La protection liquidative de la donation-partage
La protection liquidative de la donation-partage
Un allotissement libre, mais nécessaire
Une grande liberté pour mieux protéger
La liberté dans la composition des lots
Une liberté tous azimuts
Les soultes payables à terme et la protection des parties
À la fois le débiteur de la soulte payable à terme et le créancier de la soulte bénéficient d'une protection :
L'incorporation de donations antérieures
- pour le donataire « incorporant » : la donation intégrée à la donation-partage n'est plus, par la nature de cette dernière, rapportable. Il est donc, comme tous les autres copartagés, exonéré du rapport. Il y aura donc unicité de traitement des héritiers, ce qui n'aurait pas été le cas si la donation antérieure n'avait pas été incorporée. Ainsi il ne sera plus comptable envers ses cohéritiers des plus-values (et des moins-values) afférentes au bien. L'avantage est donc considérable pour lui, car il n'est plus sous cette épée de Damoclès de l'évaluation fluctuante de son indemnité de rapport ;
- pour tous les copartagés dont le donataire « incorporant » : si tous les présomptifs héritiers participent à la donation-partage récapitulative (avec incorporation) et si les conditions de l'article 1078 du Code civil sont réunies (absence de réserve d'usufruit sur une somme d'argent), alors le gel des valeurs pour le calcul de la quotité disponible et l'imputation profitera à tous. Les seules valeurs à prendre en compte seront celles de la donation-partage ;
- pour le disposant et pour tous les copartagés : la faculté d'incorporation permet de rectifier les erreurs passées ou d'adapter la répartition des biens à une situation nouvelle. Il est possible de redistribuer les biens antérieurement donnés, que ces donations antérieures aient été faites sous forme de donations individuelles ou de donations-partages. Il n'est même pas nécessaire que la donation-partage procédant à ces incorporations comprenne d'autres biens. Aucune limite ne plafonne cette faculté d'incorporation. On pourrait donc envisager d'empiler ainsi plusieurs donations-partages en faisant changer les biens d'attributaires. Cela n'est pas sans difficulté, notamment si les attributaires ont apporté des améliorations sur les biens incorporés, car ils doivent en être dédommagés.
La fiscalité de l'incorporation
En la matière, le droit fiscal suit l'analyse civile de l'incorporation en ce qu'elle ne constitue pas une libéralité supplémentaire du disposant envers les copartagés ou entre les copartagés eux-mêmes. C'est donc le droit de partage (actuellement de 2,5 %) qui est dû sur les donations incorporées (les donations nouvelles sont exonérées du droit de partage). Si la donation incorporée est un don manuel non révélé, alors la révélation a lieu par la donation-partage, ce qui engendre sa taxation aux droits de donation et corrélativement sa non-soumission au droit de partage.
Le changement d'attributaire n'engendre pas de taxation particulière autre que celle du droit de partage, à l'exception de la contribution de sécurité immobilière si le bien est un immeuble
. Cette mutation entre attributaires a donc lieu à moindres frais
.
La liberté quant à l'appréciation de l'égalité des lots
Chercher davantage l'équilibre que l'égalité
Nous venons de le voir, une donation-partage peut être inégalitaire, mais cette rupture d'égalité, ostensible dans l'acte, ne posera pas véritablement de difficultés dans la mesure où elle est connue et acceptée par tous. Il peut en aller différemment si une donation-partage est d'apparence parfaitement égalitaire, mais profondément inéquitable. Ce sera le cas lorsque certains biens seront donnés en nue-propriété et d'autres en pleine propriété, car certes le contrat devient aléatoire en raison du droit viager qu'est l'usufruit, mais si l'extinction de ce droit se fait attendre ou si elle a lieu de manière précoce, la donation peut devenir un partage profondément injuste. Sans parler de revenir à un principe d'égalité en nature, il est malgré tout nécessaire, afin d'éviter des querelles futures, que les lots soient constitués par des biens et droits de même nature. En cas de démembrement, si certes le barème fiscal s'impose pour le calcul des droits d'enregistrement, rien n'empêche de faire appel à un barème plus précis ou à une évaluation économique de l'usufruit pour composer et évaluer les lots.
L'impossibilité d'attributions indivises
- chacun dans son lot des droits indivis sur des mêmes biens (quotités identiques ou non) ;
- les uns des droits indivis sur des biens, les autres des biens divis ;
- certains des droits indivis et une soulte (somme d'argent) et les autres des biens divis ;
- chacun des biens divis, et tous ou seulement certains d'entre eux en plus des droits indivis sur d'autres biens ;
- tous des droits divis et des droits indivis .
