La mission et les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire

La mission et les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire

- L'exécuteur testamentaire : le protecteur des dernières volontés. - Le droit de tester est un droit individuel fondamental garant de la liberté de l'homme. À ce titre, il doit être protégé. Cette protection est certes due au profit du testateur qui n'est plus de ce monde, mais surtout au profit des légataires bénéficiaires du testament. L'exécution du testament est abandonnée aux successeurs saisis, maîtres du règlement de la succession, débiteurs de l'exécution des legs. Les droits des légataires sont en quelque sorte dépendants de leur bonne volonté, de leur diligence. L'exécuteur testamentaire va exercer un contre-pouvoir de ces successeurs saisis en les contrôlant, voire en exécutant lui-même certaines dispositions du testament ou tâches liées au règlement de la succession.
- Une protection graduée. - La mission, et corrélativement les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire, sont susceptibles d'une gradation. En effet, son rôle va être fonction de :
  • la mission qui lui est assignée par le testateur lui-même ;
  • l'existence ou non d'une réserve héréditaire.
Ainsi l'exécuteur testamentaire, dans sa mission minimaliste, aura davantage un rôle de contrôleur de l'exécution par les successeurs du testament. Elle correspond aux pouvoirs figurant aux articles 1028 et 1029 du Code civil. Le testateur pourra lui confier la mission de vendre le mobilier de la succession pour payer les legs particuliers de sommes d'argent, dans la limite du disponible bien évidemment (c'est l'article 1030). En l'absence de réservataire, le testateur, en application de l'article 1030-1, du Code civil, peut aller au-delà en conférant à son exécuteur la mission de vendre les biens de la succession pour la rendre liquide et en répartir le produit entre les légataires.

La conservation et le contrôle : la protection minimale

L'exécuteur testamentaire : incarnation des dernières volontés

La mission de protection du testament lui-même

- Protection dans la validité et dans la signification du testament. - Si litige il y a sur la validité du testament ou son interprétation, alors l'exécuteur testamentaire doit intervenir au procès. Soit il est mis directement en cause par les parties, soit il intervient de lui-même à la procédure. Cette participation au procès est une obligation pour lui ; s'il n'intervient pas, sa responsabilité pourrait être engagée. Son rôle est de permettre, en tant « qu'homme de confiance du défunt », d'éclairer le juge dans la résolution du litige qui peut porter sur la validité du testament (respect des conditions de forme ou de fond) ou sur son interprétation. De la même manière, s'il est établi un acte d'interprétation du testament avec l'accord unanime des protagonistes (héritiers et légataires), l'exécuteur testamentaire doit intervenir à cet acte même en l'absence de tout procès.
Ce premier rôle de l'exécuteur testamentaire est essentiel. Il confère à ce personnage un vrai rôle de protection des dernières volontés, car leur validité et leur interprétation sont des préalables nécessaires à leur exécution.

La mission morale de l'exécuteur testamentaire

- La dimension morale du testament. - La mission de l'exécuteur testamentaire en matière de propriété littéraire et artistique va se concentrer sur les composantes morales du droit d'auteur et non pas sur ses prérogatives pécuniaires . Là aussi, la mission de l'exécuteur testamentaire peut faire l'objet d'une gradation : avec une mission minimale qui concernera les œuvres posthumes et une mission étendue qui portera sur la surveillance du respect de l'ensemble de l'œuvre. Cette gradation est fonction de la volonté du testateur.

Formule de désignation d'un exécuteur testamentaire

<strong>1) Exécution testamentaire de base</strong>

« Je désigne pour mon exécuteur testamentaire M. … demeurant à … et à défaut M. …, demeurant à …

Il veillera à la bonne exécution de mon testament.

Tous mes documents, papiers et correspondances personnels lui seront confiés afin qu'il juge ceux qui pourront être remis à mes héritiers. Il pourra éventuellement détruire ceux qu'il estimera ne pas devoir être transmis.

Je lui attribue à titre de rémunération forfaitaire pour ses services la somme de … euros. »

<strong>2) Exécution testamentaire avec pouvoirs supplémentaires</strong>

« Je désigne pour mon exécuteur testamentaire M. … demeurant à … et à défaut M. …, demeurant à …

Il veillera à la bonne exécution de mon testament.

Tous mes documents, papiers et correspondances personnels lui seront confiés afin qu'il juge ceux qui pourront être remis à mes héritiers. Il pourra éventuellement détruire ceux qu'il estimera ne pas devoir être transmis.

