SARL et SAS, « stars » des PME et ETI

SARL et SAS, « stars » des PME et ETI

Nul besoin de commenter les statistiques de création de sociétés pour comprendre le tsunami que représentent les SARL et les SAS dans le choix des formes sociales en France.
Comment expliquer cela ? Rien de plus simple fondamentalement :
  • possibilité de création unipersonnelle ;
  • possibilité de mandataire social unique ;
  • adaptabilité immédiate à une pluralité d'associés, à une pluralité de mandataires sociaux ;
  • pas de capital social minimal à la création ;
  • instauration depuis 2009 de seuils pour la désignation obligatoire de commissaires aux comptes pour les SAS. Les SARL étaient dans cette situation depuis… la loi du 26 juillet 1966 !
Nous axerons notre propos en soulignant les principaux avantages et inconvénients de ces formes sociales. Privilège du droit d'aînesse, nous débuterons par la SARL (Sous-section I), avant de nous concentrer sur la SAS (Sous-section II).
Le notaire sera souvent amené à guider le porteur de projet vers le meilleur choix de forme sociale et, par voie de conséquence, à conseiller la création d'une SARL ou d'une SAS. La connaissance précise de leurs avantages et leurs inconvénients apparaît dès lors essentielle, d'autant que ces formes sociales recèlent toutes deux des sources, connues et mésestimées, d'ingénierie.
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Graphique représentant les créations de sociétés selon la forme juridique

La SARL, une vieille dame encore si moderne

Instaurée dès le 23 mai 1853 (!), charpentée par la loi du 7 mars 1925 et démocratisée le 24 juillet 1966 dans un climat social résolument tourné vers la liberté, y compris d'entreprendre – il ne faut pas l'oublier et sans doute en être reconnaissant –, la vieille dame qu'est aujourd'hui la SARL dispose encore d'un pouvoir d'attraction incroyable pour nos concitoyens entrepreneurs. C'est bien légitime tant ce subtil mélange de simplicité assortie de protections (§ I) est soutenu par des régimes fiscaux et sociaux plutôt performants (§ II).

Une simplicité de fonctionnement bridée par des mesures de protection

Le « cocktail » que représente la SARL va être composé de règles souples qui facilitent son fonctionnement (A), encadrées par des dispositions impératives (B), laissant au notaire le champ très ouvert pour y apporter sa contribution en vue de l'adapter précisément au projet porté (C).

Premier ingrédient : simplicité de création et souplesse de fonctionnement pour passer à l'acte d'entreprendre

– De faibles contraintes de création. – Quoi de plus simple que de constituer une société à responsabilité limitée ? Depuis un décret du 9 mars 2006, existait même un modèle de statuts-types pour ces sociétés dans l'hypothèse où elles n'auraient qu'un associé unique, malheureusement abrogé depuis. Cette brillante initiative sera reprise dans la suite de nos développements.
La suppression du capital minimal de création, de 50 000 F dont se souviendront les moins jeunes des lecteurs, converti en 7 500 €, a permis l'accès généralisé à ce type de société. Preuve s'il en était besoin que chaque barrière légale, réglementaire ou administrative est un frein considérable à la création d'entreprise et à l'expression de l'initiative économique.
– Une forme lisible et transparente. – La SARL, toujours considérée comme une société de personnes, est une structure parfaitement lisible dans le sens où elle permetl'identification rapide des détenteurs du capital au sein des statuts et, comme toute société, de son mandataire social. Depuis l'ouverture des données du registre du commerce et des sociétés (RCS) avec la loi du 7 août 2015, l'ensemble de ces informations, y compris les statuts et actes de sociétés, sont librement et gratuitement disponibles sur le site de l'Inpi. Cette lisibilité renforcée est de nature à faire croître sensiblement la confiance de l'ensemble des parties prenantes, qui auront la certitude de l'identité de qui se cache derrière le « rideau social » de leur cocontractant.

