L'agriculture interagit en permanence avec son milieu. Certaines pratiques agricoles constituent des sources de pollutions (Sous-section I) susceptibles de porter atteinte à la ressource en eau des agriculteurs (Sous-section II).
L'encadrement des échanges avec le milieu naturel au cours de l'exploitation
L'encadrement des échanges avec le milieu naturel au cours de l'exploitation
Les sources de pollutions agricoles
L'agriculture engendre des pollutions ordinaires ayant un impact environnemental marginal
1487454235279. Mais il existe des pollutions spécifiques affectant le milieu naturel en général, et le sol en particulier. Il s'agit des pollutions azotées (§ I) et des pollutions liées à l'usage de produits phytosanitaires (§ II). La responsabilité environnementale en découlant mérite une attention particulière (§ III).
Les pollutions azotées
Les pollutions azotées résultent principalement de l'utilisation des déchets d'élevage. A priori, cette intégration dans le cycle de production semble vertueuse. En pratique, elle soulève de nombreuses difficultés. En effet, l'origine du problème (A) et la législation en vigueur (B) créent en quelque sorte un « droit à polluer » (C).
Les inconvénients liés à l'utilisation intensive des effluents d'élevage
– La fertilisation des terres agricoles. – La fertilisation des terres agricoles consiste à fournir au sol les éléments nutritifs nécessaires à la croissance des plantations. L'un des principaux éléments nutritifs est l'azote. On le retrouve dans les effluents d'élevage (fumiers, lisiers, etc.) et certains engrais industriels. Leur utilisation est une source de pollution si elle est mal maîtrisée. Il s'agit des phénomènes de nitrification
1487670010024et d'eutrophisation
1487670128210. Ces risques majeurs rendent nécessaire la maîtrise du processus de fertilisation.
– L'épandage des effluents d'élevage. – L'épandage des effluents d'élevage est une méthode de fertilisation des terres peu coûteuse
1487670970110. Elle évite au surplus les coûts liés à l'évacuation des déchets. Ce recyclage permettant de maîtriser un cycle biologique plus large dans de bonnes conditions économiques est a priori vertueux. Toutefois, en zone d'élevage intensif
1487672547127, le traitement des déchets par un épandage systématique l'emporte parfois sur les vertus liées à ce procédé
1487671790748. En effet, les phénomènes de nitrification et d'eutrophisation sont constatés dans les eaux à proximité des secteurs d'épandage non maîtrisés
1496439196699.
La législation applicable
– Les objectifs de la réglementation. – La réglementation, renforcée par le droit communautaire
1487673812654, vise à réduire le risque de pollution lors des travaux d'élimination des déchets, en obligeant les agriculteurs à disposer de surfaces d'épandage suffisantes ou à recourir à des techniques industrielles d'épuration comme la méthanisation. Les programmes d'actions en la matière visent à définir les zones vulnérables, à maîtriser la fertilisation azotée, à adapter la gestion des terres agricoles et à respecter le calendrier d'épandage (C. env., art. R. 211-80 et s.). Ils fixent la quantité maximale d'azote pouvant être épandue annuellement, ne pouvant excéder 170 kg par hectare de surface agricole utile, déduction faite des surfaces d'interdiction d'épandage. Ils définissent également les capacités de stockage des effluents d'élevage.
– Une législation adaptée aux différentes zones. – La législation diffère en fonction de la zone concernée :
- les zones d'excédent structurel présentent une forte concentration d'élevages. Elles se trouvent ainsi en situation d'excédent de production d'azote par rapport aux possibilités d'épandage. Elles nécessitent des mesures renforcées telles que la fixation de l'étendue maximale des surfaces d'épandage par exploitation, l'obligation de traitement ou de transfert des effluents excédentaires, ou encore l'interdiction d'augmenter la quantité d'azote produite. Dans certaines zones, des programmes de résorption des excédents sont prescrits 1487798118313 ;
- les zones d'actions complémentaires sont situées dans les bassins versants en amont des prises d'eau destinée à la consommation humaine et dont les taux de nitrates excédent les exigences de qualité (C. env., art. R. 211-83). Elles bénéficient de mesures complémentaires telles que l'obligation de couverture du sol pendant les périodes à risques de lessivage, le maintien d'un couvert végétal en bordure des cours d'eau et la limitation du retournement des prairies ;
- les zones d'érosion (C. rur. pêche marit., art. R. 114-2), les zones humides d'intérêt environnemental particulier (C. env., art. L. 211-3, II, 4 °) 1487800062177et les aires d'alimentation des captages d'eau potable (C. env., art. L. 211-3, II, 5°) 1487800609589. Ces trois zones bénéficient de programmes d'actions contenant des mesures variées visant à la réduction des pollutions azotées. Il s'agit notamment de favoriser la couverture végétale du sol, le travail du sol, la gestion des intrants, la diversification des cultures ou la restauration des éléments paysagers (haies, fossés, plans d'eau).