Mon exécuteur testamentaire exercera le droit de divulgation de mes œuvres posthumes. Il sera également chargé, sa vie durant, de veiller au respect et à la paternité de mon œuvre.

Conformément à l'article 1030 du Code civil, mon exécuteur testamentaire pourra prendre possession du mobilier et éventuellement le vendre pour acquitter les legs de sommes d'argent ci-dessus prévus. »

<strong>3) Exécution testamentaire avec mission de liquider et partager (absence de réservataires)</strong>

« Je désigne pour mon exécuteur testamentaire M. …, demeurant à … et à défaut M. …, demeurant à …

Il veillera à la bonne exécution de mon testament.

Tous mes documents, papiers et correspondances personnels lui seront confiés afin qu'il juge ceux qui pourront être remis à mes héritiers. Il pourra éventuellement détruire ceux qu'il estimera ne pas devoir être transmis.

Conformément aux articles 1030 et 1030-1 du Code civil, mon exécuteur testamentaire pourra prendre possession de tous les biens de ma succession. Il les vendra pour acquitter le passif et les charges de ma succession à l'exception des biens légués à titre particulier et il répartira ce qui restera conformément aux dispositions ci-dessus.

Je lui attribue à titre de rémunération une somme égale à … % <strong><em>(par exemple 2 %)</em></strong> de l'actif brut liquidé. »

La propriété littéraire et artistique
- Protection des œuvres posthumes. - Les œuvres posthumes sont celles qui n'ont pas été rendues publiques du vivant de l'auteur . La divulgation d'une œuvre consiste en sa mise au contact du public . Le droit de divulgation des œuvres appartient à l'auteur, il lui est souverain et arbitraire et relève d'une liberté fondamentale. L'article L. 121-2, alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle dispose que ce droit est transmis en premier à l'exécuteur testamentaire, sa vie durant, puis à son décès ou à défaut d'exécuteur aux descendants, au conjoint non séparé de corps, puis aux légataires universels. Le tout sauf volonté contraire du défunt. Cette dévolution anomale est fondée sur une forte présomption de fidélité à l'auteur et à sa volonté qui, ainsi incarnée en la personne de l'exécuteur, va transcender sa mort . En effet, l'héritier des droits pécuniaires peut-il exercer ce droit dans le respect de la volonté de l'auteur, sachant que de cette divulgation vont dépendre les attributs pécuniaires de l'œuvre . C'est donc l'exécuteur testamentaire, cet ami de grande confiance qui, incarnant la volonté du défunt, exercera de manière exclusive et jusqu'à sa propre mort ce droit de divulgation. Toutefois, ce droit au décès n'est plus arbitraire et l'exécuteur doit l'exercer dans le respect de la volonté de l'auteur défunt et au service de l'œuvre . À défaut, il serait coupable d'abus de droit qui pourrait lui être reproché (soit parce qu'il a divulgué inconsidérément l'œuvre, soit parce qu'il s'obstine à refuser cette divulgation). En ce cas, il incombe à ceux qui lui font ce reproche de démontrer que cette attitude de l'exécuteur est fautive. Ce dernier, en effet, bénéficie d'une présomption de fidélité à la volonté de l'auteur . Cette présomption s'inverse pour les dévolutaires suivants. Cette mission de l'exécuteur lui est viagère et, dans bien des cas, dépassera les deux années prescrites à l'article 1032 du Code civil.
- Protection morale de toute l'œuvre. - Le testateur peut augmenter le rôle de l'exécuteur testamentaire quant à la protection de l'œuvre du défunt en lui confiant dans le testament la mission de veiller au respect de son œuvre et de contrôler que sa paternité ne soit pas bafouée . Cette mission s'applique à toutes les œuvres divulguées de l'auteur.
L'autre mission morale
- Protection du secret et de la vie privée du testateur. - Il est communément admis que l'exécuteur testamentaire a pour mission de prendre possession des archives personnelles du de cujus, d'en faire le tri, de détruire ce qui lui semble inutile ou ce qui doit rester secret, et de remettre éventuellement aux héritiers les documents, correspondances, photographies, et autres supports électroniques . Ce pouvoir non prévu par les textes s'applique même en présence d'héritiers réservataires. Ce pouvoir appartient-il à l'exécuteur testamentaire de par sa seule qualité ou faut-il que le testateur l'ait expressément prévu ? Faute de réponse tranchée, il est fortement conseillé au testateur de préciser cette mission dans son testament. On pourrait également étendre ce pouvoir de l'exécuteur testamentaire aux formes numériques de ces documents.

