Un mécanisme civiliste novateur

Un mécanisme civiliste novateur

Présentation

La réincorporation est la possibilité d'intégrer dans une donation-partage, ou dans une donation-partage transgénérationnelle à venir, des biens qui avaient été antérieurement transmis par le donateur, avec l'accord du donataire initial.
Ainsi, le donateur pourra constituer tout ou partie des lots d'une nouvelle donation-partage ou donation-partage transgénérationnelle qu'il envisage de réaliser, des biens antérieurement donnés par lui par donation simple ou donation-partage.
Cela suppose :
  • l'accord du donataire initial ;
  • le bien réincorporé doit avoir été antérieurement donné, ou éventuellement être le remploi du bien antérieurement donné ;
  • le bien réincorporé doit avoir été donné par celui qui a la qualité de donateur dans l'opération à venir.
La réincorporation est codifiée aux articles 1078-1 et suivants du Code civil.
– La technique juridique permettant l'incorporation. – L'incorporation fonctionne comme un mutuus dissensus, c'est-à-dire une révocation conventionnelle de la donation antérieurement consentie.
– Le support de l'incorporation : quel acte peut contenir une incorporation ? – La réincorporation est un mécanisme introduit dans le Code civil à l'article 1078-1, dans la partie réservée aux donations-partages consenties à des présomptifs héritiers. Seule une donation-partage peut être le support d'une réincorporation, c'est-à-dire que seule une donation-partage peut être le support d'une incorporation.
À l'instar de la donation-partage, la transgénérationnelle peut, également, être le support d'une réincorporation. En effet, l'article 1078-7 du Code civil, relatif aux transgénérationnelles, opère un simple renvoi à l'article 1078-1 du même code, susvisé.
Aussi, la question de savoir si une donation antérieure pouvait être incorporée à une nouvelle donation-partage, qui plus est transgénérationnelle, s'est également posée.
La doctrine avait rapidement répondu par la positive. Et cette position a été indirectement consacrée par la réponse ministérielle Ceccaldi-Raynaud :
« Ainsi, une donation-partage peut être faite au profit de descendants de générations différentes et donc être consentie au profit de ses enfants et petits-enfants. Ces donations-partages, dites transgénérationnelles, peuvent, comme toutes les donations-partages, prévoir l'incorporation de biens antérieurement donnés et leur attribution à un descendant du donataire d'origine ».
Cette réponse ministérielle a été reprise dans l'instruction fiscale du 20 février 2012.
– L'objet de l'incorporation : quel acte peut être incorporé ? – Il est aujourd'hui admis que les donations-partages peuvent, comme toutes les donations simples, être réincorporées à une nouvelle donation-partage.
Toutefois, cette possibilité de réincorporer une donation-partage antérieure avait soulevé de nombreuses questions.
En effet, l'alinéa 1 de l'article 1078-1 du Code civil prévoit que : « Le lot de certains gratifiés pourra être formé, en totalité ou en partie, des donations, soit rapportables, soit faites hors part, déjà reçues par eux du disposant, eu égard éventuellement aux emplois et remplois qu'ils auront pu faire dans l'intervalle ».
Cette rédaction a rapidement amené la pratique notariale et la doctrine à s'interroger sur la possibilité de réincorporer, outre des donations simples, des donations-partages antérieures (par nature non rapportables, et souvent faites en avancement de part).
Cette réincorporation est aujourd'hui admise par la doctrine, sans fondement textuel.
Bien que le texte indique que « le lot de certains gratifiés pourra être formé, en totalité ou en partie, des donations (…) déjà reçues par eux du disposant » (donation a priori envisagée comme une globalité), il a été considéré que la réincorporation pourrait parfaitement porter sur des biens provenant de plusieurs donations ordinaires antérieures, ou sur des lots provenant de donations-partages distinctes, ou même d'une donation ordinaire et d'une donation-partage antérieures.
– L'objet de l'incorporation : quel bien peut être incorporé ? – L'alinéa 1 de l'article 1078-1 du Code civil prévoit que « le lot de certains gratifiés pourra être formé (…) des donations, (…) déjà reçues par eux du disposant, eu égard éventuellement aux emplois et remplois qu'ils auront pu faire dans l'intervalle ».
• Bien en nature : le bien reçu par une libéralité antérieure se trouvant toujours, en nature, dans le patrimoine du donataire pourra faire, à l'évidence, l'objet d'une incorporation.
Il est, dès lors, impératif de prévoir une clause dans l'acte relative à l'origine du bien ou plus exactement, à la traçabilité de celui, afin d'éviter toute contestation (notamment par l'administration fiscale).
Ainsi, lorsqu'il s'agit d'un bien immobilier acquis en remploi de liquidités données, cette traçabilité pourra provenir :
  • soit de l'acte de donation antérieure des liquidités qui pourrait avoir imposé un tel remploi au donataire ;
  • soit, si ce n'était pas le cas (car le disposant n'avait pas souhaité imposer de contrainte au donataire quant à l'utilisation des fonds donnés), dans l'acte d'acquisition du bien immobilier lui-même, et notamment dans la clause d'« origine des fonds » que le notariat se doit de prévoir systématiquement, même lorsqu'il s'agit d'une acquisition par une personne seule (non mariée).
Quand il s'agit de titres sociaux acquis en remploi de liquidités données, il faut distinguer plusieurs situations :
  • celles des parts sociales numérotées : la traçabilité est aisée ;
