La démarche BIMBY

La démarche BIMBY

– Le sens de l'histoire. – La densification est largement favorisée par des lois récentes 1508696207356, ayant une influence directe sur les outils d'urbanisme. Ainsi, la loi Grenelle 2 a autorisé les SCoT à contraindre les communes à densifier suffisamment certains secteurs de leur territoire (C. urb., art. L. 122-1-5, VIII et IX). La loi ALUR a imposé une analyse des « capacités de densification » au sein du rapport de présentation des PLU(i).
La démarche BIMBY est cependant plus prégnante à l'échelle de chaque unité foncière pour densifier les secteurs pavillonnaires. Elle s'inscrit dans le cadre d'un urbanisme encadré reposant sur l'initiative privée (§ I), facilité par une orchestration de la collectivité publique (§ II).

Une initiative privée

– Les sources françaises du BIMBY. – Le modèle français de densification des quartiers pavillonnaires connu sous la dénomination de « démarche BIMBY » 1508694370774est récent 1508694391306. Il s'agit en pratique d'une généralisation des initiatives individuelles de découpe parcellaire de terrains déjà bâtis dans le but d'y construire à nouveau. En effet, tout propriétaire d'une maison avec jardin a la faculté de vendre une partie de son bien en qualité de terrain à bâtir, tout en conservant la construction déjà édifiée. La méthode BIMBY consiste à industrialiser ces initiatives individuelles, en fournissant une ingénierie et en aménageant les règles locales d'urbanisme permettant de la faciliter.

Des accents anglo-saxons

Malgré sa dénomination à l'accent anglo-saxon, la démarche BIMBY est la version française de pratiques mises en œuvre à l'étranger depuis des années. Elle a été initiée par le phénomène dit du granny flat 1508693542787, par lequel de nombreux propriétaires âgés dans la Grande-Bretagne des années 1970 ont fait construire sur l'arrière de leur terrain une maison plus petite et plus adaptée à leurs besoins, avant de mettre leur habitation principale en location 1508878487594.
L'Australie a emboîté le pas de cette densification urbaine par les Dual Occupancy en 1985 et Subdivision Act en 1988 1508695326428. Les États-Unis ont suivi le mouvement, le Residents' Right Act de 1994 autorisant la création d'un logement supplémentaire au sein d'une même habitation en vue de sa mise en location.
– Un intérêt individuel. – D'un point de vue purement économique, la division d'un terrain bâti pour construire une seconde maison est souvent une mesure de valorisation du patrimoine privé. En effet, « dans les quartiers bien situés des agglomérations, la somme de la valeur du terrain créé par division parcellaire et de la maison amputée de ce terrain est supérieure à la valeur de la maison initiale » 1508787996987. La division relève ainsi d'un intérêt individuel justifiant une démarche volontaire et privée. Ses avantages se renforcent néanmoins lorsque l'initiative devient publique.

Une démarche devenue publique

– Des intérêts collectifs. – Les avantages de la démarche BIMBY sont nombreux pour la collectivité. D'un point de vue environnemental, la maison individuelle provenant du BIMBY freine l'étalement urbain et évite l'éloignement augmentant les transports. D'un point de vue social, le BIMBY engendre peu de pression foncière 1508790249560, ouvrant la possibilité de devenir propriétaire à une population n'ayant pas nécessairement les moyens d'acquérir une maison traditionnelle produite par une filière classique. D'un point de vue budgétaire, la densification s'opère au sein de zones urbaines déjà équipées et s'affranchit le plus souvent de nouveaux équipements publics d'infrastructure 1508790388853. Nec plus ultra, le BIMBY permet le développement économique d'une filière de construction courte et durable, créatrice d'emplois, en s'appuyant prioritairement sur des entreprises locales de construction.
La démarche BIMBY propose un accompagnement par la collectivité locale. Ainsi, là où le particulier réfléchit tout seul à sa division, la commune offre au travers de la démarche BIMBY une ingénierie capable de repérer des gisements fonciers.
– Les principes de la démarche BIMBY. – La démarche BIMBY suppose une volonté politique de densification, souvent à rebours des desiderata 1508879020477de la majorité de la population 1508789493826mais aussi des pratiques bien ancrées 1508790679356.
Lorsque cette volonté politique est acquise, les élus lancent une phase de repérage des gisements fonciers susceptibles de densification. Elle progresse par des discussions avec les propriétaires potentiellement concernés et a pour objectif principal de définir les possibilités de densification offertes par chaque parcelle, indépendamment des prescriptions réglementaires du document d'urbanisme applicable au secteur. Cette phase de prise d'informations est capitale, car elle permet d'appréhender le nombre de propriétaires intéressés par une évolution de la constructibilité, ainsi que les surfaces concernées et le nombre théorique de logements édifiables sur le secteur 1510866850073.
Lorsqu'elle est convaincue du potentiel d'urbanisation en secteur diffus, la commune décide des multiples évolutions à apporter à ses documents d'urbanisme, et notamment son PLU. Ainsi, la densification du tissu pavillonnaire est susceptible de constituer l'un des volets du programme d'aménagement et de développement durable (PADD) de la commune (C. urb., art. L. 123-1-3). Les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) définissent les objectifs et les principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergements. À ce titre, la démarche BIMBY constitue une OAP spécifique (C. urb., art. L. 123-1-4).
Il n'est pas toujours aisé de faire intervenir la puissance publique dans la production de logements diffus. Il s'agit en effet d'un domaine dont elle était absente jusqu'à présent. Par ailleurs, la matière n'est pas simple pour des élus devant veiller à ce que la capacité des voies et réseaux supporte la densification prévue, ou, à défaut, à instaurer un système de financement tel que la taxe d'aménagement à taux majoré, permettant de reporter le coût de ce renforcement sur les propriétaires bénéficiaires de plus-values immobilières.
– Des débuts prometteurs. – La méthode BIMBY en est à ses prémices. Ce n'est qu'au fil d'une communication importante qu'elle pourra prospérer, l'information de ses avantages encore méconnus devant irriguer tant les propriétaires de maisons individuelles que les collectivités locales. Si les particuliers intéressés sont peu nombreux, la démarche est sans doute trop chronophage pour être mise en place. Si la commune ou l'intercommunalité n'est pas prête à amender ses règles d'urbanisme pour permettre un partage des terrains, la mobilisation des propriétaires ne sert à rien.
Pourtant, le jeu en vaut la chandelle compte tenu de l'importance du gisement de terrains concernés. En effet, chaque année, 200 000 maisons individuelles se rajoutent aux dix-neuf millions existantes. Il suffirait qu'un terrain sur cent soit divisé chaque année en vue de produire un nouveau terrain à bâtir pour fournir en nombre de constructions la quasi-totalité de la production annuelle de maisons individuelles, et ce sans étalement urbain 1510856161925
Cette démarche bénéficie en outre d'un dernier avantage : même si elle est constitutive d'un lotissement 1513202596452, elle ne nécessite pas un permis d'aménager mais une simple déclaration préalable, s'agissant d'un lotissement « unilot » 1513202739520.