L'entreprise agricole collective

L'entreprise agricole collective

Les compétences nécessaires à la réalisation d'un projet d'entreprise agricole sont nombreuses et variées : agronomiques, environnementales, techniques, commerciales, administratives, financières, etc. S'il est difficile pour un même exploitant de les cumuler toutes, il est en revanche aisé de regrouper plusieurs agriculteurs spécialisés au sein d'une entreprise collective. Ce regroupement est réalisable au sein de structures sociétaires (§ I), mais il existe également des modes alternatifs d'exploitation collective (§ II).

Les sociétés d'exploitation

La forme sociétaire est la solution la plus évidente d'organisation de l'entreprise agricole collective. Afin de tenir compte des particularités du monde agricole, des sociétés spécifiques existent (A). Néanmoins, les exploitants ont également la faculté de s'appuyer sur les sociétés commerciales classiques (B). Ainsi, il convient d'exposer les critères juridiques permettant de guider les agriculteurs dans leur choix (C).

Les sociétés spécifiquement agricoles

– Caractéristiques juridiques comparées. – Il existe trois sociétés spécifiquement dédiées à l'activité agricole. Leurs principales caractéristiques sont rappelées dans un tableau synoptique.
– Les difficultés liées au caractère civil de l'activité. – Ces sociétés sont toutes civiles, compte tenu de leur objet agricole lui-même civil par détermination de la loi (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1, al. 2). Dans le cadre d'une exploitation agricole traditionnelle, cela ne soulève aucune difficulté. Par contre, si les associés ont un projet d'entreprise incluant une diversification d'activités, il convient de s'interroger sur la possibilité de le mener à bien dans une telle structure. En effet, la réalisation d'activités entraînant un dépassement de l'objet social est susceptible d'être sanctionnée par la nullité de la société 1508874252762, malgré une tolérance fiscale 1508874510369.

L'utilisation des sociétés commerciales en agriculture

– Un choix parfois nécessaire. – Si la réalisation d'actes de commerce dans des sociétés civiles pose des difficultés juridiques, la réalisation d'une activité agricole au sein d'une société commerciale n'en soulève pas. Ainsi, il est possible de choisir les sociétés commerciales de droit commun pour la réalisation d'un projet d'entreprise agricole. Il s'agit même d'une nécessité lorsque les activités commerciales sont telles que la nature civile de l'objet social agricole est remise en cause.
– Quelles sociétés ? – En pratique, les exploitants se tournent principalement vers les sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés à responsabilité limitée (SARL) et les sociétés par actions simplifiées (SAS).

Les critères juridiques du choix

– Relativité des critères. – Il existe quelques critères décisifs permettant de déterminer la société à mettre en place. Par exemple, la possibilité d'accueillir des associés non exploitants offre un attrait significatif à la SCEA en présence d'investisseurs, mais ne présente aucun intérêt lorsque tous les associés sont exploitants. Des raisons fiscales, sociales et de subventions orientent également souvent le choix 1508864467078. Sur le plan strictement juridique, les critères de décision les plus significatifs sont :
  • l'obligation d'exploiter pour les associés ;
  • l'obligation de choisir un gérant parmi les exploitants ;
  • la nécessité d'obtenir un agrément administratif ;
  • l'interdiction de présence de certains associés (mineurs, personnes morales) ;
  • la limitation de la responsabilité dans le passif social ;
  • la possibilité de réaliser des activités commerciales.
– Une offre sociétaire suffisante. – Il existe une multitude de possibilités pour les exploitants désirant se regrouper au sein d'une société. Par ailleurs, le choix initial n'est pas figé. En effet, il est possible de transformer la société en cours de vie sociale pour tenir compte de l'évolution de l'activité. À ce jour, aucune forme particulière de société ne fait défaut. Il convient néanmoins d'être vigilant aux évolutions de l'entreprise agricole.

Les modes alternatifs d'exploitation collective

À défaut de se regrouper au sein d'une structure sociétaire, les agriculteurs ont la possibilité de se rassembler autour d'un projet collectif plus limité. Il s'agit de faire un premier pas vers une exploitation mettant en commun une partie seulement de leur exploitation. À ce titre, ils ont la faculté de réunir leurs terres en procédant à un assolement en commun (A), leur matériel d'exploitation en adhérant à une coopérative d'utilisation du matériel agricole (CUMA) (B) ou encore leur force de travail sous forme d'entraide (C).

