le Code civil et le Code forestier ne contiennent pas de disposition permettant de clarifier cette question. Malgré l'homonymie, les usages forestiers ne sont pas assimilables au droit d'usage et d'habitation défini aux articles 625 et suivants du Code civil 1492931667796.
Les droits d'usage forestiers présentent un caractère réel marqué. Leur perpétuité s'oppose par nature aux droits personnels s'éteignant avec le décès de leur titulaire. Pour cette raison, ils s'écartent également de l'usufruit 1492876325018ou de son succédané l'usage (C. civ., art. 625) 1492875880145. En outre, les droits d'usage forestiers s'exercent sur un fonds identifié. Ainsi, il s'agit bien plus d'un droit réel que personnel. Mais, en l'absence de fonds dominant, ce droit n'est pas une servitude au sens du Code civil (C. civ., art. 637) 1492875380110. En effet, les habitants titulaires des droits d'usage forestiers ne sont pas nécessairement propriétaires. Au surplus, les propriétaires n'étant pas domiciliés sur place ne bénéficient pas de ces droits.
Les titulaires des droits d'usage forestiers en demandent la délivrance au propriétaire. Leur exercice est limité à la satisfaction des besoins familiaux ou du bétail. En conséquence, il ne s'agit ni d'un droit de superficie ni d'un fractionnement du droit de propriété permis par l'arrêt Caquelard 1492878335703et les deux arrêts Maison de Poésie 1492878930955. La satisfaction des besoins personnels rapproche les droits d'usage forestiers de l'usage résultant du Code civil (C. civ., art. 630, al. 1) 1492880515889.
Finalement, ces droits particuliers ont une nature hybride, entre la servitude et l'usage. La doctrine fait d'ailleurs remarquer que l'article 636 du Code civil 1492881159986clôt le chapitre sur les droits d'usage et d'habitation, situé juste avant l'ouverture du titre relatif aux servitudes 1492881438443. Les dispositions du Code civil ne permettant pas d'appréhender totalement la nature de ces droits 1492881927667, certains auteurs préconisent la reconnaissance d'une « servitude sans fonds dominant » 1492882360823ou la redécouverte de la « servitude personnelle » du droit romain 1492882635955, qui permettraient de mieux cerner la nature des droits d'usage forestiers.
Cette nature hybride connaît des exceptions. Il arrive en effet que des conventions, chartes ou décisions judiciaires donnent à certains de ces droits une nature plus personnelle 1492933633032ou plus réelle 1492934762183.
– La création de nouveaux droits d'usage forestiers. – Depuis la promulgation du Code forestier en 1827, « il ne peut être fait dans les bois et forêts de l'État aucune concession de droit d'usage de quelque nature que ce soit et sous quelque prétexte que ce soit » (C. for., art. L. 241-1). Cette prohibition s'étend aux forêts des collectivités et personnes morales relevant du régime forestier (C. for., art. L. 242-2). La création de droits d'usage étant désormais interdite, ils ne peuvent s'acquérir par prescription 1492956941933.
Le propriétaire d'une forêt privée est libre de conférer tout nouveau droit d'usage, sous deux réserves :
  • la création d'un droit d'usage dans une forêt gérée contractuellement par l'ONF doit obligatoirement être autorisée par cet organisme, sous peine de nullité (C. for., art. L. 315-2, al. 2) ;
  • la création d'un droit d'usage dans les forêts de protection 1505152535696ne relevant pas du régime forestier nécessite une autorisation préfectorale sous peine de nullité (C. for., art. R. 141-29).
L'acquisition de droits d'usage par prescription est impossible. La jurisprudence considère en effet que le droit d'usage forestier est une servitude discontinue ne pouvant s'établir que par titres (C. civ., art. 691) 1492958056540.
– L'extinction des droits d'usage forestiers. – L'extinction des droits d'usage forestiers suit les règles propres aux servitudes : la perte de la chose emporte cessation de la servitude (C. civ., art. 703). Le non-usage trentenaire éteint également les servitudes (C. civ., art. 706). Il convient toutefois d'être prudent quant à l'application de l'article 706 du Code civil aux droits d'usage forestiers. En effet, la jurisprudence refuse parfois de prononcer l'extinction de ces droits par le non-usage trentenaire 1492960967098.
Le Code forestier prévoit la possibilité de mettre fin aux droits d'usage forestiers suivant deux mécanismes distincts :
  • le cantonnement : cette procédure consiste à remettre aux titulaires du droit d'usage la propriété d'une fraction de la forêt sur laquelle s'exerce ce droit. En contrepartie, le surplus de la forêt se trouve affranchi du droit d'usage. Elle est applicable aux forêts de l'État (C. for., art. L. 241-5), à celles des collectivités et personnes morales dont les forêts relèvent du régime forestier (C. for., art. L. 242-1) et aux forêts privées (C. for., art. L. 314-1). Elle ne s'applique qu'aux droits d'usage relatifs au bois 1506246700662. Cette procédure est mise en œuvre par le propriétaire de gré à gré ou, à défaut, devant le juge judiciaire. Le cantonnement des forêts usagères est à l'origine de nombreuses forêts communales et sectionales, suite à la volonté de l'État de s'affranchir des droits d'usage ;
  • le rachat : le propriétaire 1493476954870a la possibilité de racheter le droit d'usage forestier afin de le supprimer (C. for., art. L. 241-6, al. 1). L'usager reçoit des indemnités fixées amiablement ou à défaut par le juge judiciaire. Cette procédure est applicable à tous les droits d'usage 1493477140185. Toutefois, le rachat ne peut être requis dans les lieux où l'exercice du droit de pâturage est une nécessité absolue pour les habitants (C. for., art. L. 241-6, al. 2).
Les articles R. 241-1 et suivants du Code forestier fixent la procédure de cantonnement, les méthodes d'évaluation du droit d'usage supprimé et de la partie de forêt remise à l'usager en cas de cantonnement.
Malgré l'interdiction de conférer des droits d'usage forestiers depuis 1827, de nouveaux usages liés aux loisirs se développent. Ils s'inscrivent dans un mouvement plus large reconnaissant les fonctions économique, environnementale et sociale de la forêt.

Les sections de communes

Une section de commune est une partie de commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune elle-même. La section de commune est une personne morale de droit public dont sont membres les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur son territoire. Depuis 2013, il ne peut plus être constitué de section de commune (CGCT, art. L. 2411-1). Les biens et droits des sections de communes consistent généralement en des terres ou des bois. Ils résultent notamment de droits d'usage ou de cantonnements forestiers. Les membres de la section ont la jouissance des biens dont les fruits sont perçus en nature, à l'exclusion de tout revenu en espèces. Les revenus en espèces et le produit de la vente de biens de la section ne peuvent être employés que dans l'intérêt de la section (CGCT, art. L. 2411-10 et L. 2411-17). Une loi du 27 mai 2013 1494953057033 prévoit le recensement systématique des sections de communes sous la responsabilité du préfet. Elle simplifie le transfert des biens de la section à la commune.