Ingénierie notariale et fiscalité internationale

Ingénierie notariale et fiscalité internationale

– Plan. – Si la matière fiscale est complexe, elle l'est encore plus dans un contexte international. Une situation juridique est dite « internationale » dès lors qu'elle présente un élément d'extranéité, c'est-à-dire un élément de fait la rattachant à un autre ordre juridique que l'ordre juridique français. Ainsi en est-il de la nationalité étrangère ou du domicile ou siège à l'étranger de l'une des parties, ou bien sûr de la situation du bien immobilier dans un autre pays que celui de résidence fiscale.
Particulièrement en matière fiscale, nous devons être en mesure de conseiller nos clients et d'anticiper avec eux les difficultés pouvant survenir dans le cas d'un investissement immobilier à l'étranger par des résidents français (Sous-section I) ou d'un investissement immobilier en France par des non-résidents (Sous-section II). Nous soulignerons pour terminer certains points de vigilance fiscaux dans un contexte international (Sous-section III).

Investissement français à l'étranger

– Le rôle d'information du notaire français en matière de fiscalité étrangère. – Nombreux sont les Français qui décident d'acquérir ou de vendre un bien immobilier à l'étranger. Même si un notaire ou un juriste étranger interviendra vraisemblablement dans le cadre de la transaction immobilière, nous pouvons être amenés à envisager avec nos clients les conséquences fiscales d'une telle opération, que ce soit en France ou dans le pays concerné. Sans pouvoir dresser un panorama complet de la fiscalité alors applicable, nous relèverons les éléments importants devant leur être expliqués et soulignés en matière de revenus locatifs (§ I), de plus-values (§ II) et d'impôt sur la fortune immobilière (§ III), pour anticiper avec eux les incompréhensions et difficultés. Même si nous ne pouvons être contraints à une analyse complète d'une fiscalité étrangère complexe, il nous appartient de connaître les principaux mécanismes de taxation et les contentieux possibles.

Investissement français à l'étranger et revenus locatifs

– Le sort des revenus locatifs perçus à l'étranger. – Quand un client français acquiert un bien immobilier à l'étranger et le loue, nous devrons attirer son attention sur la fiscalité des revenus locatifs : ceux-ci seront imposés dans l'État de situation du bien mais devront également être pris en compte pour la détermination de l'impôt français.

Investissement français à l'étranger et plus-values immobilières

– Imposition des plus-values immobilières réalisées à l'étranger. – Comme en matière de revenus locatifs, il sera en la matière primordial de rappeler à nos clients que l'imposition à l'étranger n'exclura pas une imposition en France sauf :
  • cas d'exonération prévu par la loi française ;
  • convention fiscale (avec application en principe soit du taux effectif dans les conventions fiscales plus anciennes, soit d'une imposition théorique avec la méthode du crédit d'impôt).
En outre, il conviendra de les avertir de la nécessité de remplir une déclaration de revenus spéciale (déclaration no 2048-IMM-SD).
– Proposition du 115e Congrès des notaires de France pour éviter les doubles impositions en matière de plus-value. – Une des propositions de l'équipe du 115e Congrès des notaires de France était de modifier le Code général des impôts pour éviter que l'impôt de plus-value immobilière ne soit acquitté à l'étranger et également en France. Àce jour, cette proposition n'a pas encore eu de suite.

Plus-value dans un contexte international et ingénierie notariale

Pouvoir bénéficier en France de certaines exonérations au titre de l'impôt de plus-value peut nécessiter une anticipation lors de la vente d'un bien détenu à l'étranger. Nous mentionnerons ici le cas de l'exonération prévue au 1 bis du II de l'article 150 U du Code général des impôts, pour les plus-values résultant de la première cession d'un logement, autre que la résidence principale, sous condition de remploi par le cédant de tout ou partie du prix de cession, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, aux fins d'acquisition ou de construction d'un logement affecté à son habitation principale.
En cas de vente d'un bien détenu à l'étranger par une personne résidente fiscale française, et pour pouvoir bénéficier de l'exonération rappelée ci-dessous, il conviendra de demander au notaire étranger de bien faire figurer dans son acte de vente la déclaration prévue par le texte susvisé.

