Les principes généraux de l'administration légale

Les principes généraux de l'administration légale

Le fonctionnement de l'administration légale

Pour l'application du régime de l'administration légale, la distinction entre l'administration pure et simple et l'administration sous contrôle judiciaire doit être oubliée. Dorénavant, pour déterminer les pouvoirs des administrateurs, il convient uniquement de se référer à la nature des actes à accomplir.

Les pouvoirs de l'administrateur légal

L'administration légale appartient aux parents mais son exercice varie selon la configuration familiale . Si l'autorité parentale est exercée par les deux parents, chacun d'entre eux est administrateur légal . Dans les autres cas, l'administration légale appartient à celui des parents qui exerce l'autorité parentale.
- L'administration légale exercée par les deux parents conjointement. - L'article 382-1, alinéa 1 du Code civil dispose que : « Lorsque l'administration légale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'eux est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu de l'autre le pouvoir de faire seul les actes d'administration portant sur les biens du mineur ». Un administrateur peut réaliser seul un acte d'administration pour le compte du mineur. A contrario, les actes de disposition ne nécessitant pas l'autorisation préalable du juge doivent être accomplis conjointement par les deux parents. La distinction entre les actes d'administration et de disposition retrouve ici un intérêt pratique pour déterminer si un parent peut agir seul ou si les deux parents doivent agir conjointement. Le deuxième alinéa de l'article 382-1 renvoie à l'article 496 du code pour la définition et l'énumération des actes d'administration et de disposition. Nous reviendrons au § II suivant sur ces critères de distinction.
- L'administration légale exercée par un seul parent. - L'article 382 du Code civil prévoit que lorsque l'autorité parentale n'est exercée que par un seul des parents, il est administrateur légal à part entière. Il exerce pleinement les prérogatives de l'administration légale et non plus sous le contrôle du juge comme antérieurement à l'ordonnance de 2015. Cette reconnaissance de la qualité d'administrateur au parent exerçant seul l'autorité parentale constitue la principale innovation de cette ordonnance. Dans le régime antérieur, la loi imposait à l'administrateur légal sous contrôle judiciaire la saisine du juge pour réaliser tout acte de disposition. Désormais, à l'exception des actes qui doivent être autorisés préalablement, cet administrateur légal unique peut réaliser seul les actes libres, qu'il s'agisse des actes d'administration ou de disposition.

La classification des actes

Dans le régime antérieur, la distinction entre les actes d'administration et de disposition constituait la clé de répartition des pouvoirs. Si elle n'a pas perdu tout son intérêt, elle doit être relativisée car le législateur distingue dorénavant les actes libres (A), les actes autorisés (B) et les actes interdits (C).

