L'immeuble

L'immeuble

La vente ou l'apport en société d'un immeuble par un mineur

- Un acte de disposition soumis à l'autorisation préalable du juge des tutelles. - La vente et l'apport d'un immeuble appartenant à un mineur constituent des actes de disposition qui doivent être préalablement autorisés par le juge des tutelles (C. civ., art. 387-1) . La notion d'immeuble s'entend ici largement, car toute cession de droits immobiliers entre dans le champ d'application du texte. Ainsi la cession de droits indivis, de nue-propriété, d'usufruit ou de tout autre droit réel immobilier doit être préalablement autorisée par le juge.
- La requête au juge des tutelles. - Pour être habilités à réaliser un tel acte, le ou les administrateurs doivent demander l'autorisation du juge des tutelles par voie de requête. Si le contenu de cette requête n'est pas réglementé, il semble nécessaire de fournir au magistrat l'ensemble des éléments lui permettant d'exercer son contrôle. Ainsi les motivations de la vente ou de l'apport, son intérêt pour le mineur, les justificatifs de son équilibre financier et le sort des capitaux dégagés par la vente sont des informations utiles qui permettent au juge d'exercer son office de manière pertinente. Nous constatons cependant qu'en pratique, même si cela peut varier selon les juridictions, le contrôle du magistrat reste formel ; le dossier préparé en amont par le notaire est bien souvent validé en l'état.
À quel moment faut-il adresser la requête au juge des tutelles ? Dès que la décision de vendre l'immeuble du mineur a été prise par le ou les administrateurs, le juge doit être saisi. En effet, pour réaliser les démarches en vue de la vente, notamment signer un mandat de vente ou une promesse de vente, le représentant doit être habilité. Par hypothèse, à ce stade du processus de vente, aucun acquéreur n'a émis d'offre qui pourrait satisfaire l'administrateur et le prix définitif n'est pas fixé. Il est donc opportun de prévoir dans la requête une fourchette de prix ou un prix minimum, ce qui laisse une souplesse d'action au profit de l'administrateur. À défaut, une nouvelle requête en vue de vendre moins cher que le prix initial devra être adressée au juge.
- La prohibition des promesses de vente sous condition suspensive d'autorisation du juge des tutelles. - Il est important de rappeler que les promesses de vente sous condition suspensive d'autorisation du juge des tutelles doivent être proscrites. Une condition suspensive ne peut affecter que les modalités d'une obligation. En aucun cas une condition de formation d'un contrat, dont la capacité, ne peut être érigée en condition suspensive.
Pour régulariser un avant-contrat de vente sur un immeuble appartenant à un mineur, il n'existe que deux solutions. Il est d'abord possible d'attendre la délivrance de l'ordonnance du juge. Dans certaines juridictions, le délai de traitement des dossiers est assez rapide et cette formalité préalable, parmi tant d'autres aujourd'hui nécessaires pour préparer une promesse de vente, peut ne pas allonger déraisonnablement le processus de vente. Sinon il n'y pas d'autre solution que de régulariser une promesse d'achat, car seul l'acheteur peut s'engager mais non le vendeur mineur.
Cette difficulté pratique est bien connue des notaires mais il est fréquent que d'autres intermédiaires sur le marché immobilier l'ignorent et établissent des compromis de vente sous condition suspensive de l'autorisation du juge. Que faire lorsque nous recevons dans nos études de tels documents ? Il est toujours possible d'instruire un dossier de vente sur la base des informations qui y figurent. Cependant, le contrat est frappé de nullité et le délai de rétractation de l'acquéreur n'a pas pu courir valablement. Pour garantir la sécurité juridique de la vente, il est nécessaire de procéder à une nouvelle notification à l'acquéreur en lui ouvrant un nouveau délai de rétractation.