– Pour l'habitation en général. – En France, vingt millions de logements représentant 60 % du parc ont été construits avant 1974, date de la première réglementation thermique. Lors de leur construction, il n'existait pas de cadre réglementaire de performance énergétique. Ainsi, leur rénovation constitue un enjeu majeur
1509625660957. Avec l'adoption de la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)
1509544444673, la France aspire à la rénovation de 500 000 logements par an
1509553063656, dont les bâtiments privés résidentiels les plus énergivores d'ici 2025
1509552965918. L'objectif est de disposer d'un parc de logements rénovés selon la norme bâtiment basse consommation en 2050 (C. énergie, art. L. 100-4, 7°).
Si les immeubles sociaux et collectifs sont gérés par des professionnels conscients des enjeux, les propriétaires de logements individuels sont parfois plus difficiles à mobiliser
1509615389070. Pourtant, les logements anciens peu performants subissent une dépréciation de valeur, pouvant à terme entraîner un abandon des quartiers éloignés du centre-ville. Restent alors les incitations fiscales (V. nos
et s.). À défaut, viendront les obligations
1512320108684.
C'est le cas des travaux d'isolation thermiques obligatoires à l'occasion de la réfection de la toiture ou du ravalement de la façade (V. n° )
1509806874912, mais également lors de l'aménagement d'un local en vue de le rendre habitable, par exemple un garage (CCH, art. R. 131-28-11).
– Pour l'habitation destinée à la location. – Les bailleurs ont l'obligation de rénover leurs logements pour répondre à de nouveaux critères de décence. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, les bailleurs sont tenus de remettre au locataire un logement décent répondant notamment à un critère de performance énergétique minimale
1512320145095. Les qualités minimales du logement énergétiquement décent sont précisées par décret
1509614321002. Il s'agit d'éléments intrinsèques à sa conception, indépendants du mode d'occupation du logement et du coût de l'énergie
1509614511037.
– Pour le tertiaire. – La loi Grenelle 2
1509626110135a prévu des obligations d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants à usage tertiaire (V. n° ).
La loi prévoit que dans le cas des locaux pris à bail, les bailleurs et preneurs définissent et mettent en œuvre un plan d'action permettant d'atteindre les objectifs de réduction des consommations énergétiques (CCH, art. R. 131-44). Ils ne peuvent pas contrevenir aux dispositions impératives de la loi Pinel
1509901592535, interdisant notamment de répercuter au locataire les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil (C. com., art. R. 145-35, 1°).
La naissance d'un droit à polluer en agriculture ?
– Les droits d'épandage. – Les droits d'épandage forment des « quasi-quotas » de production, résultant de l'obligation de traiter les excédents. Sur le plan économique, il s'agit d'une solution avantageuse. Néanmoins, elle crée un marché des surfaces d'épandage, en particulier dans les zones d'excédent structurel. Le traitement des effluents d'élevage constitue aujourd'hui un « droit à produire ». Cette solution affranchit également les agriculteurs de leur responsabilité environnementale à ce titre. Ainsi, une bonne idée écologique finit-elle par créer des déséquilibres, la charge de lutter contre la pollution ne pesant pas sur les pollueurs réels
1488140726363.
L'exemple de la filière porcine
Un rapport de 2008 pointe du doigt les zones d'excédent structurel de la filière porcine
1487879840874. Il relève une logique de « quasi-quotas » résultant du rachat et du déplacement des capacités de production permettant de traiter les effluents. Ces transferts sont financés par les producteurs actuels, souvent plus respectueux de l'environnement. Ils conduisent à un effet de rente pour les anciens producteurs. Ainsi, le principe pollueur-payeur est dévoyé.