Investissement français à l'étranger et impôt sur la fortune immobilière

– IFI et particularités dans un contexte international. – En matière d'impôt sur la fortune immobilière (IFI), il est nécessaire d'avoir à l'esprit les particularités suivantes pour conseiller et avertir efficacement un client français se portant acquéreur d'un bien immobilier à l'étranger :
  • quelques États étrangers seulement connaissent un véritable impôt sur la fortune ;
  • si tel est le cas, une des problématiques sera de déterminer si les parts ou actions de sociétés immobilières doivent ou non être prises en compte pour la taxation ;
  • en France, il est tenu compte des biens immobiliers situés à l'étranger pour le calcul de l'IFI (avec une évaluation d'après les règles françaises). Dans la quasi-totalité des cas, l'investissement immobilier à l'étranger par un résident français sera donc imposable en France au titre de l'IFI ;
  • le cas échéant, le mécanisme de crédit d'impôt applicable est celui du « vrai » crédit d'impôt ;
  • il existe de nombreuses conventions fiscales en matière d'impôt sur la fortune, mais la question est de savoir si elles s'appliquent au nouvel IFI français comme à l'ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF) (il conviendra de vérifier au cas par cas, même si en tout état de cause, en cas de réponse positive, le droit d'imposer donné à l'État de situation des biens n'est généralement pas exclusif).

IFI en France et investissement à l'étranger

Tout investissement à l'étranger par un résident français sera imposable en France puisque même dans le cas où il existe une convention fiscale signée avec l'État du lieu de situation de l'immeuble, les conventions de type OCDE prévoient un mécanisme de double imposition.

Investissement étranger en France

Par « investissement étranger en France », nous entendons la réalisation d'un investissement par des non-résidents fiscaux français (qu'ils soient de nationalité française ou étrangère) portant sur des biens immobiliers situés en France.
– Plan. – Par le jeu des conventions fiscales bilatérales, c'est la plupart du temps à l'État du lieu de situation de l'immeuble qu'est reconnu le droit d'imposer les revenus provenant de la détention de l'immeuble par des non-résidents. Ceux-ci seront donc majoritairement soumis aux impôts et taxes s'appliquant en France à tous les résidents français. Il n'en demeure pas moins que les particularités liées à la situation internationale devront être prises en compte et expliquées aux clients par le notaire français (§ I), de même que devront bien sûr être anticipés les cas de double imposition (§ II).

Les particularités de la détention immobilière en France dans un contexte international

Comme pour la fiscalité applicable à l'étranger à un client français, nous évoquerons successivement la fiscalité des revenus (A), celle des plus-values (B), puis celle de l'impôt sur la fortune immobilière (C). Nous ajouterons ici un développement sur la taxe patrimoniale de 3 % quand l'investissement immobilier en France est réalisé par l'intermédiaire d'une société (D).

Imposition en France des revenus immobiliers perçus par les non-résidents

Lorsque nous intervenons dans le cadre d'une acquisition réalisée en France par des clients étrangers avec un objectif de location du bien, il est important d'attirer leur attention sur la fiscalité applicable aux revenus immobiliers perçus. La question de la mise à disposition gratuite au profit d'un associé dans le cas d'une acquisition via une société est traitée ci-après (V. infra, nos et s.).
– Même taxation que les résidents français mais avec un taux minimum. – Comme pour les résidents français, l'impôt dû au titre des revenus immobiliers (revenus fonciers ou bénéfices industriels et commerciaux) perçus en France par des non-résidents est calculé par application du barème progressif de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP). Toutefois, l'impôt ainsi calculé ne peut être inférieur à 20 % (ou 30 % selon l'importance des revenus) du revenu net imposable, sauf si le contribuable justifie que le taux moyen d'imposition de l'ensemble de ses revenus de source française et étrangère serait inférieur à ce pourcentage s'il était imposé en France .
– Application des prélèvements sociaux. – Les revenus immobiliers perçus en France par des non-résidents sont soumis aux prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %.
– Tableau récapitulatif de la taxation des revenus immobiliers des non-résidents (en cas de détention via une société). – Si le bien immobilier est détenu en France par l'intermédiaire d'une société, les revenus immobiliers des investisseurs particuliers non résidents seront imposés comme suit, en fonction des cas :

Taxation des revenus immobiliers des non-résidents (en cas de détention une société)

Les associés personnes physiques de sociétés de personnes françaises sont donc soumis à l'impôt en France (sur le revenu et au nom des associés pour les sociétés de personnes et impôt sur les sociétés pour les sociétés de capitaux) au titre des revenus immobiliers perçus, qu'ils soient résidents ou non-résidents.