La mission conservatoire

- La protection de l'hérédité. - La réforme de 2006 a opéré un double changement en affirmant de manière générale le caractère conservatoire de la mission de l'exécuteur, tout en supprimant le caractère obligatoire de certaines mesures conservatoires, laissant ainsi à l'exécuteur l'appréciation de l'utilité de la mesure à prendre. Cette mission conservatoire de l'exécuteur testamentaire est rappelée à l'article 1305 du Code de procédure civile. C'est ainsi que l'apposition des scellés et l'inventaire sont devenus des mesures facultatives pour l'exécuteur testamentaire, alors qu'elles s'imposaient dans les textes de 1804. L'exécuteur testamentaire doit prendre toute mesure conservatoire utile à la bonne exécution du testament. Ces mesures peuvent être des actes conservatoires au sens juridique, comme des sûretés, des mesures d'exécution, des actes suspensifs de prescription, l'apposition des scellés (CPC, art. 1307), l'inventaire (CPC, art. 1328), etc. Elles peuvent également consister en des actes matériels comme la mise en garde-meuble du mobilier successoral, la location d'un coffre-fort pour y entreposer les objets de valeur, la mise en dépôt ou sous séquestre de certains biens, la souscription d'une police d'assurance de biens ou la déclaration de sinistre auprès de la compagnie d'assurance. L'exécuteur testamentaire peut même agir en référé pour solliciter une mesure urgente, comme l'interdiction de divulguer des œuvres posthumes. Il a également pleine qualité pour prendre les inscriptions d'hypothèque conférée aux légataires par les articles 1017 et 2400, 4o du Code civil, ou renouveler des inscriptions garantissant les créances successorales. L'exécuteur testamentaire provoquera la vente du mobilier successoral pour payer les dettes urgentes si les liquidités ne sont pas suffisantes. Cette mission de l'exécuteur testamentaire s'inscrit dans son rôle conservatoire, car le paiement des créanciers permet d'éviter des mesures de saisie, le versement d'intérêts ou de pénalités de retard.
Cette mission conservatoire constitue un véritable devoir pour l'exécuteur testamentaire. Elle révèle sa fonction protectrice de l'hérédité et des biens qui la composent, permettant ainsi une meilleure exécution du testament.

Contraindre les héritiers à l'exécution

- Protection contre les héritiers récalcitrants. - L'exécuteur testamentaire doit intervenir au procès dont l'objet est l'exécution du testament. Il dispose même du pouvoir de prendre l'initiative de la procédure en agissant en justice contre les successeurs afin de les obliger à l'exécution des dispositions testamentaire . Il s'agit là de son rôle primitif et essentiel qui justifie sa désignation. C'est en ce sens que l'exécution testamentaire est une garantie du respect des dispositions testamentaires . La désignation d'un exécuteur testamentaire peut revêtir une utilité certaine dans un testament-partage, l'exécuteur obligeant, par ses pouvoirs, les héritiers à la répartition imposée par le de cujus .
Dans cette mission de base, l'exécuteur testamentaire est un contrôleur testamentaire plus qu'un véritable exécuteur ; il ne participera à l'exécution que si des missions complémentaires lui sont confiées par le testateur.