L'acquisition d'un immeuble par un mineur

- Acte de disposition libre. - L'acquisition d'un immeuble par un mineur constitue un acte de disposition non prévu par l'article 387-1 du Code civil . L'administrateur unique ou les administrateurs légaux conjointement peuvent acquérir un immeuble pour le compte d'un mineur sans autorisation préalable du juge. L'acquisition d'un immeuble est un acte important, mais il est considéré comme un acte d'enrichissement. L'enrichissement est une notion toute relative. Le marché immobilier, comme tout marché, présente des opportunités d'enrichissement mais réserve également parfois des surprises de moins-values et de dévaluation du capital. La vente immobilière est considérée comme un acte d'appauvrissement même lorsqu'elle permet la réalisation d'une plus-value alors que l'acquisition immobilière est considérée, par le droit civil, comme un acte d'enrichissement alors même que les conditions d'acquisition peuvent dévaluer le patrimoine du mineur. En réalité cet enrichissement dépend des conditions d'acquisition car les spécialistes du marché savent que la plus-value se réalise à l'achat. Les administrateurs devront donc redoubler de prudence pour réaliser une acquisition immobilière pour le compte d'un mineur.
- L'opportunité d'un achat immobilier pour le compte d'un mineur. - Même si elles sont assez rares en pratique, les acquisitions immobilières peuvent présenter des opportunités pour le mineur. Tout dépend des conditions de financement. Il ne s'agit pas d'encourager des investissements spéculatifs ou d'utiliser l'effet de levier de l'endettement pour un mineur. Cependant, l'acquisition d'un immeuble peut être envisagée comme une opération d'emploi de fonds et un arbitrage opportun de son patrimoine. Si le mineur possède d'importantes liquidités, par exemple à la suite d'une succession ou d'une indemnisation d'un préjudice, il peut être plus avantageux d'investir ces liquidités dans un bien immobilier que de les laisser sur un compte sur livret ou un contrat de capitalisation. Les perspectives de rendement et de plus-value sont plus importantes. Cet investissement présente également l'avantage de protéger, dans une certaine mesure, le mineur contre lui-même à la majorité acquise. Il peut, certes, toujours vendre le bien et dilapider le prix. Mais un immeuble est tout de même moins liquide qu'un placement financier.