Imposition en France des plus-values réalisées par des non-résidents

– Principes. – Nous ne rappellerons pas ici les règles applicables en la matière. Nous sommes régulièrement amenés à procéder à la détermination et au calcul de l'impôt sur la plus-value immobilière dû en France par des non-résidents relevant du prélèvement visé à l'article 244 bis A du Code général des impôts (qu'il s'agisse de personnes physiques non fiscalement domiciliées en France ou de personnes morales ou organismes, quels qu'ils soient, dont le siège est situé hors de France ou de sociétés de personnes françaises dont les associés sont non résidents), et il convient de se référer aux ouvrages et instructions administratives dans ce domaine.
– Particularités et points d'attention. – Nous soulignerons qu'en présence de clients étrangers cédant le bien immobilier dont ils sont détenteurs en France (et même en amont lorsqu'ils se porteront acquéreurs dudit bien), il ne faudra pas omettre d'attirer leur attention ou d'être vigilants sur les particularités suivantes :
  • l'imposition au titre des plus-values immobilières vise la cession des biens immobiliers mais également des droits portant sur ces biens (usufruit, nue-propriété, droit de surélévation, etc.), ainsi que la cession des parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière (hors celles assujetties à l'IS) ;
  • en cas de cession de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière, il convient de vérifier si, en fonction de la convention fiscale applicable, il faut appliquer ou non le régime des plus-values immobilières ;
  • les exonérations prévues en faveur des résidents s'appliquent en principe aux non-résidents (sauf naturellement l'exonération de la résidence principale).

Le choix du régime fiscal de la SCI détenue par des non-résidents

Le choix entre SCI translucide de l'article 8 du Code général des impôts et SCI avec option IS devra tenir compte :
  • d'une part, comme pour les associés résidents, de l'arbitrage entre des revenus locatifs moins imposés avec une SCI soumise à l'IS, mais une plus-value de cession de l'immeuble plus élevée ;
  • d'autre part, de l'existence ou non d'une convention fiscale avec le pays de résidence des associés concernant l'imposition des revenus et des plus-values de source française dans ce pays.

Imposition des non-résidents au titre de l'impôt sur la fortune immobilière français

– Principe d'assujettissement à l'IFI des non-résidents. – Quand nous intervenons pour une acquisition réalisée en France par des clients étrangers, nous ne devons pas omettre de les avertir sur la fiscalité qui sera liée à cette détention, et notamment en matière d'impôt sur la fortune immobilière. Il résulte de la combinaison des articles 964 et 965 du Code général des impôts que les personnes physiques non résidentes en France sont assujetties à l'IFI (en cas de dépassement du seuil d'imposition) à raison de leurs actifs immobiliers situés en France.
– Particularités des parts de sociétés. – Sont en principe imposables en France au titre de l'IFI les parts de sociétés françaises ou étrangères détentrices d'immeubles en France (sous réserve le cas échéant de conventions internationales qui pourraient écarter cette imposition).

Investissement en France par une société étrangère et taxe annuelle de 3 %

– Avertir les non-résidents investissant en France. – Lorsqu'un investissement immobilier est réalisé en France par l'intermédiaire d'une société, nous ne devrons pas omettre :
  • d'avertir nos clients de l'application de la taxe patrimoniale de 3 % sur la valeur vénale des biens immobiliers ou droits réels possédés au 1er janvier ;
  • de leur expliquer les obligations déclaratives permettant l'exonération de ladite taxe.

