Demain, la PAC

Demain, la PAC

Les interrogations sur le devenir de la politique agricole commune sont nombreuses 1506240977641. En février 2017, la Commission européenne a lancé une consultation sur l'avenir de la PAC. Les conclusions ont été rendues publiques en juillet 2017 1506241038263. Certains demandent une sortie pure et simple de la politique agricole commune 1507122412022. À l'inverse, d'autres militent en faveur d'unstatu quode la PAC actuelle jusqu'en 2025 1506243812676.
L'étude prospective de la PAC de demain se décline en trois points :
  • la nécessité de soutenir l'agriculture (§ I) ;
  • la nécessité de mieux prendre en compte les aléas économiques et climatiques (§ II) ;
  • et la nécessité d'avoir une vision à long terme de l'agriculture durable (§ III).

La nécessité de soutenir l'agriculture

– Des aides indispensables pour la survie des agriculteurs. – Les objectifs environnementaux de la PAC masquent parfois son objectif premier, consistant à assurer des revenus stables aux exploitants. Une étude réalisée en France en 2015 dévoile qu'en moyenne, les actifs agricoles non salariés perçoivent 29 900 € de subventions 1506245603650, représentant en moyenne 82 % de leur résultat courant avant impôt. Sans subvention, 54 % des exploitations auraient eu un résultat courant avant impôt négatif. La dépendance aux aides PAC est encore plus marquée dans les filières d'élevage : 85 % des élevages bovins viande et 77 % des élevages ovins auraient eu des résultats négatifs en l'absence de subventions.
– Des aides en déclin par rapport aux autres puissances agricoles. – Dans l'inconscient collectif, le soutien financier de l'agriculture est une particularité européenne. Il n'en est rien, bien au contraire. Alors que les aides européennes diminuent année après année, les autres puissances agricoles telles que la Chine, les États-Unis et le Brésil renforcent leurs efforts budgétaires depuis la crise mondiale de 2007-2008 1506246948508. Le déclin des aides européennes montre une certaine désaffection pour les questions agricoles à l'échelle de l'Union, mais également au niveau des États membres. Or, si les objectifs de production sont satisfaits en Europe, les préoccupations actuelles sont mondiales. Dans les vingt prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards. Plus de la moitié de cette croissance concernera l'Afrique et le Moyen-Orient, soit les portes de l'Europe. Dans le même temps, l'impact du réchauffement climatique se fera principalement ressentir dans ces territoires. La combinaison de ces deux facteurs conduit à considérer la politique agricole de l'Europe comme un enjeu majeur de l'aménagement du territoire à l'échelle planétaire.

La politique agricole des autres grandes puissances

Les États-Unis :
La politique agricole des États-Unis, dénomméeFarm Bill, part du postulat que les marchés ne permettent pas d'assurer un développement agricole et une sécurité alimentaire durables. Dans le pays du libéralisme économique, l'idée est de garantir un revenu aux agriculteurs grâce à des dispositifs contracycliques 1506249220881. LeFarm Bill2014-2018 a fait le choix d'éliminer les paiements directs et d'élargir le programme d'assurance-récolte subventionné. Les primes sont subventionnées à hauteur de 62 %. Les agriculteurs reçoivent l'appui de ces assurances récoltes les années de chute des prix ou de catastrophe météorologique.
La Chine :
La politique chinoise repose sur un système de régulation ressemblant aux mécanismes de l'ancienne politique agricole commune : prix garantis et quotas, complétés par un dispositif de stockage public pour les principales céréales. Les prix garantis chinois sont devenus, au fil du temps, supérieurs aux prix mondiaux d'environ 30 à 40 %.
La Russie :
En Russie, l'agriculture est redevenue une priorité nationale en 2005 avec l'objectif d'atteindre l'autosuffisance alimentaire en 2020.

