L'agriculture sur les toits présente de nombreuses vertus, le producteur se rapprochant du consommateur et les bâtiments profitant d'une nouvelle isolation. Cependant, l'installation d'une exploitation agricole en toiture nécessite divers aménagements, allant du simple apport de terre naturelle à la construction d'une serre. En outre, les façades traditionnelles sont parfois sollicitées pour des productions végétales. Que se passe-t-il en cas de désordres causés au bâtiment, support de l'exploitation ? Des précisions s'imposent selon qu'il s'agit d'une serre de toit (A) ou d'une production végétale, notamment en façade (B).
L'assurance décennale du bâti agricole urbain
L'assurance décennale du bâti agricole urbain
La serre de toit
– La construction
ab initio
. – Lorsque la serre de toit est imaginée dès la conception de l'immeuble, elle fait partie intégrante de sa réalisation. Elle constitue un ouvrage de construction susceptible d'engager la responsabilité décennale du constructeur (C. civ., art. 1792 et 1792-2). La vocation agricole des ouvrages n'engendre aucune distinction. Cette responsabilité est assurée (C. assur., art. L. 241-1).
– La surélévation postérieure. – En attendant que de nouveaux projets d'agriculture urbaine intégrés à l'immeuble sortent de terre, les constructions sur des immeubles existants se développent. Les serres de toit constituent assurément un ouvrage, en raison de la réalisation de travaux de gros œuvre et notamment de maçonnerie pour sceller le châssis sur la dalle. Si la garantie décennale assure le nouvel ouvrage, les copropriétaires peuvent légitimement craindre les conséquences d'éventuels désordres affectant le bâtiment. Dans cette hypothèse, il s'agit de dommages consécutifs entraînant la responsabilité décennale du constructeur au titre des dommages causés à l'immeuble constituant le support des nouveaux travaux
1505051634041. Cette extension de garantie est de nature à rassurer les copropriétaires au moment d'autoriser de telles installations. Est-ce le même mécanisme pour la production végétale en toiture ou en façade ?
La production végétale en toiture ou en façade
– Production végétale, équipement indissociable ou dissociable ? – À l'avenir, il est indispensable
1515536831690que la pratique impose systématiquement une garantie décennale aux paysagistes-étancheurs appelés à intervenir sur les toits et les façades d'immeubles neufs.
Mais cette activité étant relativement récente, il convient de s'interroger quant aux situations d'ores et déjà existantes.
Le régime de responsabilité applicable aux désordres causés par une production végétale dépend avant tout de son caractère dissociable ou non à l'égard de l'immeuble.
En effet, un élément d'équipement indissociable est couvert par la responsabilité décennale au même titre que l'ouvrage (C. civ., art. 1792-2)
1506259952104.
Le 18 février 2016, la Cour de cassation s'est prononcée sur la qualification de la végétalisation présente sur une toiture d'immeuble
1506259171692, en lui refusant le caractère de bien indissociable
1515535201552.
– Meuble ou immeuble ? – Cette décision n'est pas illogique si l'on considère la végétation comme mobilière, car l'assurance de responsabilité décennale est limitativement appliquée aux immeubles. Or, pour déterminer la nature mobilière ou immobilière des végétaux, le Code civil définit les biens par leur nature ou leur destination.
Si les récoltes pendantes par les racines et les fruits des arbres non encore recueillies sont des immeubles par nature (C. civ., art. 520), cette qualification est douteuse quand les racines sont plantées hors-sol.
Quand aux meubles « agricoles » devenant immeubles par destination parce qu'affectés à l'exploitation (C. civ., art. 524), ils appartiennent généralement au propriétaire de l'immeuble auquel ils se rapportent. Or, la production végétale en façade ou sur le toit n'est pas affectée à une exploitation agricole, et n'a pas le même propriétaire que l'immeuble
1505062900258. Dès lors, n'étant pas un immeuble ou étant indissociable de l'immeuble auquel elle se rattache, la végétation ne relève pas par principe du plus protecteur des systèmes de responsabilité.
Pourtant, le développement de la production végétale sur les immeubles urbains mérite la meilleure des garanties. Celle-là seule sera à même de vaincre les réticences des propriétaires craignant une altération de l'étanchéité de leur bâtiment et des désordres susceptibles de rendre leur immeuble impropre à sa destination. La pratique doit évoluer rapidement en ce sens.