- la donation devient sujette au rapport et chacun des héritiers devra rapporter son lot alors qu'en principe la donation-partage n'est pas rapportable. Ce n'est a priori pas le plus gênant si l'on s'arrête là, car si les lots ne sont pas équivalents en valeur au jour du partage de la succession, alors il y aura des indemnités de rapport à verser par certains ;
- l'article 1078 du Code civil ne pourra s'appliquer et les biens donnés seront réunis fictivement pour le calcul de la quotité disponible pour leur valeur au jour du décès (C. civ., art. 922). Cela devient un peu plus ennuyeux, car celui qui pensait pouvoir estimer le montant de son attribution est menacé de réduction si son bien a bénéficié de fortes plus-values ;
- la prescription abrégée de cinq ans à compter du décès spécifique aux libéralités-partages (C. civ., art. 1077-2) ne s'appliquera pas et le délai de droit commun porté à dix années maximum aura vocation à jouer ;
- le partage successoral qui sera fait suite à cette disqualification sera lui-même sujet à lésion, alors que la donation-partage ne l'est pas ;
- les éventuelles réincorporations figurant dans la donation-partage pourraient être remises en cause ;
- l'article 1077-1 du Code civil et ses règles liquidatives particulières ne s'appliquent pas et c'est le droit commun qui le remplace.
La donation-partage, une protection liquidative ?
Une protection de principe
La donation-partage « par rapport au rapport »
- la masse de calcul des droits du conjoint survivant : la question est simple , les biens objets d'une donation-partage doivent-ils être intégrés à la masse de calcul des droits légaux du conjoint survivant ? La doctrine est divisée et la jurisprudence insuffisante pour avoir dégagé une solution. La première thèse consiste à faire une lecture littérale de l'article 758-5 du Code civil qui semble ne soumettre à cette masse que les libéralités rapportables, la donation-partage n'étant pas rapportable la logique veut qu'elle ne soit pas prise en compte dans cette masse de calcul . La seconde thèse tend à faire prévaloir l'esprit sur la lettre en considérant que ce n'est pas le caractère rapportable de la donation qui doit être pris en compte, mais celui d'avance sur part successorale, et c'est ainsi qu'une partie de la doctrine est favorable à porter en cette masse les biens figurant dans les donations-partages réalisées par le de cujus. Seul un jugement du tribunal de grande instance de Paris a tranché la question dans un sens favorable à l'exclusion de ces biens de cette masse de calcul ce qui tend à réduire les droits du conjoint survivant. La question n'étant pas réglée, il semble possible de fixer conventionnellement la règle dans la donation-partage ;
- la limite de la réserve héréditaire de chacun : si la donation-partage n'est pas rapportable et peut être inégalitaire, cela ne peut être que dans une certaine mesure, celle de l'ordre public successoral et plus particulièrement des droits réservataires de chacun des héritiers. En d'autres termes, la donation-partage est une exception à l'égalité et à la dévolution légale (ce que garantit le rapport), mais dans la limite de la quotité disponible. Nous verrons plus loin les modalités et les incertitudes quant à la liquidation des droits en présence d'une donation-partage.
Quant à la réduction : le gel des valeurs et la prescription abrégée
L'article 1078 du Code civil : une protection liquidative
- que les plus-values fortuites sont prises en compte, mais pas les plus-values dues aux améliorations faites par le donataire ;
- que, par le jeu de la subrogation, les investissements faits par le donataire au moyen des biens donnés profiteront aux cohéritiers. Ces règles peuvent sembler empreintes d'un certain aléa, voire d'une profonde injustice.
- pour les héritiers allotis, mais aussi pour les tiers également allotis à cet acte (donation d'entreprise) ;
- pour les donations incorporées à la donation-partage (valeur à l'acte de donation-partage).