  • celles des parts sociales non numérotées : le rédacteur devra être très vigilant à la rédaction de sa clause, et à la traçabilité.
  • D'ailleurs, si les parts sociales non numérotées n'avaient pas été acquises en remploi mais avaient été initialement données, il ne peut être que conseillé au notaire rédacteur de prévoir une numérotation de parts, pour en conserver l'historique ;
  • les titres sociaux non numérotés (actions) : la traçabilité pourra se faire à l'aide des ordres de mouvement, mais là encore la prudence est de mise car ce type de fichier ne contient généralement pas de clause relative à l'origine des fonds. D'ailleurs, si la donation initiale résulte d'un don manuel, comme cela est permis, il sera quasiment impossible de retracer l'origine des fonds. La problématique est la même si la donation initiale portait sur des actions et résultait d'un don manuel.
Si la donation initiale portant sur les actions résultait d'un acte authentique, le notaire rédacteur sera bien avisé d'annexer à son acte l'ordre de mouvement correspondant au transfert de titres constaté dans son acte, ou a minima de s'assurer auprès du juriste en charge de la tenue des registres d'ordres de mouvement que la mention de la traçabilité des titres y figure bien.
Il convient, pour assurer une traçabilité, de faire preuve d'anticipation au jour de la donation initiale, même si à cette époque il n'est nullement question d'une incorporation dans une future donation-partage. Le notaire se doit d'anticiper cette éventualité et d'en prévenir les éventuelles difficultés.
Imaginons maintenant le cas d'une donation de parts de société civile. Quelques années plus tard, la société vend son seul actif, et le prix de vente est immédiatement réparti entre les associés. Le donateur souhaite procéder à une donation-partage entre ses trois enfants, en incorporant cette donation simple et divers dons manuels consentis aux autres enfants.
La difficulté est ici de savoir ce qui doit être incorporé.
Pour l'équité entre les enfants, on pourrait de prime abord considérer que le bien (l'immeuble) ayant été vendu, c'est le prix de l'immeuble, réparti entre les associés, qui est à incorporer.
Mais le bien initialement donné (parts sociales) est toujours présent en nature dans le patrimoine du donataire, même s'il n'a plus du tout la même valeur. Ce sont bien les parts de la société civile immobilière qui doivent être incorporées.
Toutefois, dans ce cas, il nous semble possible, notamment si le plus récent des dons manuels (également incorporés par les autres enfants) est antérieur à la vente de l'immeuble par la SCI, de figer conventionnellement la date des valeurs à prendre en compte pour la détermination de l'atteinte à la réserve à une date antérieure à celle de la réincorporation, et notamment à la date du dernier des dons manuels, c'est-à-dire à une époque où la SCI était encore propriétaire du bien.
• Bien subrogé : il en est de même du bien qui lui aurait été subrogé, puisque cette possibilité a été prévue expressément par l'article du Code civil précité : « eu égard éventuellement aux emplois et remplois qu'ils auront pu faire dans l'intervalle ». En outre, l'administration fiscale admet également cette possibilité.
• Bien cédé et non subrogé : qu'en est-il du bien cédé, dont le prix de vente n'a pas encore été employé ? Peut-il faire l'objet d'une incorporation ? Aussi surprenant qu'il soit, la réponse est positive. Dans ce cas, l'incorporation porte sur le prix de vente du bien qui avait été donné.
– Le champ du possible. – Par le jeu de la réincorporation, il est loisible au donateur de :
  • rendre préciputaire une donation ou une donation-partage antérieurement consentie hors part successorale, ce qui permet au donateur de se reconstituer un disponible ;
  • faire bénéficier des avantages des donations-partages (notamment celle de l'article 1078 du Code civil : les valeurs des biens seront figées, pour l'application de l'article 922 du même code, à la date de la donation et non à la date du décès) à des donations simples, des dons de sommes d'argent ou autres, qui ont pu être consentis antérieurement par les grands-parents ou par les parents aux donataires finaux de la donation-partage ;
  • envisager une redistribution différente des biens incorporés entre les donataires (le bien qui avait été attribué à l'enfant 1 sera attribué à l'enfant 2) ;
  • rendre la forme de donation-partage à des libéralités l'ayant perdue : donation-partage indivise, cas de survenance d'un nouvel enfant postérieurement à une donation-partage…
En effet, l'incorporation peut également apporter aujourd'hui une solution aux nombreuses donations-partages comprenant des lots composés de droits indivis sur un même bien. Il est déjà possible de régulariser cette donation-partage en procédant, du vivant du donateur, à un partage.
Toutefois, lorsque le patrimoine du donateur ne permet pas d'allotir les autres enfants de nouveaux biens, et/ou que le partage du bien initialement donné n'est pas envisageable (attribution du bien à un enfant à charge de paiement par ce dernier d'une soulte à ses copartageants), il est possible de prévoir que :
  • les enfants donataires initiaux du bien indivis l'apportent à une société civile ;
  • les parts sociales, attribuées en contrepartie de l'apport à titre onéreux, soient réincorporées à une donation-partage.
Ainsi, tout en permettant à ses enfants d'être propriétaires ensemble du bien, l'opération revêtira bien le caractère d'une donation-partage.