Les actes libres

- Les actes libres. - Dans le régime de l'administration légale issu de l'ordonnance de 2015, la liberté demeure le principe . Les actes libres n'y ont pas été définis. Ils constituent par défaut, ceux qui ne sont ni interdits ni soumis à autorisation préalable du juge. Les actes libres sont donc les actes conservatoires, les actes d'administration et les actes de disposition qui ne sont pas visés aux articles 387-1 et 387-2 du Code civil.
- Les actes d'administration. - L'article 1er du décret no 2008-1484 du 22 décembre 2008 dispose que « constituent des actes d'administration les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal ». Le législateur énumère en annexe une liste d'actes d'administration .
L'annexe 1 au décret établit, dans la colonne 1, une liste d'actes considérés comme actes d'administration. Nous y trouvons par exemple les conventions de jouissance précaire, la conclusion ou le renouvellement d'un bail de neuf ans au plus en tant que bailleur ou preneur, l'ouverture d'un premier compte ou livret, l'emploi et le remploi de sommes qui ne sont ni des capitaux ni des excédents de revenus, la perception de revenus, la réception de capitaux, la résiliation d'un contrat de gestion de valeurs mobilières, l'inventaire, l'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net?
L'annexe 2 au même décret établit, dans la colonne 1, une liste d'actes regardés comme des actes d'administration selon les circonstances. Y figurent notamment le paiement des dettes, y compris par prélèvement sur le capital, les actes de gestion d'un portefeuille d'instruments financiers, y compris les cessions de titres à condition qu'elles soient suivies de leur remplacement, l'exercice du droit de vote dans les assemblées générales, la vente de droits ou des titres formant rompus, la conversion d'obligations convertibles en actions admises à la négociation sur un marché réglementé, la conclusion et la rupture d'un contrat de travail, l'acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie sans charge?
Les actes d'administration constituent toujours des actes libres. Ils sont exercés sans contrôle préalable par l'administrateur légal unique ou par l'un quelconque des administrateurs lorsque l'administration est exercée conjointement par les deux parents.
- Les actes de disposition. - L'article 2 du décret précité du 22 décembre 2008 dispose que « constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire ».
L'annexe 1 au décret établit, dans la colonne 2, une liste d'actes considérés comme actes de disposition. Nous y trouvons par exemple la vente, l'apport ou l'échange d'un immeuble, tout acte grave, notamment la conclusion et le renouvellement du bail, relatif aux baux ruraux, commerciaux, industriels, artisanaux, professionnels et mixtes, la constitution de droits réels principaux (usufruit, usage, servitude?) et de droits réels accessoires (hypothèques?) et autres sûretés réelles, l'emploi et le remploi de capitaux et des excédents de revenus, la conclusion d'un contrat de gestion de valeurs mobilières et instruments financiers, le partage amiable, l'acceptation pure et simple d'une succession?
L'annexe 2 au même décret établit, dans la colonne 2, une liste d'actes regardés comme des actes de disposition selon les circonstances. Y figurent notamment le prélèvement sur le capital à l'exclusion du paiement des dettes, l'emprunt de somme d'argent, la cession de portefeuille d'instruments financiers en pleine propriété ou en nue-propriété, l'acquisition et la cession d'instruments financiers non inclus dans un portefeuille, le nantissement et la mainlevée du nantissement d'instruments financiers, tout apport en société non visé à l'annexe 1, l'acceptation de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie avec charges, le versement de nouvelles primes sur un contrat d'assurance-vie?
À l'exception des actes limitativement énumérés à l'article 387-1 du Code civil qui doivent être préalablement autorisés par le juge, les actes de disposition constituent des actes libres . Ils sont exercés sans contrôle judiciaire préalable . Lorsque l'administration légale est exercée par un administrateur unique, ce dernier réalise seul ces actes de disposition. Lorsqu'elle est exercée conjointement par les deux parents, ces deux administrateurs doivent consentir ensemble à l'acte. Un administrateur, dans l'administration conjointe, n'est pas habilité à régulariser seul un acte de disposition pour le compte du mineur.
