La végétalisation des rues, des toits et façades des bâtiments, et de tout autre espace disponible en ville est une nécessité collective. L'identification des enjeux de la végétalisation permet le recensement d'une partie des maux dont souffre la ville compacte. La ville de demain est inconcevable sans une intégration accrue d'espèces végétales répondant aux enjeux environnementaux et sanitaires (§ I), patrimoniaux (§ II) et économiques (§ III).
Les multiples enjeux de la végétalisation de la ville
Les multiples enjeux de la végétalisation de la ville
Les enjeux environnementaux et sanitaires
Les pays ayant participé à la conférence internationale de Paris sur le climat du 30 novembre au 12 décembre 2015 ont signé un accord contraignant pour contenir la hausse du réchauffement climatique planétaire en dessous de 2 °C (V. n° ). La végétalisation constitue une partie de la solution dont l'efficience dépend du traitement qualitatif et quantitatif des espèces et procédés employés
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– D'un îlot de chaleur à un îlot de fraîcheur. – À Paris, la nuit du 21 juin 2017 a été la plus chaude jamais enregistrée ce même mois depuis 1872. Le lendemain, les 37 °C relevés dans la capitale étaient de quatorze points supérieurs à la normale
1502271839115. Le dérèglement climatique expose régulièrement la France à des pics de forte chaleur. Les urbains en sont les premières victimes, les villes engendrant des « îlots de chaleur » dans lesquels les températures s'élèvent plus qu'ailleurs et redescendent moins le soir, auto-alimentant le phénomène. En cause, la conception et les matériaux urbains emmagasinant la chaleur avant de la restituer dans l'atmosphère, les activités industrielles, la circulation routière et les climatiseurs. A contrario, le manque de végétation nuit au rééquilibrage des températures. À ce titre, la végétalisation des façades et des toits en complément des parcs publics est incontestablement bénéfique. L'air ambiant est rafraîchi et humidifié grâce à l'évapotranspiration des végétaux
1502274167946. Au cours de la journée, la température d'une zone bénéficiant d'une canopée d'arbres matures est inférieure d'en moyenne 3 °C par rapport à une zone sans arbres
1502282859126. Par ailleurs, un îlot de fraîcheur entraîne une diminution des besoins en climatisation, réduisant d'autant les sources de réchauffement climatique.
– Pollution de l'air, captation du CO². – Les végétaux font partie des stratégies développées pour atténuer les températures, piéger les polluants de l'air et améliorer la santé de la population. Si les arbres sont connus pour capter le CO², d'autres espèces y contribuent également. L'imagination n'a pas de limite. Des entreprises ont ainsi développé une activité de production de murs végétaux à installer à l'intérieur des bâtiments
1515236008082. Les bienfaits de l'amélioration de l'isolation et de l'hygrométrie de l'air ambiant profitent aux occupants.
Récemment, une colonne Morris d'un nouveau genre a été installée dans le 14e arrondissement de Paris. Il s'agit d'une colonne remplie d'eau dans laquelle croissent des millions de micro-algues fixant le gaz carbonique présent dans l'air. L'air purifié est ensuite expulsé vers l'extérieur. Des spécialistes affirment qu'un puits de carbone de un mètre cube d'eau permet de fixer une quantité de CO² équivalente à celle de 100 arbres
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– Isolation thermique et phonique. – Faire pousser un tapis végétal composé de végétaux enracinés dans la terre sur une toiture améliore l'isolation et l'inertie thermique des bâtiments, ainsi que l'isolation phonique
1502284992126. Le toit végétal produit principalement des effets bénéfiques pour le dernier étage, tandis que la façade végétale agit sur toute la hauteur du bâtiment.
– Gestion des eaux de pluie. – La nature est résiliente, à l'image de certaines zones en Inde capables d'absorber des millions de mètres cubes d'eau à chaque mousson grâce à un nombre incalculable de plantes. Après les pics de chaleur, les épisodes orageux ne sont jamais très loin. Les toitures et façades végétalisées inspirées par les écosystèmes naturels retiennent les eaux pluviales, réduisant ainsi la saturation des réseaux d'évacuation. Plus généralement, les sols perméables offrent un volume d'infiltration plus important pour recharger les ressources souterraines et une eau de meilleure qualité.
La prise en compte de ces enjeux rend la densité plus agréable à vivre. Elle limite par ailleurs l'extension continue des villes étendues, rendant possible une offre de logements « verts » dans les villes denses (V. n° ).
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Source : Boris Transinne
Les enjeux patrimoniaux
La réduction des risques sanitaires constitue la priorité de la végétalisation. Néanmoins, les enjeux patrimoniaux méritent une attention particulière à double titre : sous l'angle de l'attractivité de la ville (A), et également en considération d'une acception plus financière : la valeur verte de l'immobilier (B).
L'attractivité de la ville
– Une qualité de vie à partager. – La nature participe au bien-être des citoyens. Une façade végétalisée change radicalement l'image d'un bâtiment et la perception qu'en ont les individus. Les espaces verts accessibles à proximité des logements et des bureaux constituent une valeur ajoutée importante pour les occupants. Ainsi, la végétalisation améliore l'image de certains quartiers et des villes en général. Dans la compétition pour attirer de nouveaux habitants et de nouvelles entreprises, la végétalisation est un atout significatif.
– Des produits d'appel. – Pour attirer les touristes, les villes mettent en avant leurs bâtiments remarquables, véritables produits d'appel. Pour certaines, des réalisations emblématiques participent à leur rayonnement mondial
1502296451523. L'introduction de la nature dans les nouveaux ouvrages d'envergure augmente l'intérêt médiatique pour certaines grandes villes. À Milan, dans le programme « Bosco verticale »
1502297301294, deux tours bâties en plein centre-ville abritent un hectare de forêt sur les balcons. À Nanjing (Chine), deux tours multifonctionnelles arborent au total 6 000 mètres carrés de végétalisation. Et que dire de la démesure des jardins Gardens by the bay situés à Singapour… À Paris, la tour M6B2, également appelée « tour de la biodiversité », est le porte-drapeau de la future Green City.
