La question de l'eau

La question de l'eau

L'eau est un bien commun, indispensable à la vie des espèces animales et végétales. Il est nécessaire de la gérer de manière optimale. En agriculture, le défi est double. En effet, l'agriculture impacte l'eau de manière quantitative 1489267592557et qualitative 1489268151864. Or, l'eau est une ressource partagée entre les différents usagers du territoire (§ I). Ainsi, il est nécessaire de limiter les pratiques environnementales ayant des conséquences néfastes sur la qualité des eaux (§ II).

Le partage territorial de la ressource : l'accès à l'eau

Au même titre que le sol, l'eau est un bien commun devant être partagé par l'humanité pour l'ensemble de ses activités 1491119347333. Il existe ainsi un droit à l'eau (A). Il convient néanmoins de l'organiser. En France, la gestion de l'eau s'articule de façon générale autour de schémas de planification (B). En matière agricole, l'irrigation est également un moyen d'accès à cette ressource (C).

Le droit à l'eau

– Un droit universellement reconnu. – En France, le principe fondamental d'un droit d'accès pour tous à une eau de qualité est inscrit dans le Code de l'environnement (C. env., art. L. 210-1) 1490992405414. Le droit à l'eau est également reconnu au plan international 1489253982145. De manière générale, les formulations font plutôt référence aux usages individuels et domestiques. Mais le droit à l'eau existe également en matière d'exploitation agricole, tant au niveau national 1489254855193qu'international 1489254605736. Les juridictions compétentes veillent au partage de la ressource entre les différents usagers 1489261506001.

Le rôle des schémas d'aménagement et de gestion des eaux

– Les principes fondateurs. – Les principes fondateurs de la gestion des eaux sont issus de la loi du 16 décembre 1964 1496441645657. Pour l'époque, ils présentaient un caractère novateur en instaurant une gestion à l'échelon environnemental du bassin 1489269992624. Ainsi, les comités de bassin agissent à un échelon hydrologique pour mettre en place une politique adaptée sur ce territoire (C. env., art. L. 213-8 et D. 213-17 à D. 213-28). Ils sont composés de représentants des collectivités territoriales (40 %), des usagers (40 %) et des représentants de l'État et de ses établissements publics (20 %). Parmi les représentants des usagers, les associations de protection de l'environnement ou de défense des consommateurs montent en puissance, entraînant la baisse relative des représentants du monde agricole et industriel.
– La planification de la gestion de l'eau. – Par souci de cohérence, la planification de l'usage des eaux s'articule autour de deux échelons :
  • un bassin ou un groupement de bassins, à travers un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) fixant les orientations fondamentales pour une gestion équilibrée des eaux en quantité et qualité 1491301415452(C. env., art. L. 212-1 à L. 212-2-3 et R. 212-1 à R. 212-25) ;
  • et un sous-bassin, à travers un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) formant un document précis et d'application directe (C. env., art. L. 212-3 à L. 212-6 et R. 212-26 à R. 212-48).
Le SDAGE dresse un état des lieux contenant :
  • un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques ;
  • un règlement définissant les priorités d'usage et la répartition des volumes de prélèvements par usage.

