Pour l'application du régime de l'administration légale, la distinction entre l'administration pure et simple et l'administration sous contrôle judiciaire doit être oubliée. Dorénavant, pour déterminer les pouvoirs des administrateurs, il convient uniquement de se référer à la nature des actes à accomplir.
Le fonctionnement de l'administration légale
Le fonctionnement de l'administration légale
Les pouvoirs de l'administrateur légal
L'administration légale appartient aux parents mais son exercice varie selon la configuration familiale
. Si l'autorité parentale est exercée par les deux parents, chacun d'entre eux est administrateur légal
. Dans les autres cas, l'administration légale appartient à celui des parents qui exerce l'autorité parentale.
- L'administration légale exercée par les deux parents conjointement. - L'article 382-1, alinéa 1 du Code civil dispose que : « Lorsque l'administration légale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'eux est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu de l'autre le pouvoir de faire seul les actes d'administration portant sur les biens du mineur ». Un administrateur peut réaliser seul un acte d'administration pour le compte du mineur. A contrario, les actes de disposition ne nécessitant pas l'autorisation préalable du juge doivent être accomplis conjointement par les deux parents. La distinction entre les actes d'administration et de disposition retrouve ici un intérêt pratique pour déterminer si un parent peut agir seul ou si les deux parents doivent agir conjointement. Le deuxième alinéa de l'article 382-1 renvoie à l'article 496 du code pour la définition et l'énumération des actes d'administration et de disposition. Nous reviendrons au § II suivant sur ces critères de distinction.
- L'administration légale exercée par un seul parent. - L'article 382 du Code civil prévoit que lorsque l'autorité parentale n'est exercée que par un seul des parents, il est administrateur légal à part entière. Il exerce pleinement les prérogatives de l'administration légale et non plus sous le contrôle du juge comme antérieurement à l'ordonnance de 2015. Cette reconnaissance de la qualité d'administrateur au parent exerçant seul l'autorité parentale constitue la principale innovation de cette ordonnance. Dans le régime antérieur, la loi imposait à l'administrateur légal sous contrôle judiciaire la saisine du juge pour réaliser tout acte de disposition. Désormais, à l'exception des actes qui doivent être autorisés préalablement, cet administrateur légal unique peut réaliser seul les actes libres, qu'il s'agisse des actes d'administration ou de disposition.
La classification des actes
Dans le régime antérieur, la distinction entre les actes d'administration et de disposition constituait la clé de répartition des pouvoirs. Si elle n'a pas perdu tout son intérêt, elle doit être relativisée car le législateur distingue dorénavant les actes libres (A), les actes autorisés (B) et les actes interdits (C).
Les actes libres
- Les actes libres. - Dans le régime de l'administration légale issu de l'ordonnance de 2015, la liberté demeure le principe
. Les actes libres n'y ont pas été définis. Ils constituent par défaut, ceux qui ne sont ni interdits ni soumis à autorisation préalable du juge. Les actes libres sont donc les actes conservatoires, les actes d'administration et les actes de disposition qui ne sont pas visés aux articles 387-1 et 387-2 du Code civil.
- Les actes d'administration. - L'article 1er du décret no 2008-1484 du 22 décembre 2008 dispose que « constituent des actes d'administration les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal ». Le législateur énumère en annexe une liste d'actes d'administration
.
L'annexe 1 au décret établit, dans la colonne 1, une liste d'actes considérés comme actes d'administration. Nous y trouvons par exemple les conventions de jouissance précaire, la conclusion ou le renouvellement d'un bail de neuf ans au plus en tant que bailleur ou preneur, l'ouverture d'un premier compte ou livret, l'emploi et le remploi de sommes qui ne sont ni des capitaux ni des excédents de revenus, la perception de revenus, la réception de capitaux, la résiliation d'un contrat de gestion de valeurs mobilières, l'inventaire, l'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net?
