– Principes d'actions. – Les obligations environnementales du maître de l'ouvrage dans l'exécution de son projet vont découler des conclusions de l'évaluation environnementale réalisée, et plus précisément de ce que l'étude d'impact aura mis en évidence. Pour diminuer les atteintes à l'environnement que son projet est susceptible d'entraîner, le maître de l'ouvrage va devoir mettre en œuvre la séquence « Éviter-Réduire-Compenser » dont nous allons étudier brièvement le contenu (Sous-section I). Nous aborderons ensuite le rôle que le notaire peut jouer dans le contrôle du respect des mesures de compensation prescrites par l'autorité environnementale (Sous-section II).
Les obligations environnementales du maître de l'ouvrage
Les obligations environnementales du maître de l'ouvrage
La séquence « Éviter-Réduire-Compenser »
– Définition. – L'objectif de cette séquence est d'éviter les atteintes à l'environnement, de réduire celles qui n'ont pu être suffisamment évitées et, si possible, de compenser les effets notables qui n'ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits. Cette séquence s'applique aux projets, plans et programmes soumis à évaluation environnementale ainsi qu'aux projets soumis à diverses procédures au titre du Code de l'environnement (les autorisations environnementales par exemple). Ce principe découlait initialement du décret d'application de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976, et a finalement été consacré par la loi no 2016-1087 en ajoutant un paragraphe à l'article L. 110-1, II du Code de l'environnement : « Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ». Enfin, l'impact positif des mesures sur la biodiversité doit être au moins équivalent à la perte causée par le projet, plan, ou programme.
Àdéfaut, si l'évitement, la réduction ou la compensation ne peuvent empêcher une perte nette de biodiversité, alors le projet ne pourra être autorisé.
– Mise en œuvre pratique. – Le principe de bonne application de la séquence est que la compensation ne peut être mise en œuvre que de manière subsidiaire, c'est-à-dire seulement si l'évitement et la réduction ne sont pas possibles. Par conséquent, la compensation ne peut se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si la compensation reste le seul moyen d'éviter une perte nette de biodiversité, les mesures devront alors être mises en œuvre en priorité sur le site endommagé, ou éventuellement à proximité. Le non-respect de ces mesures conservatoires est sévèrement sanctionné, selon les dispositions de l'article L. 122-3-1 du Code de l'environnement.
– Le régime de l'obligation. – Pour le cas où des mesures de compensation doivent être mises en œuvre, le débiteur de l'obligation est le maître d'ouvrage (car titulaire de l'autorisation), et il s'agit d'une obligation de résultat. Par conséquent, le maître de l'ouvrage doit garantir l'effectivité des mesures pendant toute la durée des impacts. Les mesures sont proposées par ce dernier dans le cadre de l'étude d'impact, et sont généralement entérinées par l'autorité environnementale qui peut toutefois prescrire de nouvelles mesures.
Le notaire et la mise en œuvre de la compensation environnementale
– Organisation des relations contractuelles. – Nous l'avons vu au paragraphe précédent, le maître d'ouvrage reste titulaire de l'autorisation émise par l'autorité en charge de la décision à la suite de l'établissement de l'évaluation environnementale. De prime abord, il n'apparaît pas évident de distinguer un rôle particulier pour le notaire dans un dossier de vente immobilière qui serait soumis à ce régime, hormis le contrôle portant sur la bonne intégration de cette évaluation dans le dossier de demande d'autorisation d'urbanisme.
Pourtant, et comme nous l'avons indiqué ci-dessus, les mesures de compensation doivent avoir pour siège le site endommagé, ou éventuellement (et à titre subsidiaire), un site à proximité. Il faut donc imaginer une opération de promotion ou d'aménagement soumise à évaluation environnementale (soit directement, soit à l'issue de l'examen au cas par cas), et dont les mesures de compensation sont prévues sur le site de l'opération. Le maître d'ouvrage ne pourra rester propriétaire de l'immeuble par définition puisque le but de son opération sera de revendre soit les lots de terrains à bâtir créés, soit les immeubles édifiés. Ne disposant plus du contrôle de l'immeuble sur lequel les opérations de compensation doivent être réalisées, comment peut-il s'assurer du maintien dans le temps des mesures de compensation ? Nous ne voyons qu'un seul moyen, celui d'établir une relation contractuelle entre le maître de l'ouvrage et les propriétaires subséquents, et qui mieux que le notaire en charge du projet pourrait formaliser cette relation contractuelle ? L'idée est alors de mettre à la charge des futurs propriétaires une obligation générale de poursuivre l'exécution des mesures compensatoires afin de permettre, en cas de manquement, au maître de l'ouvrage qui serait poursuivi à ce titre, d'engager la responsabilité contractuelle de ses ayants droit, étant bien précisé qu'il reste seul débiteur de cette obligation vis-à-vis de l'autorité environnementale.