La nécessité de mieux prendre en compte les aléas économiques et climatiques

– Une forte volatilité des prix. – Les risques climatiques ne sont pas un phénomène nouveau. Néanmoins, le contexte environnemental actuel accroît les aléas : ouragans, sécheresses, inondations, gel, etc.
Par ailleurs, la libéralisation des échanges entraîne une volatilité des prix, les marchés agricoles étant au surplus structurellement instables 1506256642654.
– La mise en place d'aides contracycliques. – Certains systèmes permettent de réguler les prix par des aides directes contracycliques, suivant une tendance inverse à celle des cycles de croissance. Il s'agit notamment duFarm Billaux États-Unis, assurant à l'agriculteur un revenu minimum lorsque le prix moyen de l'année de campagne chute en deçà d'un prix de référence fixé par la loi. Cette approche a été reprise dans un livre blanc publié par le groupe de réflexion « Momagri » en 2017 1506258909911, suggérant de recourir à ce type de paiement afin de prendre en compte l'instabilité des prix et mieux gérer les crises. Dans le même sens, la contribution française au Conseil informel des 29-31 mai 2016 sur la PAC post-2020 prône une épargne de précaution obligatoire, impliquant qu'une partie des aides directes reçues par les agriculteurs soit mise de côté durant les bonnes années pour constituer une réserve mobilisable lors des années difficiles 1506260640263. L'ancien ministre Stéphane Le Foll préconise lui aussi un dispositif contracyclique, permettant d'aider les agriculteurs lorsque les prix sont bas et les rendements faibles, et de diminuer les aides lorsque le niveau des prix est élevé 1509875179521. À rebours de ces opinions, le rapport sénatorial de juillet 2017 dénommé « PAC : traverser le cap dangereux de 2020 », estime qu'un mécanisme de variation des dépenses en fonction de la conjoncture des marchés est dangereux, le risque étant que les États membres les moins favorables à la PAC refusent d'accroître leurs efforts budgétaires lorsque la situation le nécessite 1506261901648.
La gestion de la volatilité des prix passe également par une politique fiscale nationale, devant permettre aux agriculteurs de constituer des réserves les bonnes années à moindre coût fiscal.
La réponse consiste enfin à encourager la diversification au sein des exploitations.

La nécessité d'une vision à long terme de l'agriculture durable

– L'agriculture : un bien public. – L'agriculture constitue un bien public, dont les services sont valorisés, mais non rémunérés 1506263737409. Cette expression vise notamment les services environnementaux tels que l'entretien des paysages, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique. D'autres services publics tels que la sécurité alimentaire, la vitalité du monde rural, le bien-être animal et la santé revêtent un caractère sociétal.
Parmi les biens publics, la qualité des sols et la disponibilité de l'eau concernent directement la production agricole. La PAC s'est longtemps désintéressée de ces ressources, les considérant sans doute inaltérables. Or, une meilleure gestion de la qualité des sols présente des avantages pour l'environnement et pour les exploitants : des sols plus riches en carbone sont à la fois plus fertiles et moins exposés à l'érosion. La qualité de l'eau a également été appréhendée avec retard. Aujourd'hui, la répétition des sécheresses et l'apparition des conflits d'usage avec les autres consommateurs conduisent à s'interroger sur la pertinence des aides favorisant l'irrigation.
Ainsi, il est impératif de redéfinir les objectifs environnementaux de la PAC. Pour ne plus être appréhendées sous l'angle de la contrainte, ces questions doivent entraîner l'adhésion du monde rural. À ce titre, il convient par exemple de rémunérer les bonnes pratiques agricoles au moyen de paiements pour services environnementaux 1506283838796. La communication de la Commission européenne sur « l'avenir de l'alimentation et de l'agriculture » présentée le 29 novembre 2017, préfigurant le modèle de la PAC post-2020, pourrait permettre d'atteindre ces objectifs. Bruxelles propose en effet de maintenir le système des paiements directs et des deux piliers de la PAC, mais, dans un but de simplification et de subsidiarité, chaque État membre élaborerait sa propre stratégie pour atteindre les objectifs de l'Union européenne, notamment pour le verdissement1514736966523. L'avantage serait de nationaliser les objectifs. Mais le risque d'une telle orientation est d'accroître la fragmentation du marché unique 1514739372651.
Le verdissement souhaité par la France ne sera possible que s'il s'accompagne de fonds suffisants pour financer les paiements pour services environnementaux.