Deuxième ingrédient : des associés sécurisés, donc confiants

– Une organisation soutenue par l'ordre public. – Cette confiance va aussi s'exprimer au sein des règles statutaires. En effet, la SARL a été entourée de plusieurs règles d'ordre public permettant à ses associés de bénéficier d'une protection de leur investissement. Il ne faut pas le nier, cette protection apporte aussi des contraintes qui éloigneront certains investisseurs de cette forme sociale, car ils n'y trouveront pas la liberté nécessaire à leurs projets. Cependant, force est de constater que les associations au capital en famille, entre tiers, mais aussi avec des investisseurs professionnels, peuvent parfaitement être réalisées en SARL.
  • qu'elles soient qualifiées d'ordinaires, en particulier pour l'approbation des comptes sociaux, le quitus à la gérance, et l'affectation du résultat ;
  • ou d'extraordinaires, en particulier pour la modification des statuts sociaux.
Cette garantie confère une sécurité importante aux associés qui ne craindront pas que la société – et donc leur investissement – puisse être modifiée par le mandataire social en niant le droit de vote attaché aux parts sociales.
– La garantie de participer aux décisions collectives. – Un associé de SARL dispose de la garantie de pouvoir participer aux décisions collectives. Cette règle permettra de donner l'assurance à chaque investisseur de pouvoir intervenir lors des grands rendez-vous de la vie sociale, les assemblées générales, au cours desquelles seront soumises au vote les décisions clés relatives à la gestion de la société :
– Une part, un droit de voter. – Au surplus, en SARL, chaque part sociale donne à son titulaire un droit de vote. La souscription des parts en sera d'autant plus fluide, puisque l'investisseur n'aura pas à se soucier de la présence d'une éventuelle catégorie de part sociale ou d'avantages particuliers permettant à certains porteurs de parts d'exprimer plus de voix qu'ils ne détiennent de parts sociales, rompant ainsi avec la règle de proportionnalité. En souscrivant un certain quantum capitalistique de la SARL, l'associé aura la garantie, sans se poser de questions juridiques complexes, de peser un poids équivalent de droits politiques au sein des assemblées générales.
Il ne sera donc pas possible non plus aux SARL d'émettre des parts sociales à droits de vote multiples, à la différence des sociétés par actions, qui constitueraient une brèche dans cette règle de proportionnalité, un déséquilibre patent entre le nombre total de parts émises et le pouvoir politique au sein des décisions.
– Des règles minimales de majorité clairement définies. – Si l'on décline un peu plus loin cette capacité de participer à la vie sociale, les règles de gouvernance serontencadrées à de nombreux titres. Depuis la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, coexistent deux catégories de SARL : celles constituées avant le 4 août 2005, et celles constituées postérieurement. Nous nous concentrerons sur les secondes, en soulignant que cette coexistence constitue un aléa notoire et qu'une uniformisation des règles, bien que complexe à imposer et mettre en œuvre, serait hautement souhaitable.
Pour les SARL constituées à compter du 4 août 2005, un quorum a été institué pour les assemblées générales délibérant sur les modifications statutaires : un quart des parts sociales en première convocation, et un cinquième en seconde. En revanche, la majorité pour décider ces modifications sociales a été abaissée de trois quarts à deux tiers. Ainsi, un associé propriétaire de plus d'un tiers des parts sociales, et qui participe à la décision collective, disposera désormais d'une minorité de blocage.
D'autres décisions connaissent des règles particulières. Par exemple, l'unanimité des associés sera requise dans plusieurs cas : transfert du siège social à l'étranger, désignation d'un commissaire aux apports (phase préparatoire à une augmentation du capital en nature), transformation de la société en société en nom collectif (SNC), en société en commandite simple ou par actions (SCS/SCA), en SAS, augmentation des engagements des associés.
– Une récente capacité à proposer des résolutions. – Pour des associés (très) minoritaires, l'ordonnance du 4 mai 2017 a permis pour un ou plusieurs associés détenant 5 % des parts sociales de faire inscrire à l'ordre du jour des assemblées générales des points spécifiques ou projets de résolution. C'est un geste fort de démocratie sociétaire, évitant ainsi que le mandataire social dispose seul de la haute main pour proposer au vote des résolutions qui ne correspondraient qu'à sa vision individuelle de l'exploitation de la société, voire même qui favoriseraient directement ou indirectement ses propres intérêts.
Cette mécanique de dialogue permet sans nul doute d'accroître le niveau de confiance dans la SARL pour les investisseurs, même si elle n'emporte évidemment aucune garantie spécifique sur l'adoption des résolutions proposées. Elle a le mérite de faire constater officiellement et d'inscrire dans l'histoire de la société, via le procès-verbal de l'assemblée, les positions de chacun sur tel ou tel sujet.
– L'agrément des cessions, clause pivot de la table de capitalisation. – Une décision sur laquelle il est particulièrement intéressant de s'attarder est celle relative à l'agrément de tiers (ou l'autorisation de nantissement, qui implique agrément du créancier nanti en cas de réalisation de son gage). Sur celle-ci, la majorité requise est inférieure à celle prévue pour les modifications statutaires, puisqu'elle requiert au moins la moitié des parts sociales.
Cependant, un second niveau de majorité a été prévu puisqu'il est nécessaire qu'au moins la majorité en nombre d'associés consente à l'opération. Cette règle particulière,dite aussi en « parts viriles », décorrélée du nombre de parts détenues, s'explique parfaitement.
D'abord, dans la mesure où le législateur a souhaité préserver à la SARL un caractère de société de personnes. C'est l'intuitu personae des associés présents au capital qui guide le choix de l'entrée de nouveaux associés. En parallèle, la quote-part de capital détenue avant et après l'opération aura une importance considérable, car la transmission pourrait engendrer un changement de majorité.
Ensuite, parce que le refus d'agrément va entraîner des conséquences financières très lourdes sur les associés, et sur la société elle-même. En effet, en cas de refus d'agrément, sous réserve que l'associé cédant ait présenté un tiers acquéreur et qu'il détienne ses parts sociales depuis plus de deux ans, ses coassociés pourront être tenus d'acheter eux-mêmes, de faire racheter par un tiers ou par la société elle-même, les parts objet du projet de cession.
Cette obligation, qui n'est pas un droit de retrait unilatéral puisqu'un tiers acquéreur aura dû être présenté, va faire peser sur les associés et la société la nécessité de mobiliser, dans un délai de trois mois, des ressources financières pour payer la valeur des parts considérées. Ces capitaux ne pourront dès lors être utilement utilisés pour financer le besoin en fonds de roulement de la société, ou ses projets de développement.
– Des modalités de rachat souples et diversifiées. – En principe, l'obligation de rachat évoquée ci-dessus porte sur la totalité des parts dont la cession était projetée, laquelle ne correspond pas forcément à la totalité des parts dont dispose le cédant. D'un commun accord, ce quantum peut être réduit ; et le cédant dispose d'un droit de repentir en cas de refus d'agrément.
Le prix de rachat des parts sociales est une donnée essentielle de la clause d'agrément. Il pourra être celui initialement présenté dans le cadre de la transaction soumise à l'agrément. Les associés pourront également convenir entre eux d'une autre valorisation. En cas de désaccord sur la valeur de transaction, et d'absence d'accord différent, les associés pourront avoir recours à la voie de l'expertise prévue par les dispositions de l'article 1843-3 du Code civil.
Cette faculté est évidemment une opportunité pour les associés non cédants, dans la mesure où elle évite la réalisation de transaction sur les parts à des valorisations significativement différentes de celles de marché, ainsi que d'être astreints à surpayer des parts sociales pour échapper à l'arrivée d'un nouvel associé non choisi.
En miroir, le recours à l'expertise ne pénalisera pas forcément le cédant puisqu'il disposera d'un droit de repentir pendant un délai de trois mois à compter du refus d'agrément, notamment s'il juge la valorisation d'expert trop faible.