- L'intérêt de la distinction entre les actes d'administration et de disposition. - L'approximation des définitions des actes d'administration et de disposition qui résultent des articles 1 et 2 du décret précité contraste avec la méticulosité des énumérations figurant aux annexes et le législateur n'évite pas le double écueil de cette méthode. D'un côté, il crée des notions imprécises et sujettes à des interprétations très subjectives, telles que le « risque anormal ». D'un autre côté, il se perd dans un luxe de détails souvent sans intérêt et oublie l'essentiel. Ce type de liste à la Prévert ne peut évidemment envisager toutes les opérations patrimoniales, mais on est saisi par le décalage de traitement entre, par exemple, la minutie des textes sur des opérations portant sur des instruments financiers et l'absence de disposition pour les autres sociétés, spécialement la société civile.
Qu'ils soient qualifiés d'administration ou de disposition, ces actes peuvent être exercés librement par l'administrateur légal, sans autorisation préalable du juge. Cette distinction pourrait donc sembler sans intérêt. Elle est cependant importante lorsque l'administration légale est exercée conjointement par les deux parents. Dans ce cas, n'importe lequel des administrateurs peut exercer seul tout acte d'administration. Cependant, la réalisation d'actes de disposition nécessite l'accord des deux administrateurs. Cette distinction retrouve donc un intérêt car elle constitue la clé de répartition des prérogatives entre les administrateurs conjoints. Le décret du 22 décembre 2008 recèle des approximations, des lacunes, voire les incohérences qui peuvent être source d'insécurité juridique. Le juriste doit donc qualifier l'acte pour déterminer le régime applicable. En cas de doute sur l'interprétation du texte, la prudence imposerait de recueillir l'accord des deux administrateurs pour régulariser un acte pour le compte d'un mineur. La situation se complique en cas de conflit entre les parents, et le juge devra alors être saisi.
- L'extension de la catégorie des actes libres. - Le libéralisme déjà évoqué à propos de l'ordonnance de 2015 se manifeste notamment par l'extension de la catégorie des actes libres. Certains actes de disposition sont devenus libres, alors qu'antérieurement ils étaient soumis à une autorisation préalable .
Il en est ainsi du partage. Allant dans le sens d'un allègement du contrôle, la signature de l'acte de partage n'est plus subordonnée à l'autorisation du juge des tutelles . En effet, l'article 387-1 du Code civil n'a pas repris l'obligation de l'article 389-5 de saisir le juge des tutelles pour être autorisé à procéder à un partage, ni l'approbation de l'état liquidatif. Par conséquent, l'article 387-1 devant être interprété strictement, l'acte de partage pourra être signé par le ou les administrateurs légaux, sans autorisation judiciaire, et l'état liquidatif n'aura plus à être soumis au juge pour approbation. Pour un acte aussi important que le partage dans la constitution du patrimoine du mineur, cette déjudiciarisation ne nous semble pas opportune. Il est loin le temps où l'administrateur devait être préalablement autorisé à signer l'acte de partage qui devait ensuite être homologué par le tribunal de grande instance. Sans regretter un formalisme trop lourd, nous déplorons sa suppression totale car elle n'est pas de nature à garantir les droits du mineur.
La question de la simplification du formalisme du partage se pose également à la donation-partage et particulièrement à l'incorporation de biens donnés antérieurement. Peut-on incorporer, pour le compte d'un mineur, à la masse à partager un bien donné à ce dernier ? Dans les développements figurant en première partie, relatifs aux libéralités consenties à un mineur, nous avons considéré que cette incorporation peut se réaliser sans l'autorisation préalable du juge, mais la question peut se discuter. Nous pouvons compliquer la proposition. Peut-on incorporer une donation antérieure, sans donner de nouveau bien, en répartissant entre un nombre d'enfants supérieur, de telle sorte que l'incorporant reçoive moinsque ce qu'il a reçu, tout ceci sans l'autorisation du juge ? Nous n'irons pas aussi loin dans l'allègement du formalisme et de la suppression du contrôle judiciaire. On peut s'interroger sur l'intérêt de l'incorporant à réaliser une telle opération qui pourrait alors s'analyser en une renonciation de droits qui doit obligatoirement être autorisée par le juge sur le fondement de l'article 387-1, 4o du Code civil.
Il en est également ainsi des libéralités avec charges. Comme nous l'avons vu en première partie, une libéralité avec charges peut être acceptée par l'administrateur unique ou les deux administrateurs conjointement. Avant l'ordonnance de 2015, l'acceptation d'une telle libéralité devait être autorisée préalablement par le juge.