Exemple d'une réincorporation

Mme Moustache a donné un studio sis à Nancy à son fils étudiant dans cette ville, en 2016. Il était estimé à 40 000,00 €. Puis, quelques années plus tard, elle souhaite renouveler la même opération pour sa fille, qui a également commencé ses études à Nancy (valeur du deuxième studio : 60 000 €).
Madame souhaite maintenir l'égalité et dispose de liquidités au profit de son fils pour compenser la différence de valeur entre les deux biens.
Elle envisage de consentir une donation-partage de l'appartement à sa fille et de la somme d'argent au fils.
Ce serait une erreur de retenir cette solution, car les deux biens immobiliers donnés n'auront pas le même traitement successoral au décès de la donatrice et une inégalité apparaîtra.
D'une part, au titre de la réunion fictive de l'article 922 du Code civil, le fils verra sa donation simple être réunie pour la valeur du bien au jour du décès, selon son état au jour de la donation (c'est-à-dire une valeur tenant compte de la plus-value « naturelle » du bien prise entre le jour de la donation et le jour du décès). Puis, il verra cette même valeur s'imputer sur sa réserve. La fille, quant à elle, verra sa donation-partage être réunie pour la valeur du bien au jour de la donation-partage (sans la plus-value naturelle générée entre la donation et le décès).
D'autre part, le fils sera soumis au rapport successoral pour la donation simple du studio (il devra le rapporter pour sa valeur au jour du partage, donc comprenant la plus-value acquise entre le jour de la donation et le jour du partage), alors que la fille se verra exonérer d'un tel rapport pour le studio reçu par donation-partage (puisque dispensée du rapport successoral). Alors que la cliente souhaitait assurer une égalité entre ses enfants, on constatera qu'au jour de l'ouverture de la succession, la fille sera fortement avantagée.
Si, lors de la donation à sa fille, une donation-partage est envisagée avec réincorporation par le fils de son studio donné antérieurement (en prenant comme postulat que la valeur du bien est la même au jour de la réincorporation), l'égalité entre les enfants est assurée. Les deux biens immobiliers auront dès lors, par le jeu de l'incorporation, le même traitement successoral, tant au titre de la réunion fictive que du rapport successoral.
En procédant ainsi, la donation consentie au fils aurait désormais bénéficié de l'avantage de l'article 1078 du Code civil (c'est-à-dire une valeur figée au jour de la donation-partage). Dans cette situation, il est retenu la valeur du bien au jour de l'incorporation.