Les intrants chimiques
La chimie a largement accompagné le développement de l'agriculture moderne. Néanmoins, elle suscite aujourd'hui des interrogations légitimes (A). Pour faire aux problèmes actuels, une législation volontariste est mise en place (B).
Les interrogations liées à l'utilisation de la chimie en agriculture
– Les intrants chimiques. – Les intrants chimiques regroupent l'ensemble des produits biocides, phytosanitaires et phytopharmaceutiques, permettant d'améliorer le rendement des cultures. Leur utilisation s'est généralisée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, accompagnant la spécialisation des cultures. Les intrants sont devenus les piliers de l'agriculture intensive, modèle dominant aujourd'hui. Or, ce modèle crée un cercle vicieux. Le manque de rotation des cultures et l'absence de cultures intermédiaires appauvrissent le sol. Pour compenser, les produits chimiques sont utilisés en quantité toujours plus importante. Mais le rendement économique n'est plus toujours au rendez-vous
1488719582675. En effet, le coût des intrants pèse sur la rentabilité des exploitations. Plus grave encore, l'impact écologique de ces produits est très négatif. La pollution des terres agricoles a des répercussions importantes sur les espèces animales et végétales
1488144033422.
Une législation volontariste
– Le plan Écophyto. – Le plan Écophyto est le nom donné à l'ensemble des mesures mises en place pour lutter contre les conséquences de l'utilisation des intrants chimiques. Jugé insuffisant, il est considéré comme une base de travail utile pour l'avenir
1496440522695. Il s'appuie sur différents outils juridiques :
- le contrôle administratif de mise sur le marché et d'utilisation des produits phytosanitaires (C. rur. pêche marit., art. L. 253-1) 1488641175558 ;
- l'édiction de mesures de précautions, telles que l'interdiction de l'épandage aérien (C. rur. pêche marit., art. L. 253-8) ;
- la définition de zones d'interdiction ou restriction d'usage, notamment à proximité des cours d'écoles, terrains de jeux, hôpitaux, maison de retraite, etc. (C. rur. pêche marit., art. L. 253-7-1) ;
- la création d'un certificat administratif individuel dénommé « certi-phyto », permettant d'attester des compétences suffisantes pour une utilisation sécurisée et réduite des différents produits (C. rur. pêche marit., art. L. 254-3) ;
- le développement de synergies avec les mesures agroenvironnementales (MAE) et les groupements d'intérêt écologique et environnemental (GIEE) ;
- l'encouragement de nouvelles pratiques agroécologiques, telles que le renouvellement des agroéquipements, l'usage des nouvelles technologies de biocontrôle et l'expérimentation par le réseau Dephy.
Le réseau Dephy
Le réseau Dephy est un réseau de fermes ayant vocation à développer, mutualiser et diffuser les expériences réussies de pratiques culturales réduisant fortement l'usage des produits phytosanitaires.
L'objectif premier est de mettre en œuvre de façon concrète des pratiques agroécologiques tout en conservant de bons rendements. Ensuite, ces bonnes pratiques sont diffusées, l'objectif étant de faire bénéficier 30 000 exploitations des retours d'expérience.
Ce projet applique les principes du management participatif : des agriculteurs s'en emparent eux-mêmes et le portent ensuite auprès d'autres exploitants. Les conseils ne viennent pas du législateur (en verticalité), mais des agriculteurs (en horizontalité). Ils sont ainsi plus à même d'être entendus et appliqués.
La recherche d'une responsabilité
La responsabilité environnementale est sensiblement différente de la responsabilité civile de droit commun. Pour assurer son efficacité, elle est à la fois beaucoup plus collective et objective
1488105996809La mise en cause de la responsabilité environnementale des agriculteurs est faible (A). Elle est en partie compensée par celle de l'État (B).
La responsabilité limitée des agriculteurs
– La nature diffuse des pollutions agricoles. – L'une des principales caractéristiques des pollutions agricoles est leur caractère diffus
1487949129142, rendant pratiquement impossible l'établissement d'un lien de causalité entre le responsable et le dommage. Ainsi, il n'est pas aisé d'engager la responsabilité d'un exploitant en particulier, sauf en cas de pollution ponctuelle identifiable
1488101876342.