Les actes soumis à autorisation judiciaire

- Une liste exhaustive. - L'article 387-1 du Code civil énumère les actes de disposition pour lesquels le ou les administrateurs doivent obtenir préalablement l'autorisation du juge des tutelles .
Ainsi l'administrateur légal ne peut, sans l'autorisation préalable du juge :
  • vendre de gré à gré un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur ;
  • apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur ;
  • contracter un emprunt au nom du mineur ;
  • renoncer pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ;
  • accepter purement et simplement une succession revenant au mineur ;
  • acheter les biens du mineur, les prendre à bail ; pour la conclusion de l'acte, l'administrateur légal est réputé être en opposition d'intérêts avec le mineur ;
  • constituer gratuitement une sûreté au nom du mineur pour garantir la dette d'un tiers ;
  • procéder à la réalisation d'un acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers au sens de l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, si celui-ci engage le patrimoine du mineur pour le présent ou l'avenir par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives du mineur.
Cette liste est limitative et doit s'interpréter strictement . Il existe cependant d'autres textes spéciaux.
- L'extension des actes soumis à autorisation qui étaient antérieurement interdits. - Le libéralisme de l'ordonnance de 2015 se manifeste également dans l'extension de la liste des actes autorisés alors qu'ils étaient antérieurement interdits. Il en est ainsi de l'achat d'un bien ou de la conclusion d'un bail sur un bien du mineur au profit de son administrateur. Il en est également ainsi de la constitution d'une sûreté au nom du mineur pour garantir les dettes d'un tiers. Par ailleurs, la transaction et le compromis qui étaient avant l'ordonnance de 2015 interdits, sont désormais possibles avec l'accord du juge des tutelles.
On ne perçoit pas en quoi les deux premières modifications sont susceptibles d'améliorer ou de fluidifier la gestion des biens du mineur. Au mieux, ces opérations lui font courir un risque inutile. Au contraire, la transaction et le compromis sont de nature à résoudre des litiges de manière moins dommageable qu'un procès et cette modification doit être saluée.
- L'inclusion des actes soumis à autorisation qui étaient antérieurement libres. - Paradoxalement à l'esprit libéral de l'ordonnance de 2015, certains actes qui étaient antérieurement libres deviennent soumis à autorisation judiciaire pour les administrateurs légaux conjoints. Ainsi l'acceptation pure et simple d'une succession, d'un legs universel ou à titre universel ou la réalisation d'un acte de disposition portant sur des valeurs mobilières ou des instruments financiers nécessitent, dans le nouveau régime d'administration légale, l'autorisation préalable du juge. Dans l'ancien régime d'administration légale pure et simple, les parents pouvaient réaliser ces opérations sans l'autorisation du juge.
Cet accroissement du formalisme pour les administrateurs légaux conjoints s'explique par l'unification du régime de l'administration, qu'elle soit bicéphale ou unicéphale. Cette harmonisation du régime s'est accompagnée d'une libéralisation des actes soumis à autorisation. Cependant, certains actes qui étaient libres dans l'administration légale pure et simple sont désormais soumis à autorisation car il a sans doute été jugé dangereux de laisser l'administrateur unique décider seul et sans contrôle de ces opérations. L'harmonisation a eu lieu sur ce point par un nivellement par le bas au détriment des administrateurs conjoints.

Les actes interdits

- La suppression du renvoi aux règles de la tutelle. - L'ordonnance du 15 octobre 2015 a abrogé le renvoi créé à l'article 389-7 du Code civil, qui prévoyait que les règles de la tutelle étaient, pour le surplus, applicables à l'administration légale . Par conséquent, l'article 509 du même code qui prévoit que certains actes sont interdits au tuteur, même avec l'accord du juge, s'appliquait antérieurement aux mineurs. Ce renvoi est supprimé et cet article n'est plus applicable à l'administration légale.
- La liste des actes interdits. - La liste des actes interdits résulte désormais de l'article 387-2 du Code civil qui dispose que l'administrateur légal ne peut, même avec une autorisation :
  • aliéner gratuitement les biens ou les droits du mineur ;
  • acquérir d'un tiers un droit ou une créance contre le mineur ;
  • exercer le commerce ou une profession libérale au nom du mineur ;
  • transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits du mineur.
Cette liste n'est pas exhaustive, car certains textes spéciaux la complètent. Par exemple, l'article 930-1 du Code civil interdit au mineur de renoncer par anticipation à l'action en réduction.
En tout état de cause, le principe demeure la liberté. Les interdictions doivent être prévues par un texte spécial .
- La réduction de la liste des actes interdits. - Nous avons vu précédemment que certains actes qui étaient antérieurement interdits sont devenus possibles sous réserve de l'autorisation du juge. Il s'agit de l'achat d'un bien ou de la conclusion d'un bail sur un bien du mineur au profit de son administrateur, de la constitution d'une sûreté au nom du mineur pour garantir les dettes d'un tiers, de la transaction et du compromis.
Tableau de synthèse des pouvoirs de l'administrateur légal