Les situations particulières

– Les incertitudes quant à l'incorporation d'une donation-partage antérieure. – Alors que la réincorporation d'une donation simple ne soulève pas beaucoup de difficultés puisque la réincorporation conduit à une révocation conventionnelle de celle-ci, la réincorporation d'une donation-partage antérieure est sujette à de nombreuses interrogations.
En effet, très rapidement, les praticiens se sont interrogés sur le fait de savoir s'ils devaient intégrer tous les lots donnés initialement (et ainsi révoquer totalement la donation-partage antérieure), ou s'ils pouvaient ne réintégrer que certains lots. L'incorporation doit-elle être totale ou peut-elle n'être que partielle ?
Par ailleurs, les praticiens se sont demandé qui devait être partie à l'acte prévoyant une incorporation. Tous les donataires initiaux doivent-ils nécessairement participer au nouvel acte, même s'ils ne sont pas concernés par l'incorporation ?
Évidemment, les mêmes incertitudes ont été soulevées au sujet de la donation-partage transgénérationnelle prévoyant une incorporation d'une donation-partage antérieure : l'incorporation peut-elle n'être que partielle ? Faut-il l'intervention de tous ?
Dans le schéma familial ci-dessous présenté, Jean peut avoir un intérêt à incorporer le lot initialement reçu de ses parents pour qu'il soit attribué à ses propres enfants, alors que Luc peut souhaiter conserver son lot initial.
Doit-on leur refuser le mécanisme de la donation-partage transgénérationnelle avec incorporation par un seul des enfants de son lot initial, si tous les enfants des donateurs ne réincorporent pas leur lot ?
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Schéma représentant la famille Moustache
Il est regrettable qu'aucune précision n'ait été apportée dans la réponse ministérielle Ceccaldi-Raynaud susvisée sur les modalités de réincorporation au sein d'une donation-partage transgénérationnelle.

La réincorporation partielle

– La réincorporation peut-elle être partielle ? – Il est légitime de se demander si la réincorporation d'une donation-partage antérieure doit porter obligatoirement sur tous les lots (et ainsi s'imposer à tous les donataires initiaux), ou si au contraire la réincorporation ne peut porter que sur un seul lot, ou encore sur des fractions d'un ou plusieurs lots.
Le caractère partiel d'une incorporation évoque en réalité deux sujets distincts :
  • l'incorporation peut être partielle car sur les deux donataires initiaux, l'un a accepté l'incorporation du lot reçu initialement ;
  • l'incorporation peut être partielle car le bien reçu en pleine propriété ne pourrait être incorporé que pour sa seule nue-propriété (le donataire initial se conservant ainsi par rétention un usufruit).

L'incorporation ne porte que sur certains lots de la donation-partage initiale ?

