Analyse comparative des trois régimes matrimoniaux : régime légal, séparation de biens et participation aux acquêts
Afin de prendre conscience des avantages et inconvénients des différents régimes ainsi que du risque d'incompréhension des époux, il est proposé, dans une même étude de cas, une analyse comparative de liquidation du régime matrimonial légal avec celui de la séparation de biens pure et simple, et celui de la participation aux acquêts.
Le cas reprendra les situations problématiques évoquées ci-avant dans le régime matrimonial (V. supra, nos
et s.).
• Présentation du cas :
Alexandra et Baptiste se sont mariés en 1994.
Au jour de leur mariage, Baptiste était propriétaire d'un appartement à Metz, acquis quatre ans auparavant, pour la somme de 80 000,00 €, avec un prêt présentant un solde de 60 000,00 € (prêt remboursé à ce jour). Aujourd'hui cet appartement vaut 140 000,00 €.
Il disposait également d'une épargne de 60 000,00 €.
En 1998, ils acquièrent ensemble une maison à Montigny-lès-Metz d'un montant de 440 000,00 €, financée à l'aide d'un prêt de 400 000,00 €. Le solde du prix et des frais est financé par Baptiste (soit la somme de 60 000,00 €). Aujourd'hui la maison de Montigny vaut 500 000,00 €.
Après avoir déménagé, Baptiste met l'appartement de Metz en location. Le loyer mensuel de 520 € est affecté au remboursement de la mensualité de prêt (d'un montant de 320 €, dont à peu près 140 € d'intérêts), à la mensualisation de la taxe foncière et aux charges de copropriété (à peu près 80 €). Le reste est épargné pour des travaux, le cas échéant.
Les revenus du couple de 1994 à 2004 sont à peu près équivalents. Alexandra gagne 2 800 € par mois, et Baptiste 2 600 €.
Puis Baptiste a une belle opportunité professionnelle, et ses revenus augmentent fortement (à peu près le triple de ceux d'Alexandra, avec l'attribution de quarante stock-options chaque année, estimées, au global, à 28 000,00 €). Alexandra doit temporairement arrêter son activité, du fait de cette opportunité professionnelle. Puis elle reprend son activité professionnelle en 2008, aux mêmes conditions financières que lors de son arrêt.
En 2010, Alexandra hérite de son grand-père la somme de 300 000,00 €. Le montant de ses remboursements pour l'emprunt de la maison étant inférieur à celui de Baptiste (depuis 2004), elle décide de rembourser 100 000 € de l'emprunt pour la maison de Montigny-lès-Metz, en capital et par anticipation, au moyen de cet argent.
Elle utilise le reste pour acheter une petite maison de vacances de 250 000,00 €. Le reliquat est financé avec des économies faites sur ses salaires.
Baptiste, très bon bricoleur, a passé de nombreux week-ends à rénover cette maison, dont la valeur, une fois rénovée, était de 320 000,00 €. Aujourd'hui elle vaut 500 000 € (et 390 000,000 € sans les travaux).
Les époux divorcent en 2012.
1/ L'appartement de METZ
Situation | Régime légal | Régime conventionnel de la séparation de biens | Régime de la participation aux acquêts |
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Appartement de Metz | C. civ., art. 1405 : bien acquis avant le mariage = propre de Baptiste. | C. civ., art. 1536, al. 1 : bien appartenant à un seul époux = bien personnel de Baptiste. | C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses biens = bien personnel de Baptiste (patrimoine originaire). |
Emprunt | C. civ., art. 1410 : prêt souscrit avant le mariage = propre de Baptiste (capitaux, arrérages ou intérêts). | C. civ., art. 1536, al. 2 : les dettes nées d'un des membres du couple avant le mariage restent une dette personnelle = passif personnel de Baptiste. | C. civ., art. 1571, al. 2 : les dettes restent personnelles. |
Revenu locatif | C. civ., art. 1401 + diverses jurisprudences sous l'article (Cass. 1re civ., 31 mars 1992 ; Cass. 1re civ., 20 févr. 2007…) : les loyers encaissés, en tant que fruits et revenus de biens propres, tombent dans la communauté : les loyers encaissés sont communs. | C. civ., art. 1536, al. 1 : chaque époux conserve l'administration et la jouissance de ses biens : les loyers sont personnels. | C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses revenus, quels qu'ils soient : les loyers sont personnels. |
Charges de l'appartement | C. civ., art. 1401 + jurisprudence sous l'article Cass. 1re civ., 31 mars 1992 : les charges usufructuaires (telles que les intérêts d'emprunt) sont communes. | Les charges usufructuaires et les autres restent personnelles : dettes personnelles. | C. civ., art. 1571, al. 2 : les dettes restent personnelles. |
Charges de l'appartement(suite) | C. civ., art. 1401 + jurisprudence sous l'article Cass. 1re civ., 31 mars 1992 : les charges usufructuaires (telles que les intérêts d'emprunt) sont communes. | Les charges usufructuaires et les autres restent personnelles : dettes personnelles. | C. civ., art. 1571, al. 2 : les dettes restent personnelles. |
À la dissolution : | À la dissolution : | À la dissolution : | À la dissolution : |
À la dissolution (suite) : | |||
• Risque de contentieux / d'incompréhension | 1) La récompense due par Baptiste à la communauté (en raison du remboursement du prêt par les loyers du bien, qu'ils pouvaient légitimement penser être des propres). | Néant | Néant. |
2/ La maison de Montigny-lès-Metz
Situation | Régime légal | Régime conventionnel de la séparation de biens | Régime de la participation aux acquêts |
