– Un long désintérêt pour le sort des données numériques des défunts. – Jusque très récemment, le droit n'avait pas régulé la question de la mort numérique.
Au niveau européen, la directive de 1995 était également restée silencieuse, même si le Conseil de l'Union et la Cour de justice avaient dit que les États membres pouvaient en étendre les dispositions au-delà de son champ d'application, dans la mesure où cette extension poursuivait un intérêt légitime et n'était pas incompatible avec d'autres dispositions communautaires
Cons. UE, PV no 4730/95, Ad. art. 2a et CJCE, 6 nov. 2003, aff. C-101/2001, Lindqvist, pt 98.
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Le règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016 est quant à lui resté totalement étranger à cette question, s'en remettant expressément aux États membres
PE et Cons. UE, règl. (UE) no 2016/679, 27 avr. 2016, consid. 27 : « Le présent règlement ne s'applique pas aux données à caractère personnel des personnes décédées. Les États membres peuvent prévoir des règles relatives au traitement des données à caractère personnel des personnes décédées » ; consid. 158 et consid. 160.
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Fruit de longues années de négociations entre les différentes instances européennes, avec des vues divergentes pour certaines, sous pression de lobbys de toutes sortes, ce texte constitue à la fois une consolidation des règles précédentes, quelques avancées et une uniformisation des règles européennes. Cette dernière était visée par le choix de la forme d'un règlement d'application immédiate plutôt que d'une directive que chaque État aurait eu à transcrire dans sa législation, comme en 1995 où il avait en outre fallu neuf ans à la France pour sa propre transcription.
Les conditions compliquées d'élaboration de ce texte, de surcroît en différentes langues, ont tout de même laissé des traces dans sa forme, dont la lecture n'est pas facile, surtout lorsque l'on y ajoute les textes étonnamment pris pour l'application d'un règlement. Ce constat avait conduit Paul-Olivier Gibert, président de l'Association française des correspondants à la protection des données à caractère personnel (AFCDP), à déclarer : « La pratique de la Kabbale est une bonne préparation à la lecture du règlement européen sur la protection des données ».