La loi entérine cette situation. Les dommages causés à l'environnement par une pollution diffuse sont expressément exclus du régime de la responsabilité environnementale (C. env., art. L. 160-1 et s.), sauf si un lien de causalité précis est établi (C. env., art. L. 161-2). Ainsi, l'exploitant agricole n'est pas totalement exonéré de responsabilité environnementale. Néanmoins, sa responsabilité est très compliquée à mettre en œuvre, la faute étant généralement difficile à caractériser.
La responsabilité étendue de l'État
Sur le plan juridique, l'État est le principal responsable des pollutions agricoles, notamment des pollutions liées aux nitrates. La jurisprudence se fonde sur le manquement des pouvoirs publics en matière de prévention des pollutions agricoles. Les premières condamnations en la matière sont venues des juridictions européennes (I). Elles ont ouvert la voie à des décisions similaires en droit interne (II).
La responsabilité de l'État à l'échelle européenne
– Les manquements dans la transposition de la directive « Nitrates ». – La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour de justice de l'Union européenne en raison d'une insuffisance des actions menées pour permettre la lutte contre la concentration des nitrates. La jurisprudence européenne sanctionne en effet l'État français depuis le début des années 2000 sur la base d'une mauvaise transposition de la directive « Nitrates »
1488726668029dans la législation française
1495807601064.
Un arrêt du 4 septembre 2014 mérite une attention particulière
1491510989322. Il constate en effet de nombreux manquements à la directive « Nitrates » en raison notamment :
- de périodes d'interdiction d'épandage trop courtes ;
- de programmes d'actions en matière de stockage des effluents insuffisants ;
- d'une réglementation ne garantissant ni le calcul des quantités à épandre en vue d'une fertilisation équilibrée, ni la limite des 170 kg d'azote par hectare et par an ;
- de l'absence d'interdiction d'épandage sur sols gelés ou enneigés ;
- de la définition imprécise des conditions d'épandage sur des sols en forte pente.
Pour justifier du non-respect de la directive, la France s'appuie principalement sur des débats techniques ou scientifiques
1496492596179.
La France n'est pas le seul « mauvais élève » en Europe
Il ne s'agit pas d'excuser la France en la comparant à ses voisins, mais de mesurer l'ampleur du problème en Europe. En effet, plusieurs États ont fait l'objet de condamnations sur des fondements similaires à ceux ayant motivé celles de la France, et, à titre d'exemple :
- l'Italie : CJCE, 8 nov. 2001, aff. C-127/99 : la directive « Nitrates » n'est pas respectée sur le territoire italien en raison de l'absence d'un programme de surveillance des zones vulnérables aux nitrates ;
- l'Allemagne : CJCE, 14 mars 2002, aff. C-161/00 : l'absence d'un code de bonnes pratiques agricoles en Allemagne entraîne parfois un épandage de quantités d'azote supérieures à celles autorisées par la directive ;
- l'Irlande : CJCE, 11 mars 2004, aff. C-396/01 : l'absence d'identification des zones vulnérables aux nitrates constitue une infraction à la directive « Nitrates ».
À l'échelle nationale
– Les manquements dans la prévention des pollutions. – Les arrêts rendus en droit communautaire ont permis de fonder une jurisprudence en droit interne. L'affaire la plus célèbre a été rendue sur la pollution du littoral breton par les « marées vertes » ou les « algues vertes ».
Les juges de première instance avaient relevé l'inefficacité de l'État dans la lutte contre la pollution des eaux superficielles par laxisme dans la délivrance des autorisations d'exploitation relevant de la législation ICPE
1488995494329. En outre, la possibilité d'invoquer un préjudice écologique a été reconnue aux associations agréées pour la protection de l'environnement
1488995787243.
À bien y réfléchir, cette responsabilité glissant des agriculteurs vers l'État est cohérente. Le territoire est un bien commun dont il est le garant. Sa protection résulte d'une organisation globale basée sur des mesures de prévention, l'objectif étant surtout de ne pas avoir à réparer les dommages en évitant leur survenance. L'eau est également un bien commun qu'il convient de protéger.