Troisième ingrédient : des capacités fortes d'adaptation au projet, la mixologie de l'intervention notariale

Au-delà des règles impératives et sécuritaires que nous venons de décrire, les statuts de la SARL permettront tout de même au précautionneux rédacteur notarial de laisser sa liberté et son ingénierie s'exprimer quant aux règles de la vie sociale (I), à la détention du capital et des droits financiers (II), et au-delà grâce à la convention extrastatutaire (III).
Enchanter le cadre de vie… sociale
– Objet social et pouvoirs du gérant. – Le champ des possibles reste tout d'abord extrêmement vaste lors de la rédaction de l'objet social de la SARL. En cohérence avec celui-ci, et avec les fonds apportés pour parvenir à sa réalisation, il est possible de contenir les pouvoirs du gérant en le contraignant à solliciter une décision collective des associés lorsque les enjeux dépassent certaines limites librement fixées.
Cette disposition est fondamentale car, par principe, le gérant représente la société vis-à-vis des tiers, et peut agir en toute circonstance au nom et pour le compte de la société. Vis-à-vis des associés, les règles demeurent parfaitement libres et cette implication dans la gouvernance et dans l'exploitation même de la société peut paraître souhaitable (à défaut de quoi les associés ne disposent que de peu d'informations sur la vie sociale, hormis à l'occasion de l'assemblée annuelle).
– Modalités des décisions collectives. – Le principe des décisions collectives des SARL reste celui de la tenue d'assemblée générale. Deux dispositions de l'article L. 223-27 du Code de commerce permettent cependant d'atténuer celui-ci. Dans l'hypothèse où tous les associés sont présents ou représentés, l'assemblée irrégulièrement convoquée ne pourra être annulée.
Il s'agit d'une mesure d'assouplissement compréhensible puisque si l'ensemble des associés consentent à signer une feuille de présence, ou à donner pouvoir pour voter, il est légitime de considérer qu'ils sont d'accord pour s'exprimer (positivement ou négativement), et cet accord de fait ne doit pas créer d'incertitude outrancière sur la validité même de la décision (qu'elle consiste en une adoption ou un rejet des résolutions soumises au vote).
Par ailleurs, le même article prévoit que les statuts peuvent inclure la possibilité de consulter les associés par écrit, ou de manifester leur consentement unanime dans un acte (authentique ou sous signature privée).
Cette opportunité est essentielle, et doit impérativement figurer dans les statuts de toutes les SARL afin d'en fluidifier notablement leur gouvernance et éviter, grâce à la coopération entre mandataire social et associés, de multiplier les procédures de convocation préalable et de tenue d'assemblée générale qui ne sont que peu compatibles avec le rythme de la vie des affaires (notamment quand il s'agit d'habiliter le gérant à la régularisation d'actes ou la réalisation d'opérations urgentes mais qui excéderaient des pouvoirs limités statutairement).
– Un renforcement possible des majorités. – La loi permet par ailleurs à de nombreux titres de renforcer les règles de quorum et de majorité pour les décisions ordinairescomme extraordinaires. En fonction de la répartition du capital de la société et de l'identité des associés (ces deux indicateurs joints seront désignés ensemble sous le terme de « table de capitalisation »), de la volonté des associés quant aux règles de gouvernance, un soin particulier devra être apporté pour anticiper les différentes hypothèses de vote en réservant, ou pas, une minorité de blocage à l'un des associés ou à un ensemble d'associés sur les décisions qualifiées d'ordinaires ou d'extraordinaires.
Configurer le capital et la finance
– L'aménagement appréciable de l'agrément. – La clause d'agrément va également pouvoir être aménagée par un renforcement significatif concernant les transmissions (entre vifs, par mutation ou liquidation de régime matrimonial, ou à cause de mort) entre associés et au profit des conjoints, ascendants ou descendants des associés.
Comme nous l'avons reprécisé plus haut, la table de capitalisation est un enjeu crucial au sein des PME et ETI, et l'association entre plusieurs investisseurs se décide en fonction du volume de droits sociaux détenus par chacun (tant pour les droits financiers que les droits politiques) ; ce qui exclut bien entendu une liberté trop importante de cession entre associés, ou l'arrivée de plein droit de nouveaux associés, quand bien même il s'agirait du cercle familial proche des associés en titre.
– Des droits financiers moins contraints que les droits politiques. – Les statuts de la SARL pourront aussi prévoir, à l'inverse des droits politiques, une répartition des résultats qui ne serait pas proportionnelle à la détention des parts sociales au capital. Chaque associé a vocation aux bénéfices sociaux mais, à l'exception des clauses léonines (attribution des résultats à un seul associé, ou laissant une part dérisoire à un associé), les statuts peuvent prévoir une répartition différente de la stricte proportionnalité.
Par ailleurs, depuis l'ordonnance du 25 mars 2004, les SARL sont en mesure d'émettre également des obligations. Sous les conditions précisées à l'article L. 223-11 du Code de commerce, les SARL ont désormais accès à cette source de financement originale, leur permettant de lever des fonds sans pour autant subir de conséquences sur leur table de capitalisation. Jusqu'alors, l'intervention d'un bailleur de fonds privé se déroulait via une prise de participation en capital, permettant à ce nouvel associé d'apporter des sommes en compte courant d'associé, dont les conditions de rémunération et retrait peuvent être tout à fait similaires à celles des emprunts obligataires.
Cette affirmation est d'autant plus prégnante depuis la suppression du seuil minimal de détention de capital de 5 % qui existait avant la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. Il n'en demeure pas moins qu'il reste opportun de permettre à des personnes physiques ou morales d'accéder au financement, sans intervention obligatoire de celles-ci au capital, avec toutes les conséquences qui en découlent.
S'évader hors du cadre statutaire
– La validité des conventions extrastatutaires. – Comme nous l'aborderons ensuite, les associés peuvent parfaitement conclure entre eux une multiplicité de conventions extrastatutaires (plus communément appelées « pactes d'associés »). Ces derniers présentent des avantages multiples (confidentialité absolue, absence d'obligation d'y faire intervenir la totalité des associés, mise en place de mécaniques contractuelles bilatérales ou multilatérales entre associés), même si leur violation n'entraîne effectivement pas application des mêmes sanctions, ni dans les mêmes conditions, que la violation de dispositions statutaires. Ces pactes peuvent parfaitement concerner les parts sociales de SARL, dans la limite du respect des dispositions d'ordre public visées ci-dessus. Les parts sociales pourront faire l'objet d'une inaliénabilité conventionnelle, de promesses d'achat ou de cession, de droits de préférence, de droit de sortie proportionnelle ou totale, de cession forcée.

