Un autre régime matrimonial légal

Un autre régime matrimonial légal

Analyse comparative des trois régimes matrimoniaux : régime légal, séparation de biens et participation aux acquêts

Afin de prendre conscience des avantages et inconvénients des différents régimes ainsi que du risque d'incompréhension des époux, il est proposé, dans une même étude de cas, une analyse comparative de liquidation du régime matrimonial légal avec celui de la séparation de biens pure et simple, et celui de la participation aux acquêts.
Le cas reprendra les situations problématiques évoquées ci-avant dans le régime matrimonial (V. supra, nos et s.).
Présentation du cas :
Alexandra et Baptiste se sont mariés en 1994.
Au jour de leur mariage, Baptiste était propriétaire d'un appartement à Metz, acquis quatre ans auparavant, pour la somme de 80 000,00 €, avec un prêt présentant un solde de 60 000,00 € (prêt remboursé à ce jour). Aujourd'hui cet appartement vaut 140 000,00 €.
Il disposait également d'une épargne de 60 000,00 €.
En 1998, ils acquièrent ensemble une maison à Montigny-lès-Metz d'un montant de 440 000,00 €, financée à l'aide d'un prêt de 400 000,00 €. Le solde du prix et des frais est financé par Baptiste (soit la somme de 60 000,00 €). Aujourd'hui la maison de Montigny vaut 500 000,00 €.
Après avoir déménagé, Baptiste met l'appartement de Metz en location. Le loyer mensuel de 520 € est affecté au remboursement de la mensualité de prêt (d'un montant de 320 €, dont à peu près 140 € d'intérêts), à la mensualisation de la taxe foncière et aux charges de copropriété (à peu près 80 €). Le reste est épargné pour des travaux, le cas échéant.
Les revenus du couple de 1994 à 2004 sont à peu près équivalents. Alexandra gagne 2 800 € par mois, et Baptiste 2 600 €.
Puis Baptiste a une belle opportunité professionnelle, et ses revenus augmentent fortement (à peu près le triple de ceux d'Alexandra, avec l'attribution de quarante stock-options chaque année, estimées, au global, à 28 000,00 €). Alexandra doit temporairement arrêter son activité, du fait de cette opportunité professionnelle. Puis elle reprend son activité professionnelle en 2008, aux mêmes conditions financières que lors de son arrêt.
En 2010, Alexandra hérite de son grand-père la somme de 300 000,00 €. Le montant de ses remboursements pour l'emprunt de la maison étant inférieur à celui de Baptiste (depuis 2004), elle décide de rembourser 100 000 € de l'emprunt pour la maison de Montigny-lès-Metz, en capital et par anticipation, au moyen de cet argent.
Elle utilise le reste pour acheter une petite maison de vacances de 250 000,00 €. Le reliquat est financé avec des économies faites sur ses salaires.
Baptiste, très bon bricoleur, a passé de nombreux week-ends à rénover cette maison, dont la valeur, une fois rénovée, était de 320 000,00 €. Aujourd'hui elle vaut 500 000 € (et 390 000,000 € sans les travaux).
Les époux divorcent en 2012.
1/ L'appartement de METZ
Situation Régime légal Régime conventionnel de la séparation de biens Régime de la participation aux acquêts
Appartement de MetzC. civ., art. 1405 : bien acquis avant le mariage = propre de Baptiste.C. civ., art. 1536, al. 1 : bien appartenant à un seul époux = bien personnel de Baptiste.C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses biens = bien personnel de Baptiste (patrimoine originaire).
EmpruntC. civ., art. 1410 : prêt souscrit avant le mariage = propre de Baptiste (capitaux, arrérages ou intérêts).C. civ., art. 1536, al. 2 : les dettes nées d'un des membres du couple avant le mariage restent une dette personnelle = passif personnel de Baptiste.C. civ., art. 1571, al. 2 : les dettes restent personnelles.
Revenu locatifC. civ., art. 1401 + diverses jurisprudences sous l'article (Cass. 1re civ., 31 mars 1992 ; Cass. 1re civ., 20 févr. 2007…) : les loyers encaissés, en tant que fruits et revenus de biens propres, tombent dans la communauté : les loyers encaissés sont communs.C. civ., art. 1536, al. 1 : chaque époux conserve l'administration et la jouissance de ses biens : les loyers sont personnels.C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses revenus, quels qu'ils soient : les loyers sont personnels.