- la présence ou la représentation de toutes les souches : pour jouer, l'article 1078 du Code civil exige que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés aient non seulement accepté la donation-partage, mais aient également reçu un lot dans cette opération de partage. Il s'agira bien évidemment des descendants ; si un nouvel enfant apparaît postérieurement à l'acte de donation-partage, le jeu de l'article 1078 sera exclu. Si, à défaut de descendant, l'héritier réservataire est le conjoint, alors celui-ci devra avoir été impérativement alloti dans l'acte. Son simple consentement à l'acte ne suffit pas. N'oublions pas que le conjoint d'un jour n'est pas forcément celui du décès… ;
- l'absence de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent : l'hypothèse est simple. Un des copartagés se trouve attributaire d'une somme d'argent grevée d'un quasi-usufruit au profit du donateur. Il en résulte que son lot est une créance portant sur une somme d'argent qu'il pourra recouvrer sur la succession au décès du donateur. Le montant de cette créance est fixé dans l'acte de donation. Par le jeu de l'érosion monétaire son lot, inéluctablement, subira une baisse de valeur. Le gel des valeurs, s'il était applicable, ne tournerait qu'à sa défaveur et doublement : en ne bénéficiant pas des plus-values sur les autres biens et en subissant l'érosion de son lot… aussi la loi a-t-elle voulu corriger cette situation injuste. Cette protection consiste à faire profiter cet attributaire des plus-values faites par les autres ;
- enfin, le jeu de l'article 1078 du Code civil est soumis à l'absence de clause contraire dans l'acte de donation. C'est-à-dire que ce gel des valeurs est supplétif de volonté et que les parties peuvent bien naturellement renvoyer au droit commun pour le calcul de réserve héréditaire, de la quotité disponible et des imputations. Ce rejet de l'article 1078 peut être justifié dans certaines hypothèses (par ex., dans la donation-partage transgénérationnelle).
- si le de cujus n'a pas consenti d'autres libéralités non incorporées à la date de la donation-partage. La règle produit tous ses bénéfices et le partage ne peut être remis en cause, sauf non-respect de la réserve individuelle de l'un ou l'autre des héritiers. Les comptes n'auront pas à être faits ;
- si le de cujus a consenti des donations autres que la donation-partage (non incorporée), alors il y aura deux règles d'évaluation : celle de la donation-partage avec des valeurs qui, en principe, devraient être minorées par rapport aux résultats qu'auraient donnés les règles normales, et celle de l'article 922. Pour les autres donations, il peut en résulter que les copartagés, par cette dualité de règle et la minoration dont ils bénéficient, ne soient pas remplis de leur réserve individuelle, et que par là même les autres donations subissent une réduction ;
- enfin, cette règle a pour effet mathématique de minorer la masse de calcul de la quotité disponible, ce qui hypothèque de facto la liberté testamentaire du disposant.
- sur le plan textuel, ce texte dérogatoire ne prévoit pas cette application alternative ;
- sur le plan purement contractuel, cela confère au disposant un pouvoir important qui lui permet de manière unilatérale, potestative, de changer profondément les règles du jeu auxquelles les héritiers avaient adhéré (imaginons : un père a donné tous ses biens par donation-partage, puis pour des raisons personnelles il se « brouille » avec l'un de ses enfants qui avait été alloti d'un bien dont la valeur a augmenté. Même s'il ne lui reste plus rien à donner, il lui suffirait d'instituer un autre de ses enfants légataire universel pour que celui avec qui il est fâché ait à rendre une portion de son lot qu'il se croyait définitivement acquis…). Cela conférerait un certain arbitraire dans cette protection que l'article 1078 du Code civil donne à tous les copartagés.
La prescription abrégée offerte par la donation-partage
Les incertitudes liquidatives : une protection à préciser…
La donation-partage et la protection de la réserve héréditaire
- la donation-partage est une libéralité en avancement de part successorale ;
- le liquidateur doit se borner à vérifier que chacun des réservataires est rempli de sa réserve héréditaire. Si ce n'est pas le cas pour l'un d'entre eux, alors il doit être rempli de ses droits soit au moyen de l'actif existant non légué, soit par le biais d'une indemnité de réduction. Ce dernier cas est le plus simple. L'indemnité de réduction est calculée conformément aux règles classiques : les legs sont réduits concurremment sauf stipulation de rang et les donations - dont la donation-partage - sont aussi réduites en commençant par les plus récentes. L'hypothèse où l'actif existant non légué est suffisant pour compléter la part de réserve de l'héritier insuffisamment alloti est curieusement plus complexe, car pas véritablement tranchée. Deux méthodes liquidatives s'opposent. Elles ont été retenues la première par le tribunal de grande instance de Carpentras , et la seconde par le tribunal de grande instance de Paris .
Tableau comparatif : « Paris-Province »
La protection du projet successoral du disposant
L'apparition d'un nouveau successeur : la protection de l'héritier non conçu lors de la donation-partage
La renonciation par un copartagé à la succession du donateur
L'article 1078 du Code civil et la renonciation d'un copartagé