L'ordre public n'exclut pas l'ingénierie

La SARL est couverte par de nombreuses dispositions d'ordre public, mais l'ingénierie notariale va largement pouvoir s'exprimer tout au long des statuts sociaux et des conventions extrastatutaires.

Des régimes fiscaux et sociaux presque parfaits

Sur les plans fiscal (A) et social (B), il faut rappeler que la SARL est une première évolution du statut d'entrepreneur individuel. Ses règles comportent encore à ce jour cet héritage, qui était destiné à offrir une structure sociétaire dont les prélèvements fiscaux et sociaux ne devaient pas fondamentalement trancher avec ce que les entrepreneurs individuels connaissaient avant de l'adopter.

Translucidité ou impôt sur les sociétés, des portes conditionnellement ouvertes

– Sur le plan fiscal, un principe. – La SARL à associé unique personne physique est, à défaut d'option, translucide. L'associé en question déclare ainsi les résultats de la société au sein de son propre IRPP dans la catégorie qui dépend de la nature de l'activité, professionnelle ou patrimoniale, réalisée. Rappel important, ce régime de translucidité sera de nouveau applicable si les parts d'une SARL soumise à l'IS, précédemment détenue par deux associés, se retrouvent en la seule main d'une personne physique.
En cas de pluralité d'associés, la SARL est soumise de plein droit au régime de l'IS aux taux indiqués ci-dessous, aboutissant à lui faire subir une fiscalité distincte de celle de ses associés, et à taxer les distributions de dividendes qui seraient réalisées à leur profit :
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Tableau de la rémunération nette mensuelle du gérant de SARL et SAS
Deux options peuvent cependant contrer cette soumission à l'IS.
Ce régime peut paraître très attractif, car il permet de combiner les avantages de l'organisation sociétaire (détention par une pluralité d'associés, mandat social, décisions collectives, modularité des règles statutaires, etc.) et de la fiscalité à l'IRPP (absence de taxation des distributions puisque les résultats, distribués ou non, sont annuellement taxés au niveau de chacun des associés ; possibilité d'imputation par les associés des pertes constatées par la société au niveau de leur propre IRPP).
Il présente cependant plusieurs inconvénients qui n'apparaissent à ce jour plus véritablement justifiés :
  • l'activité de la société ne peut être ni libérale, ni civile. En cas d'exercice d'une telle activité (sauf complément indissociable d'une activité éligible), le régime de translucidité n'est plus applicable et la société est soumise automatiquement à l'IS ;
  • le lien de parenté exigé aboutit parfois nécessairement à un basculement à l'IS, notamment en cas de décès. La société peut tout à fait comprendre des associés de plusieurs groupes (ascendants, descendants, collatéraux jusqu'au deuxième degré, conjoints/partenaires), mais il est nécessaire que chacun d'entre eux soit relié directement, avec l'ensemble des autres associés, par un de ces liens de parenté. Cette dernière condition est éminemment délicate à maîtriser dans le temps et un soin particulier devra donc être apporté (i) à la rédaction des statuts concernant les règles de transmission de parts sociales et (ii) aux dispositions à cause de mort prises par les associés.
Ainsi, basculerait par exemple à l'IS la SARL de famille :
  • constituée de grands-parents, plusieurs enfants, et des petits-enfants de chaque branche (puisque le petit-enfant d'une branche est le neveu ou la nièce de l'enfant de l'autre branche, ce qui n'est pas compatible avec le régime) ;
  • constituée de conjoints ou partenaires, avec des enfants non communs ;
  • faisant intervenir un concubin, même notoire.
– L'exception familiale, limitée. – La première option concerne les SARL dites « de famille », c'est-à-dire celles dont le capital est détenu entre parents en ligne directe, collatéraux et conjoints ou partenaires. Dans cette circonstance, si la société exerce effectivement une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, les associés peuvent à l'unanimité décider d'opter, sans limitation de durée, pour le régime de translucidité fiscale.

Exemples de constitution de SARL en famille, éligible ou non au régime de translucidité fiscale