L'annexe 2 au même décret établit, dans la colonne 1, une liste d'actes regardés comme des actes d'administration selon les circonstances. Y figurent notamment le paiement des dettes, y compris par prélèvement sur le capital, les actes de gestion d'un portefeuille d'instruments financiers, y compris les cessions de titres à condition qu'elles soient suivies de leur remplacement, l'exercice du droit de vote dans les assemblées générales, la vente de droits ou des titres formant rompus, la conversion d'obligations convertibles en actions admises à la négociation sur un marché réglementé, la conclusion et la rupture d'un contrat de travail, l'acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie sans charge?
Les actes d'administration constituent toujours des actes libres. Ils sont exercés sans contrôle préalable par l'administrateur légal unique ou par l'un quelconque des administrateurs lorsque l'administration est exercée conjointement par les deux parents.
- Les actes de disposition. - L'article 2 du décret précité du 22 décembre 2008 dispose que « constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire ».
L'annexe 1 au décret établit, dans la colonne 2, une liste d'actes considérés comme actes de disposition. Nous y trouvons par exemple la vente, l'apport ou l'échange d'un immeuble, tout acte grave, notamment la conclusion et le renouvellement du bail, relatif aux baux ruraux, commerciaux, industriels, artisanaux, professionnels et mixtes, la constitution de droits réels principaux (usufruit, usage, servitude?) et de droits réels accessoires (hypothèques?) et autres sûretés réelles, l'emploi et le remploi de capitaux et des excédents de revenus, la conclusion d'un contrat de gestion de valeurs mobilières et instruments financiers, le partage amiable, l'acceptation pure et simple d'une succession?
L'annexe 2 au même décret établit, dans la colonne 2, une liste d'actes regardés comme des actes de disposition selon les circonstances. Y figurent notamment le prélèvement sur le capital à l'exclusion du paiement des dettes, l'emprunt de somme d'argent, la cession de portefeuille d'instruments financiers en pleine propriété ou en nue-propriété, l'acquisition et la cession d'instruments financiers non inclus dans un portefeuille, le nantissement et la mainlevée du nantissement d'instruments financiers, tout apport en société non visé à l'annexe 1, l'acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie avec charges, le versement de nouvelles primes sur un contrat d'assurance-vie?
À l'exception des actes limitativement énumérés à l'article 387-1 du Code civil qui doivent être préalablement autorisés par le juge, les actes de disposition constituent des actes libres
. Ils sont exercés sans contrôle judiciaire préalable
. Lorsque l'administration légale est exercée par un administrateur unique, ce dernier réalise seul ces actes de disposition. Lorsqu'elle est exercée conjointement par les deux parents, ces deux administrateurs doivent consentir ensemble à l'acte. Un administrateur, dans l'administration conjointe, n'est pas habilité à régulariser seul un acte de disposition pour le compte du mineur.
- L'intérêt de la distinction entre les actes d'administration et de disposition. - L'approximation des définitions des actes d'administration et de disposition qui résultent des articles 1 et 2 du décret précité contraste avec la méticulosité des énumérations figurant aux annexes et le législateur n'évite pas le double écueil de cette méthode. D'un côté, il crée des notions imprécises et sujettes à des interprétations très subjectives, telles que le « risque anormal ». D'un autre côté, il se perd dans un luxe de détails souvent sans intérêt et oublie l'essentiel. Ce type de liste à la Prévert ne peut évidemment envisager toutes les opérations patrimoniales, mais on est saisi par le décalage de traitement entre, par exemple, la minutie des textes sur des opérations portant sur des instruments financiers et l'absence de disposition pour les autres sociétés, spécialement la société civile.
Qu'ils soient qualifiés d'administration ou de disposition, ces actes peuvent être exercés librement par l'administrateur légal, sans autorisation préalable du juge. Cette distinction pourrait donc sembler sans intérêt. Elle est cependant importante lorsque l'administration légale est exercée conjointement par les deux parents. Dans ce cas, n'importe lequel des administrateurs peut exercer seul tout acte d'administration. Cependant, la réalisation d'actes de disposition nécessite l'accord des deux administrateurs. Cette distinction retrouve donc un intérêt car elle constitue la clé de répartition des prérogatives entre les administrateurs conjoints. Le décret du 22 décembre 2008 recèle des approximations, des lacunes, voire les incohérences qui peuvent être source d'insécurité juridique. Le juriste doit donc qualifier l'acte pour déterminer le régime applicable. En cas de doute sur l'interprétation du texte, la prudence imposerait de recueillir l'accord des deux administrateurs pour régulariser un acte pour le compte d'un mineur. La situation se complique en cas de conflit entre les parents, et le juge devra alors être saisi.