Cette position se justifie par la combinaison de deux idées :
1) une donation-partage peut être révoquée partiellement.
L'incorporation partielle aura pour conséquence de révoquer conventionnellement une partie de la donation-partage initialement consentie et de laisser perdurer l'autre partie. Cela est-il possible ?
En droit positif, il ne fait nul doute qu'une donation-partage puisse être partiellement résolue. Les exemples sont nombreux : la résolution judiciaire pour inexécution d'une charge ou pour indignité ne visera pas la donation-partage dans son intégralité, mais bien les seuls lots donnés au donataire fautif. Ou encore l'effet résolutoire du droit de retour légal, ou conventionnel en cas de prédécès du donataire est bien de nature à résoudre partiellement une donation-partage.
Aussi, une révocation conventionnelle d'une partie de la donation-partage initiale, par le jeu d'une incorporation, est tout à fait admissible en droit civil ;
Il y a donc lieu de considérer que la donation-partage initiale sera partiellement résolue et continuera à produire ses effets malgré sa révocation partielle.
En effet, nous pourrions avancer comme argument pour appuyer cette analyse que bien que la donation-partage ne contienne que des accords bilatéraux, il est nécessaire qu'ils soient complets (c'est-à-dire qu'il y ait bien autant d'accords bilatéraux que de couples donateur/donataire) pour que la libéralité prenne la forme d'une donation-partage. D'ailleurs, si l'un des enfants n'accepte pas son lot, la libéralité ne prendra pas la forme d'une donation-partage.
En outre, il est certain, lorsque les lots ne sont pas composés de biens de même nature, que chaque enfant porte une certaine attention aux lots des autres. L'accord bilatéral qui existe entre le donateur et le donataire est fortement empreint de ce qui se trouve dans les autres lots. Et il nous semble que l'accord ainsi donné l'a été en considération de la composition des autres lots.
À ce jour, et dans l'attente d'une précision par le législateur ou la jurisprudence, la position à adopter par le notaire devrait être la suivante :
1/ Envisager par priorité, quand cela est possible, une réincorporation totale de la donation-partage antérieure (solution la plus sage, car incontestable).
2/ Si la réincorporation totale n'est pas envisageable :
  • L'intervention à l'acte à recevoir, de tous les donataires initiaux est possible : prévoir l'intervention de tous les donataires initiaux (même si elle nous semble non obligatoire) ;
  • L'intervention de tous les donataires initiaux n'est pas possible ou inenvisageable pour le donataire réincorporant : selon nous, l'acte pourra être reçu, sans cette intervention, quand il s'agit de faire glisser le patrimoine de l'enfant pivot à ses enfants, car il n'y a aucune modification de la donation initiale.
– L'incorporation peut-elle ne porter que sur certains lots initialement donnés, et laisser perdurer la donation-partage initiale entre les autres donataires ? – Il est admis par plusieurs auteurs, dont Michel Grimaldi et Rémy Gentilhomme, que la réincorporation partielle est valable.
2) une donation-partage comprend autant d'accords bilatéraux qu'il y a de parties à l'acte. Chaque donataire (lors de la première donation-partage) accepte individuellement le lot qui lui est proposé. Il ne s'agit pas d'une acceptation unanime et collective de tous les lots par tous les donataires (en d'autres termes, Michel Grimaldi évoque une accumulation d'accords bilatéraux entre chaque donataire et chaque donateur de la composition de son lot). Aussi, la révocation conventionnelle portant sur un lot de la donation-partage suppose simplement l'accord de celui qui l'a donné et de celui qui l'a accepté ; et non l'accord de tous les intervenants de la donation-partage.
Toutefois, d'autre auteur qui admette également la validité d'une réincorporation partielle considère, que les seules interventions des donateur et donataire concernés ne sont pas suffisantes. L'accord de tous les donataires initiaux serait requis.

L'incorporation ne porte que sur une partie du lot, ou sur un seul des attributs du droit de propriété démembré ?