Nous présentons en annexe différents exemples de SARL constituées en famille qui ne sont pas nécessairement au régime éponyme.
– L'exception des startups , mais pas seulement. – La seconde option procède d'un régime qualifié de startup permettant à plusieurs types de sociétés, dont les SARL, d'opter pour le régime de la translucidité fiscale.
Depuis la loi du 4 août 2008, certaines SARL peuvent temporairement bénéficier de la translucidité fiscale. L'idée, vertueuse, du législateur était de prendre en compte la réalité du monde de l'entreprise qui est la suivante : les premières années d'exploitation nécessitent la mobilisation massive de capitaux permettant l'investissement et l'innovation, sans constatation d'un résultat comptable ou fiscal positif, avec un risque très élevé de défaillance, dès avant d'avoir pu imputer les déficits constatés sur les résultats espérés.
Dans cette circonstance, les capitaux investis sont transformés en déficits d'investissements et d'exploitation. Or, ces déficits ne sont imputables sur l'IS que des résultats bénéficiaires futurs. Mais pour cela, deux conditions cumulatives doivent être remplies : que la société existe toujours sans être liquidée entre-temps, et que cette société réalise des résultats bénéficiaires. Cette double condition n'est, dans le monde de l'entreprise, pas du tout évidente à remplir, notamment lorsqu'il s'agit de secteurs d'activité innovants, mais pas seulement.
Ayant pris conscience de ce facteur, et de l'injuste « perte » de la déductibilité de ces déficits pour les associés investisseurs, le législateur a permis une option temporaire pour la translucidité fiscale, censée couvrir les premières années déficitaires.
Ainsi, sous réserve de remplir des conditions assez souples s'agissant d'une PME nouvellement créée (société de moins de cinq ans, non cotée, détenue à 50 % par despersonnes physiques et 34 % de mandataires sociaux, exerçant une activité professionnelle, et employant moins de cinquante salariés avec un chiffre d'affaires ou un total de bilan inférieur à 10 millions d'euros), la SARL pourra opter, à l'unanimité des associés, pour le régime de translucidité fiscale pour une durée maximale de cinq exercices. Pendant cette durée, les associés déclareront les résultats – ou plutôt les pertes – de la société au sein de leur IRPP propre, et pourront donc les appréhender, ou plutôt les imputer le cas échéant, s'il peut s'agir de déficits dits « professionnels », sur leur revenu global.
Cette option est donc une opportunité unique pour les fondateurs de SARL leur permettant « d'amortir » sans délai une partie de leur investissement qui ne dégage pas une rentabilité immédiate, avec la souplesse considérable de pouvoir y renoncer par anticipation dès lors que la société dégagerait suffisamment de résultats bénéficiaires taxables.

Un régime fiscal à étudier au regard du compte prévisionnel d'exploitation

La création d'une société se solde souvent par la constatation de pertes les premières années, sans garantie de pouvoir les imputer un jour sur des bénéfices.
Le conseil sur le choix du régime fiscal permettra d'optimiser cette situation.

Le régime social historique des commerçants, financièrement attractif, mais aussi conditionnel

– Un mandataire uniquement personne physique, désuétude et rigidité de la règle. – Le gérant de SARL disposera de deux régimes possibles, mais dont il ne maîtrisera pas le choix. Nous noterons ici, et c'est un inconvénient majeur de la SARL sur lequel nous reviendrons plus bas, que le gérant ne peut être qu'une personne physique, associée ou non. Cela interdit donc de nommer une personne morale en qualité de mandataire social de la SARL. Cette règle, qui résulte de l'historique de la SARL, n'a plus véritablement de sens aujourd'hui mais demeure dans notre législation. Sa désuétude ne fait plus vraiment de doute et écarte un certain nombre d'entrepreneurs de cette forme sociale.
Elle aboutit à interdire la stratégie qui consiste à rémunérer une personne morale en qualité de mandataire social de la SARL (personne morale elle-même contrôlée et dirigée par l'entrepreneur personne physique). Très efficace, cette technique permet de laisser le libre choix à l'entrepreneur de (i) se verser une rémunération de son travail à sa convenance au sein de sa propre structure sociale, (ii) d'arbitrer son mode de rémunération qui peut consister en une distribution de dividendes, et (iii) de laisser ces sommes à l'actif de sa structure sociale pour disposer d'un capital placé en cas de problème personnel ou professionnel, ou en cas de projet d'investissement dans d'autres actifs via cette structure sociale.
En outre, faire exercer le mandat social d'une société par une autre société permet à l'entrepreneur personne physique de cantonner le risque de la faute de gestion (et de ses conséquences sur le patrimoine du mandataire social) sur les actifs de la société nommée mandataire social (laquelle pourrait bien entendu être elle-même à responsabilité limitée), et non directement sur ses actifs personnels.

Une proposition sociale de bon sens

Nous proposons de délier détention du capital et régime social du gérant de SARL en donnant un choix.
– La contrainte du poids capitalistique. – Le choix du régime social du gérant de SARL constitue également un domaine dans lequel une réflexion doit être menée. Il sera opéré en fonction du taux de détention capitalistique direct ou indirect du gérant, ou plutôt du taux de détention capitalistique cumulé détenu, directement ou indirectement, par l'ensemble des gérants entre eux (appelé « collège de gérance »), auquel est ajoutée la participation des conjoints/partenaires, enfants mineurs et sociétés contrôlées par le(s)dit(s) gérant(s).
Dans l'hypothèse où le gérant (ou les gérants entre eux) dispose de la majorité des droits de vote, il sera qualifié de gérant majoritaire (comme chaque membre individuellement du collège de gérance). À ce titre, il sera soumis, tel un entrepreneur individuel, au régime des travailleurs indépendants, désormais géré par la Sécurité sociale des indépendants. À l'inverse, s'il est minoritaire ou égalitaire (individuellement ou via le collège), il sera assimilé au régime général des salariés.
– Des coûts et prestations très éloignés. – Le régime des travailleurs indépendants et celui des salariés présentent des caractéristiques extrêmement différentes, liées à un coût social également très différent. L'assimilation au régime des salariés offrira indubitablement une meilleure protection de base (retraite, maladie, prévoyance).
Cependant, elle ne sera pas forcément totalement adaptée aux besoins du gérant, lequel préférera plutôt bénéficier d'une couverture de ses risques « sur-mesure ». Le régime des travailleurs indépendants présente l'avantage d'avoir un coût faible pour les cotisations obligatoires, mais en contrepartie duquel les prestations servies seront très éloignées du niveau de celles des salariés.
Comme rappelé ci-dessus, il sera plus intéressant pour l'entrepreneur et la société elle-même (laquelle peut être rendue débitrice des cotisations, même si celles-ci sont en principe dues à titre personnel) d'avoir un statut souple avec un maximum de liberté de choix comme celui des travailleurs indépendants… et ce d'autant que l'assimilation au régime des salariés présente un coût de l'ordre… du double !
– Une malheureuse assimilation des revenus du travail à ceux du capital. – Un bémol à ce coût attractif du régime des travailleurs indépendants doit cependant être mis en avant. Depuis la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale, et sous certaines conditions, les dividendes versés aux gérants majoritaires des SARL, leur conjoint/partenaire et leurs enfants mineurs sont soumis aux cotisations sociales.
De manière purement arbitraire, les revenus distribués qui excèdent 10 % du montant du capital social de la SARL seront assujettis à ce prélèvement complémentaire. Plus exactement, il s'agira de 10 % du montant du capital social, majoré des sommes éventuellement présentes en compte courant d'associé et des primes d'émission, non incorporées au capital social.
Cette règle est parfaitement injuste dans le sens où elle aboutit à considérer qu'au-delà d'un rendement de 10 % des capitaux investis, la distribution de dividendes (en tant que rémunération de l'investissement) peut être considérée comme un revenu du travail du gérant « déguisé en » revenu du capital (produit attaché à la détention des parts sociales). Or, eu égard au risque considérable pris par les associés de TPE ou PME, le rendement attendu peut être légitimement considéré comme bien supérieur.
En outre, cette barre des 10 % ne tient pas compte de l'historique des dividendes éventuellement versés par le passé… ou plutôt de leur absence. Cela aboutit à considérer qu'une SARL qui n'aurait jamais versé de dividendes pendant ses premières années d'exploitation pour investir et développer ses activités déguise la rémunération de son gérant dès lors qu'elle distribue un montant unique supérieur à 10 % de son capital plusieurs années après.
La suppression de ce seuil, entraînant suppression de l'assujettissement des dividendes aux cotisations, marquerait un geste de confiance fort vis-à-vis des entrepreneurs sous forme de SARL, et renforcerait significativement l'attractivité de ce type de société, quitte à prévoir, dans le cadre de l'« abus de droit social », des mesures en cas de choix outranciers (absence totale, ou faiblesse extrême eu égard aux pratiques de marché, de rémunération, avec distribution de dividendes conséquents au gérant, dans l'hypothèse où celui-ci détiendrait la totalité ou une part très significative du capital social).