Le contrôle de l'administration légale

Pour réguler le libéralisme du nouveau régime de l'administration légale, plusieurs mécanismes ont été prévus par la loi.

Le conflit d'intérêts

- La nomination d'un administrateur ad hoc en cas de conflit d'intérêts. - Le premier alinéa de l'article 383 du Code civil dispose que : « Lorsque les intérêts de l'administrateur légal unique ou, selon le cas, des deux administrateurs légaux sont en opposition avec ceux du mineur, ces derniers demandent la nomination d'un administrateur ad hoc par le juge des tutelles. À défaut de diligence des administrateurs légaux, le juge peut procéder à cette nomination à la demande du ministère public, du mineur lui-même ou d'office ».
Ce dispositif qui existait sous le droit antérieur a été complété par l'ordonnance de 2015 qui prévoit désormais que lorsque les intérêts de l'un des deux administrateurs légaux seulementsont en opposition avec ceux du mineur, le juge des tutelles peut autoriser l'autre administrateur légal à représenter l'enfant pour un ou plusieurs actes déterminés . Antérieurement, la nomination d'un administrateur ad hoc s'imposait dans cette situation.
Ce texte d'équilibre et de bon sens pose deux questions pratiques.
- La notion de conflit d'intérêts. - La notion de conflit d'intérêts n'est pas définie. Il s'agit d'une question de fait et, selon la Cour de cassation, les juges du fond déduisent souverainement des éléments de fait l'existence d'une opposition d'intérêts entre l'administrateur légal et le mineur .
Certaines opérations entrent sans discussion dans cette catégorie, notamment lorsque le mineur et son administrateur sont parties au même contrat. Il en est ainsi lorsque l'administrateur acquiert les biens du mineur ou les prend à bail ou lorsqu'ils participent au même partage.
D'autres situations peuvent paraître plus incertaines, par exemple au sein d'une société civile familiale regroupant les parents et les enfants. Des intérêts distincts peuvent s'y opposer. L'intérêt social ne rejoint pas forcément l'intérêt personnel de chaque associé et au sein de la collectivité des associés, l'intérêt des minoritaires s'oppose parfois à celui des majoritaires. C'est pourquoi, en fonction des circonstances, la désignation d'un administrateur ad hoc pour représenter le mineur peut s'avérer opportune pour certaines délibérations et prises de décision lorsque l'assemblée générale réunit notamment un mineur et son administrateur.
- La saisine du juge des tutelles. - Le juge est en principe saisi par l'administrateur légal aux fins de désignation d'un administrateur ad hoc. En cas de défaillance, le juge peut nommer un tel administrateur sur demande du ministère public, du mineur lui-même ou d'office. La question de l'effectivité de la loi se pose. Si l'administrateur ne saisit pas le juge, il est peu probable qu'il le soit par une autre personne. Sauf circonstances particulières pour des familles déjà suivies par les services judiciaires, comment le parquet ou le juge des tutelles peuvent-ils être informés d'un conflit d'intérêts ? Sauf conflit familial, comment le mineur pourrait-il saisir le juge ?
La désignation d'un administrateur ad hoc prévue en cas de conflit d'intérêts pose un problème pratique d'effectivité de la loi et donc de garantie des droits du mineur. La bonne application du texte dépend soit de l'administrateur, soit des tiers informés de l'opération réalisée pour le compte du mineur. S'il s'agit d'un acte notarié, le notaire saisira le juge des tutelles et veillera ainsi au respect des droits du mineur. Mais quid des autres acteurs, notamment des banques ?