Les baux portant sur un bien du mineur et la gestion locative

- D'un acte d'administration à un acte de disposition. - Le régime d'habilitation de l'administrateur dépend de la qualification juridique de l'acte à réaliser et le bail est révélateur des difficultés pratiques que l'on peut rencontrer à cet égard.
Le bail constitue le type même d'acte d'administration car il permet l'exploitation d'un bien par la perception de revenus tout en préservant sa substance. Un tel acte peut donc être conclu pour le compte d'un mineur par l'administrateur seul, que l'administration soit unique ou conjointe.
Les statuts locatifs dérogatoires qui attribuent au locataire des droits importants lui conférant une grande stabilité dans les lieux loués compliquent l'analyse. Lorsque le bail reconnaît au locataire une durée de jouissance longue, un droit au renouvellement et la faculté de céder son bail, peut-on encore le qualifier d'acte d'administration ? La jurisprudence et la doctrine assimilent ce bail à un acte de disposition et l'article 504, alinéa 3 du Code civil réglemente la matière, dans la tutelle, de la manière suivante : « Les baux consentis par le tuteur ne confèrent au preneur, à l'encontre de la personne protégée devenue capable, aucun droit au renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux à l'expiration du bail, quand bien même il existerait des dispositions légales contraires. Ces dispositions ne sont toutefois pas applicables aux baux consentis avant l'ouverture de la tutelle et renouvelés par le tuteur ». La loi privilégie la protection du mineur sur celle du locataire. Mais cette primauté des intérêts du mineur peut se retourner contre lui, car un locataire commerçant ou agriculteur peut se détourner des biens appartenant à un mineur et revendiquer un bail qui lui attribue toutes les prérogatives attachées à son statut.
Pour contourner cette difficulté, la jurisprudence a autorisé la conclusion d'un bail commercial ou rural conférant au preneur l'intégralité des droits attribués par le statut, sous réserve de l'autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles. Bien que cette possibilité ne soit pas prévue par l'article 504, alinéa 3 précité, la jurisprudence a admis le raisonnement suivant : « Le juge des tutelles qui a le pouvoir d'autoriser les actes de disposition a, à plus forte raison, le droit d'autoriser l'administrateur légal des biens d'un mineur à consentir sur un bien dont le pupille est propriétaire un bail donnant droit au renouvellement au profit du preneur à l'encontre du mineur devenu majeur » .
- L'ordonnance du 15 octobre 2015. - L'ordonnance du 15 octobre 2015 ne contient aucune disposition spécifique sur les baux donnant un droit au renouvellement au profit du locataire. La difficulté vient du fait qu'avant cette ordonnance, les règles de la tutelle s'appliquaient par renvoi à l'administration légale. Or ce renvoi a été supprimé. L'administration légale dispose de son corps de règles autonomes, mais aucune disposition particulière n'a été prévue concernant le bail.
Il convient donc de revenir aux principes généraux. L'article 387-1 du Code civil ne vise pas ce type d'acte. Faut-il en conclure qu'il n'est pas soumis à l'autorisation du juge des tutelles ? La liste de l'article 387-1 est limitative et il faudrait donc effectivement en conclure que l'autorisation judiciaire n'est pas requise. Cette conclusion semble cependant hasardeuse compte tenu de la gravité de l'acte. La doctrine tend d'ailleurs à considérer que l'autorisation préalable du juge demeure nécessaire . Nous pouvons ainsi déduire les règles d'habilitation de l'administrateur selon la durée du bail et du droit au renouvellement qu'il confère au locataire.
- Bail d'une durée de neuf ans au plus et ne conférant pas de droit au renouvellement. - Le bail d'une durée de neuf ans au plus et ne conférant pas de droit au renouvellement au profit du preneur constitue un acte d'administration ordinaire . Il peut donc être librement régularisé par un administrateur seul, quelle que soit la nature unique ou conjointe de l'administration.
Il en va ainsi d'un bail d'habitation, qu'il s'agisse d'une location nue ou meublée . Malgré la complexité croissante des baux d'habitation et le durcissement des obligations à la charge du bailleur, la conclusion d'un tel acte, même au profit d'un locataire protégé notamment en raison de son âge, demeure un acte d'administration.
Il en va également ainsi d'un bail civil de droit commun à condition qu'il n'accorde pas de droits exorbitants au locataire, ou d'un bail professionnel . Notons, concernant ce dernier, que le décret du 22 décembre 2008 est contradictoire car il classe la conclusion et le renouvellement d'un bail d'une durée de neuf ans au plus dans la colonne des actes d'administration tout en incluant le bail professionnel dans la colonne des actes de disposition. Or la durée de ce bail est de six ans et le bailleur peut le dénoncer sans indemnité à sa charge en respectant un préavis.
Il en va également ainsi, en matière rurale et commerciale, des baux précaires et baux dérogatoires de courte durée et ne conférant pas au preneur de droit au renouvellement. Dans ce cas, il convient d'être extrêmement précis et rigoureux pour s'assurer que le bail envisagé remplit toutes les conditions d'exclusion du droit au renouvellement du preneur.
- Bail conférant un droit au renouvellement. - Le bail conférant un droit au renouvellement au profit du preneur, tel que le bail commercial ou rural, constitue un acte de disposition . Soit il est considéré comme un acte de disposition libre ; dans ce cas, l'administrateur unique ou les deux administrateurs conjointement pourraient régulariser l'acte sans autorisation judiciaire. Soit il est considéré comme un acte de disposition soumis, par analogie, à l'autorisation préalable du juge ; dans ce cas, les administrateurs doivent être habilités par une ordonnance du juge des tutelles. Pour les raisons évoquées précédemment, bien que cet acte ne figure pas dans la liste de l'article 387-1 du Code civil, la seconde proposition nous semble plus juste et plus sécurisante.
Les administrateurs doivent donc adresser au juge des tutelles une requête en vue d'obtenir l'autorisation de consentir un bail rural ou commercial. Pour permettre au magistrat d'exercer son contrôle, la requête doit contenir les informations relatives à l'intérêt de l'opération pour le mineur ainsi que son équilibre financier par rapport au marché et à l'état du bien. Nous constatons en pratique que lorsque le dossier est correctement préparé et visé par le notaire, le contrôle du magistrat est souvent formel et l'opération validée en l'état. Il est possible que certains juges des tutelles s'estiment incompétents et opposent une fin de non-recevoir aux requérants. Cela constituera une reconnaissance des pouvoirs des administrateurs habilités à agir seuls et sous leur responsabilité.
- Le renouvellement d'un bail. - Le renouvellement d'un bail constitue-t-il un acte d'administration ou de disposition ? Nous sommes dans la situation où le mineur est propriétaire d'un immeuble déjà loué en vertu d'un bail commercial ou rural. Les conditions du renouvellement sont fixées par la loi et sauf à saisir l'échéance du bail pour renégocier certaines clauses modifiant l'équilibre financier du contrat, il est reconduit aux mêmes charges et conditions que le bail antérieur. On peut alors s'interroger sur l'obligation de requérir l'autorisation du juge des tutelles.
Le décret no 2008-1484 du 22 décembre 2008 assimile la conclusion et le renouvellement d'un bail et les classe dans la catégorie des actes de disposition. Il n'y a donc pas de différence de traitement entre la conclusion d'un bail et son renouvellement. Il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, et nous considérons donc que si l'autorisation préalable du juge est nécessaire pour conclure un bail, elle l'est également pour le renouveler.
- La gestion locative. - La plupart des autres actes induits par la gestion locative constituent des actes d'administration et peuvent être réalisés par un administrateur seul. Nous citons sans ordre particulier la conclusion d'un mandat de gestion, l'établissement d'un état des lieux, l'encaissement des loyers et la délivrance de quittance, le paiement des factures (syndic, petits travaux et réparations?), ainsi que les déclarations fiscales et le paiement des impôts et taxes.
- Travaux et rénovation. - Les petits travaux et réparations sur un immeuble constituent des actes d'exploitation et de mise en valeur du patrimoine. Ils sont donc qualifiés d'actes d'administration et peuvent être régularisés par un administrateur seul.
À l'inverse, les grosses réparations sur un immeuble sont qualifiées d'acte de disposition par le décret du 22 décembre 2008. Elles ne figurent cependant pas dans la liste des actes autorisés de l'article 387-1 du Code civil. Par conséquent, l'administrateur unique peut seul les engager. Dans l'administration conjointe, l'accord des deux administrateurs est nécessaire.
La gestion d'un patrimoine immobilier nécessite de réaliser régulièrement des travaux d'entretien et parfois une rénovation plus importante s'impose. Par souci de simplification, et pour ne pas engager un mineur dans une opération de rénovation pouvant générer une responsabilité décennale, la décision de vendre l'immeuble est souvent préférée à celle de le rénover. Cette décision est souvent trop hâtive. Il peut au contraire être de l'intérêt du mineur de rénover ses biens pour les conserver.

