Ingénierie notariale et défiscalisation immobilière

Ingénierie notariale et défiscalisation immobilière

Les dispositifs existants

– Définition et origine des régimes fiscaux de faveur. – Un régime fiscal de faveur peut être défini comme un dispositif dérogatoire et favorable, s'appliquant dans le cadre de la taxation d'opérations spécifiques. Il s'inscrit dans une politique d'incitation de l'État, qui cherche à « flécher » l'épargne pour l'orienter sur un type d'investissement. La mise en place du régime fiscal de faveur aura pour but de favoriser les investissements dans le domaine souhaité, ou dans le but recherché.
– Les différents dispositifs de défiscalisation immobilière. – Les dispositifs de défiscalisation liés à l'investissement immobilier soumettent un avantage fiscal (de diminution de l'impôt sur le revenu par exemple) à l'acquisition de tel type de bien (immobilier locatif, résidences de tourisme, monuments historiques, etc.) ou à la réalisation de travaux d'une certaine nature. Il peut s'agir d'investissement immobilier classique ( « Duflot-Pinel », « Denormandie ancien »), d'immobilier locatif touristique, d'immobilier de prestige ou historique ( « Malraux », « Monuments historiques »), d'immobilier ultramarin, etc. Nous renvoyons ici au panorama des principaux régimes fiscaux de faveur dressé par D. Roche.

Les limites et points d'attention de l'information en matière de défiscalisation immobilière

Nécessité d'une actualisation régulière

– Se tenir à jour de l'actualité. – Il est évident qu'il s'agit ici d'une matière particulièrement évolutive et fluctuante, qui nécessite de rester attentif aux nouvelles mesures afin d'être capable de délivrer une information exacte en temps réel. « Le notaire a, en conséquence, l'obligation de s'informer, par une mise à jour permanente qui s'impose à lui, dans le domaine de la fiscalité des particuliers et des entreprises ». La Cour de cassation l'énonçait clairement dans un arrêt rendu le 19 octobre 1994 : « Celui qui accepte de donner des renseignements a, lui-même, l'obligation de s'informer en pleine connaissance de cause ».

Responsabilité relative aux conseils donnés

– Les actions en responsabilité possibles. – Il convient d'être particulièrement attentifs aux informations délivrées par nos soins et à la « contractualisation » de la défiscalisation, notamment quand l'investisseur n'achète le bien que dans la perspective d'un placement défiscalisé. En effet, si tel est le cas et que l'avantage fiscal n'est pas obtenu ou s'il est remis en cause, l'investisseur pourra :
  • invoquer une réticence dolosive du vendeur ;
  • demander réparation au vendeur-promoteur si l'avantage fiscal ne s'est pas réalisé ;
  • et même parfois demander l'annulation de l'acte pour défaut d'information correcte délivrée par le vendeur ;
  • mais aussi intenter une action en responsabilité extracontractuelle (ou contractuelle sur le terrain de l'obligation de délivrance conforme, si l'objectif de défiscalisation a été contractualisé) contre le professionnel chargé de la commercialisation du programme d'investissement immobilier défiscalisé.
Le tout sur le terrain de la perte de chance, qui consiste en la disparition d'une espérance future, dont il est impossible de savoir avec certitude si elle se serait raisonnablement réalisée.
– Jurisprudence récente. – Par un arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de cassation confirme la possibilité pour les acquéreurs, en cas de rejet d'une action fondée sur le dol, d'obtenir des dommages et intérêts pour défaut d'information et préjudice en résultant (dans le cadre d'une opération de Vefa en défiscalisation).
– Défiscalisation et devoir de conseil. – Dans le cadre de notre devoir de conseil, il nous appartient d'informer nos clients sur les conséquences fiscales des actes, en fonction de leur situation et de l'objectif poursuivi. Lorsque nous avons connaissance que l'opération s'effectue dans un but de défiscalisation, nous devons nous renseigner sur les caractéristiques de l'opération, pour informer nos clients, et vérifier que le vendeur a lui-même également correctement informé les acquéreurs. De même, il conviendra de ne pas recourir trop facilement à des schémas connus et répliqués sans analyse préalable de la situation propre au client concerné, et sans s'être demandé si la solution proposée permettra d'aboutir au résultat souhaité.
En outre, lorsqu'un acquéreur investit dans un but de défiscalisation ou de rendement locatif, le conseil consiste aussi à signaler l'aléa touchant l'économie d'impôts ou les revenus espérés, une information circonstanciée sur ce point empêchant ensuite l'acheteur déçu de se plaindre…
– Responsabilité et preuve du conseil donné. – Par ailleurs, il est conseillé d'anticiper la preuve du conseil donné lors de la mise en place de l'opération fiscale, sous forme de lettre, reconnaissance de conseils donnés ou consultation.
– Point de départ de la prescription des actions en responsabilité. – Nous préciserons que dans un arrêt récent, la Cour de cassation a considéré (pour une opération avec un montage financier complexe et en plusieurs étapes) que le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter du dénouement de l'opération et non à compter de la signature du contrat.

Défiscalisation et mise en cause de la responsabilité notariale

Àtitre d'exemple, nous mentionnerons le cas d'un programme immobilier destiné à la commercialisation auprès d'investisseurs à la recherche de défiscalisation. Suite aux renégociations des baux commerciaux consentis à l'exploitant, lesdits investisseurs se sont retirés et ont vendu sans attendre l'expiration de la durée de régularisation de la TVA (par vingtième [1/20e] chaque année).
Ils ont alors engagé la responsabilité des intervenants, et notamment du notaire…