Le désaccord entre les administrateurs

- L'intervention du juge dans l'administration légale conjointe. - L'article 387 du Code civil dispose qu'« en cas de désaccord entre les administrateurs légaux, le juge des tutelles est saisi aux fins d'autorisation de l'acte ». Cette situation de désaccord ne peut naturellement se produire qu'en cas d'administration légale conjointe . Le conflit peut porter sur la réalisation d'un acte d'administration ou de disposition. Les actes d'administration peuvent être réalisés par l'un seulement des administrateurs et le conflit surgit par l'opposition positive de l'autre. Les actes de disposition nécessitent l'accord des deux administrateurs et le désaccord se matérialise par l'opposition passive et l'abstention de l'un. Dans les deux cas, l'administrateur qui souhaite la réalisation de l'acte litigieux doit saisir le juge des tutelles afin qu'il l'autorise.
Ainsi dans l'administration légale conjointe, un contrôle mutuel des administrateurs s'opère et l'on peut considérer que cela constitue une garantie de bonne gestion des biens du mineur. Lorsque les administrateurs sont séparés, les enfants représentent souvent les enjeux des querelles des parents et, spécialement dans ces situations, il est sain qu'un magistrat tranche les débats dans l'intérêt du mineur.
- Une moindre protection du mineur dans l'administration légale unique. - Un tel contre-pouvoir n'existe pas dans l'administration légale unique. L'administrateur peut réaliser seul et sans autorisation préalable tous les actes d'administration et tous les actes de disposition à l'exception de ceux interdits et ceux, limitativement énumérés, qui doivent être autorisés par le juge des tutelles. En dehors de ces exceptions, l'administrateur agit librement et sans contrôle a priori.
La loi présume que les représentants légaux ?uvrent dans le sens d'une bonne administration des biens du mineur et l'on peut se féliciter de cette confiance reconnue aux familles. Sans défiance à leur égard, nous considérons cependant que cela constitue une régression de la protection du mineur. La gestion d'un patrimoine nécessite un minimum de connaissances économiques et juridiques et nous avons tendance à croire que deux têtes valent mieux qu'une ; la délibération et le débat ne nuisent jamais à une bonne décision. Cette situation peut être d'autant plus préjudiciable au mineur que la liste des actes libres a été augmentée de manière significative. La constitution d'un régime unique d'administration légale quelle que soit la situation familiale aboutit à une diminution des droits des enfants en présence d'un administrateur unique. L'égalitarisme des familles crée par ricochet une inégalité entre les enfants.

Le contrôle du juge des tutelles

- Le contrôle du juge saisi sur le fondement de l'article 387-1 du Code civil. - L'article 387-1 du Code civil énumère les huit catégories d'actes qui doivent être préalablement autorisés par le juge . Le contrôle opéré par le juge des tutelles porte sur la légalité, mais également sur l'opportunité de l'opération envisagée . Il peut et il doit refuser son autorisation s'il estime que l'acte proposé est contraire aux intérêts du mineur. S'il donne son agrément, le dernier alinéa de l'article 387-1 précise que : « L'autorisation détermine les conditions de l'acte et, s'il y a lieu, le prix ou la mise à prix pour lequel l'acte est passé ».
Avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 octobre 2015, l'article 505, alinéa 3 du Code civil prévoyait que ; « L'autorisation de vendre ou d'apporter en société un immeuble, un fonds de commerce, ou des instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé ne peut être donnée qu'après la réalisation d'une mesure d'instruction exécutée par un technicien ou le recueil de l'avis d'au moins deux professionnels qualifiés ». Par le renvoi de l'article 389-7, cette disposition était applicable aux mineurs. Par la suppression du renvoi aux articles régissant la tutelle, l'article 505 n'est plus applicable aux mineurs. Par conséquent, les mesures d'instruction préalables ont été supprimées.