La consécration du préjudice écologique dans le Code civil
La loi « Biodiversité » du 8 août 2016
1496479310412 a inscrit le préjudice écologique dans le Code civil. Il consiste en une « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement » (C. civ., art. 1247). L'adaptation du droit commun de la responsabilité était nécessaire pour tenir compte des spécificités de ce préjudice, à la fois objectif et collectif. Le droit à agir et le délai de prescription sont très largement étendus. Le principe de la réparation en nature du préjudice est également posé
1496491312890.
La question de l'eau
L'eau est un bien commun, indispensable à la vie des espèces animales et végétales. Il est nécessaire de la gérer de manière optimale. En agriculture, le défi est double. En effet, l'agriculture impacte l'eau de manière quantitative
1489267592557et qualitative
1489268151864. Or, l'eau est une ressource partagée entre les différents usagers du territoire (§ I). Ainsi, il est nécessaire de limiter les pratiques environnementales ayant des conséquences néfastes sur la qualité des eaux (§ II).
Le partage territorial de la ressource : l'accès à l'eau
Au même titre que le sol, l'eau est un bien commun devant être partagé par l'humanité pour l'ensemble de ses activités
1491119347333. Il existe ainsi un droit à l'eau (A). Il convient néanmoins de l'organiser. En France, la gestion de l'eau s'articule de façon générale autour de schémas de planification (B). En matière agricole, l'irrigation est également un moyen d'accès à cette ressource (C).
Le droit à l'eau
– Un droit universellement reconnu. – En France, le principe fondamental d'un droit d'accès pour tous à une eau de qualité est inscrit dans le Code de l'environnement (C. env., art. L. 210-1)
1490992405414. Le droit à l'eau est également reconnu au plan international
1489253982145. De manière générale, les formulations font plutôt référence aux usages individuels et domestiques. Mais le droit à l'eau existe également en matière d'exploitation agricole, tant au niveau national
1489254855193qu'international
1489254605736. Les juridictions compétentes veillent au partage de la ressource entre les différents usagers
1489261506001.
Le rôle des schémas d'aménagement et de gestion des eaux
– Les principes fondateurs. – Les principes fondateurs de la gestion des eaux sont issus de la loi du 16 décembre 1964
1496441645657. Pour l'époque, ils présentaient un caractère novateur en instaurant une gestion à l'échelon environnemental du bassin
1489269992624. Ainsi, les comités de bassin agissent à un échelon hydrologique pour mettre en place une politique adaptée sur ce territoire (C. env., art. L. 213-8 et D. 213-17 à D. 213-28). Ils sont composés de représentants des collectivités territoriales (40 %), des usagers (40 %) et des représentants de l'État et de ses établissements publics (20 %). Parmi les représentants des usagers, les associations de protection de l'environnement ou de défense des consommateurs montent en puissance, entraînant la baisse relative des représentants du monde agricole et industriel.
– La planification de la gestion de l'eau. – Par souci de cohérence, la planification de l'usage des eaux s'articule autour de deux échelons :
- un bassin ou un groupement de bassins, à travers un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) fixant les orientations fondamentales pour une gestion équilibrée des eaux en quantité et qualité 1491301415452(C. env., art. L. 212-1 à L. 212-2-3 et R. 212-1 à R. 212-25) ;
- et un sous-bassin, à travers un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) formant un document précis et d'application directe (C. env., art. L. 212-3 à L. 212-6 et R. 212-26 à R. 212-48).
Le SDAGE dresse un état des lieux contenant :
- un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques ;
- un règlement définissant les priorités d'usage et la répartition des volumes de prélèvements par usage.
L'irrigation
– État des lieux. – L'agriculture française est essentiellement pluviale. Son évolution montre néanmoins un usage de plus en plus large de l'irrigation
1491041556333. En période estivale, son utilisation accrue entraîne un déséquilibre entre ressources et prélèvements dans une large moitié sud de la France
1491042793260. Cette nouvelle donne conduit à l'augmentation des territoires hydrographiques formant les zones de répartition des eaux (ZRE). Les ZRE représentent aujourd'hui environ un tiers du territoire national.