- L'extension de la catégorie des actes libres. - Le libéralisme déjà évoqué à propos de l'ordonnance de 2015 se manifeste notamment par l'extension de la catégorie des actes libres. Certains actes de disposition sont devenus libres, alors qu'antérieurement ils étaient soumis à une autorisation préalable
.
Il en est ainsi du partage. Allant dans le sens d'un allègement du contrôle, la signature de l'acte de partage n'est plus subordonnée à l'autorisation du juge des tutelles
. En effet, l'article 387-1 du Code civil n'a pas repris l'obligation de l'article 389-5 de saisir le juge des tutelles pour être autorisé à procéder à un partage, ni l'approbation de l'état liquidatif. Par conséquent, l'article 387-1 devant être interprété strictement, l'acte de partage pourra être signé par le ou les administrateurs légaux, sans autorisation judiciaire, et l'état liquidatif n'aura plus à être soumis au juge pour approbation. Pour un acte aussi important que le partage dans la constitution du patrimoine du mineur, cette déjudiciarisation ne nous semble pas opportune. Il est loin le temps où l'administrateur devait être préalablement autorisé à signer l'acte de partage qui devait ensuite être homologué par le tribunal de grande instance. Sans regretter un formalisme trop lourd, nous déplorons sa suppression totale car elle n'est pas de nature à garantir les droits du mineur.
La question de la simplification du formalisme du partage se pose également à la donation-partage et particulièrement à l'incorporation de biens donnés antérieurement. Peut-on incorporer, pour le compte d'un mineur, à la masse à partager un bien donné à ce dernier ? Dans les développements figurant en première partie, relatifs aux libéralités consenties à un mineur, nous avons considéré que cette incorporation peut se réaliser sans l'autorisation préalable du juge, mais la question peut se discuter. Nous pouvons compliquer la proposition. Peut-on incorporer une donation antérieure, sans donner de nouveau bien, en répartissant entre un nombre d'enfants supérieur, de telle sorte que l'incorporant reçoive moinsque ce qu'il a reçu, tout ceci sans l'autorisation du juge ? Nous n'irons pas aussi loin dans l'allègement du formalisme et de la suppression du contrôle judiciaire. On peut s'interroger sur l'intérêt de l'incorporant à réaliser une telle opération qui pourrait alors s'analyser en une renonciation de droits qui doit obligatoirement être autorisée par le juge sur le fondement de l'article 387-1, 4o du Code civil.
Il en est également ainsi des libéralités avec charges. Comme nous l'avons vu en première partie, une libéralité avec charges peut être acceptée par l'administrateur unique ou les deux administrateurs conjointement. Avant l'ordonnance de 2015, l'acceptation d'une telle libéralité devait être autorisée préalablement par le juge.
Les actes soumis à autorisation judiciaire
- Une liste exhaustive. - L'article 387-1 du Code civil énumère les actes de disposition pour lesquels le ou les administrateurs doivent obtenir préalablement l'autorisation du juge des tutelles
.
Ainsi l'administrateur légal ne peut, sans l'autorisation préalable du juge :
- vendre de gré à gré un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur ;
- apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur ;
- contracter un emprunt au nom du mineur ;
- renoncer pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ;
- accepter purement et simplement une succession revenant au mineur ;
- acheter les biens du mineur, les prendre à bail ; pour la conclusion de l'acte, l'administrateur légal est réputé être en opposition d'intérêts avec le mineur ;
- constituer gratuitement une sûreté au nom du mineur pour garantir la dette d'un tiers ;
- procéder à la réalisation d'un acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers au sens de l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, si celui-ci engage le patrimoine du mineur pour le présent ou l'avenir par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives du mineur.