Un potentiel abus ne peut autant restreindre la liberté de choix de gestion

Nous proposons de supprimer l'assujettissement des dividendes reçus par les gérants majoritaires de SARL aux cotisations sociales, dans la mesure où le dividende doit rester exclusivement un revenu du capital, et où la législation sociale permet déjà de réprimer les abus.

La SAS, chronique d'une libéralisation réussie

Une loi, qui date déjà du 3 janvier 1994, a institué la SAS en modifiant la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Codifiée depuis aux articles L. 227-1 et suivants du Code de commerce, la SAS est une forme sociale qui a connu une multitude de modifications depuis son institution. Il faut rappeler que cette structure avait été demandée au législateur par les grands groupes qui, à l'époque, ne disposaient pas d'outil adéquat pour former entre eux des co-entreprises, à la différence des régimes juridiques étrangers et notamment anglo-saxons (très coutumiers de la « JV » [joint-venture]).
Déjà à l'époque, l'utilisation d'une SARL se révélait problématique du fait de la bride statutaire et conventionnelle (les pactes d'associés étant monnaie courante dans les accords de co-entreprise) des dispositions d'ordre public, et l'obligation d'un gérant personne physique. En cela, la SAS « d'époque » ne pouvait être constituée que par plusieurs autres personnes morales, et devait être dotée d'un capital minimum important (les 1 500 000 F de l'époque seront plus parlants que leur traduction en euros).
Les lois du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, et du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, ont largement réformé les conditions d'accès à la SAS pour toute TPE/PME ou ETI française, en en faisant un espace infini de libertés (§ I), malgré des régimes fiscaux et sociaux assez contraints (§ II).

La SAS, un espace infini de libertés, terrain idéal d'expression pour l'ingénierie notariale