– Une gestion collective à mettre en place. – La loi sur l'eau et les milieux aquatiques
1491043610765confie à un organisme unique chargé de la gestion collective des ressources en eau la possibilité de délivrer l'autorisation de prélèvement d'eau pour l'irrigation sur un périmètre hydrologique cohérent. Ce dispositif vise à favoriser la gestion collective des ressources en eau pour l'irrigation, et à adapter les volumes autorisés aux volumes disponibles (C. env., art. L. 211-3, 6°). Les réticences des usagers et les imprécisions du texte ont ralenti sa mise en place. Une note du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie permet désormais l'application effective du dispositif
1491058621438.
– Le rôle central des zones de répartition des eaux (ZRE). – Les zones de répartition des eaux sont mises en place dans les territoires présentant une insuffisance structurelle des ressources par rapport aux besoins afin de concilier les intérêts des différents utilisateurs de l'eau (C. env., art. R. 211-71 et s.). Le régime de contrôle des prélèvements applicable dans ces zones est celui de la législation relative aux installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration (IOTA)
1491301676849.
Pendant plusieurs années, des dérogations aux interdictions de prélèvement à usage agricole dans les ZRE ont été autorisées (C. env., art. R. 214-24). Désormais, il n'est plus possible de recourir aux autorisations temporaires de prélèvement en eau en ZRE
1491060020978.
La gestion durable de l'eau d'irrigation est un enjeu stratégique pour l'agriculture, mais aussi pour l'environnement. Les solutions permettant d'améliorer la situation sont variées. Elles relèvent toutes d'une évolution globale des modes culturaux. Il s'agit par exemple :
- de l'esquive : décalage des cultures pour éviter que le besoin maximal en eau coïncide avec les temps prévisionnels de pénurie ;
- de l'évitement : choix de cultures moins consommatrices d'eau ;
- et de la mise en place de modes d'irrigation plus économes, notamment au moyen des nouvelles technologies 1496470772375.
La protection de la qualité des eaux
L'eau est une ressource vitale pour l'homme à double titre. De manière directe pour l'eau potable et de manière indirecte concernant la production agroalimentaire. Parce qu'elle est disponible en quantité limitée, il convient de protéger la qualité des eaux pour permettre les prélèvements nécessaires à la consommation humaine. La lutte contre les pollutions agricoles est le premier niveau de protection
1491119829818. À ce titre, l'agriculture est soumise à un régime spécifique de protection des zones de captage d'eau potable (A) et à une législation de prévention des atteintes à l'eau, dénommée « IOTA » (B).
Les zones de captage
Les pouvoirs publics identifient des zones où le captage d'eau potable nécessite la mise en place de protections spécifiques. Elles se composent de périmètres de protection de captage (I) et de zones de protection des aires d'alimentation de captage (II).
Carte des captages en France
Les différents périmètres de protection de captage des eaux
Il existe trois types de périmètres de protection de captage des eaux (C. santé publ., art. L. 1321-2). Leur complémentarité vise à assurer une protection optimale des captages.
– Le périmètre de protection immédiate. – Le périmètre de protection immédiate est un site de captage clôturé appartenant à une collectivité publique. Aucune activité n'est permise in situ. Son objectif est d'empêcher la détérioration des ouvrages et d'éviter le déversement de substances polluantes à proximité immédiate.
– Le périmètre de protection rapprochée. – Le périmètre de protection rapprochée est un secteur plus vaste (en général quelques hectares) appartenant à des personnes privées ou à la collectivité si elle le juge nécessaire. Toute activité potentiellement polluante y est interdite ou soumise à prescription particulière. Son objectif est de prévenir la migration des polluants vers l'ouvrage de captage. L'exercice d'activités agricoles est soumis à des règles strictes : limitation du pacage du bétail, respect de caractéristiques techniques particulières pour les abreuvoirs, encadrement strict des fertilisants et intrants, etc.
– Le périmètre de protection éloignée. – Le périmètre de protection éloignée est facultatif. Il correspond généralement à la zone d'alimentation du point de captage, voire à l'ensemble du bassin versant. Il est créé si certaines activités proches sont susceptibles d'engendrer des pollutions importantes. Son objectif est d'éviter toute diffusion de pollution vers le captage. Les activités exercées sur ce territoire sont encadrées par arrêté préfectoral.
