L'option successorale engage l'héritier. Elle l'engage dans l'ampleur de ses droits, soit par rapport aux biens recueillis, soit par rapport au passif qui lui est transmis (Sous-section I). L'acceptation pure est simple est irrévocable, c'est donc une certaine gravité qui la caractérise. Par contre, la renonciation est quant à elle révocable. Ces traits de l'option successorale souffrent quelques tempéraments qui la rendent plus douce et protègent ainsi l'héritier pour qui elle peut s'avérer trop rude (Sous-section II).
L'option successorale : protection de la liberté individuelle de l'héritier
L'option successorale : protection de la liberté individuelle de l'héritier
Brefs rappels sur l'option successorale
- L'option successorale : une liberté protectrice des héritiers. - Une véritable protection de l'individu pris en sa qualité d'héritier ne se conçoit que s'il lui est conféré la liberté fondamentale d'accepter ou de renoncer à un héritage, principe traduit dans l'ancien adage : « Nul n'est héritier qui ne veut »
. On ne doit pas être contraint d'acquérir un bien par le seul fait du décès de son auteur. Par ailleurs, l'héritage reçu, par le passif qu'il transmet, ne doit pas non plus faire courir trop de risques à celui qui hérite, plus spécialement sur le reste de son patrimoine. La volonté individuelle permet donc à celui qui vient à la succession d'exercer une option quant à la succession qui lui échoit
.
- Les branches de l'option : un éventail dans la protection. - Il existe trois branches dans l'option successorale
: l'acceptation pure et simple, la renonciation et l'acceptation à concurrence de l'actif net (C. civ., art. 768). L'acceptation pure et simple transmet à l'héritier, sans réserve, tout l'actif mais aussi tout le passif. La renonciation, quant à elle, écarte complètement de la succession à laquelle son auteur devient totalement étranger. L'acceptation à concurrence de l'actif net permet à l'héritier de ne pas être tenu du passif de succession dépassant l'actif. Nous ne reviendrons pas sur les formes de l'option successorale, bien qu'elles se soient quelque peu assouplies lors de l'entrée en vigueur de la loi du 16 novembre 2016
. Nous souhaitons simplement rappeler deux types de règles qui, en elles-mêmes, sont source de protection, car elles atténuent les effets radicaux de l'option successorale. Ces deux règles sont des exceptions au caractère définitif et indivisible de l'option.
L'assouplissement protecteur de la rigueur de l'option successorale
Les atténuations protectrices de la rigueur de l'option
- Le droit de repentir du renonçant. - Si l'acceptation pure et simple est en principe irrévocable, la renonciation à succession peut être révoquée par son auteur si certaines conditions sont remplies (C. civ., art. 807). Ainsi l'héritier, après avoir renoncé, pourra accepter la succession si :
- la prescription du droit d'option n'a pas été accomplie. Cette révocation ne peut donc avoir lieu plus de dix ans après la date d'ouverture de la succession (C. civ., art. 780) ;
- la succession ne doit pas avoir été acceptée par un autre successeur et l'État ne doit pas avoir été envoyé en possession. C'est une question de sécurité juridique et de respect des droits acquis par d'autres sur la succession. Ce repentir ne doit pas préjudicier aux autres.
Aucune forme particulière n'est prescrite pour l'acceptation pure et simple
. Par contre, en cas d'acceptation à concurrence de l'actif net, l'héritier devra se conformer aux règles de formes et de publicité (C. civ., art. 788 et s.). Il devra également dresser l'inventaire obligatoire
.
- La décharge de l'héritier acceptant pur et simple d'une partie du passif. - On sait que l'acceptation pure et simple engage l'héritier à supporter tout le passif de la succession sans aucune distinction. Toutefois, l'article 786 du Code civil apporte une dérogation. En effet, l'héritier qui a accepté purement et simplement peut être déchargé de tout ou partie de son obligation à une dette successorale. Cette exception à l'obligation au passif est soumise à des conditions cumulatives strictes
:
- l'héritier doit ignorer l'existence de la dette en question (le fait que le montant soit inconnu ne semble pas suffire) . C'est la condition d'ignorance ;
- la dette doit non seulement être ignorée, mais rien ne doit permettre, au décès, de penser qu'elle pouvait exister. C'est la condition de légitimité ;
- celui qui demande à être déchargé en toute ou partie de la dette doit démontrer que son paiement obérerait gravement son patrimoine personnel. Cette appréciation est faite in concreto. Le juge doit non seulement prendre en considération les éléments de patrimoine de l'héritier, les biens qu'il a reçus de la succession, mais aussi sa situation personnelle et familiale actuelle et prévisible. C'est la condition de gravité ;
- enfin la dernière condition tient au délai, l'héritier devant introduire l'instance dans les cinq mois du jour où il a connu cette dette . C'est la condition de sécurité juridique.