Charges de l'appartementC. civ., art. 1401 + jurisprudence sous l'article Cass. 1re civ., 31 mars 1992 : les charges usufructuaires (telles que les intérêts d'emprunt) sont communes. Les charges usufructuaires et les autres restent personnelles : dettes personnelles.C. civ., art. 1571, al. 2 : les dettes restent personnelles.
Charges de l'appartement(suite) C. civ., art. 1401 + jurisprudence sous l'article Cass. 1re civ., 31 mars 1992 : les charges usufructuaires (telles que les intérêts d'emprunt) sont communes. Les charges usufructuaires et les autres restent personnelles : dettes personnelles.C. civ., art. 1571, al. 2 : les dettes restent personnelles.
À la dissolution : À la dissolution : À la dissolution : À la dissolution :
À la dissolution (suite) :
• Risque de contentieux / d'incompréhension 1) La récompense due par Baptiste à la communauté (en raison du remboursement du prêt par les loyers du bien, qu'ils pouvaient légitimement penser être des propres).NéantNéant.
2/ La maison de Montigny-lès-Metz
Situation Régime légal Régime conventionnel de la séparation de biens Régime de la participation aux acquêts
• Risque de contentieux / d'incompréhension(suite) Précision complémentaire : lors de l'achat de la maison, les quotités d'acquisition étaient 50/50 (leurs revenus étaient à peu près les mêmes), et Baptiste n'a pas voulu comptabiliser son apport, car ils voulaient être propriétaires indivis pour moitié chacun sur la maison.
Maison de Montigny-lès-MetzC. civ., art. 1401 et 1402 : bien acquis durant le mariage par les époux = biens communs.C. civ., art. 1536, al. 1 : bien appartenant à chaque époux = bien personnel de chaque époux (en indivision).C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses biens = bien personnel de chaque époux (en indivision).
EmpruntC. civ., art. 1409 : dette souscrite par les deux époux durant le mariage = dette commune.C. civ., art. 1536, al. 2 : dette souscrite par les deux époux = dette personnelle 50/50.
À la dissolution : La communauté comprendra :Partage du bien entre les indivisaires. 1) Partage du bien entre les indivisaires.
À la dissolution :(suite) La communauté comprendra :Partage du bien entre les indivisaires.Acquêts nets de 40 000,00 €.
• Risque de contentieux / d'incompréhensionIncompréhension de Baptiste quant au fait qu'on puisse tenir compte de l'apport de 100 000,00 € d'Alexandra au titre du remboursement du prêt, mais pas de sa prise en charge exclusive du prêt durant plusieurs années.Baptiste sera amené à demander une créance entre époux sur le fondement de l'article 1543 du Code civil pour la prise en charge au-delà des 50 % du prêt, qu'Alexandra contestera.Néant
3/ La maison de vacances
Situation Régime légal Régime conventionnel de la séparation de biens Régime de la participation aux acquêts
Maison de vacancesC. civ., art. 1402, 1405 et 1406 :C. civ., art. 1536, al. 1 : bien appartenant à un seul époux = bien personnel d'Alexandra.C. civ., art. 1569 : chaque époux reste propriétaire de ses biens = bien personnel d'Alexandra (patrimoine originaire – subrogation en valeur).
Embellissement/travaux réalisés par BaptisteIndustrie personnelle d'un époux : absence de droit à récompense pour l'époux, et pour la communauté.Industrie personnelle d'un époux : créance sur le fondement de l'article 815-12 du Code civil, correspondant à la rémunération des heures de travail passées à améliorer le bien indivis.Le bien du patrimoine originaire amélioré sera comptabilisé dans le patrimoine originaire de l'époux pour sa valeur au jour de la liquidation dans son état le jour de son acquisition (en d'autres termes pour la valeur qu'il aurait eue à la dissolution sans les améliorations) : 390 000,00 € et dans le patrimoine final, pour sa valeur dans son état le jour de la dissolution (avec les améliorations) : 500 000,00 €.
À la dissolution : Reprise par Baptiste : Reprise du bien par Alexandra. Reprise du bien par Alexandra :
À la dissolution :(suite) Reprise du bien par Alexandra :
• Risque de contentieux / d'incompréhensionIncompréhension de Baptiste quant à la non-prise en compte de son travail et de son investissement, dans la plus-value procurée au bien d'Alexandra.Ce financement pourrait être qualifié de contribution aux charges du mariage, en application de la jurisprudence rendue depuis plusieurs années par la Cour de cassation en matière de financement de l'acquisition et de travaux dans la résidence principale indivise d'époux séparés de biens.Néant, car l'enrichissement d'Alexandra, liée au travail de Baptiste, sera comptabilisé dans le calcul de la créance de participation. Baptiste y trouvera un intérêt soit dans la créance qu'Alexandra lui devra, soit dans la « diminution » de celle qu'il pourrait lui devoir.