Il s'agit de savoir si le lot initialement constitué de biens différents peut être réincorporé pour une partie seulement, ou même si le lot initialement constitué de plusieurs titres sociaux peut être incorporé pour une partie seulement.
Il est admis que le donataire initial titulaire de la pleine propriété puisse incorporer la seule nue-propriété à une nouvelle donation-partage, tout en conservant l'usufruit dont il est titulaire.
Il est également admis que le donataire initial puisse incorporer une seule partie du lot initial, laissant ainsi subsister une partie de la précédente donation.

L'incorporation face au décès de l'un des donateurs initiaux

L'article 1078-1 du Code civil établit un lien entre la donation incorporée et la qualité du disposant. En effet, seules les donations consenties par le disposant (de la nouvelle donation-partage) peuvent être intégrées à une nouvelle donation-partage de celui-ci.
Exemple :
G1A et G1B ont donné à leurs trois enfants (G2C, G2D et G2E), il y a plus de quinze ans, des titres en nue-propriété de la société familiale aux termes d'une donation-partage. Les donateurs se sont chacun réservé un usufruit viager, et se sont réciproquement consenti un usufruit successif.
G1B est décédé.
Puis, son enfant, G2E est également décédé, laissant pour lui succéder un enfant mineur.
G1A envisage, aujourd'hui, avec ses enfants (G2C et G2D) d'effectuer une donation-partage transgénérationnelle au profit des petits-enfants, en intégrant à celle-ci la donation-partage des titres sociaux réalisés il y a quinze ans, reçus par G2C et G2D.
Il s'agit donc d'une donation-partage transgénérationnelle, avec réincorporation.
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Image
Schéma représentant la famille G
Ce cas présente plusieurs difficultés, notamment celle d'une réincorporation partielle, dont on a vu ci-avant (V. supra, nos et s.) qu'elle est largement admise par la doctrine. La seconde difficulté est de savoir s'il est possible de réincorporer un bien commun donné par deux parents, après le décès de l'un d'eux.
L'article 1078-1 Code civil établit un lien entre la donation incorporée et la qualité du disposant. En effet, seules les donations déjà consenties par le disposant peuvent être intégrées à une nouvelle donation-partage de celui-ci.
Aussi, en cas de décès de l'un des deux donateurs, entre la donation-partage conjonctive initiale et la réincorporation, il semble falloir considérer que seuls les biens donnés par le survivant puissent encore faire l'objet d'une réincorporation dans une nouvelle donation-partage, car seul le survivant aura la qualité de disposant au sens de l'article 1078-1 du Code civil. Seuls les lots donnés par ce conjoint survivant dans la donation-partage initiale pourront être réincorporés.
Indépendamment de la réincorporation, un bien commun donné par deux époux est analysé, lors du règlement successoral, comme s'il avait été fictivement donné par moitié théorique par chaque donateur. Cette règle liquidative conduit à considérer que le bien commun a été transmis par moitié par le père et par moitié par la mère, alors que nous savons que les époux ne disposent pas de droit « indivis » sur les biens communs durant l'application du régime matrimonial de la communauté.
Tirant les conséquences de ces deux règles (une identité de donateur, et un bien transmis par moitié par chaque parent sur le plan liquidatif), la réincorporation dans sa totalité du bien précédemment donné par les deux donateurs n'est pas envisageable.
Toutefois le notaire, par son conseil et son anticipation, pourra proposer des solutions à ses clients en amont, c'est-à-dire dès la réalisation de la première donation-partage du vivant des deux parents.
Dans une telle situation il suffirait de prévoir, dans la donation-partage initiale, une clause d'imputation de la donation-partage dans la succession du second donateur.
Cependant, cette solution entraîne des conséquences liquidatives importantes au premier et au second décès, et qui pourraient ne pas être opportunes pour les clients notamment s'ils venaient à ne jamais réfléchir à une donation-partage transgénérationnelle par la suite.
Et s'il était envisagé une donation-partage transgénérationnelle cumulative, avec « incorporation » par la génération intermédiaire des biens reçus du prémourant aux termes de la donation-partage ?
Nous rappelons que la donation-partage cumulative est celle qui permet à un ascendant et ses enfants de reconstituer ensemble une masse composée, d'une part, des biens reçus par les enfants dans la succession du premier ascendant décédé et, d'autre part, des biens se trouvant actuellement dans le patrimoine de l'ascendant survivant, afin d'envisager la transmission et surtout un partage global desdits biens.
Immédiatement, on relèvera que la donation-partage cumulative porte sur des biens reçus par succession, alors que le mécanisme de la réincorporation porte, quant à lui, sur des biens reçus par donation simple ou par donation-partage. Cette distinction fondamentale pourrait conduire à écarter, hâtivement, cette solution (puisque dans notre cas, il s'agit de biens reçus par donation et non pas par succession).
Mais il nous semble nécessaire d'approfondir cette notion, car la solution pourrait bien se trouver dans le mécanisme de la cumulative.
Peut-on, donc, adjoindre à une donation-partage cumulative (transgénérationnelle) les biens que la génération intermédiaire a reçus non pas par succession mais par donation ?
Oui et non.
Non, s'il s'agit d'adjoindre des biens reçus par donation simple.
Et nous avons envie de croire que oui, s'il s'agit d'adjoindre des biens reçus par donation-partage. La donation-partage, pacte sur succession future par excellence, n'est autre qu'un partage d'ascendant qui a vocation à anticiper et à modifier les règles successorales normalement applicables à la succession du donateur. Cette dimension successorale de la donation-partage pourrait permettre de considérer que les biens reçus aux termes de ce partage successoral anticipé puissent être compris dans une donation-partage cumulative transgénérationnelle.
Aussi, alors que la réincorporation est exclue, l'adjonction dans une cumulative pourrait être envisagée.