Mesures compensatoires et opération d'aménagement
– Niveau d'établissement de la relation contractuelle. – Dans le cadre d'une opération d'aménagement de type lotissement ayant pour issue la vente de terrains à bâtir par le maître d'ouvrage au profit de personnes physiques ou morales désireuses d'édifier sur les lots acquis des bâtiments, il faut de notre point de vue que le problème des mesures compensatoires devant être mises en œuvre sur le site soit traité à la fois au niveau des équipements communs du lotissement et dans le cadre des obligations de chaque acquéreur vis-à-vis du vendeur.
Mesures compensatoires et documents du lotissement
– Association syndicale. – La constitution d'une association syndicale en vue d'assurer la gestion des équipements communs d'un lotissement est une pratique courante. Mais peut-on pour autant affirmer que leur objet est compatible avec l'exécution des mesures compensatoires ordonnées par l'autorité environnementale ? L'ordonnance no 2004-632 du 1er juillet 2004 a refondé le droit des associations syndicales et son article définit leur objet : « Peuvent faire l'objet d'une association syndicale de propriétaires la construction, l'entretien ou la gestion d'ouvrages ou la réalisation de travaux, ainsi que les actions d'intérêt commun, en vue :
a) De prévenir les risques naturels ou sanitaires, les pollutions et les nuisances ;
b) De préserver, de restaurer ou d'exploiter des ressources naturelles ;
c) D'aménager ou d'entretenir des cours d'eau, lacs ou plans d'eau, voies et réseaux divers ;
d) De mettre en valeur des propriétés ».
Àla lecture de cet article, et compte tenu de ce que sont les mesures compensatoires, il nous semble possible que des statuts d'association syndicale puissent parfaitement contenir en leur objet la mission spécifique de poursuivre l'exécution des mesures conservatoires prescrites à l'occasion de l'approbation du projet.
Enfin, il faut ajouter que l'adhésion à l'association syndicale n'est pas un choix : c'est une obligation, ainsi que cela résulte de l'article 3 de l'ordonnance précitée : « Les droits et obligations qui dérivent de la constitution d'une association syndicale de propriétaires sont attachés aux immeubles compris dans le périmètre de l'association et les suivent, en quelque main qu'ils passent, jusqu'à la dissolution de l'association ou la réduction de son périmètre ».
– Cahier des charges du lotissement. – L'obligation d'exécution des mesures conservatoires pourra également figurer dans le cahier des charges du lotissement (s'il existe). De cette manière, chaque coloti sera lui-même personnellement engagé dans l'exécution des mesures compensatoires, car le cahier des charges est un document de nature contractuelle dont le contenu est opposable, par adhésion, à une communauté de propriétaires.
Mesures compensatoires et engagement contractuel
– L'ASL cocontractant du maître d'ouvrage. – Pour établir la relation contractuelle entre le maître d'ouvrage et l'association syndicale libre (ASL), l'acte de cession des espaces communs et voiries du lotissement au profit de l'ASL devra alors stipuler clairement l'obligation pour cette dernière de poursuivre l'exécution des mesures compensatoires, en suivant un programme précis. Et d'autant plus que ce sont bien sur ces espaces communs que seront vraisemblablement réalisées ces mesures.
– Lien contractuel entre le maître d'ouvrage et les acquéreurs de lots. – Les actes de vente liant le maître d'ouvrage et les acquéreurs de lots devront également selon nous, dans le cas où les mesures de compensation seront réalisées sur le site de l'opération d'aménagement, en reprendre l'essentiel et établir contractuellement l'obligation pour chaque coloti de veiller à leur bonne exécution dans le cadre de la vie collective du lotissement. Le notaire en charge de la rédaction des actes de vente devra donc veiller particulièrement à y faire figurer ces engagements de manière explicite.
Mesures compensatoires et opération de construction
– Vente en bloc de l'immeuble édifié. – Dès lors que les mesures compensatoires ont été prévues sur le site de l'opération, l'acquéreur doit devenir, vis-à-vis du promoteur-maître d'ouvrage, débiteur de l'obligation d'exécution des mesures environnementales. Il conviendra donc, là encore, d'exprimer, dans l'acte de vente ou de vente en état futur d'achèvement, les conditions dans lesquelles l'acquéreur devra poursuivre cette obligation.
– Division en copropriété de l'immeuble et vente par lots. – Si l'immeuble édifié par le maître d'ouvrage venait à être soumis au régime de la copropriété avant une mise en vente par lots, c'est le règlement de copropriété selon nous qui devra comprendre le descriptif des mesures compensatoires devant être opérées sur le site, et ce d'autant plus qu'il s'agit d'un document de nature contractuelle qui liera obligatoirement l'ensemble des copropriétaires. Comme conséquence de ce caractère conventionnel, le non-respect d'une de ses dispositions par un copropriétaire entraîne une mise en jeu de sa responsabilité contractuelle. Outre le descriptif des mesures prescrites, il conviendra également de rédiger dans le corps du règlement de copropriété une clause spécifique permettant le transfert de l'obligation au syndicat des copropriétaires, quand bien même le seul interlocuteur de l'administration restera le maître d'ouvrage et que le transfert restera inopposable à cette dernière. C'est donc bien une responsabilité contractuelle qui devra pouvoir être invoquée par le maître d'ouvrage en cas de non-suivi des mesures compensatoires par le syndicat des copropriétaires.