4/ Les stock-options
Dans la présentation du cas, il n'est pas précisé si les options d'achat ont été levées ou non par Baptiste. Nous considérerons que non. Il a en touché quarante par année depuis 2004.
Situation Régime légal Régime conventionnel de la séparation de biens Régime de la participation aux acquêts
Stock-option Art. 1401 + Cass. 1re civ., 9 juill. 2014, no 13-15.948 : l'option de souscription ou d'achat est propre par nature (tant qu'elle n'a pas été levée).Biens personnelsBiens personnels se trouvant dans le patrimoine final et non dans le patrimoine originaire.
À la dissolution : Reprise par Baptiste de ses stock-options non levées.Reprise par Baptiste. À la dissolution :
À la dissolution :(suite) Mémo : la créance de participation ne se détermine pas bien par bien, mais entre les acquêts totaux des deux époux.
Risque de contentieux / d'incompréhensionAlexandra, dans la mesure où ces stock-options remplaçaient des primes de l'employeur, pouvait légitimement penser que la valeur des titres aurait pu être comptabilisée dans la communauté au même titre que les primes qu'elle pouvait percevoir de son employeur, et ce même si Baptiste décidait de lever l'option seulement après le divorce.Aucun, sauf éventuellement le débat qu'Alexandra pourrait avancer de dire que ces primes ont servi à financer les vacances du couple durant quelques années, et que les stock-options de Baptiste n'ont pas été utilisées.Aucun
Après avoir réfléchi au régime matrimonial existant qui pourrait éventuellement être substitué au régime légal actuel, afin d'apporter des solutions aux différentes situations sources de contentieux entre les époux, il sera évoqué la possibilité d'un nouveau régime matrimonial.

Un autre régime matrimonial légal

Il s'agit ici d'une réflexion sur les autres régimes matrimoniaux existants.
Parmi ceux actuellement codifiés, la séparation de biens (§ I), et la participation aux acquêts (§ II), il a été exclu le régime de la communauté universelle qui paraît inadapté pour des unions naissantes ou de jeunes couples, notamment en raison du nombre élevé de divorces.
Parce qu'elle n'est actuellement pas codifiée, la séparation de biens avec société d'acquêts, bien que très séduisante, ne sera pas envisagée dans ce développement, et ce malgré ses nombreux avantages et mérites.

Un régime séparatiste

Le régime de la séparation de biens est souvent présenté comme le régime matrimonial qui pourrait remplacer celui de la communauté de biens entre époux, en tant que régime légal.
Ce régime a le mérite de la simplicité, reconnu initialement à la communauté et qui l'a visiblement perdue au fil des jurisprudences.
La simplicité reconnue au régime de la séparation réside dans l'absence d'une masse commune et d'une présomption de communauté. Les biens appartiennent à chaque époux. Le risque d'une erreur des époux sur la qualification d'un bien est inexistant.
En outre, ce régime semble avoir de plus en plus la préférence des couples, que ce soit lors de secondes noces ou pour des jeunes couples qui se marient plus tardivement, comme on peut l'observer depuis quelques années.
Ce régime conventionnel présent depuis 1965 répond parfaitement aux attentes des couples d'aujourd'hui, et semble adapté à l'évolution de la société (nombre important de divorces, individualisation de la société, mariage à des âges plus avancés avec des patrimoines plus importants au jour du mariage).
Le travail des femmes est également un facteur déterminant. La communauté a présenté, en son temps, l'avantage de permettre la protection des épouses qui, sans avoir d'activité rémunérée, participaient largement à l'enrichissement du couple, notamment dans une société essentiellement agricole.
La communauté, en 1804, répondait aux attentes et préoccupations des couples, notamment concernant le partage de l'enrichissement du couple entre l'homme qui travaillait et la femme, lors de la dissolution du mariage qui survenait le plus souvent par le décès. Les préoccupations des couples, aujourd'hui, sont beaucoup plus court-termistes qu'elles ne pouvaient l'être il y a encore cinquante ans. Aujourd'hui les couples se soucient, dans un premier temps, de leur patrimoine individuel (conservation et préservation), puis dans un second temps, et dans l'hypothèse d'un décès prématuré, de la protection de leur conjoint. Et souvent, dans leur esprit, protection ne signifie pas nécessairement transmission de richesses (souvent cette question se limite à la jouissance du logement).