Champ d'application de la taxe annuelle de 3 %

Pour l'essentiel, et en application des mécanismes d'exonération, la taxe annuelle de 3 % ne s'applique qu'aux sociétés situées dans des pays n'ayant pas conclu avec la France d'accords d'échange de renseignements et aux sociétés ayant décidé de conserver l'anonymat des associés.
– Mais également les clients résidents. – Il convient de garder à l'esprit que cette taxe peut concerner des résidents en France détenant des biens immobiliers par l'intermédiaire de sociétés étrangères et ne pas omettre notre devoir de conseil à cet égard.

Les risques de double taxation dans un contexte transfrontière. L'exemple des revenus fonciers des sociétés civiles françaises

– Double taxation en Belgique. – Les revenus fonciers des sociétés civiles immobilières françaises sont imposables en France au nom des associés, au prorata de leurs droits dans la société, selon les principes de transparence fiscale. Mais ces revenus fonciers attribués aux associés d'une SCI française sont considérés par la fiscalité de certains États comme des dividendes imposables dans l'État de résidence des associés, entraînant une double taxation. La Cour de cassation belge a ainsi jugé que l'attribution aux associés de sommes tirées de revenus fonciers français par une SCI française à des résidents belges devait s'analyser comme une distribution de dividendes imposables au précompte immobilier belge.
– Vérification de la reconnaissance de la transparence fiscale de la SCI française. – Quand un immeuble est détenu par une société civile française constituée d'associés non-résidents, il conviendra de vérifier la taxation à l'étranger des revenus perçus.

Non-résidents et SCI

La société civile immobilière est un outil de détention immobilière fréquemment utilisé par des non-résidents qui y trouvent, outre les avantages classiques, un intérêt fiscal lié à la situation internationale. Il convient toutefois de bien avertir nos clients non-résidents de certaines conséquences fiscales possibles d'une telle détention, que ce soit en France ou dans leur pays de résidence.

La mise à disposition gratuite du bien immobilier au profit des associés d'une société commerciale étrangère

  • En France Il nous appartient d'attirer l'attention des investisseurs étrangers sur la taxation en France de la mise à disposition gratuite d'un bien immobilier détenu via une personne morale étrangère. Il est en effet fréquent que des non-résidents détiennent une résidence secondaire en France au travers d'une société étrangère. Or les revenus des logements dont les contribuables se réservent la jouissance ne sont exonérés d'imposition que s'agissant de personnes physiques ou de sociétés de personnes ou translucides ayant pour associés des personnes physiques. En cas de détention via une société commerciale étrangère soumise dans l'État de son siège à une imposition sur les bénéfices équivalente à l'impôt sur les sociétés français, et en l'absence de contrepartie, une double imposition se mettra en place : au niveau de la société qui consent l'avantage (sur le fondement de l'acte anormal de gestion) et au niveau du bénéficiaire (sous réserve des conventions). Tempéraments importants, cette taxation n'aura toutefois par lieu :
  • Àl'étranger Nous ne pouvons pas aborder ici exhaustivement les conséquences d'une mise à disposition gratuite au profit de l'associé dans tous les pays où la société propriétaire aurait son siège. Mais nous noterons, par exemple, que le Royaume-Uni considère la SCI française comme opaque d'un point de vue fiscal. Les associés britanniques de la SCI sont donc en théorie imposables au Royaume-Uni sur l'avantage en nature procuré par l'utilisation du bien immobilier appartenant à la société. S'il existe en pratique des conditions permettant d'échapper à cette taxation, il conviendra d'être vigilant et de vérifier avec les clients concernés qu'ils sont avertis et que ces conditions sont bien remplies.

Investissement international et ingénierie notariale : quelques points de vigilance fiscaux

– Plan. – Dans un contexte fiscal international, il nous est nécessaire d'être particulièrement vigilants et d'attirer l'attention de nos clients sur les sources de contentieux et difficultés. Nous prendrons ici les exemples de la qualification des parts de société civile immobilière selon les pays (§ I et § II), du recours à la technique du démembrement de propriété (§ III), et des donations franco-belges (§ IV), le tout dans un contexte international.