L'irrigation

– État des lieux. – L'agriculture française est essentiellement pluviale. Son évolution montre néanmoins un usage de plus en plus large de l'irrigation 1491041556333. En période estivale, son utilisation accrue entraîne un déséquilibre entre ressources et prélèvements dans une large moitié sud de la France 1491042793260. Cette nouvelle donne conduit à l'augmentation des territoires hydrographiques formant les zones de répartition des eaux (ZRE). Les ZRE représentent aujourd'hui environ un tiers du territoire national.
– Une gestion collective à mettre en place. – La loi sur l'eau et les milieux aquatiques 1491043610765confie à un organisme unique chargé de la gestion collective des ressources en eau la possibilité de délivrer l'autorisation de prélèvement d'eau pour l'irrigation sur un périmètre hydrologique cohérent. Ce dispositif vise à favoriser la gestion collective des ressources en eau pour l'irrigation, et à adapter les volumes autorisés aux volumes disponibles (C. env., art. L. 211-3, 6°). Les réticences des usagers et les imprécisions du texte ont ralenti sa mise en place. Une note du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie permet désormais l'application effective du dispositif 1491058621438.
– Le rôle central des zones de répartition des eaux (ZRE). – Les zones de répartition des eaux sont mises en place dans les territoires présentant une insuffisance structurelle des ressources par rapport aux besoins afin de concilier les intérêts des différents utilisateurs de l'eau (C. env., art. R. 211-71 et s.). Le régime de contrôle des prélèvements applicable dans ces zones est celui de la législation relative aux installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration (IOTA) 1491301676849.
Pendant plusieurs années, des dérogations aux interdictions de prélèvement à usage agricole dans les ZRE ont été autorisées (C. env., art. R. 214-24). Désormais, il n'est plus possible de recourir aux autorisations temporaires de prélèvement en eau en ZRE 1491060020978.
La gestion durable de l'eau d'irrigation est un enjeu stratégique pour l'agriculture, mais aussi pour l'environnement. Les solutions permettant d'améliorer la situation sont variées. Elles relèvent toutes d'une évolution globale des modes culturaux. Il s'agit par exemple :
  • de l'esquive : décalage des cultures pour éviter que le besoin maximal en eau coïncide avec les temps prévisionnels de pénurie ;
  • de l'évitement : choix de cultures moins consommatrices d'eau ;
  • et de la mise en place de modes d'irrigation plus économes, notamment au moyen des nouvelles technologies 1496470772375.

La protection de la qualité des eaux

L'eau est une ressource vitale pour l'homme à double titre. De manière directe pour l'eau potable et de manière indirecte concernant la production agroalimentaire. Parce qu'elle est disponible en quantité limitée, il convient de protéger la qualité des eaux pour permettre les prélèvements nécessaires à la consommation humaine. La lutte contre les pollutions agricoles est le premier niveau de protection 1491119829818. À ce titre, l'agriculture est soumise à un régime spécifique de protection des zones de captage d'eau potable (A) et à une législation de prévention des atteintes à l'eau, dénommée « IOTA » (B).

Les zones de captage

Les pouvoirs publics identifient des zones où le captage d'eau potable nécessite la mise en place de protections spécifiques. Elles se composent de périmètres de protection de captage (I) et de zones de protection des aires d'alimentation de captage (II).

Carte des captages en France

Les différents périmètres de protection de captage des eaux

Il existe trois types de périmètres de protection de captage des eaux (C. santé publ., art. L. 1321-2). Leur complémentarité vise à assurer une protection optimale des captages.
– Le périmètre de protection immédiate. – Le périmètre de protection immédiate est un site de captage clôturé appartenant à une collectivité publique. Aucune activité n'est permise in situ. Son objectif est d'empêcher la détérioration des ouvrages et d'éviter le déversement de substances polluantes à proximité immédiate.
– Le périmètre de protection rapprochée. – Le périmètre de protection rapprochée est un secteur plus vaste (en général quelques hectares) appartenant à des personnes privées ou à la collectivité si elle le juge nécessaire. Toute activité potentiellement polluante y est interdite ou soumise à prescription particulière. Son objectif est de prévenir la migration des polluants vers l'ouvrage de captage. L'exercice d'activités agricoles est soumis à des règles strictes : limitation du pacage du bétail, respect de caractéristiques techniques particulières pour les abreuvoirs, encadrement strict des fertilisants et intrants, etc.
– Le périmètre de protection éloignée. – Le périmètre de protection éloignée est facultatif. Il correspond généralement à la zone d'alimentation du point de captage, voire à l'ensemble du bassin versant. Il est créé si certaines activités proches sont susceptibles d'engendrer des pollutions importantes. Son objectif est d'éviter toute diffusion de pollution vers le captage. Les activités exercées sur ce territoire sont encadrées par arrêté préfectoral.