Mais il ne faut pas s'y tromper, la séparation de biens suppose un parfait cloisonnement des patrimoines. Les époux qui choisissent ce régime ne doivent pas se laisser guider par la joyeuse insouciance de la vie à deux. Principal argument de la communauté, et piège à éviter de la séparation : la vie de couple conduit à une communauté d'intérêts. Les époux séparés de biens ne devront pas tomber dans le piège de cette facilité : achat en indivision, compte joint… non-respect du cloisonnement des patrimoines.
La séparation de biens est un régime qui demande aux époux une discipline et une rigueur comptable au quotidien.
Il est à déplorer qu'un trop grand nombre de couples soient aujourd'hui soumis à ce régime pour de mauvaises raisons (volonté des parents d'imposer ce régime à leurs enfants ; chef d'entreprise qui pense, à tort, mettre le patrimoine au nom de son épouse [acquis avec les revenus de son activité] ou le patrimoine familial à l'abri des créanciers…). Lorsque ce régime est subi plus que choisi, il ne remplira pas sa mission, et le contentieux en fin d'union sera également présent.
Il ne faut pas non plus tirer trop de conséquences de l'analyse des données chiffrées de l'Insee, ci-avant évoquées. La séparation de biens est, certes, le deuxième régime matrimonial le plus choisi (ou le premier régime conventionnel choisi), car les autres régimes conventionnels sont trop peu conseillés par les professionnels :
  • la participation aux acquêts ou la séparation de biens avec société d'acquêts, car peut-être mal maîtrisées par la profession ;
  • et la communauté universelle qui est à juste titre exclue car elle ne convient pas à de jeunes couples.
Mais combien de couples mariés sous un régime séparatiste jouent réellement le jeu de ce régime en cloisonnant totalement leur patrimoine respectif (en n'ayant pas recours à des acquisitions en indivision) ? Presque aucun.
Dès lors que les époux séparés de biens réaliseront des acquisitions en indivision, et, pire encore, ne respecteront pas les quotités d'acquisition, le contentieux en fin d'union existera.
Dès lors que les époux séparés de biens auront des comptes joints pour le paiement des différentes charges, ou dès lors qu'avec des comptes séparés les époux se répartiront entre eux les factures (au lieu de les partager équitablement) sans opérer de distinction entre une facture EDF et le paiement de l'impôt sur le revenu, le contentieux (contribution aux charges du mariage) en fin d'union existera.

Participations aux acquêts

Lors de la réforme de 1965, la participation aux acquêts avait été envisagée comme régime légal, mais elle avait été finalement écartée par le doyen Carbonnier.
La participation aux acquêts est la « bête noire » des praticiens qui la considèrent trop complexe à liquider. Mais pour les époux, n'est-ce pas le régime parfait ?
Il s'agit en effet d'un régime simple de fonctionnement au quotidien et protecteur (gage des créanciers), bénéficiant ainsi des avantages de la séparation de biens tout en assurant l'équité qu'un régime matrimonial se doit d'apporter aux membres du couple avec un partage d'enrichissement en fin d'union. En effet, en choisissant de se marier, les époux acceptent l'idée d'une communauté de vie, et donc nécessairement celle d'une communauté d'intérêts qu'il n'est pas possible d'éluder à l'heure de la séparation. Ce principe est vrai dans tous les régimes, et bien souvent trop vite oublié par les époux qui se séparent.
La participation aux acquêts, en cours d'union, prône un principe d'indépendance des patrimoines.
Le principal avantage de ce régime tient au partage d'enrichissement et à la simplicité de celui-ci, car seulement en valeur (ce qui se différencie du partage de patrimoine : partage d'une masse commune). Ce mécanisme annihile à la source le débat financier entre époux : existe-t-il, réellement, un intérêt à débattre d'une créance entre époux ou d'une contribution aux charges du mariage quand l'époux est intéressé à l'enrichissement de l'autre ?