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• Risque de contentieux / d'incompréhension(suite) | Précision complémentaire : lors de l'achat de la maison, les quotités d'acquisition étaient 50/50 (leurs revenus étaient à peu près les mêmes), et Baptiste n'a pas voulu comptabiliser son apport, car ils voulaient être propriétaires indivis pour moitié chacun sur la maison. | ||
Maison de Montigny-lès-Metz | C. civ., art. 1401 et 1402 : bien acquis durant le mariage par les époux = biens communs. | C. civ., art. 1536, al. 1 : bien appartenant à chaque époux = bien personnel de chaque époux (en indivision). | C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses biens = bien personnel de chaque époux (en indivision). |
Emprunt | C. civ., art. 1409 : dette souscrite par les deux époux durant le mariage = dette commune. | C. civ., art. 1536, al. 2 : dette souscrite par les deux époux = dette personnelle 50/50. | |
À la dissolution : | La communauté comprendra : | Partage du bien entre les indivisaires. | 1) Partage du bien entre les indivisaires. |
À la dissolution :(suite) | La communauté comprendra : | Partage du bien entre les indivisaires. | Acquêts nets de 40 000,00 €. |
• Risque de contentieux / d'incompréhension | Incompréhension de Baptiste quant au fait qu'on puisse tenir compte de l'apport de 100 000,00 € d'Alexandra au titre du remboursement du prêt, mais pas de sa prise en charge exclusive du prêt durant plusieurs années. | Baptiste sera amené à demander une créance entre époux sur le fondement de l'article 1543 du Code civil pour la prise en charge au-delà des 50 % du prêt, qu'Alexandra contestera. | Néant |
3/ La maison de vacances
Situation | Régime légal | Régime conventionnel de la séparation de biens | Régime de la participation aux acquêts |
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Maison de vacances | C. civ., art. 1402, 1405 et 1406 : | C. civ., art. 1536, al. 1 : bien appartenant à un seul époux = bien personnel d'Alexandra. | C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses biens = bien personnel d'Alexandra (patrimoine originaire – subrogation en valeur). |
Embellissement/travaux réalisés par Baptiste | Industrie personnelle d'un époux : absence de droit à récompense pour l'époux, et pour la communauté. | Industrie personnelle d'un époux : créance sur le fondement de l'article 815-12 du Code civil, correspondant à la rémunération des heures de travail passées à améliorer le bien indivis. | Le bien du patrimoine originaire amélioré sera comptabilisé dans le patrimoine originaire de l'époux pour sa valeur au jour de la liquidation dans son état le jour de son acquisition (en d'autres termes pour la valeur qu'il aurait eue à la dissolution sans les améliorations) : 390 000,00 € et dans le patrimoine final, pour sa valeur dans son état le jour de la dissolution (avec les améliorations) : 500 000,00 €. |
À la dissolution : | Reprise par Baptiste : | Reprise du bien par Alexandra. | Reprise du bien par Alexandra : |
À la dissolution :(suite) | Reprise du bien par Alexandra : | ||
• Risque de contentieux / d'incompréhension | Incompréhension de Baptiste quant à la non-prise en compte de son travail et de son investissement, dans la plus-value procurée au bien d'Alexandra. | Ce financement pourrait être qualifié de contribution aux charges du mariage, en application de la jurisprudence rendue depuis plusieurs années par la Cour de cassation en matière de financement de l'acquisition et de travaux dans la résidence principale indivise d'époux séparés de biens. | Néant, car l'enrichissement d'Alexandra, liée au travail de Baptiste, sera comptabilisé dans le calcul de la créance de participation. Baptiste y trouvera un intérêt soit dans la créance qu'Alexandra lui devra, soit dans la « diminution » de celle qu'il pourrait lui devoir. |
4/ Les stock-options
Dans la présentation du cas, il n'est pas précisé si les options d'achat ont été levées ou non par Baptiste. Nous considérerons que non. Il a en touché quarante par année depuis 2004.
Situation | Régime légal | Régime conventionnel de la séparation de biens | Régime de la participation aux acquêts |
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Stock-option | Art. 1401 + Cass. 1re civ., 9 juill. 2014, no 13-15.948 : l'option de souscription ou d'achat est propre par nature (tant qu'elle n'a pas été levée). | Biens personnels | Biens personnels se trouvant dans le patrimoine final et non dans le patrimoine originaire. |
À la dissolution : | Reprise par Baptiste de ses stock-options non levées. | Reprise par Baptiste. | À la dissolution : |
À la dissolution :(suite) | Mémo : la créance de participation ne se détermine pas bien par bien, mais entre les acquêts totaux des deux époux. | ||
Risque de contentieux / d'incompréhension | Alexandra, dans la mesure où ces stock-options remplaçaient des primes de l'employeur, pouvait légitimement penser que la valeur des titres aurait pu être comptabilisée dans la communauté au même titre que les primes qu'elle pouvait percevoir de son employeur, et ce même si Baptiste décidait de lever l'option seulement après le divorce. | Aucun, sauf éventuellement le débat qu'Alexandra pourrait avancer de dire que ces primes ont servi à financer les vacances du couple durant quelques années, et que les stock-options de Baptiste n'ont pas été utilisées. | Aucun |