Les zones de protection des aires d'alimentation de captage

– Les aires d'alimentation et de captage. – Afin de compléter le dispositif des périmètres de protection, la loi Grenelle 2 1491142780544a mis en place les aires d'alimentation et de captage (C. env., art. L. 211-3). Elles ont pour objectif la protection de la quantité et de la qualité des aires d'alimentation de captage et portent sur des zones étendues autour des captages. Un programme d'actions définit notamment les pratiques agricoles adaptées à la zone : couverture et travail spécifique du sol, limitation des intrants, diversification des cultures, etc. (C. rur. pêche marit., art. R. 114-6). Ce dispositif est critiqué par les agriculteurs dénonçant une faisabilité économique, agronomique et juridique limitée 1491145755801.

La trame bleue

La trame bleue est un outil d'aménagement du territoire mis en place par la loi Grenelle 2 1491037593749. Il s'agit d'un réseau formé de continuités écologiques aquatiques précisément identifiées. La trame bleue contribue à l'amélioration de l'état de conservation des habitats naturels des espèces et au bon état écologique des masses d'eau. Elle concerne les cours d'eau, canaux et zones humides, formant à la fois des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques.
Ses objectifs de préservation de biodiversité tiennent compte des activités agricoles en milieu rural (C. env., art. L. 371-1).
Ainsi, la trame bleue complète les dispositifs de protection de la qualité de l'eau.

Les installations, ouvrages, travaux et activités

En complément de la protection des captages, un contrôle préalable des activités susceptibles d'affecter la qualité des eaux existe. Il s'agit du régime dénommé « IOTA » : installations, ouvrages, travaux et activités.
– La police de l'eau. – Les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) sont soumis à un régime d'autorisation ou de déclaration au titre de la police des eaux (C. env., art. L. 214-1 à L. 214-8), à la triple condition :
  • de ne pas figurer sur la nomenclature des installations classées ;
  • d'être réalisés à des fins non domestiques ;
  • d'entraîner des prélèvements sur les eaux, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, des destructions de la faune ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants.
– Autorisation ou déclaration. – L'installation d'une exploitation susceptible de porter atteinte à la gestion équilibrée de la ressource est contrôlée par une déclaration ou une demande d'autorisation (C. env., art. L. 214-3). Il s'agit des travaux présentant un danger pour la santé, la sécurité publique, nuisant à l'écoulement des eaux, réduisant la ressource, augmentant le risque d'inondation, portant gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique. La distinction entre autorisation et déclaration dépend des conséquences attendues de l'opération sur la qualité des eaux. Elle dépend notamment du débit d'eau prélevé, de l'importance des rejets, de la nature des travaux, du type d'activité ou d'exploitation. L'autorisation environnementale unique dispense de cumuler les procédures ICPE et IOTA 1495870067523.
– La nomenclature IOTA. – La nomenclature IOTA détermine si les opérations sont soumises à déclaration ou à autorisation (C. env., art. L. 214-2 et R. 214-1). Elle s'appuie sur les dangers et leur gravité sur la ressource et les écosystèmes en tenant compte des différentes zones de protection existantes. Par exemple, les prélèvements permanents ou temporaires d'eau issus d'un forage par pompage, drainage, dérivation ou tout autre procédé relèvent de la déclaration lorsqu'ils sont compris entre 10 000 et 200 000 mètres cubes par an, et de l'autorisation au-delà.
– Les IOTA en agriculture. – Les prélèvements d'eau pour l'élevage et la culture sont quotidiens. Les rejets d'effluents et les drainages sont également des pratiques habituelles de travail du sol. À ce titre, l'impact de l'agriculture sur les milieux aquatiques et marins fait l'objet d'une attention particulière. Néanmoins, l'application de la réglementation IOTA est limitée aux situations les plus graves pour l'environnement. Ainsi, seuls les travaux de grande envergure nécessitent un contrôle préalable. Il s'agit principalement des prélèvements (sondages, puits et forages) dans les nappes, cours d'eau, plan d'eau ou canal et de l'épandage ou des rejets d'effluents en général.