L'hypothèque et le droit réel de l'exploitant

L'hypothèque et le droit réel de l'exploitant

– Plan. – Permettre à un exploitant de bénéficier d'un droit réel sur l'immeuble supportant son installation lui permet de disposer d'une assiette étendue (§ I). Toutefois, son droit n'étant pas identique à un droit de propriété, il conviendra de tenir compte de ses spécificités au moment de la prise de garantie afin de ne pas remettre en cause son efficacité (§ II).

Une assiette étendue

– Une garantie plus solide. – L'intérêt pour l'exploitant de disposer d'un droit réel réside dans la possibilité pour lui d'hypothéquer ce droit (notamment un droit de superficie issu du bail à construction régularisé, un usufruit temporaire, ou encore un droit réel de jouissance spéciale), et par suite, les constructions édifiées seront grevées de plein droit par l'hypothèque. La solution est solidement établie depuis longtemps par la jurisprudence de la Cour de cassation. Le raisonnement permettant cette extension de garantie est l'interprétation de l'ancien article 2397, alinéa 2 du Code civil prévoyant que l'usufruit et les accessoires des immeubles sont également susceptibles d'hypothèques. Le nouvel article 2388 du Code civil propose un champ d'application plus général en stipulant que « sont susceptibles d'hypothèques tous les droits réels immobiliers qui sont dans le commerce », et ce champ d'application se voit complété par les dispositions de l'article 2389, lesquelles précisent que « l'hypothèque s'étend aux améliorations qui surviennent à l'immeuble hypothéqué, ainsi qu'aux accessoires réputés immeubles ».
Concernant le droit réel de jouissance spéciale, un doute a pu être émis sur la possibilité de constituer une hypothèque sur une telle assiette. Le doute doit être levé aujourd'hui compte tenu des dispositions de l'article 2388 du Code civil précité : le nouveau droit réel créé par les arrêts Maison de la Poésie précités doit, selon nous, être compris comme droit réel étant dans le commerce, pour reprendre les termes de cet article.

Les spécificités de l'hypothèque portant sur un droit réel distinct du droit de propriété

– Précautions à prendre pour garantir l'efficacité de la sûreté. – L'existence d'un droit de superficie ou d'un droit démembré au profit de l'exploitant soulève, en matière de garantie hypothécaire, deux questions :
  • l'hypothèque née du chef du propriétaire du fonds : elle ne sera opposable au bénéficiaire du démembrement ou du droit de superficie que si son titulaire a publié son droit antérieurement à celui du bénéficiaire. Àdéfaut, les dispositions de l'article 2389 du Code civil s'appliqueront et les constructions édifiées par le titulaire du droit réel démembré ou de superficie étendront l'assiette de la garantie du créancier du propriétaire du fonds. Le notaire en charge de ce démembrement devra donc veiller tout particulièrement à la situation hypothécaire de l'immeuble grevé, avant de procéder, d'une part, au démembrement et, d'autre part, à la prise de garantie hypothécaire sur le droit réel issu de ce démembrement ;
  • la durée de l'hypothèque : que ce soit en matière d'usufruit ou de bail superficiaire, l'hypothèque consentie par le titulaire s'éteint avec son droit. Il conviendra donc, au moment de la prise de garantie, de s'assurer de la compatibilité de la durée de l'inscription et du droit réel du débiteur. Par ailleurs, en matière d'usufruit, une renonciation volontaire de l'usufruitier avant le terme de celui-ci ne serait pas opposable au créancier. La garantie continuerait donc d'exister entre les mains du propriétaire. Une telle renonciation devra donc, selon nous, s'accompagner du remboursement intégral de la créance garantie par l'hypothèque concédée afin de pouvoir obtenir mainlevée de cette dernière, et permettre une consolidation du droit du propriétaire sans préjudice à son égard.

Extinction du droit réel de l'exploitant et sort des inscriptions hypothécaires

L'attention du praticien est ici attirée sur la nécessité de veiller à l'efficacité de la prise de garantie, d'une part, et à la conservation des droits du propriétaire, d'autre part.
Il faudra donc, d'une part, avertir le créancier de l'impossibilité de bénéficier de la garantie hypothécaire au-delà de la durée de validité du droit de l'exploitant sur l'assiette foncière objet de la convention et, d'autre part, s'assurer que le propriétaire grevé du droit réel consenti à l'exploitant ne puisse retrouver un fonds grevé d'une sûreté garantissant une dette de son cocontractant, à l'extinction de leur relation contractuelle.