La valeur verte de l'immobilier
– Le vert dans le prix. – Le jardin est la deuxième « pièce » préférée des Français devant la cuisine, constituant ainsi un élément de valorisation
1502300814625. L'opportunité de posséder un jardin dans une ville dense est plus faible qu'ailleurs. La végétalisation des balcons, terrasses et toitures accessibles revêt ainsi une importance particulière. Le choix d'une habitation est conditionné par l'impondérable trajet domicile-travail, la présence de commerces et de services publics. Pour 85 % des Français, la proximité d'un espace vert est également un critère important au moment de déménager
1502300590205. Des études menées par Plante et Cité concluent à une véritable survaleur des logements situés à proximité d'espaces verts, décroissante à mesure de l'éloignement
1502301103192. Celles réalisées sur la base des conclusions des diagnostics de performance énergétique vont dans le même sens
1502301399243. L'ensemble de ces études démontre l'existence d'une véritable valeur verte.
– Biodiversité et certification. – Les constructions nouvelles sont susceptibles de bénéficier d'une certification tenant compte du rôle écologique des végétaux utilisés et de leur impact sur l'environnement urbain et la biodiversité
1502565266826. En France, la certification Haute Qualité Environnementale (HQE) n'y fait pas directement référence. Certaines organisations regroupant des professionnels du bâtiment ont créé les nouveaux labels « Biodivercity » et « Effinature ». Un nouveau label RBR 2020 verra prochainement le jour en France
1502566235795. Cette multiplication des labels est regrettable. En effet, la promotion de l'efficacité environnementale des bâtiments mérite une meilleure lisibilité pour l'acquéreur.
Les enjeux économiques
Les enjeux économiques de la végétalisation complètent ses bienfaits sanitaires et ses valorisations patrimoniales. De nouveaux acteurs concourent à la production de la végétalisation (A), source d'économies et de gains de productivité surprenants (B).
De nouveaux acteurs pour de nouveaux chantiers
– La végétalisation en quelques chiffres. – Si le vert est synonyme d'espérance, la conviction des professionnels se fonde sur une réalité plus terre à terre : l'intérêt économique. Lorsque Nantes a été élue capitale verte européenne en 2013, elle a accueilli la même année le Congrès mondial de la végétalisation du bâtiment organisé par l'ADIVET, réunissant divers professionnels de la filière
1502566861798. À cette occasion, des chiffres intéressants ont été communiqués
1502522239519. Avec 1,5 million de mètres carrés réalisés en 2016, la France fait partie des leaders mondiaux. Cette progression constante s'explique par les commandes privées et publiques, mais également par les nouvelles obligations légales (V. n° ). Elle est néanmoins loin derrière l'Allemagne, végétalisant entre douze et quinze millions de mètres carrés chaque année. Cela démontre la marge de progression pour les entreprises françaises intervenant dans ce secteur.
– L'opportunité des ravalements de façades et réfections de toitures. – Depuis le 1er janvier 2017, des travaux d'isolation thermique par l'extérieur sont obligatoires à l'occasion de ravalements de façades, de réfections de toitures (CCH, art. R. 131-28-7 et R. 131-28-8). Cela concerne les travaux de ravalement comprenant la réfection de l'enduit existant, le remplacement d'un parement existant ou la mise en place d'un nouveau parement, concernant au moins 50 % d'une façade du bâtiment, hors ouvertures. De nombreuses dérogations sont prévues en fonction de la faisabilité technique et économique de ces travaux
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– Les
start-up
vertes. – L'intérêt économique d'une activité est souvent révélé par l'apparition de start-up, exploratrices des nouveaux marchés. Ainsi, une société française propose des toitures végétalisées accessibles aux particuliers en commercialisant des kits composés de dalles de fibres végétales
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Des économies et des gains de productivité surprenants
– La végétalisation, une source d'économies très variée. – Réintégrer la nature dans l'aménagement urbain diminue les coûts, le béton constituant une charge financière plus importante que la végétation. Par exemple, l'imperméabilisation des sols engendre un coût « à double détente ». Les trottoirs et voiries réalisés nécessitent en effet une gestion rigoureuse en matière d'eaux pluviales et de réseaux. En favorisant la perméabilité des sols par la végétalisation, la diminution des coûts est certaine. Dans un tout autre registre, si la fonction médicinale des végétaux est bien connue, les vertus liées à leur simple visibilité le sont moins. Une étude menée aux Pays-Bas indique que les personnes vivant à proximité d'espaces verts ont moins de problèmes de santé
1502356044243. Plus surprenant encore, les durées d'hospitalisation pour une même pathologie sont raccourcies lorsque la chambre de l'hôpital donne sur la verdure
1502356723429 ! Avec la mutualisation des dépenses de santé, un bienfait individuel devient de facto collectif.
– Une productivité accrue. – Il est communément admis qu'un individu heureux est plus performant au travail. À l'heure de l'entreprise libérée, la verdure contribue à ce phénomène. En effet, au-delà de leur rôle économique, les entreprises ont une responsabilité sociétale. Il est en effet démontré qu'un salarié est moins stressé au contact de la nature, devenant ainsi plus performant. Par ailleurs, une étude menée aux États-Unis conclut que l'absentéisme au sein d'une entreprise est moindre pour les salariés travaillant côté jardin plutôt que côté cour
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