Cette liste est limitative et doit s'interpréter strictement
. Il existe cependant d'autres textes spéciaux.
- L'extension des actes soumis à autorisation qui étaient antérieurement interdits. - Le libéralisme de l'ordonnance de 2015 se manifeste également dans l'extension de la liste des actes autorisés alors qu'ils étaient antérieurement interdits. Il en est ainsi de l'achat d'un bien ou de la conclusion d'un bail sur un bien du mineur au profit de son administrateur. Il en est également ainsi de la constitution d'une sûreté au nom du mineur pour garantir les dettes d'un tiers. Par ailleurs, la transaction et le compromis qui étaient avant l'ordonnance de 2015 interdits, sont désormais possibles avec l'accord du juge des tutelles.
On ne perçoit pas en quoi les deux premières modifications sont susceptibles d'améliorer ou de fluidifier la gestion des biens du mineur. Au mieux, ces opérations lui font courir un risque inutile. Au contraire, la transaction et le compromis sont de nature à résoudre des litiges de manière moins dommageable qu'un procès et cette modification doit être saluée.
- L'inclusion des actes soumis à autorisation qui étaient antérieurement libres. - Paradoxalement à l'esprit libéral de l'ordonnance de 2015, certains actes qui étaient antérieurement libres deviennent soumis à autorisation judiciaire pour les administrateurs légaux conjoints. Ainsi l'acceptation pure et simple d'une succession, d'un legs universel ou à titre universel ou la réalisation d'un acte de disposition portant sur des valeurs mobilières ou des instruments financiers nécessitent, dans le nouveau régime d'administration légale, l'autorisation préalable du juge. Dans l'ancien régime d'administration légale pure et simple, les parents pouvaient réaliser ces opérations sans l'autorisation du juge.
Cet accroissement du formalisme pour les administrateurs légaux conjoints s'explique par l'unification du régime de l'administration, qu'elle soit bicéphale ou unicéphale. Cette harmonisation du régime s'est accompagnée d'une libéralisation des actes soumis à autorisation. Cependant, certains actes qui étaient libres dans l'administration légale pure et simple sont désormais soumis à autorisation car il a sans doute été jugé dangereux de laisser l'administrateur unique décider seul et sans contrôle de ces opérations. L'harmonisation a eu lieu sur ce point par un nivellement par le bas au détriment des administrateurs conjoints.
Les actes interdits
- La suppression du renvoi aux règles de la tutelle. - L'ordonnance du 15 octobre 2015 a abrogé le renvoi créé à l'article 389-7 du Code civil, qui prévoyait que les règles de la tutelle étaient, pour le surplus, applicables à l'administration légale
. Par conséquent, l'article 509 du même code qui prévoit que certains actes sont interdits au tuteur, même avec l'accord du juge, s'appliquait antérieurement aux mineurs. Ce renvoi est supprimé et cet article n'est plus applicable à l'administration légale.
- La liste des actes interdits. - La liste des actes interdits résulte désormais de l'article 387-2 du Code civil qui dispose que l'administrateur légal ne peut, même avec une autorisation :
- aliéner gratuitement les biens ou les droits du mineur ;
- acquérir d'un tiers un droit ou une créance contre le mineur ;
- exercer le commerce ou une profession libérale au nom du mineur ;
- transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits du mineur.
Cette liste n'est pas exhaustive, car certains textes spéciaux la complètent. Par exemple, l'article 930-1 du Code civil interdit au mineur de renoncer par anticipation à l'action en réduction.
En tout état de cause, le principe demeure la liberté. Les interdictions doivent être prévues par un texte spécial
.
- La réduction de la liste des actes interdits. - Nous avons vu précédemment que certains actes qui étaient antérieurement interdits sont devenus possibles sous réserve de l'autorisation du juge. Il s'agit de l'achat d'un bien ou de la conclusion d'un bail sur un bien du mineur au profit de son administrateur, de la constitution d'une sûreté au nom du mineur pour garantir les dettes d'un tiers, de la transaction et du compromis.
Tableau de synthèse des pouvoirs de l'administrateur légal