La participation aux acquêts est pourtant peu conseillée, car victime de cette image que les praticiens lui donnent : un régime trop complexe. Le praticien ne conseillera pas un régime qu'il connaît peu (en pratique). Pourtant, quand on prend le temps de s'y intéresser plus attentivement, on découvre qu'il n'est pas plus difficile de calculer une créance de participation que des récompenses en chaîne dans la communauté légale.
Le premier véritable enjeu de son succès est de changer notre conception des opérations de liquidation. Bien trop formatés par la méthodologie de liquidation de la communauté de biens, toutes les autres, différentes, nous paraissent compliquées… mais combien de régimes de participation avons-nous réellement liquidés en tant qu'étudiants ?
D'ailleurs, dans un arrêt du 31 mars 2016, la Cour de cassation avait dû rappeler les grands principes de liquidation de la participation aux acquêts que des juges du fond – rarement confrontés à ce régime – semblaient également avoir oubliés. Une confusion évidente entre les règles de liquidation du régime de communauté et celles de la participation aux acquêts était alors apparue.
Dans la communauté, il faut au préalable qualifier les biens pour en connaître le propriétaire, puis les attribuer à une masse de biens, et déterminer les éventuels flux financiers pour rééquilibrer les patrimoines des époux.
Dans la participation aux acquêts, il n'y a pas lieu de procéder ainsi. Il ne faut pas s'y tromper. Dans ce régime, il ne s'agit que d'opérations purement comptables entre les valeurs à l'entrée et à la sortie du régime matrimonial. Rien d'autre. La participation aux acquêts est une communauté en valeur.
Le Code civil définit précisément tant la liste des biens à prendre en compte que leur évaluation. Les calculs sont ensuite extrêmement simples.
– La participation aux acquêts est hermétique aux difficultés liées à la qualification d'un bien, évoquées ci-avant pour la communauté légale, et à celles de l'éventuelle attribution des biens (sauf cas de l'achat en indivision). – Les époux vivant comme sous le régime de la séparation, chaque bien acquis leur appartient, le passif y afférent également.
À l'instar de la séparation de biens, il n'est donc pas nécessaire de se demander si telle pension indemnise un préjudice personnel ou une perte de revenu, si les stock-options ont été levées avant ou après la date de dissolution, si le fût en chêne dépendant de l'exploitation viticole ou le stock sont propres ou communs, si la donation faite à un ami l'a été au moyen de revenus économisés ou non…
– La participation aux acquêts apporte également une réponse juste à l'époux bricoleur, évoquée ci-avant pour la communauté légale. – Pour rappel, et d'origine jurisprudentielle, aucune récompense n'est reconnue à la communauté pour l'industrie personnelle déployée sur le bien propre de l'époux bricoleur ou sur le bien propre de son conjoint, ce qui peut faire naître en fin d'union une incompréhension de l'époux bricoleur, un sentiment d'injustice et donc un contentieux.
Dans le régime de la participation aux acquêts, les articles 1571 et 1574 du Code civil permettent quant à eux de tenir compte de cette industrie personnelle, qu'elle porte sur un bien propre de l'époux bricoleur ou sur le bien propre de son conjoint.
Le bien amélioré (s'il est originaire) sera comptabilisé dans le patrimoine originaire de l'époux pour sa valeur au jour de la liquidation dans son état le jour de son acquisition ou au jour du mariage (en d'autres termes, pour la valeur qu'il aurait eue à la dissolution sans les améliorations), et dans le patrimoine final pour sa valeur dans son état le jour de la dissolution (avec les améliorations). Ainsi, la différence entre ces deux valeurs sera celle de la plus-value apportée, qui constituera un acquêt (servant à la détermination de la créance).

Les solutions apportées par la participation aux acquêts aux difficultés du régime légal, en chiffres

Premier exemple chiffré :
L'époux A est propriétaire au jour du mariage d'une maison reçu par succession qui vaut 100. Durant quatre ans, l'époux B, bricoleur, la rénove totalement. Dix ans après, ledit bien est évalué à 400. À cette même date, sans les travaux de rénovation, le bien aurait valu 200.
