La fiducie environnementale au service de la réhabilitation des sites pollués

La fiducie environnementale au service de la réhabilitation des sites pollués

Il devient donc décisif de permettre la remise en état de ces sites, alors même que :
  • d'une part, les exploitants n'ont pas toujours procédé aux opérations de cessation d'activité (dans le cadre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement) ;
  • d'autre part, les propriétaires peuvent tout ignorer de la présence de déchets sur leurs terrains ou ne pas être en mesure de financer la gestion de leurs évacuation et retraitement.
– La problématique de gestion des sites et sols pollués. – On estime aujourd'hui à 300 000 le nombre de friches industrielles en France, allant de l'usine désaffectée au garage automobile abandonné. Le territoire national étant désormais contraint par l'objectif « zéro artificialisation nette », d'une part, et compte tenu des tensions sur le marché du logement, d'autre part, ces friches industrielles représentent pourtant une réserve foncière d'importance, étant en outre souvent situées à proximité des agglomérations.

L'exemple canadien

– Fiducie-sûreté. – Le droit canadien de l'environnement prévoit la délivrance des autorisations d'exploitation des activités polluantes après que l'exploitant a justifié de la bonne constitution de garanties techniques et financières. Concernant les garanties financières, la loi prévoit qu'elles sont constituées par des cotisations versées à une fiducie pour l'environnement, et sont pour l'exploitant déductibles de son revenu. Ces fonds sont destinés à assurer, pendant la durée d'exploitation, la conformité de celle-ci au droit de l'environnement, et les mesures de dépollution en fin d'exploitation.
– Fiducie-gestion. – La question de l'exploitant défaillant est également abordée dans le droit canadien. Dans un tel cas, et si aucun acquéreur n'est intéressé par le site pollué, le syndic en charge de sa gestion transmet la propriété du bien au profit de la personne morale de droit public débitrice « ultime » du passif environnemental.
Cette entité transfère alors cette même propriété à un fiduciaire qui va avoir pour mission de requalifier le site, et pourra conclure des baux superficiaires en vue de l'exploitation du site lui permettant d'en retirer des revenus et donc de financer les travaux de requalification, d'une part, et d'en percevoir une rémunération, d'autre part.
Le fiduciaire sera une entreprise privée bénéficiant des compétences et ressources financières nécessaires (notamment par un apport de fonds complémentaire réalisé par le constituant).
Enfin, le constituant sera également le bénéficiaire et pourra ainsi à terme retrouver la propriété du site, lequel aura donc été requalifié et valorisé.

L'inadaptation du droit français

– Insuffisances du régime actuel. – En matière de fiducie, la limitation des personnes pouvant avoir la qualité de fiduciaire prévue par l'article 2015 du Code civil empêche pour l'instant de transférer, à ce titre, la propriété d'un site pollué au profit d'un fiduciaire qui serait une personne de droit privé disposant des compétences nécessaires à la réhabilitation du site. La question se pose alors de la défaillance de l'exploitant d'une ICPE, qui ne serait pas en mesure de faire face à ses obligations de remise en état. Sauf à pouvoir invoquer la responsabilité à titre subsidiaire du propriétaire du site (en rapportant la preuve que ce dernier a fait preuve de « négligence ou qu'il n'est pas étranger à cette pollution »), les services de l'État n'auront pas d'autre choix que de charger l'Ademe, agence publique fonctionnant sur des fonds publics, de la mise en œuvre des interventions nécessaires pour la mise en sécurité du site. L'impossibilité de mettre en œuvre le principe « pollueur-payeur » impose donc le recours aux deniers publics pour la mise en sécurité des sites industriels abandonnés.
Pour le détail de la mise en œuvre de l'intervention de l'Ademe sur un site pollué :
– L'intérêt d'élargir le champ de la fiducie. – Le problème de l'exploitant défaillant ou du site abandonné depuis des décennies et dont la pollution ne fait guère de doute, sans que la réglementation des déchets soit applicable, demeure non résolu en droit français à ce jour. Selon nous, il n'est pas admissible que la charge, tant financière que de maîtrise d'œuvre, repose in fine sur la collectivité publique. Il faut donc imaginer de nouvelles solutions, et à ce titre le développement de la fiducie dans un rôle environnemental nous semble être une innovation intéressante.