Il ne s'agit plus ici de « remplacer » la communauté de biens réduite aux acquêts par un autre régime, mais de faire évoluer le principe d'un régime matrimonial unique, en évoquant la possibilité d'un double régime matrimonial (§ I), et immuable, en évoquant la possibilité d'un régime évolutif (§ II).
Un nouveau régime matrimonial légal
Un nouveau régime matrimonial légal
Un nouveau régime matrimonial légal
Un double régime légal : communauté et séparation
– Plusieurs pays disposent de deux régimes légaux. – Parfois, il s'agit d'une option offerte aux futurs époux entre deux régimes légaux, et dans d'autres cas, c'est la situation familiale qui impose le régime, notamment dans les pays où la polygamie est autorisée (le régime matrimonial en cas de monogamie est la communauté, et il devient la séparation en cas de polygamie).
En 1804, l'article 1391 du projet de l'an VIII envisageait également un système de double régime légal, qui a finalement été abandonné.
Certes, un double régime légal avec une option devant l'officier d'état civil présente une grande souplesse et une grande adaptabilité. Toutefois, ce double régime pose quelques difficultés :
1) le choix par les époux : en l'état du droit positif, il sera demandé aux époux de choisir entre deux régimes légaux (par ex., communauté ou séparation de biens) sans qu'ils connaissent les règles de ces régimes. Cette situation justifierait encore un peu plus le recours obligatoire au rendez-vous juridique prénuptial pour être informé et aiguillé quant au choix à faire ;
2) la publicité du choix : en l'état du droit positif, l'acte de mariage ne mentionne pas, pour des raisons de confidentialité, le régime des époux, quand ils ont conclu un contrat de mariage.
Ce choix pourrait être exprimé sur un support autre, éventuellement conservé par les époux, mais avec le risque que cette preuve du régime choisi se perde. On peut en effet observer, chez les partenaires de Pacs qui sont dans une situation à peu près similaire (choix entre deux régimes), que peu d'entre eux sont capables de fournir leur déclaration de Pacs lorsque celui-ci a été enregistré au tribunal ou en mairie…
La seule solution viable serait de faire apparaître cette information sur l'acte de mariage. Cela serait-il attentatoire à la vie privée ?
- Lors de la célébration du mariage, l'officier d'état civil n'est pas obligé de mentionner oralement le régime choisi. Il peut se contenter de dire qu'un régime a été choisi par les époux, sans plus de précisions, à l'instar de ce qui se fait aujourd'hui pour les régimes conventionnels.
- La copie intégrale de l'acte de mariage ne peut être demandée que par un nombre limité de personnes : les époux, leurs ascendants, leurs descendants et tout professionnel autorisé. En effet, si le choix réalisé par les enfants n'était pas celui espéré ou voulu par leur parent, celui-ci pourrait ne pas rester confidentiel.
Toutefois, les époux qui décident de changer de régime matrimonial voient leur nouveau régime publié dans un journal d'annonces légales. Pourquoi serait-il contraire à la vie privée du couple que les proches parents puissent connaître leur choix en demandant un acte de mariage, alors que cette information est publiée dans un journal d'annonces légales ? Il ne s'agit pas ici de remettre en cause cette formalité de publicité, qui s'explique pour d'autres raisons… mais dès lors, peut-on réellement considérer que le régime matrimonial relève de la vie privée des couples ?
Un régime évolutif : d'une séparation à une communauté ou à une participation aux acquêts
– Divorces plus nombreux au cours des dix premières années de mariage. – Le contentieux en fin d'union, en matière de régimes matrimoniaux, se cristallise essentiellement sur le sujet du divorce. Peu de contentieux apparaissent lors de la dissolution du régime par le décès de l'un des époux.
Or, aujourd'hui, un certain nombre de mariages sont dissous au cours des premières années de l'union (de zéro à dix ans). Ensuite, il existe une tranche (entre 16/18 ans à 30 années et plus de mariage) où le nombre de divorces se réduit constamment.
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<em>Source : Insee Références</em>, éd. 2017 – Population.
On observe que plus les années passent, plus le nombre de divorces se réduit et que la plus grande variation apparaît entre zéro et cinq ans. Prenons l'exemple des années 1990, où 8 208 couples ont divorcé entre l'année du mariage et le cinquième anniversaire, et où 9 596 couples ont divorcé entre la cinquième et la dixième année de mariage, alors que sur la même période seulement 4 641 couples ont divorcé entre leur vingtième et leur vingt-cinquième anniversaire de mariage.