Parts de société civile, contexte franco-belge et évolution de la jurisprudence

– La qualification des parts de SCI et l'arrêt du Conseil d'État du 24 février 2020. – Dans un arrêt du 24 février 2020, le Conseil d'État a qualifié les titres de sociétés à prépondérance immobilière de biens immobiliers au sens de la convention fiscale franco-belge en matière d'impôt sur les revenus et plus-values.
Sur le plan civil, les titres de sociétés (même à prépondérance immobilière) constituent des biens meubles. Lesquels actifs mobiliers sont en principe soumis à une imposition exclusivement par l'État du domicile du détenteur desdits biens. Mais sur le plan fiscal, le droit interne français assimile les titres de sociétés (translucides) à prépondérance immobilière à des biens immeubles pour ce qui concerne le calcul des plus-values et en matière de droits de mutation à titre gratuit notamment. Ce qui n'est pas le cas dans d'autres systèmes fiscaux étrangers.
– La renégociation en cours de certaines conventions fiscales. – Plusieurs conventions fiscales sont en cours de renégociation à cet égard, la France souhaitant qu'elles prévoient que les parts de sociétés à prépondérance immobilière soient conventionnellement considérées comme des biens immobiliers.
– Le cas franco-belge. – Les conventions existant entre la France et la Belgique en matière d'impôt sur le revenu (et d'impôt sur les successions) ne prévoyaient pas jusqu'à récemment de définition des sociétés à prépondérance immobilière. La Cour de cassation belge ayant elle-même jugé le 29 septembre 2016 que les dispositions de la convention franco-belge n'empêchent pas la Belgique d'imposer les revenus attribués par les sociétés civiles semi-transparentes au profit de leurs associés résidents belges (que ce versement soit imposable ou non en France).
– Conséquences de la qualification des parts de SCI. – L'assimilation par le Conseil d'État des parts d'une SCI (détenant un bien immobilier en France) à des biens immobiliers entraîne l'imposition en France de leur cession par des résidents belges.
– Nouvelle convention fiscale franco-belge signée le 9 novembre 2021. – Signée le 9 novembre 2021 (avec une entrée en vigueur au plus tôt au 1er janvier 2023), la nouvelle convention fiscale franco-belge en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune introduit la notion de « prépondérance immobilière » et met donc fin à l'incertitude qui existait en France depuis l'arrêt du Conseil d'État du 24 février 2020. C'est donc désormais la France qui aura le pouvoir de taxer les plus-values sur titres de SCI (alors qu'en Belgique cette même plus-value est exonérée d'impôt sous certaines conditions et notamment si l'opération relève de la gestion normale du patrimoine privé).

SCI et résidents belges

Structurer un investissement immobilier en France par le biais d'une société civile semi-transparente n'est pas toujours opportun pour un résident belge, en raison du risque de double imposition.

Parts de société civile et pays du Golfe

– Une qualification mobilière des parts de SCI évitant toute taxation. – Avec certains pays du Golfe, et notamment les Émirats arabes unis, il existe des conventions fiscales, mais qui ne prennent pas en compte la notion de société à prépondérance immobilière.
– Ingénierie notariale et intérêt d'acquérir via une société pour des résidents de pays du Golfe. – En structurant l'investissement par le biais d'une société et non via une acquisition en direct, on évite ainsi la taxation en France de la cession des parts, puisque s'agissant de la cession de biens mobiliers elle ne sera imposable que dans l'État du domicile du cédant, étant entendu qu'il n'y aura pas non plus de taxation dans ces pays-là.

Démembrement de propriété et pays de Common Law

– Vigilance lors de la mise en place d'un démembrement de propriété dans un contexte international. – Lorsqu'il sera conseillé à des clients étrangers de recourir à la technique du démembrement de propriété dans le cadre d'un investissement immobilier en France afin d'optimiser la transmission de l'immeuble, il conviendra d'être vigilant pour remplir pleinement notre devoir de conseil et d'anticipation du contentieux.
Cette vigilance devra notamment porter sur deux points :
  • la vérification des conventions fiscales signées par la France, pour déterminer si une taxation aura lieu dans le pays de résidence du défunt lors de la transmission de l'usufruit, et ainsi bien informer les parties ;
  • la vérification de la réception de ce démembrement de propriété dans le pays d'origine des clients, et notamment sur un plan fiscal.
En effet, si l'usufruit est connu de la plupart des pays de droit latin (Portugal, Grèce, Suisse, Belgique par exemple), ce n'est pas le cas des pays de Common Law, qui taxeront donc la transmission de l'usufruit au décès.
Nous renvoyons ici aux travaux du 115e Congrès des notaires de France :

