Pourquoi « ouvrir le capital » aujourd'hui ?

Pourquoi « ouvrir le capital » aujourd'hui ?

– Ouvrir son capital, à quel coût ? – L'investissement en capital est une opération qui présente un flux entrant de trésorerie pour la société, sans engendrer, dans l'immédiat, de flux sortant. Les fonds qui lui auront été apportés sont immobilisés pour une durée longue, ce qui est en fait le mode de financement de long terme par excellence.
Pour que l'investisseur constate la rentabilité de son investissement, la société devra dégager un résultat positif, disposer d'une trésorerie suffisante, et organiser une décision collective des associés aboutissant à une distribution de ce résultat.
Cette distribution de dividendes sera un flux sortant progressif pour la société. Sa nature, évidemment très aléatoire, aboutit à ce que l'investisseur dispose d'une exigence élevée. Ainsi, le coût moyen du capital en France pour une société sera de l'ordre de 8,10 % par an. En fonction du niveau de risque présenté par l'entreprise, de sa solidité, de ses performances passées, ce taux pourra varier très sensiblement (pour une entreprise en création, il peut même atteindre les 20 %).
À défaut d'être en mesure de distribuer une partie de son résultat, l'investisseur souhaitera atteindre ce taux de rentabilité via la plus-value qu'il pourrait réaliser en cas de cession de ses droits sociaux. Une négociation s'instaurera donc avec les associés existants pour faire baisser la valeur d'entrée en capital, ou les modalités de répartition de la plus-value en cas de cession.
– Ouvrir son capital, dans quelles hypothèses ? – L'ouverture du capital social est un mode de financement offensif dans la mesure où son niveau de risque est élevé tant pour l'investisseur que pour les associés en place. Mais elle répond parfaitement à une perspective de long terme pour la société qui permet par exemple :
  • de financer de lourds investissements (recherche et développement, croissance externe, etc.) ;
  • de s'adosser durablement à un associé qui apportera plus que des capitaux (synergies commerciales, industrielles, expertise, etc.) ;
  • ou d'accompagner également la transmission familiale.
Eu égard au coût direct ou indirect du capital apporté pour la société ou ses associés, aux conséquences graves liées à la modification de la répartition du capital social, cette décision sera aussi prise par les associés dans les deux hypothèses suivantes :
  • si tous les autres modes de financement possibles ont été épuisés, et que les financeurs visés aux sous-titres précédents ne peuvent, ou ne veulent plus accorder leur confiance à une société dont la structure financière d'endettement présente un risque trop important de non-recouvrement ;
  • si la politique des associés est d'éviter l'endettement de la société dans les situations où celle-ci ne dégage pas suffisamment de trésorerie pour faire face à des échéances régulières de remboursement de capital et/ou intérêts, et risquerait trop fortement une cessation de paiements.
Tel est notamment le cas des sociétés qui portent des projets de recherche ou d'innovation dont la commercialisation, seule capable de générer des flux entrants de trésorerie, ne peut débuter qu'aléatoirement, et/ou après une très longue période de préparation.
– Ouvrir son capital, comme tout le monde ? – Afin de dynamiser l'économie, les États et banques centrales du monde entier créent des liquidités de manière effrénée depuis la crise financière de 2008, avec une intensification de cette création pendant la crise sanitaire débutée en 2019.
Cet afflux massif de liquidités a pour conséquence de donner les moyens aux investisseurs d'apporter des fonds aux entreprises, ou d'acheter des droits sociaux. Comme dans tout marché, plus les acheteurs (souscripteurs) sont nombreux, plus les prix (valeurs des entreprises) augmentent ; surtout quand l'offre (les nouveaux projets nécessitant des apports de fonds) n'augmente pas aussi vite.
Ainsi, les montants investis dans les entreprises croissent à un rythme inconnu jusqu'alors, qu'il s'agisse d'introduction en bourse ou de financement de startups :
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Graphique des montants levés par les startups en France, en milliard d'euros
Les valorisations d'entreprises bénéficient à plein de ces politiques financières. L'évolution depuis 2012 de l'indice SBF 120, qui consolide la valeur des cent vingt sociétés les plus valorisées en France, en témoigne :
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Graphique de l'évolution depuis 2012 de l’indice SBF 120
– Ouvrir son capital, un choix pertinent actuellement ? – Dans ces contextes combinés, il est aisé d'imaginer l'appétence des investisseurs pour le capital des entreprises. Et ces dernières, comme leurs associés, l'ont bien compris. Cela a d'abord abouti à déconnecter la valorisation des entreprises de leurs performances financières intrinsèques. Quels que soient les objectifs (investissement financier, prise de parts de marchés, opérations de rapprochement, etc.) et l'identité des investisseurs (investisseurs individuels ou professionnels, concurrents, fournisseurs ou clients de la société), les niveaux de valorisation à l'entrée au capital, ou à l'acquisition de droits sociaux, ont littéralement explosé. De nouveaux modèles se diffusent également, soit pour lever des fonds dans des niveaux de risque encore plus importants, soit pour se différencier totalement en se donnant une mission sociétale, qui va bien au-delà du but lucratif.