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Source : Insee Statistiques : <em>Nuptialité, divorces et pactes civils de solidarité en 2019 – Tableaux de séries longues – État civil et estimations de population</em> – Insee Résultats, 2 juin 2021.
Les couleurs rajoutées dans le tableau de l'Insee font apparaître (en teinte rosée) le pic des divorces ; celui-ci intervient entre la troisième et la huitième année du mariage. On constate également une augmentation sur la période de trente à trente-quatre ans de mariage, ce qui peut coïncider avec un événement important de la vie des couples, la retraite professionnelle.
Pour le tableau complet (sans couleur) : www.insee.fr/fr/statistiques/5390398?sommaire=5390468&q=Mariages+%E2%80%93%20Pacs+%E2%80%93%20Divorces">Lien.
Pour éviter à ces jeunes couples un divorce dont la procédure sera parfois plus longue que la durée de leur mariage, et aux tribunaux d'être encombrés par ces procédures de divorce où le désaccord des époux s'est reporté fallacieusement sur les biens, l'idée d'un régime matrimonial évolutif, avec une première phase qui serait à l'essai, pourrait apporter une solution.
Une évolution du régime matrimonial au cours d'union
L'idée consisterait à faire évoluer le régime matrimonial légal avec le couple.
Les besoins d'un couple à vingt-deux, trente, cinquante ou quatre-vingts ans ne sont pas les mêmes. Certes le changement de régime matrimonial, dont les dernières réformes ne cessent d'assouplir les procédures et d'effacer les contraintes (suppression de la durée minimale de deux ans, recours à l'homologation judiciaire supprimé…), permet de répondre à cette préoccupation. Mais il pourrait être envisagé une évolution plus en douceur du régime matrimonial des époux, en plusieurs étapes clés de la vie des couples et des familles, réservant ainsi le changement de régime matrimonial aux véritables changements de régime : la subtile différence entre l'aménagement et le changement de régime matrimonial est en cause.
Un régime matrimonial avec une phase d'essai
– Un mariage « CDD » ? – Certains pays ont réfléchi à un mariage à l'essai, et plus précisément un mariage à durée déterminée, avec possible reconduction.
En 2011 au Mexique, l'Assemblée a réfléchi à une loi permettant d'avoir recours à des contrats de mariage à durée déterminée.
« Ce texte permettrait de délivrer une licence de mariage temporaire aux nouveaux époux et leur imposerait de s'engager pour une durée minimale de deux ans.
Il leur serait également demandé de donner une estimation de la durée de leur union et de signer un contrat prénuptial détaillant la répartition des biens en cas de séparation, le montant de la pension alimentaire, les modes de garde des enfants et éventuellement la religion dans laquelle ils seront élevés.
Si les amoureux souhaitent rester mariés après cette période de probation, ils pourraient alors renouveler leur engagement. Dans le cas contraire, l'union prend fin et le contrat s'applique. Sans avoir à se présenter devant un juge ».
Et avant eux, en Allemagne dès 2008, l'idée d'un mariage « CDD » (contrat à durée déterminée) avait déjà été avancée par la députée Gabriele Pauli afin de lutter contre le nombre de divorces sans cesse en hausse.
Ici, l'idée serait de mettre en place dans un premier temps un régime matrimonial « minimum ». Puis, au bout de quelques années, le régime matrimonial classique pourra s'appliquer, et ce rétroactivement si l'union a survécu aux premières années de mariage.
Durant la première phase, les époux seraient soumis à un « régime matrimonial minimum/de base », ultra simple tant dans son fonctionnement que dans sa liquidation. L'objectif serait de réduire au minimum les interactions et les flux entre les patrimoines des époux, et de supprimer toutes les notions de prestation compensatoire ou même de contribution aux charges du mariage en cas de divorce dans cette période.
Toutefois, il nous semble qu'en France le pacte civil de solidarité (dont le régime est la séparation de biens) fait d'ores et déjà parfois office de « pré-mariage », avec un régime qu'il faudrait pouvoir mieux adapter pour régler avec précision son dénouement.