Les conséquences d'une incorporation sur la donation-partage initiale

La donation-partage réincorporée bénéficiait déjà des valeurs figées au jour de la donation-partage, si tous les héritiers réservataires y avaient participé (reçu un lot dans le partage) et si aucun usufruit de somme d'argent n'avait été stipulé. Quelles seront les conséquences de la réincorporation sur les valeurs des biens, que la réincorporation soit totale ou partielle ?
L'alinéa 2 de l'article 1078-1 du Code civil prévoit que : « La date d'évaluation applicable au partage anticipé sera également applicable aux donations antérieures qui lui auront été ainsi incorporées. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite ».
Il résulte de cet article qu'il est nécessaire qu'il n'y ait qu'une date d'évaluation de tous les biens, que celle-ci soit celle de la donation-partage contenant l'incorporation ou une autre, et notamment celle de la donation-partage incorporée.
  • en présence d'une réincorporation totale ou partielle d'une donation-partage antérieure, et de biens nouvellement donnés : perte du bénéfice de l'article 1078-1 du Code civil, car les biens nouvellement donnés ne pourraient pas être valorisés à une date antérieure à leur donation ;
  • en présence d'une réincorporation partielle d'une donation-partage antérieure (seuls certains lots donnés initialement sont réincorporés), sans donation de biens nouveaux : maintien de l'article 1078-1 du Code civil : les valeurs seront figées au jour de la donation-partage initiale (solution a priori admise par la majorité des auteurs, même si aucune jurisprudence n'est venue la confirmer).Une partie des auteurs conseille de faire intervenir les autres donataires (de la donation initiale) pour fixer conventionnellement la date de valeur ;
  • en présence d'une réincorporation totale d'une donation-partage antérieure (tous les lots donnés initialement sont réincorporés), sans donation de biens nouveaux : maintien de l'article 1078-1 du Code civil si les parties le souhaitent (report conventionnel de la date d'évaluation) : les valeurs seront figées au jour de la donation-partage initiale (solution a priori admise par plusieurs auteurs) ;
  • en présence d'une réincorporation totale ou partielle de plusieurs donations-partages antérieures, sans donation de biens nouveaux : maintien de l'article 1078-1 du Code civil, mais à la date de la plus récente des donations-partages incorporées.
Nous avons tenté de dresser l'état des solutions envisagées aujourd'hui, selon la doctrine majoritaire :