Conseil pratique

Même si ces mesures ont été supprimées, il est nécessaire de joindre à la requête adressée au juge les documents lui permettant d'apprécier l'équilibre financier de l'opération, son opportunité et ses risques pour le mineur. Ces documents sont le(s) projet(s) d'acte(s), les rapports d'évaluation et, selon la complexité de l'opération, une note de synthèse explicative.

En pratique, lorsqu'une opération a été proposée et préparée par un notaire, force est de constater que le juge des tutelles la valide dans la quasi-totalité des dossiers.

- L'extension de la liste des actes soumis à l'autorisation préalable du juge (C. civ., art. 387-3, al. 1). - L'article 387-3, alinéa 1 du Code civil dispose qu'« à l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable ». Le juge peut ainsi étendre la liste des actes de disposition soumis à son autorisation par rapport à la liste de l'article 387-1. Ce dispositif permet d'adapter sur mesure le régime d'administration légale, mais il pose un problème pratique.

Focus pratique

Cette disposition permet au juge de resserrer son contrôle sur une famille s'il considère que le régime légal, plus libéral qu'auparavant, ne permet pas de protéger suffisamment les biens de l'enfant. Le notaire ou son clerc doit donc vérifier, avant de régulariser un acte de disposition pour le compte d'un mineur non visé à l'article 387-1, que le juge des tutelles n'a pas étendu la liste des actes soumis à son contrôle.
Exemple : Lors du règlement d'une succession, le juge des tutelles devra être saisi afin d'autoriser l'acceptation pure et simple de la succession. Il peut arriver qu'aux termes de l'ordonnance d'acceptation de la succession, le juge ordonne que la vente de tel bien immobilier dépendant de cette succession ou le partage des biens indivis soient soumis à son contrôle.
Mais une telle décision peut également être prise par le juge à l'occasion d'une procédure d'alerte. À défaut de publicité de la mesure, le notaire doit donc interroger les administrateurs ou plus sûrement le juge compétent, à savoir celui du lieu de résidence du mineur. Cette vérification risque d'alourdir le traitement des dossiers, le plus souvent inutilement. Rappelons cependant que la passation d'un acte par une personne non habilitée est frappée de nullité relative. Au minimum, il convient donc de faire déclarer dans l'acte, par le ou les administrateurs, que le juge des tutelles n'a pas soumis à son autorisation préalable la passation de l'acte en question.
- Le contrôle du juge saisi par le déclenchement du dispositif d'alerte (C. civ., art. 387-3, al. 2). - L'article 387-3, alinéa 2 du Code civil dispose que : « Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l'un d'eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci ».
Une procédure d'alerte est donc prévue pour saisir le juge des tutelles. Tout tiers peut et doit en informer le juge s'il a connaissance d'une situation visée par ce texte. Le notaire fait naturellement partie de ces tiers et il ne doit pas omettre ses devoirs.
Rappelons à cet égard que, concernant la procédure de changement de régime matrimonial, l'article 1397 du Code civil, tel qu'il a été modifié par la loi du 23 mars 2019, a supprimé l'homologation judiciaire en présence d'enfant mineur. Le cinquième alinéa de cet article dispose cependant que cette suppression s'accompagne du transfert au notaire de la charge de veiller aux intérêts du mineur en alertant le juge des tutelles si le projet compromet manifestement et substantiellement ses intérêts patrimoniaux ou est de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci. Cette alerte semble, toutefois, n'être qu'une faculté et non une obligation pour le notaire . En cas d'exercice de cette faculté d'alerte par ce dernier, le juge des tutelles pourra ordonner une mesure de contrôle renforcé et soumettre le changement de régime matrimonial à son autorisation.
- La production annuelle d'un compte de gestion. - L'administrateur légal n'est pas tenu de réaliser un compte de gestion, sauf si le juge l'exige, conformément aux dispositions de l'article 387-5 du Code civil. Le ou les administrateurs peuvent alors être contraints de remettre un compte de gestion annuel au directeur des services de greffe judiciaire, puis au mineur âgé de seize ans révolus. Le compte de gestion doit être accompagné des pièces justificatives en vue de sa vérification dont les modalités sont détaillées à l'article 387-5. Cette obligation ne naît que si le juge l'estime nécessaire lors du contrôle exercé soit à l'occasion d'une demande d'autorisation d'un acte listé à l'article 387-1, soit lorsque la situation jugée grave pour les intérêts patrimoniaux du mineur le justifie.
- L'établissement d'un inventaire. - L'ancien article 386 du Code civil prévoyait que la jouissance légale « n'aurait pas lieu au profit de l'époux survivant qui aurait omis de faire inventaire authentique ou sous seing privé, des biens échus au mineur ». Cette disposition a été supprimée par l'ordonnance de 2015 et n'a pas été reprise. Par conséquent, l'inventaire est facultatif et son absence ne prive plus l'administrateur légal de la jouissance des biens du mineur.
Cependant, lorsque le juge des tutelles exerce son contrôle à l'occasion d'une demande d'autorisation ou en cas de déclenchement de la procédure d'alerte, il peut demander à l'administrateur légal qu'un inventaire du patrimoine du mineur soit établi, ainsi qu'un inventaire actualisé chaque année.

