- L'exécution testamentaire : une protection peu utilisée. - Le recours à l'exécution testamentaire n'a cessé de décliner depuis 1804, malgré les apports jurisprudentiels et la réforme de 2006 qui, s'agissant de cette institution, est un échec. L'exécuteur testamentaire est, dans bien des cas « une sentinelle sans arme »
. Le législateur, contrairement à une idée reçue, n'a pas accru les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire. Il lui a supprimé sa saisine qui portait sur tout le mobilier même en présence de réservataires et qui était une véritable garantie de paiement des legs de sommes d'argent qui n'avaient pas été payés. De même, en 2006 l'exécuteur testamentaire a été soumis à l'envoi en possession du légataire universel, ce qui est un non-sens juridique. Cette anomalie l'est d'autant plus que la procédure d'envoi en possession a été supprimée pour le légataire universel par la loi du 18 novembre 2016
qui l'a maladroitement ou inconsciemment maintenue pour l'exécuteur testamentaire
. Faute de pouvoirs efficaces, le recours à cette institution est réduit, son régime juridique est complexe et une exécution testamentaire efficace suppose une parfaite et complète rédaction du testament. En présence de réservataires, l'institution a peu d'intérêt ; et en l'absence de réservataire, le recours au legs universel sans émolument est préféré, sans doute à tort car le risque est alors grand que le légataire décline le bénéfice de son legs. Sa défaillance imposera alors de retrouver les héritiers par le sang pour délivrer les legs, induisant nombre de difficultés que la présence de ce légataire permettait justement d'éviter. À la suite des précédents Congrès des notaires de France
, nous pensons qu'une réforme profonde de l'institution pourrait utilement voir le jour.
L'exécution testamentaire actuelle : une protection insuffisante
L'exécution testamentaire actuelle : une protection insuffisante
Le constat actuel
Les pistes de réforme pour une exécution testamentaire efficace
- Rétablissement de la saisine automatique. - En premier lieu, il conviendrait que tout exécuteur testamentaire soit saisi des biens de la succession, et ce en présence ou non d'héritiers réservataires. Cette saisine, qui à l'évidence est une limitation à celle de l'héritier, lui permet d'entrer en détention des biens successoraux pour en assurer la conservation et pour garantir l'exécution du testament. Reste à savoir quels seront les biens qui feraient l'objet de cette saisine. A minima ce seraient les biens objets du testament ou si legs de sommes d'argent il y a, les biens nécessaires à leur exécution dans la limite de la quotité disponible. Et si des ventes étaient nécessaires, il faudrait commencer par les objets mobiliers en finissant par les immeubles. N'oublions pas que désormais la protection de la réserve est conçue en valeur. L'héritier, réservataire ou non, aurait comme auparavant le loisir de mettre fin à cette saisine en exécutant de lui-même le testament. Rien de bien novateur ici, cela existait avant 2007 et de manière plus prégnante avant 1804. Le corollaire serait de rétablir l'obligation pour lui de faire inventaire (obligation supprimée en 2006).
- Rattachement de la saisine à l'exécution de l'ensemble du testament. - Cette saisine de l'exécuteur testamentaire devrait être rattachée à l'ensemble du testament et non pas aux seuls legs de sommes d'argent. On voit bien que le législateur moderne a toujours rattaché l'exécution testamentaire aux legs de sommes d'argent. En 1804, l'ancien article 1027 du Code civil prévoyait que l'héritier pouvait mettre fin à la saisine du mobilier successoral en remettant une somme nécessaire au paiement des legs. Et depuis 2007, l'article 1030-1 du même code prévoit que l'exécuteur peut être chargé de liquider l'actif et d'apurer le passif pour répartir le solde entre les bénéficiaires du testament. On devrait pouvoir restituer sa vraie fonction à l'exécuteur testamentaire en lui permettant également d'exécuter les autres dispositions testamentaires comme les legs autres que de sommes d'argent.
- Paiement et délivrance des legs. - Cette fonction d'exécuter la totalité du testament pose évidemment la question ancienne de la délivrance des legs. En présence de réservataires, il ne faudrait pas changer la règle : à eux de délivrer les legs et à l'exécuteur de remettre les choses léguées à leurs destinataires. Par contre, il serait sans doute opportun de permettre à l'exécuteur testamentaire, si les héritiers ne se sont pas enclins à exécuter le testament, de demander au juge de les condamner à cette exécution et par là même d'autoriser l'exécuteur à délivrer et payer lui-même les legs. En l'absence d'héritier réservataire, il faudrait que l'exécuteur testamentaire puisse délivrer et payer les legs. La référence malheureuse à l'envoi en possession de l'article 1030-2 du Code civil devrait, une bonne fois pour toutes, être supprimée
.
- Répartition de la succession. - L'article 1030-2 du Code civil mériterait d'être réécrit, car il présente une certaine opacité qui fait douter de la réelle mission de l'exécuteur testamentaire. Plus qu'être l'auteur d'un partage, l'exécuteur testamentaire doit pouvoir répartir les biens de la succession en fonction du testament. Car pour un testament, on parle davantage d'exécution de legs que de partage. En effet, on a un peu de mal à croire qu'un exécuteur puisse attribuer les biens de lui-même aux légataires (rappelons que le legs avec faculté d'élire est nul dans notre droit, même confié à l'exécuteur testamentaire)
. Par contre, l'exécuteur testamentaire serait pleinement fondé à exécuter de lui-même un testament partage, c'est-à-dire de remettre à chacun des copartagés les biens à lui attribués.
- Administration de la succession. - Dans cet élan d'accroissement des pouvoirs de l'exécuteur testamentaire, il serait également souhaitable de permettre au testateur de conférer à son exécuteur testamentaire les pouvoirs qu'il pourrait donner à un mandataire posthume. Sans doute une telle mission devrait prendre les formes d'un testament authentique. Par ailleurs, rien n'empêche aujourd'hui de consentir à son exécuteur testamentaire un mandat posthume dans le respect des formes prescrites
.
- Un maximum de pouvoirs conférés de manière automatique. - Si le législateur devait refondre le droit de l'exécution testamentaire, nous pensons qu'il devrait aborder la question de manière inverse, en conférant des pouvoirs les plus étendus possible, en distinguant, bien évidemment, le cas où des réservataires sont présents du cas où il n'y en a pas. Ce serait l'exécution testamentaire par défaut. L'exécuteur ayant alors tous les pouvoirs possibles pour exécuter les dispositions de dernières volontés sans qu'il soit besoin que le testateur l'ait expressément prévu dans son testament. Bien évidemment, libre au testateur de réduire sa mission et donc de lui ôter certains pouvoirs. C'est ce que prévoyait l'Ancien droit : le testateur pouvait limiter la saisine de l'exécuteur s'il le souhaitait
.