L'action en réduction est le résultat procuré par l'existence de la réserve héréditaire. Elle est sa concrétisation dans la succession concernée et l'aboutissement de tout le travail liquidatif que nous venons d'exposer. Envisageons les traits de cette action en réduction (Sous-section I) et ses effets (Sous-section II).
L'action en réduction
L'action en réduction
Les caractères de l'action en réduction
- Non automatique. - L'action en réduction doit être demandée par l'héritier réservataire acceptant. Elle n'est pas automatique. Tant que la réduction n'est pas demandée et les calculs permettant de l'établir effectués, les libéralités produisent leurs effets. Cela vaut en premier pour les donations entre vifs qui ont déjà opéré le transfert de propriété. En ce cas, les réservataires doivent prendre l'initiative. Pour les legs, c'est à l'occasion de la demande en délivrance ou d'exécution (paiement du legs) que la réduction va opérer, car elle se traduira, selon la nature du bien légué, soit en exécution partielle soit en fixation d'une indemnité de réduction. Par ailleurs, les réservataires peuvent renoncer à cette action postérieurement au décès. En ce cas, la renonciation n'est pas soumise à un formalisme particulier puisqu'elle porte sur un droit né. La seule condition est que l'héritier ait bien connaissance du droit auquel il renonce
.
- Personnelle mais transmissible. - L'action en réduction appartient aux seuls héritiers réservataires à condition qu'ils viennent à la succession et qu'ils l'aient acceptée. Cette action est transmise aux propres héritiers du réservataire
. Elle peut être exercée par des créanciers personnels de l'héritier réservataire par voie oblique
; par contre, les créanciers de la succession ne peuvent être fondés à demander la réduction et à en profiter.
- Divisible. - Les réservataires peuvent agir en réduction ensemble ou de manière individuelle. Dans le premier cas, le plus fréquent, l'action en réduction aboutit à rétablir l'intégralité de la réserve héréditaire pour être répartie entre eux en fonction de leurs droits. Si elle est exercée de manière individuelle ou par un seul d'entre eux, alors l'action vise simplement à reconstituer sa réserve individuelle. Le gratifié dont la libéralité est réduite ne devra dédommager que le demandeur. Certains héritiers, malgré l'atteinte à leurs droits, peuvent vouloir respecter la volonté de leur auteur.
- Prescriptible. - La réforme des libéralités de 2006
a fortement réduit le délai de prescription de l'action en réduction qui était celui de droit commun, soit trente ans. Désormais l'action en réduction doit être exercée dans les cinq ans à compter du décès ou deux ans à compter du jour où l'héritier a eu connaissance de l'atteinte portée à sa réserve, sans pouvoir excéder dix ans à compter du décès (C. civ., art. 921, al. 2). Les libéralités-partages (donation ou testament) bénéficient d'un délai de prescription de cinq ans à compter du décès (C. civ., art. 1080). La question est de savoir si les réservataires peuvent invoquer le « délai balai » de dix ans. La doctrine est divisée sur ce point. Certains auteurs considèrent que ce délai de cinq ans est le seul qui s'applique
en raison de ce texte spécial dérogeant aux principes.
Les modalités de l'action en réduction
- Sur un plan purement procédural. - La demande de réduction n'est pas enfermée dans un formalisme particulier. Elle peut bien évidemment prendre la forme d'une assignation ayant directement pour objet la réduction de la libéralité excessive, mais elle peut aussi, de manière moins franche, consister en une demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage judiciaire de la succession. Elle peut également être directement formulée auprès du notaire chargé du règlement de la succession
.
- Le versement d'une indemnité. - Depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2007 de la loi du 26 juin 2016, la réduction des libéralités excessives a lieu par principe en valeur, c'est-à-dire par le versement d'une indemnité (C. civ., art. 924, al. 1er). Ce principe, que nous avons déjà vu, souffre deux exceptions dans lesquelles la réduction aura lieu en nature :
- lorsque le gratifié lui-même en fait la demande. En ce cas, le bien doit être libre de toute charge et de toute occupation de son fait (C. civ., art. 924-1, al. 1) et il ne peut plus exercer ce choix après l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la mise en demeure par l'héritier d'opter (C. civ., art. 924-1, al. 2) ;
- lorsqu'elle a lieu contre le tiers acquéreur du bien objet de la libéralité, en cas d'insolvabilité de l'héritier (C. civ., art. 924-4) .
- Le montant de l'indemnité : évaluation au jour du partage. - Il s'agit là d'une subtilité liquidative. Si l'excès de la libéralité est calculé au jour du décès (masse de calcul de la quotité disponible et imputations), le montant de la réduction est revalorisé au jour du partage. En somme, à la date du décès il est déterminé un coefficient de réduction de la libéralité excessive que l'on applique ensuite à la valeur du bien donné dans son état non pas au jour du décès, mais à la date du partage (C. civ., art. 924-2, al. 1er). Cette dette de valeur est semblable à celle que nous connaissons pour le rapport des donations.
- Les intérêts produits par l'indemnité de réduction. - L'indemnité de réduction doit en principe être payée comptant le jour où elle est liquidée, c'est-à-dire théoriquement le jour où l'acte de liquidation-partage est signé. C'est pour cela qu'elle produit intérêt au taux légal à compter de cette liquidation (C. civ., art. 924-3). Le délai de paiement peut être accordé par les héritiers réservataires ou, si le gratifié bénéficie d'une attribution préférentielle, par le juge sans pouvoir excéder dix ans.
- Propos conclusifs sur la mise en œuvre de la réserve héréditaire. - On voit bien, à l'examen de ces règles, que certaines d'entre elles sont relativement complexes. Néanmoins, elles ont pour fonction d'établir un juste équilibre de protection entre les proches que sont les réservataires (les proches désignés par la loi), les gratifiés (proches désignés par le de cujus), et la volonté même du défunt. Ces règles donnent finalement lieu à relativement peu de jurisprudence et à peu d'incertitudes malgré leur technicité. Elles pourraient être affinées ou complétées mais, globalement, elles répondent bien à cet objectif de protection équilibrée.