Les zones de protection des aires d'alimentation de captage
– Les aires d'alimentation et de captage. – Afin de compléter le dispositif des périmètres de protection, la loi Grenelle 2
1491142780544a mis en place les aires d'alimentation et de captage (C. env., art. L. 211-3). Elles ont pour objectif la protection de la quantité et de la qualité des aires d'alimentation de captage et portent sur des zones étendues autour des captages. Un programme d'actions définit notamment les pratiques agricoles adaptées à la zone : couverture et travail spécifique du sol, limitation des intrants, diversification des cultures, etc. (C. rur. pêche marit., art. R. 114-6). Ce dispositif est critiqué par les agriculteurs dénonçant une faisabilité économique, agronomique et juridique limitée
1491145755801.
La trame bleue
La trame bleue est un outil d'aménagement du territoire mis en place par la loi Grenelle 2
1491037593749. Il s'agit d'un réseau formé de continuités écologiques aquatiques précisément identifiées. La trame bleue contribue à l'amélioration de l'état de conservation des habitats naturels des espèces et au bon état écologique des masses d'eau. Elle concerne les cours d'eau, canaux et zones humides, formant à la fois des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques.
Ses objectifs de préservation de biodiversité tiennent compte des activités agricoles en milieu rural (C. env., art. L. 371-1).
Ainsi, la trame bleue complète les dispositifs de protection de la qualité de l'eau.
Les installations, ouvrages, travaux et activités
En complément de la protection des captages, un contrôle préalable des activités susceptibles d'affecter la qualité des eaux existe. Il s'agit du régime dénommé « IOTA » : installations, ouvrages, travaux et activités.
– La police de l'eau. – Les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) sont soumis à un régime d'autorisation ou de déclaration au titre de la police des eaux (C. env., art. L. 214-1 à L. 214-8), à la triple condition :
- de ne pas figurer sur la nomenclature des installations classées ;
- d'être réalisés à des fins non domestiques ;
- d'entraîner des prélèvements sur les eaux, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, des destructions de la faune ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants.
– Autorisation ou déclaration. – L'installation d'une exploitation susceptible de porter atteinte à la gestion équilibrée de la ressource est contrôlée par une déclaration ou une demande d'autorisation (C. env., art. L. 214-3). Il s'agit des travaux présentant un danger pour la santé, la sécurité publique, nuisant à l'écoulement des eaux, réduisant la ressource, augmentant le risque d'inondation, portant gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique. La distinction entre autorisation et déclaration dépend des conséquences attendues de l'opération sur la qualité des eaux. Elle dépend notamment du débit d'eau prélevé, de l'importance des rejets, de la nature des travaux, du type d'activité ou d'exploitation. L'autorisation environnementale unique dispense de cumuler les procédures ICPE et IOTA
1495870067523.
– La nomenclature IOTA. – La nomenclature IOTA détermine si les opérations sont soumises à déclaration ou à autorisation (C. env., art. L. 214-2 et R. 214-1). Elle s'appuie sur les dangers et leur gravité sur la ressource et les écosystèmes en tenant compte des différentes zones de protection existantes. Par exemple, les prélèvements permanents ou temporaires d'eau issus d'un forage par pompage, drainage, dérivation ou tout autre procédé relèvent de la déclaration lorsqu'ils sont compris entre 10 000 et 200 000 mètres cubes par an, et de l'autorisation au-delà.
– Les IOTA en agriculture. – Les prélèvements d'eau pour l'élevage et la culture sont quotidiens. Les rejets d'effluents et les drainages sont également des pratiques habituelles de travail du sol. À ce titre, l'impact de l'agriculture sur les milieux aquatiques et marins fait l'objet d'une attention particulière. Néanmoins, l'application de la réglementation IOTA est limitée aux situations les plus graves pour l'environnement. Ainsi, seuls les travaux de grande envergure nécessitent un contrôle préalable. Il s'agit principalement des prélèvements (sondages, puits et forages) dans les nappes, cours d'eau, plan d'eau ou canal et de l'épandage ou des rejets d'effluents en général.