La constitution de servitudes et autres droits réels principaux

- Acte de disposition en principe libre. - La constitution de droits réels grevant les biens du mineur constitue un acte de disposition . Ces actes, non visés à l'article 387-1 du Code civil, ne nécessitent pas l'accord préalable du juge. L'administrateur unique peut les réaliser seul tandis que dans l'administration conjointe, les deux administrateurs devront donner leur consentement. Entrent dans cette catégorie les constitutions de servitude, d'usufruit ou de droit d'usage et d'habitation.
- Deux écueils à éviter. - Il convient de rappeler que les actes réalisés pour le compte d'un mineur doivent l'être dans son intérêt. Comment justifier la constitution au profit de tiers de droits grevant les biens du mineur ? La question de la contrepartie doit être posée.
S'il n'existe aucune contrepartie, l'acte risque de tomber sous le coup de l'interdiction de l'article 387-2, 1o du Code civil qui dispose que « l'administrateur légal ne peut, même avec une autorisation, aliéner gratuitement les biens ou les droits du mineur ». En tout état de cause, on ne voit pas dans ce cas ce qui peut justifier la réalisation de l'acte pour le mineur.
S'il existe une contrepartie, il convient d'en analyser la nature et l'importance par rapport à la dévaluation du patrimoine du mineur. En effet, selon les circonstances, l'acte peut être analysé en une cession, un échange ou une transaction. Dans ce cas, il entre dans le champ d'application de l'article 387-1 du Code civil et l'autorisation préalable du juge des tutelles devient obligatoire.