L'exécution du testament : la protection médiane

- Appréhension et vente du mobilier pour payer les legs. - Le testateur peut habiliter son exécuteur à prendre possession du mobilier successoral et à le vendre si nécessaire pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible. Ce pouvoir confié à l'exécuteur, en application de l'article 1030 du Code civil, se distingue en plusieurs points de son ancienne saisine (C. civ., art. 1026 et 1027 anciens).
Cette mission s'en écarte :
  • en ce qu'elle est limitée par l'existence d'une réserve héréditaire ;
  • en ce qu'elle autorise l'exécuteur à vendre lui-même les biens détenus pour payer les legs alors que l'ancienne saisine ne l'autorisait qu'à les retenir jusqu'au complet paiement des legs ;
  • et, sans doute, en ce que l'assiette de cette possession est différente car des termes employés on peut considérer qu'il ne s'agit que des meubles corporels (sinon on parlerait de cession) , alors qu'il était admis que l'ancienne saisine portait sur tous les meubles sans restriction.
Elle s'en rapproche :
  • en ce qu'elle porte sur le mobilier successoral ;
  • en ce qu'elle est orientée vers l'exécution des legs de sommes d'argent ;
  • et en ce qu'elle permet à l'exécuteur d'entrer en détention du mobilier successoral.
Il est permis de penser que cette possession s'applique à tout ce mobilier successoral, réserve ou pas. Par contre, le droit de vendre ces objets mobiliers pour acquitter les legs de sommes d'argent sera bien évidemment limité par la quotité disponible sur laquelle il ne peut empiéter. L'exécuteur, et c'est une nouveauté de 2006, peut de lui-même vendre ces biens sans qu'aucune forme ne soit prescrite. Il peut donc les vendre tout simplement à l'amiable, au prix qu'il estime juste. Toutefois, l'exécuteur doit faire preuve d'une grande prudence car ce pouvoir porte une forte atteinte au droit de propriété des successeurs. Une information préalable des héritiers et un prix de vente fixé à dire d'expert ou au cours d'une vente publique seraient de nature à démontrer que les biens successoraux n'ont pas été bradés par l'exécuteur testamentaire. Rappelons qu'il s'agit ici d'une vente de la chose d'autrui licite. C'est également pour cela que cette vente est limitée par ce qui est nécessaire pour acquitter le passif et les legs de sommes d'argent. Le paiement des legs et du passif directement par les héritiers met immédiatement fin à ce pouvoir de l'exécuteur testamentaire. En présence de réservataire il semble évident que ce pouvoir ne peut s'exercer sans une liquidation préalable de la quotité disponible et sans avoir procédé à l'imputation des libéralités.

Le partage : la protection optimale

- Vente des immeubles, paiement du passif et des charges. - La réforme de 2006 a entériné une jurisprudence très ancienne qui permettait au testateur de conférer à son exécuteur le soin de vendre ses immeubles pour permettre de payer le passif et les legs. Cette mission n'était possible qu'en l'absence d'héritier réservataire. En effet, l'article 1030-1 du Code civil prévoit « qu'en l'absence d'héritier réservataire acceptant, le testateur peut habiliter l'exécuteur testamentaire à disposer en tout ou partie des immeubles de la succession, recevoir et placer les capitaux, payer les dettes et les charges (…) ». Une fois l'absence d'héritier réservataire valablement constatée dans un acte de notoriété éventuellement envoyé en possession, l'exécuteur a toute liberté pour choisir les modalités de la vente : vente amiable ou vente sur adjudication volontaire. Il peut également avoir recours aux services d'un intermédiaire pour trouver un acquéreur. Pour autant, l'exécuteur testamentaire, en tant que vendeur de la chose d'autrui, devra être extrêmement prudent dans la fixation des conditions de la vente et surtout de son prix. Il devra avoir pris des précautions particulières pour être en mesure de justifier ce prix de vente. La seule protection prévue en faveur des héritiers est une mesure d'information car ils doivent être prévenus au préalable de la vente des immeubles, et ce sous peine d'inopposabilité (C. civ., art. 1030-1, al. 2). Les formes de cette information ne sont pas précisées par le texte, mais l'exécuteur testamentaire doit être en mesure d'en prouver le respect. Aussi une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, semble être le minimum. L'acte de vente doit, à l'évidence, contenir les justifications de cette information préalable.
L'exécuteur testamentaire perçoit le prix de vente et le place. Au moyen de ces prix, l'exécuteur paiera le passif et les charges, et pas seulement ceux qui sont urgents, car c'est un préalable au paiement des legs de sommes d'argent et au partage de la succession.
- Le partage. - L'exécuteur testamentaire a ici la mission de répartir de l'actif successoral en procédant « à l'attribution ou au partage des biens subsistants entre les héritiers et les légataires » . Deux lectures de ce texte sont possibles :
  • soit il ne s'agirait que de la répartition entre les héritiers du sang d'un côté, et les légataires de l'autre . Cette situation est rare en pratique, car si le testateur veut laisser certains biens ou une partie de son patrimoine à ses héritiers du sang, il y a fort à parier qu'il les aura « transformés » en légataires. Cette lecture restrictive ne doit pas être retenue ;
  • soit l'exécuteur a le pouvoir de confectionner les lots avec l'actif restant et de les attribuer ; il s'agira très probablement de sommes d'argent. Aucune règle de forme n'est édictée pour ce partage. Néanmoins, l'élaboration d'un partage écrit et signé par les copartagés/copartageants nous paraît nécessaire puisqu'il actera l'accomplissement par l'exécuteur de sa mission et il constituera le titre des légataires.