L'assolement en commun

– Définition et objectifs. – L'assolement en commun consiste en l'exploitation mutualisée de terres par un groupe d'agriculteurs. Il exclut expressément toute mise en commun de bâtiments. Il s'agit de partager le travail du sol pour l'optimiser et obtenir ainsi des gains de productivité 1508254046566.
– Constitution d'une société en participation (SEP). – L'assolement en commun s'effectue à travers une SEP régulièrement immatriculée, réunissant les personnes physiques ou morales concernées. Les statuts de la SEP fixent son objet agricole, prévoient les obligations des associés (travail, participation financière et matérielle, etc.), la répartition du bénéfice réalisé, etc. 1508254090507
– Formalités en cas de faire-valoir indirect. – Si l'exploitant propriétaire a la liberté de procéder à un assolement en commun de ses terres, la situation est différente lorsque les terres sont prises à bail. Le preneur est en effet tenu d'informer le propriétaire en lui remettant les statuts de la SEP, sous peine de résiliation du bail en cours. Le bailleur dispose alors d'un délai de deux mois pour s'y opposer en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux, son silence valant acceptation. Le preneur est seul tenu des obligations du bail dont il poursuit personnellement l'exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 411-39-1).
– Utilité de l'assolement en commun. – L'assolement en commun est le moyen d'entrer dans une forme d'exploitation collective de manière souple et limitée 1508254858025. En effet, il permet :
  • de rationaliser la gestion des équipements, du temps de travail et des intrants ;
  • d'optimiser l'occupation du territoire ;
  • de mettre une partie seulement de son activité en commun.

Les coopératives d'utilisation de matériel agricole

– Présentation. – Les coopératives agricoles ont pour objet de permettre aux exploitations d'améliorer leur compétitivité en mutualisant leurs moyens humains, techniques et financiers. Si elles jouent un rôle majeur dans la collecte de produits agricoles et leur première transformation, elles ont également une importance particulière pour l'exploitation. En effet, les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) permettent la mise en commun du matériel d'exploitation. Il s'agit de sociétés coopératives dont les statuts et le règlement intérieur prévoient les modalités d'utilisation du matériel par chaque adhérent 1508692876768.

Quels matériels ?

La notion de matériel agricole fait souvent référence au matériel roulant : tracteurs, remorques, moissonneuses-batteuses, élévateurs, etc. Toutefois, elle recouvre bien d'autres réalités, parmi lesquelles :

– Utilité d'une CUMA. – Les CUMA présentent plusieurs intérêts significatifs dans différents domaines :
  • économique :
  • innovation :
  • environnement :

L'entraide

– Définition et objectifs. – Derrière la notion d'entraide se cache en réalité une forme embryonnaire d'entreprise agricole collective. En effet, il s'agit d'une organisation informelle entre agriculteurs permettant de comptabiliser les échanges de temps et de matériel pratiqués à titre gratuit 1508665018995. Elle s'appuie sur une réciprocité des prestations, occasionnelles, temporaires ou régulières. Le service concerne tant les travaux agricoles courants que les tâches annexes (entretien des bâtiments, du matériel, etc.). Lorsque l'entraide concerne plus de deux exploitants, une banque de travail permettant une gestion croisée du temps ou du matériel prêté est mise en place 1508691221746.
– Modalités pratiques. – La réussite de l'entraide repose sur sa contractualisation, consistant principalement en :
  • la valorisation sous forme de points au temps passé par type d'action ou au matériel utilisé ;
  • l'élaboration d'une grille d'entraide sur laquelle les points sont portés par l'agriculteur aidant ;
  • l'équilibrage régulier des comptes de travail et de prêts de matériels ;
  • la définition des responsabilités et des règles de fonctionnement.
– Utilités et limites. – Comme tout système collectif, l'utilité de l'entraide réside dans la limitation de l'investissement en matériel, la mobilisation, l'échange et l'amélioration des compétences, ainsi que la solidarité permettant de faire face à l'isolement professionnel. En outre, son coût est pratiquement nul. Néanmoins, la mutualisation limitée et l'absence d'obligations rendent ce système instable.
– Une offre d'exploitations collectives alternatives utile. – En conclusion, les organisations alternatives sont utiles aux agriculteurs souhaitant expérimenter le travail en commun sans partager le capital d'exploitation ni renoncer à la possibilité de mener des activités personnelles.