– Petite sœur des sociétés anonymes. – Dès l'alinéa 3 de l'article L. 227-1 du Code de commerce, la SAS se présente comme le proche parent de la société anonyme (SA) : « Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l'exception de l'article L. 224-2, du second alinéa de l'article L. 225-14, des articles L. 225-17 à L. 225-102-2, L. 225-103 à L. 225-126, L. 225-243, du I de l'article L. 233-8 et du troisième alinéa de l'article L. 236-6, sont applicables à la société par actions simplifiée ».
Ainsi, vingt articles du Code de commerce sont réservés aux SAS, par comparaison aux plus de deux cents pour les SA. Mais ces références, qui paraissent extrêmement nombreuses, ne doivent pas effrayer le praticien qui trouvera dans la SAS un terrain parfaitement adapté pour co-construire les fondations d'un projet d'entreprise « sur-mesure ».
– Une réduction très rapide du nombre minimal d'associés… – D'abord, et c'est un premier geste de libéralisation des SAS intervenu en 1999, la SAS peut avoir un associé unique, personne physique ou morale. L'état d'esprit initial de la co-entreprise n'aura donc finalement duré que cinq années. Cet associé peut être unique tant au moment de la création de la SAS qu'au cours de sa vie sociale ; l'article L. 227-4 du Code de commerce prenant même le soin d'écarter la dissolution judiciaire de l'article 1844-5 du Code civil en cas de réunion des actions en une seule main.
  • si elle ne réalise pas immédiatement un résultat positif au terme de son premier exercice social, ses capitaux propres deviendront négatifs. Or les sociétés commerciales à responsabilité limitée (notamment SARL / SA / SAS) sont astreintes à une procédure spécifique en cas de baisse de leurs capitaux propres en deçà de la moitié du montant de leur capital social.
  • Cette procédure a pour objectif d'informer les tiers (et notamment les créanciers actuels ou potentiels) de la situation financière de la société dont la mention du capital n'est plus du tout représentative de sa santé. L'information sera publiée dans un journal d'annonces légales et par mention sur son extrait d'immatriculation après dépôt au RCS.
  • Ainsi, la sous-capitalisation initiale de la société donnera une image délétère de celle-ci auprès des tiers, ce qui doit inciter les fondateurs à ne pas négliger de la doter d'apports suffisants ;
  • les fondateurs (mandataires sociaux comme associés) pourraient être rendus responsables de cette lacune de capitaux. L'absence de prise de mesure pour y pallier (telle que la convocation des associés à délibérer en vue d'organiser une augmentation du capital, ou tout autre mécanisme de renforcement du financement ou de la solidité financière) pourrait être assimilée pour les mandataires sociaux à une faute de gestion, à tout le moins au titre de l'obligation de moyens, qui leur sont toujours accessibles, et non de résultats, lesquels dépendent des associés.
Ces derniers pourraient quant à eux se voir rendus responsables de l'inconsistance de leurs apports pour assurer un fonctionnement normal de l'activité sociale sur le terrain des articles 1382 ou 1383 du Code civil. Il en résultera dans l'une ou l'autre des hypothèses que les créanciers sociaux disposeront d'une action à l'encontre du patrimoine personnel du mandataire social ou des associés fondateurs, rendant ainsi inopérant le bouclier de responsabilité que constitue la société choisie.
– … Ainsi que du capital minimal, non sans risques. – Depuis 2008, le capital social est librement fixé par les statuts… et comme nous le rappelions ci-dessus, la contrainte initiale était pourtant très forte. Il faut saluer cet assouplissement (applicable également pour les SARL) par rapport aux règles prévues pour la SA, puisque l'apport financier en capital constitue un véritable frein à la création de sociétés et, partant, à la création d'entreprise.
Cependant, et cela vaut aussi pour les SARL, nous noterons tout de même qu'il demeure inopportun de doter trop faiblement une société créée en capitaux initiaux.
Au-delà du manque de sérieux patent que présente, à l'extérieur, une société dont le capital serait d'un euro, ou d'une somme trop faible, celle-ci pourra également être confrontée à plusieurs problématiques :
– Un audit financier annuel aligné sur la SARL. – Depuis 2008 également, les SAS ne sont plus astreintes inconditionnellement à la nomination de commissaires aux comptes. Deux des trois seuils suivants sont désormais à remplir (lesquels seuils sont également désormais applicables aux SARL) : 4 millions d'euros de total de bilan, 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, et cinquante salariés. Jusqu'en 2019, les SAS contrôlées par une personne morale, ou en contrôlant une autre, étaient de plein droit astreintes à la nomination d'un commissaire.
Depuis cette date, la désignation n'est obligatoire que si la société contrôlante dépasse les seuils avec l'ensemble de ses structures filiales. La société contrôlée doit atteindre elle-même les seuils pour être astreinte à cette obligation.
Même si les diligences opérées par les commissaires aux comptes sont parfaitement vertueuses pour la transparence des comptes (tant du point de vue des associés minoritaires que des tiers intéressés par la santé financière de l'entreprise), on verra dans cet assouplissement une lecture objective de la situation de la création d'entreprise, et de la nécessité d'ouvrir encore plus l'outil qu'est la SAS aux entrepreneurs, y compris de très petite taille.
– Une véritable boîte à outils pour les droits sociaux. – Sur le plan de l'émission de titres, la SAS dispose d'une palette quasi intégrale de possibilités, à l'exception de l'appel public à l'épargne. Elle pourra :
  • émettre tout type de titre financier (actions, actions de préférence sur le plan financier ou politique, bons de souscriptions d'actions, obligations – convertibles, remboursables, ou non –, etc.) ;
  • offrir ses titres à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d'investisseurs ;
  • émettre des actions d'industrie (ce qui en fait une différence fondamentale, et hautement intéressante, avec la SA) aux associés qui mettraient à la disposition de la société leur travail ou leur influence, en plus de leur apport financier, ou sans pouvoir – ou vouloir – apporter de capitaux.Ces actions ne pourront cependant pas faire l'objet de transaction ou mutation particulière, mais disposeront du droit de vote et du droit aux bénéfices sociaux. Une rédaction minutieuse des statuts sera nécessaire pour encadrer très précisément les modalités de libération des apports (comment ? quand ?) et la vocation aux bénéfices attachée aux actions émises en contrepartie, qui peut être dérogatoire, si elle est expresse, à la règle de principe prévue au sein du Code civil ;
  • prévoir que les actions sont inaliénables pendant une durée de dix années au maximum, prévoir un agrément préalable aux cessions d'actions, prévoir une obligation de cession des actions d'un associé dans certaines conditions, prévoir l'exclusion d'une personne morale associée en cas de changement de contrôle de cette dernière, préciser les modalités de fixation du prix de cession des actions dans ces dernières hypothèses : en cela, il est parfaitement évident que ce bloc de dispositions a largement été inspiré des pratiques courantes des pactes d'associés, mais en y ajoutant une sanction unique, et peu atteignable au sein d'une convention extrastatutaire : la nullité des cessions effectuées en violation des clauses statutaires.
En fonction des objectifs, parfois divergents, des fondateurs, le rédacteur des statuts pourra donc utilement arbitrer le lieu de situation des clauses entre les statuts et le pacte d'associés, selon les considérations évoquées ci-dessus (confidentialité, stratification des droits et obligations des associés, modifications du pacte à l'unanimité ou dans des conditions plus originales), ainsi que des sanctions que ces derniers souhaiteront voir attachées à la violation de leurs accords.
– Des décisions collectives intégralement paramétrables. – La SAS se distingue particulièrement des autres types de société dans son fonctionnement par la mise en œuvre d'une véritable « démocratie actionnariale », puisque les statuts déterminent presque librement les décisions qui seront à prendre collectivement, ainsi que les formes et conditions de ces décisions collectives.
Ainsi sera ouverte la possibilité de confier au mandataire social une multitude de décisions qui auraient classiquement fait l'objet d'un vote des associés, ainsi que la possibilité d'adapter très précisément les conditions des décisions « laissées » à la collectivité des associés (en dissociant, ou non, en plusieurs catégories, les décisions selon des critères d'importance stratégique, de récurrence, etc.) en termes de droit de convocation, méthode de réunion, quorum et majorité.
– Une direction sur-mesure. – Enfin, les statuts de SAS vont pouvoir également librement déterminer les conditions dans lesquelles la société est dirigée. Pourront être institués tous types d'organe de gouvernance (comités, conseils, assemblées diverses et variées).
Le mandataire social pourra être une personne physique ou morale (ce qui en fait une différence fondamentale avec la SARL et permet les stratégies de rémunération évoquées plus haut), un groupe constitué desdites personnes, associées ou non. Seule sera obligatoire la désignation d'un président unique, et ce même si la direction est assurée de manière collégiale.
Cette obligation représente un inconvénient majeur de ce type de forme sociale, même s'il peut être atténué en s'adjoignant d'autres dirigeants (directeur général ou directeur général délégué) qui pourraient statutairement, à l'extrême, disposer strictement des mêmes pouvoirs de représentation de la société, vis-à-vis des tiers et/ou des associés. Un soin particulier devra également être porté au périmètre exact des missions de ces autres dirigeants, car l'article L. 227-7 du Code de commerce prévoit qu'ils endosseront la même responsabilité (par nature très étendue, notamment par suite d'une faute de gestion) que les membres du conseil d'administration ou du directoire des SA.