Réserve d'usufruit et contexte international

Le recours au démembrement de propriété doit être bien réfléchi dans un contexte international. L'usufruit peut être connu par le droit étranger mais faire l'objet d'un traitement fiscal différent : il conviendra d'avoir anticipé les conséquences fiscales du démembrement de propriété à l'étranger. Par exemple, et en application de la notion de retained interests, le système américain de Common Law considère que le droit d'usufruit devra être ajouté au patrimoine de l'usufruitier lors du règlement de la succession de ce dernier (alors qu'en France la réunion de l'usufruit ne donnera lieu à aucune taxation, en vertu de l'article 1133 du Code général des impôts).
Ce problème se posera également en cas de donation de la nue-propriété avec réserve d'usufruit par des non-résidents donateurs ou donataires.

Donations dans un contexte franco-belge

– Donation de somme d'argent en Belgique. – La donation mobilière par don manuel par un résident belge n'est soumise en Belgique à aucune obligation d'enregistrement, et aucun droit de donation n'est alors dû. Toutefois, si la donation n'a pas été enregistrée et que le donateur décède dans les trois ans (cinq ans en Région wallonne depuis le 1er janvier 2022) de la donation, celle-ci doit être mentionnée dans la déclaration de succession, et des droits de succession (plus élevés que les droits de donation) seront dus sur le montant de la donation.
– La fin de la « route du fromage ». – Depuis le 15 décembre 2020, les donations faites devant un notaire étranger doivent obligatoirement être enregistrées en Belgique, avec paiement de l'impôt sur les donations dans la région du domicile fiscal du donateur (en Belgique les droits de donation ne sont pas les mêmes dans les trois Régions : Bruxelles-Capitale, Flandre et Wallonie), au taux de 3 à 7 % selon la Région compétente et le lien de parenté entre le donateur et le donataire.
Appelé poétiquement la « route du fromage », ce système permettait aux donateurs belges de procéder à une donation de somme d'argent devant un notaire étranger (souvent néerlandais ou suisse, d'où la référence au fromage…) pour éviter qu'elle ne soit taxée en Belgique.
– Donation en Belgique et acquisition en France. – Lorsqu'une acquisition en France est envisagée par des résidents belges en démembrement de propriété, avec un financement de la nue-propriété au moyen d'une donation consentie par l'usufruitier, il conviendra de combiner la présomption prévue en Belgique à l'article 9 du Code des droits de succession et celle de l'article 751 du Code général des impôts français. Il faudra réaliser la donation de somme d'argent en Belgique devant notaire, lui donner date certaine et la porter à la connaissance de l'administration fiscale française (comme expliqué supra, no ) en l'enregistrant en France auprès du service des impôts des non-résidents (de Noisy-le-Grand). Si la donation a lieu entre non-résidents, elle ne sera pas imposable en France (aucun des critères de taxation de l'article 750 ter du Code général des impôts ne trouvant à s'appliquer). Il sera nécessaire de veiller à relater l'origine des fonds dans l'acte d'acquisition de la nue-propriété en France.
– Donation de parts de SCI française par des résidents belges. – Un acte de donation entre résidents belges portant sur des parts de société civile immobilière française, s'il est reçu par un notaire français, sera obligatoirement imposé en France. Depuis l'entrée en vigueur le 15 décembre 2020 en Belgique de la loi spéciale du 13 décembre 2020 précitée, il devra également être enregistré (et taxé) en Belgique. Le résultat sera identique en cas de réception du même acte de donation par un notaire belge : d'une part, un enregistrement obligatoire (et donc une taxation) en Belgique et, d'autre part, une obligation déclarative en France (au service des impôts des non-résidents), avec taxation en France (la donation portant sur des biens français). Àdéfaut de convention préventive de double imposition conclue entre la France et la Belgique en matière de donation, il y aura taxation cumulative.