Conseil pratique

Bien que l'établissement d'un inventaire ne soit plus obligatoire, nous recommandons à l'administrateur légal et au notaire chargé de la succession d'un parent du mineur, de le réaliser. Il présente deux intérêts. Pour préserver les droits du mineur, cet acte permet d'établir la composition et l'évaluation des biens lui revenant, ce qui constitue la preuve minimum de ses droits. L'inventaire présente également un intérêt pour protéger l'administrateur en cas de recherche ultérieure de sa responsabilité pour faute de gestion.

La sanction des fautes de l'administrateur

- La responsabilité de l'administrateur légal. - L'article 386 du Code civil définit le régime de la responsabilité de l'administrateur légal. Ce dernier est responsable de tout dommage résultant d'une faute quelconque qu'il commet dans la gestion des biens du mineur . Si les deux parents exercent conjointement l'administration légale, ils sont responsables solidairement. L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la majorité de l'intéressé ou de son émancipation.
- La sanction des actes irréguliers. - Aucune sanction n'est prévue en cas de dépassement de pouvoir du représentant légal ou en cas d'accomplissement d'acte interdit. Il convient de se reporter au droit commun des contrats et spécialement à l'article 1156 du Code civil. Le principe est le suivant : l'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté. Cependant, cette inopposabilité ne s'appliquera pas si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant.
Soulignons que l'ordonnance de 2015 n'a pas repris le dispositif de l'article 465 du Code civil en matière de tutelle qui permet de valider a posteriori un acte irrégulier.
- Conclusion de la section 1. Le changement de nature du contrôle des administrateurs. - Le libéralisme de l'ordonnance du 15 octobre 2015 se manifeste par la modification du contrôle judiciaire qui a changé de nature. Avant l'ordonnance, le contrôle du juge des tutelles s'exerçait principalement en amont, pour autoriser ou empêcher la réalisation d'un acte. Dorénavant, le contrôle judiciaire s'exerce principalement en aval, pour évaluer un acte déjà réalisé. Nous sommes passés d'un contrôle a priori à un contrôle a posteriori.
Ce libéralisme manifeste la confiance reconnue aux familles, ce qui est positif. Cependant, les systèmes de protection a posteriori mis en place par l'ordonnance semblent illusoires. Les actes dommageables au mineur auront été réalisés puisque c'est justement leur réalisation qui entraînera l'alerte et le contrôle. Le mal sera fait et il ne pourra plus être réparé. Aucune sanction n'existe en cas de dépassement de pouvoir ou d'exécution d'un acte interdit par le représentant légal. Seule la responsabilité de l'administrateur pourra être engagée en cas de faute, mais les conditions de sa mise en ?uvre rendent illusoire l'indemnisation correcte du mineur.