Le juge peut alors décharger l'héritier de cette dette soit en totalité, soit en partie. Le créancier ne pourra le poursuivre pour le montant de la dette dont il a été déchargé. C'est une mesure protectrice de l'héritier et de ses proches, manifestation du pouvoir protecteur du juge (clause de sauvegarde ou de dureté).
L'aménagement protecteur de l'acceptation : le cantonnement
- Une exception à l'indivisibilité de l'option. - On enseigne que l'option successorale est indivisible en ce sens que le successeur, en vertu de la même qualité, ne peut prendre des partis différents sur tel ou tel bien. À cette règle ancienne, le législateur a apporté une véritable exception
: le cantonnement
. En effet, le gratifié à cause de mort pourra limiter son émolument (les droits à lui légués) à tel ou tel bien. Cette faculté peut être véritablement protectrice pour le successeur. Avant d'aborder ses effets (B), précisons ses conditions (A)
.
Les conditions du cantonnement
Les quatre conditions du cantonnement sont les suivantes :
- la faculté de cantonnement n'est ouverte qu'au légataire (C. civ., art. 1002-2) ou au conjoint bénéficiaire d'une donation de bien à venir (C. civ., art. 1094-1) . Le cantonnement n'a donc pas vocation à s'appliquer dans la dévolution légale ;
- la succession doit avoir été acceptée par au moins un successeur ab intestat autre que l'État. En effet, l'État n'a pas à récupérer les biens dont personne ne veut (friches industrielles, biens sans valeur ou de valeur négative, etc.) ;
- le disposant ne doit pas avoir privé le gratifié de la faculté de cantonner son émolument. Ainsi le de cujus, dans son testament, peut imposer à son légataire soit de tout prendre, soit de ne rien prendre (par ex., dans l'hypothèse où il lègue des liquidités en vue de payer les droits de succession sur la vieille bâtisse également léguée, le légataire ne peut prendre l'argent et laisser l'immeuble qui ne l'intéresse pas) ;
- la faculté de cantonnement doit être exercée en même temps que l'acceptation de la succession avec laquelle elle forme un tout, dans la mesure où elle est une modalité de celle-ci.
Les effets et les utilités du cantonnement
Le bénéficiaire de la libéralité va donc pouvoir limiter son émolument à certains biens. Il va pouvoir choisir dans l'actif successoral ceux qui l'intéressent ou qui lui sont utiles.
- Les limites au cantonnement. - Toutefois, le cantonnement subit plusieurs restrictions. Il ne saurait permettre de modifier un droit. Ainsi un gratifié en pleine propriété d'un bien ne saurait cantonner son legs à l'usufruit du même bien
. De la même manière, un légataire universel, par l'effet du cantonnement, ne pourrait transformer son legs en legs à titre universel ou particulier en se soustrayant aux règles du partage et des attributions.
- Les conséquences du cantonnement sur le passif de succession. - Sur le plan du passif de succession, la question est complexe et non tranchée. S'agissant de la contribution à la dette, le cantonnement devrait pouvoir produire ses effets en ce sens que le gratifié supportera le passif proportionnellement à son émolument. Par contre, s'agissant de l'obligation à la dette, celle-ci doit être définie par la nature initiale de la libéralité
.
- L'atout protecteur du cantonnement. - La faculté de cantonnement a un réel intérêt, même pour un héritier ab intestat, car il ajoute cette faculté à la dévolution légale. Pour conférer la faculté de cantonnement à un héritier légal, il suffit de l'instituer légataire universel. C'est un avantage important conféré au conjoint survivant bénéficiaire d'une donation de biens à venir, puisqu'il dispose de droits successoraux « à la carte » et pourra ainsi choisir les biens dont il aura besoin. Par contre, la faculté de cantonnement est une forme de non-respect des dernières volontés du de cujus, et là aussi son usage peut changer ses prévisions. En ce cas, il lui sera conseillé d'exclure cette faculté de cantonner l'émolument.