1) Époux A :
Patrimoine originaire (PO) :
• Maison (pour sa valeur au jour de la dissolution, selon l'état au jour du mariage – sans les améliorations) : 200
Total : 200
Patrimoine final (PF) :
• Maison (pour sa valeur au jour de la dissolution, selon l'état au jour de la dissolution – avec les améliorations) : 400
Total : 400
Acquêts nets de l'époux A : 400 – 200 = 200
2) Époux B :
Patrimoine originaire (PO) :
• Néant
Patrimoine final (PF) :
• Néant
Total : 0
Acquêts nets de l'époux B : 0
3) Créance de participation :
200 – 0 = 200 / 2 = 100
L'époux A sera débiteur envers l'époux B d'une créance de participation de 100. L'enrichissement étant partagé, l'époux B bénéficie indirectement de la plus-value qu'il a apportée au patrimoine de son époux. Dans le régime de la communauté légale, l'époux B n'aurait rien touché pour ce travail et cette plus-value.
Deuxième exemple chiffré :
Participation aux acquêts et construction
L'époux A est propriétaire au jour du mariage d'un terrain reçu par succession qui vaut 100. L'époux A fait construire une maison sur ledit terrain pour un coût de 260. Dix ans après, ledit bien (maison + terrain) est évalué à 500. À cette même date, le terrain seul aurait valu 200.
1) Époux A :
Patrimoine originaire (PO) :
• Terrain (pour sa valeur au jour de la dissolution, selon l'état au jour du mariage : sans la construction) : 100
• Plus-value apportée : 100
Total : 200
Patrimoine final (PF) :
• Maison (pour sa valeur au jour de la dissolution, selon l'état au jour de la dissolution : avec la construction) : 500
Total : 500
Acquêts nets de l'époux A : 500 – 200 = 300
2) Époux B :
Patrimoine originaire (PO) :
• Néant
Patrimoine final (PF) :
• Néant
Total : 0
Acquêts nets de l'époux B : 0
3) Créance de participation :
300 – 0 = 300 / 2 = 150.
L'époux A sera débiteur envers l'époux B d'une créance de participation de 150. L'enrichissement étant partagé, l'époux B bénéficie de la plus-value du patrimoine de l'époux A.
Troisième exemple chiffré :
Lors de l'achat en commun, qu'il est difficile d'éviter pour un couple, celui-ci s'effectuera sous le régime de l'indivision.
Dès lors, pourrait ressurgir tout le contentieux de la prise en charge d'un prêt par un seul des indivisaires et la qualification de contribution aux charges du mariage (contentieux du régime de la séparation de biens). Mais, par un exemple chiffré qui sera plus parlant que de longues explications, il sera démontré que le régime de la participation vide ce sujet de sa substance. L'opération est neutre pour les époux.
Juste avant le mariage, les époux achètent en indivision (50/50) un bien de 100, au moyen d'un prêt de 100. Ledit bien vaut 300 à la dissolution.
1) Époux A :
Patrimoine originaire (PO) :
Actif : ½ du bien de 100 : 50
Passif : ½ du prêt de 100 : 50
PO : 0
Patrimoine final (PF) :
Actif : ½ du bien de 300 :
PF : 150
Acquêts nets de l'époux A : 150 – 0 = 150
2) Époux B :
Patrimoine originaire (PO) :
Actif : ½ du bien de 100 : 50
Passif : ½ du prêt de 100 : 50
PO : 0
Patrimoine final (PF) :
Actif : ½ du bien de 300 :
PF : 150
Acquêts nets de l'époux B : 150 – 0 = 150
(150 – 150) = 0. Aucune créance de participation n'est due.
Certains auteurs considèrent même que les biens acquis en indivision ne devraient pas rentrer dans le calcul de la créance de participation.
Dans le cas où l'époux A a remboursé seul le prêt de 100.
Prise en compte de la créance entre époux (époux A supporte la quote-part du prêt de l'époux B pour un montant de 50) :
1) Époux A :
Patrimoine originaire (PO) :
Actif : ½ du bien de 100 : 50
Passif : ½ du prêt de 100 : 50
PO : 0
Patrimoine final (PF) :
Actif : ½ du bien de 300 : 150
+ créance due par l'époux B : 50
PF : 200
Acquêts nets de l'époux A : 200 – 0 = 200
2) Époux B :
Patrimoine originaire (PO) :
Actif : ½ du bien de 100 : 50
Passif : ½ du prêt de 100 : 50
PO : 0 euro
Patrimoine final (PF) :
Actif : ½ du bien de 300 : 150
Passif : créance due à l'époux A : 50
PF : 100
Acquêts nets de l'époux B : 100 – 0 = 100
3) Créance de participation :
(200 – 100) = 100 / 2 = 50. L'époux A doit une créance de participation à l'époux B de 50, ce qui correspond à la créance due par l'époux B à l'époux A au titre de la créance entre époux.