Une présidence à fragmenter

Nous proposons de permettre expressément une co-présidence au sein des SAS puisque le Code de commerce n'interdit pas la présidence collégiale et laisse le champ libre aux dispositions statutaires.
– La nécessité d'éviter un juridisme outrancier. – Cette synthèse « libérale » réalisée, force est de constater que la SAS est un outil sociétaire devenu, au fil de ses réformes successives, extrêmement contractuel. Ainsi, souscrire des actions d'une SAS devient aussi pour l'investisseur une opération à hauts risques, qui nécessitera une lecture extrêmement attentive des statuts et des éventuels pactes d'associés auxquels il sera tenu.
En cela, la liberté qui gouverne la SAS, laquelle a abouti à la rédaction de statuts et de pactes d'associés parfois d'une extrême complexité, ne doit pas déchoir en une défiance généralisée pour ce type de structure.
Sans souhaiter un niveau de réglementation plus élevé, qui nuirait inévitablement à l'objectif du législateur, le notariat pourrait, à l'instar de ce qui se pratique outre-Atlantique, proposer une pratique de place statutaire équilibrée, suffisamment souple pour préserver l'esprit de l'entreprise, tout en étant assez protectrice des intérêts des investisseurs et parties prenantes. C'est ce subtil équilibre, issu de son statut, que la profession notariale délivre à la population et promeut, chaque jour, dans tous les autres domaines.
En attendant, les statuts notariés de SAS pourraient d'ores et déjà tous se baser sur un plan de référence, lequel pourrait devenir communément admis et utilisé pour faciliter la lecture et l'analyse par tous. Cette trame est proposée par le présent rapport et annexée.

Une fiscalité dirigée, et un régime social malheureusement trop contenu

Sur les plans fiscal et social, les régimes auxquels la SAS est soumise sont également le fruit de son histoire. Co-entreprise réservée aux groupes de société lors de son institution, la SAS ne présente malheureusement que très peu d'options en la matière, et c'est aussi là un de ses principaux défauts sur lequel nous reviendrons ensuite.
– Le principe de l'impôt sur les sociétés, sans régime de famille. – Le principe de la SAS au niveau de la fiscalité sera celui de l'IS. En fonction de l'atteinte du chiffre d'affaires précisé ci-dessous, comme toutes les sociétés soumises à l'IS (SARL y compris), la SAS relèvera du régime simplifié ou normal :
  • 818 000,00 € pour les activités de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fourniture de logement ;
  • ou 247 000,00 € pour les autres activités de prestations de services.
La principale différence entre ces deux régimes réside dans les obligations comptables à mettre en œuvre et la documentation fiscale à transmettre à l'administration en vue de l'établissement de l'impôt. Le régime simplifié étant par nature moins lourd administrativement, il impliquera parfois des coûts externes d'expertise comptable moins élevés.
Aux côtés du principe de soumission à l'IS, la SAS aura également la capacité d'opter temporairement pour le régime de translucidité dit startup, de manière complètement identique à celle ci-dessus exposée concernant la SARL.
– Au niveau social. – La SAS présente la particularité de pouvoir être dirigée par des personnes physiques ou morales. Bien entendu, ce choix va avoir pour conséquence un traitement différencié de la rémunération du dirigeant.
– S'il s'agit d'une personne physique. – Elle sera assimilée au régime général des salariés, de manière strictement identique au gérant minoritaire ou égalitaire traité plus haut dans le cadre des SARL. Ainsi, malgré des prestations sociales plus solides, le coût total de sa rémunération (charge « employeur » et charge « employé ») sera éminemment plus important que celui du gérant majoritaire de SARL (relevant de la SSI). Pour en avoir un bref aperçu :
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Tableau représentant la rémunération nette mensuelle et le total des charges en SARL, SAS et le pourcentage
Ce régime est donc pénalisant pour la SAS nouvellement créée, au sein de laquelle le dirigeant personne physique bénéficiera d'une rémunération. Il devient difficilement défendable que le surcoût important du régime général soit engagé dans l'intérêt de la société. Par ailleurs, le régime général n'est pas du tout modulable, couvre de manière globale et uniforme les risques, sans considération des besoins réels de ses bénéficiaires.
– S'il s'agit d'une personne morale. – La rémunération passera tout simplement par une facturation du mandat social. C'est à ce stade une différence fondamentale avec les SARL, qui permet de déployer des stratégies très efficaces de rémunération. La personne morale dirigeante encaissera les facturations liées à l'exercice du mandat social de la société, libre au dirigeant (et aux associés) de cette personne morale d'en choisir sa forme sociale et de décider la manière d'appréhender, ou pas, le fruit de ces facturations.