Il y a donc neutralisation de la créance entre époux et de la créance de participation. Aucun intérêt pour les époux d'aller devant le juge pour faire valoir ou contester une créance entre époux.
Prise en compte de ce paiement au titre de la contribution aux charges du mariage :
1) Époux A :
Patrimoine originaire (PO) :
Actif : ½ du bien de 100 : 50
Passif : ½ du prêt de 100 : 50
PO : 0
Patrimoine final (PF) :
Actif : ½ du bien de 300 : 150
+ créance due par l'époux B : 0, cette fois
PF : 150
Acquêts net de l'époux A : 150 – 0 = 150
2) Époux B :
Patrimoine originaire (PO) :
Actif : ½ du bien de 100 : 50
Passif : ½ du prêt de 100 : 50
PO : 0
Patrimoine final (PF) :
Actif : ½ du bien de 300 : 150
Passif : créance due à l'époux A : 0, cette fois
PF : 150
Acquêts nets de l'époux B : 150 – 0 = 150
3) Créance de participation :
(150 – 150) = 0 / 2 = 0
Aucune créance de participation n'est due.
Que les époux supportent exactement leur part du prêt, ou qu'il y ait une créance entre époux, ou encore que ce soit sur le fondement d'une contribution aux charges du mariage, le résultat pour les époux en participation aux acquêts est strictement le même. Le régime supprime, par ses propres règles (et notamment en raison du partage de l'enrichissement), tout intérêt à agir en justice pour faire reconnaître une créance ou une contribution aux charges du mariage. Le notaire, dans une situation contentieuse, pourra désamorcer assez facilement le contentieux avant qu'il ne devienne judiciaire.
La participation aux acquêts fait partie de ces régimes qui supposent un écrit, ce qui peut conduire à l'exclure immédiatement de la réflexion menée sur le régime légal, à l'instar du régime dotal en 1804. Or, il serait dommage de se priver de celui-ci dans la réflexion menée sur le régime légal de demain, pour une simple question de forme.
En effet, l'article 1570 du Code civil dispose actuellement que les époux établissent ensemble un état descriptif du patrimoine de chaque époux au jour du mariage. Ces biens formeront le patrimoine originaire de l'époux, pour le calcul de la créance de participation.
Nous pouvons comprendre l'importance de cet état, car tout bien qui serait oublié pourrait être considéré comme acquêts (et donc sera comptabilisé dans l'enrichissement de l'époux), bien qu'il existe des possibilités de rajouter a posteriori – notamment en justice – au patrimoine originaire des biens oubliés.
Actuellement, cet état peut être intégré dans l'acte contenant le contrat de mariage ou le changement de régime ; il peut également être établi sous seing privé et annexé à l'acte, ou simplement conservé par les époux (notamment en cas de patrimoine sensible, dont les époux ne veulent pas communiquer le détail).
Pour faire simple, le patrimoine originaire comprend les biens qui seraient qualifiés de biens propres dans le régime matrimonial : biens présents dans le patrimoine de l'époux au jour du mariage, biens reçus en cours d'union par donation et succession, et ceux qui ont un caractère personnel.
Comment concilier cette exigence d'écrit avec un régime légal ?
Deux possibilités :
Premièrement, l'état descriptif pourrait être établi sous seing privé par les époux, ce dont ils devront justifier à l'officier d'état civil lors du dépôt du dossier pour la célébration du mariage (sans avoir à communiquer le contenu de celui-ci qui revêt un caractère fortement confidentiel et personnel).
En outre, les époux qui auront rencontré au préalable un notaire, lors de la visite prénuptiale, auront été informés sur l'importance et l'enjeu de cet état descriptif et auront même pu être conseillés sur son établissement.
Deuxièmement, et par similitude, les mêmes règles de détermination de la masse propre dans le régime légal pourraient alors être envisagées, c'est-à-dire la possibilité pour les époux de justifier en fin d'union de la propriété du bien au jour de leur mariage.
Quels aménagements la loi devrait-elle apporter au régime tel que nous le connaissons aujourd'hui ?
  • Prévoir que les biens professionnels (avec un renvoi à une définition précise : éventuellement celle de l'administration fiscale des biens professionnels) soient exclus du calcul de la créance (avec le garde-fou pour le conjoint).
  • Prévoir que les époux listent l'ensemble de leurs biens dans un document sous seing privé à justifier à l'officier d'état civil.