Les modalités pour rendre effective l'exécution du pacte extrastatutaire

Les modalités pour rendre effective l'exécution du pacte extrastatutaire

– La réforme du droit des contrats. – Certains auteurs ont considéré que la réforme du droit des contrats par l'ordonnance du 10 février 2016 allait fragiliser les pactes extrastatutaires, alors que d'autres y ont vu un renforcement des droits et des obligations.S'il est encore trop tôt pour en tirer une trajectoire, et ce en l'absence de jurisprudence, on peut dire que la réforme a permis de clarifier et codifier de nombreuses dispositions qui avaient une origine jurisprudentielle.
– Assimilation à un contrat d'adhésion. – La crainte réelle des praticiens repose sur l'article 1171 du Code civil qui confère au juge un pouvoir modérateur dans les contrats d'adhésion. Sont réputées non écrites les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. La définition qui est donnée du contrat d'adhésion par l'article 1110 du Code civil est tellement générale qu'elle pourrait s'appliquer à des pactes d'associés rédigés par un associé majoritaire ou par un associé financier minoritaire qui en ferait une condition non négociable de son entrée au capital. La doctrine est aujourd'hui partagée pour savoir si le pacte d'associés pourrait rentrer dans le champ d'application du contrat d'adhésion. Il conviendra d'attendre les premières jurisprudences en la matière pour voir le champ d'application qu'entend donner la Cour de cassation aux pactes d'associés, mais il faut rester vigilant notamment en présence d'un associé entrant qui n'aurait pas d'autre choix que d'adhérer à un pacte extrastatutaire préexistant.
Un équilibre devra donc être trouvé entre ce qui sera à faire figurer dans les statuts et ce qui pourra être renvoyé à un pacte.
– Les dispositions qui renforcent les pactes extrastatutaires. – Quelles soient d'origine légales ou contractuelles, certaines dispositions peuvent fragiliser le pacte extrastatutaire, alors que d'autres seront de nature à en renforcer l'efficacité.
– L'action interrogatoire. – C'est notamment le cas des « actions interrogatoires » qui ont pour objectif de sécuriser les contrats en écartant les causes de nullité ou d'inopposabilité. En vertu de l'article 1123 du Code civil, celui qui entend se porter acquéreur de titres pourra interroger, s'il le connaît, le bénéficiaire de l'accord de préférence pour lui demander d'en confirmer l'existence, et de lui indiquer s'il entend s'en prévaloir. À défaut de réponse, le bénéficiaire ne pourra plus demander à être substitué dans la cession conclue, ni demander la nullité de celle-ci.
– La sanction de la révocation de la promesse unilatérale. – Une autre mesure de nature à renforcer les dispositions d'un pacte extrastatutaire, et qui était attendue, est la sanction en cas de révocation d'une promesse unilatérale. L'article 1124 du Code civil, issu de la réforme du droit des contrats, dispose que la révocation de la promesse de vente n'empêche pas la formation du contrat.
Depuis la réforme du droit des contrats, la Cour de cassation, par un revirement de jurisprudence, a appliqué cette nouvelle règle à des promesses de vente antérieurement conclues au 1er octobre 2016.
– Les dommages-intérêts et la résolution judiciaire. – En vertu des articles 1217 et 1227 du Code civil, issus de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, l'inexécution des clauses d'un pacte extrastatutaire peut engendrer la demande en justice de la résolution du pacte et/ou la condamnation à des dommages-intérêts du responsable.
Bien entendu, il faudra rapporter la preuve d'un préjudice tangible, donc mesurable, et établir la violation d'une obligation.
– L'exécution forcée. – En dehors de la force exécutoire d'un pacte extrastatutaire reçu par acte authentique, un autre aspect tient à l'exécution forcée. Elle a toujours eu une place à part dans la mesure où elle permet de contraindre une partie à respecter ses engagements mais qu'elle peut, par ailleurs, à la fois se révéler difficile à mettre en œuvre et avoir des conséquences importantes. Elle est donc souvent pondérée et son régime issu de l'ordonnance du 10 février 2016 reflète bien cette ambiguïté.
Même si le législateur a abrogé l'ancien article 1142 du Code civil qui prévoyait l'allocation de dommages et intérêts, la jurisprudence n'avait pas attendu la réforme du droit des contrats pour ordonner l'exécution forcée de dispositions contenues dans un pacte d'associés. Sur ce point, la réforme du droit des contrats n'a fait qu'entériner une position jurisprudentielle déjà bien installée.
À ce principe de l'exécution en nature, viennent immédiatement deux tempéraments.
En premier lieu, le bénéficiaire du pacte ne pourra pas obtenir l'exécution forcée en nature si cette exécution est impossible. Il s'agit d'une limitation traditionnelle qui vise des obstacles matériels, juridiques ou moraux.
En second lieu, pour les pactes conclus à compter du 1er octobre 2016, l'exécution en nature sera écartée s'il existe une disproportion manifeste entre l'intérêt qu'elle présente pour lui et son coût pour le tiers acquéreur. Cette disposition est véritablement large et laisse penser qu'en pratique bien souvent elle sera invoquée pour s'échapper d'une exécution en nature. La loi no 2018-287 du 20 avril 2018 qui a ratifié l'ordonnance a précisé que cette limite ne pourrait être invoquée qu'en l'absence de mauvaise foi du débiteur.
Avec le temps, il conviendra de voir comment la jurisprudence va appliquer cette clause d'exécution forcée, qui dépendra probablement de la nature des dispositions pour lesquelles l'exécution forcée sera réclamée.
En effet, s'il y a des hypothèses ou, a priori, l'exécution en nature va se révéler facile à mettre en œuvre, comme par exemple un droit d'information ou bien encore les obligations de vendre ou d'acheter, dans d'autres domaines elle va se révéler plus compliquée à appliquer, comme la violation d'une convention de droit de vote ou une promesse de porte-fort.
En conséquence, pour assurer une efficacité complémentaire, le rédacteur d'un pacte extrastatutaire se retournera vers des clauses contractuelles, complémentaires des dispositions légales.
– La clause pénale et la clause résolutoire. – Le pacte extrastatutaire peut stipuler des sanctions contractuelles telles qu'une clause pénale ou une clause résolutoire.
– La clause pénale. – Prévue par l'article 1231-5 du Code civil, la clause pénale devra notamment prévoir, pour être efficace :
  • un objet très précis qui ne devra pas s'assimiler à une possibilité de dédit ;
  • les causes du dommage entraînant sa mise en jeu ;
  • son montant qui pourra toujours être révisé par le juge ;
  • son sort si l'inexécution n'est que partielle.
La clause pénale doit être la réponse à l'inexécution d'une obligation contractuelle, ce qui la distingue de l'indemnité d'immobilisation et de la clause de dédit.
– La clause résolutoire. – Désormais codifiée dans le Code civil, elle peut être soit de plein droit, soit soumise à une décision judiciaire. Elle pourra s'appliquer à « tout manquement aux obligations du présent contrat ».
Si elle est de plein droit, elle prend effet dès que le créancier a notifié son intention au débiteur, sauf clause contraire prévue dans le pacte extrastatutaire.
Si, en revanche, la clause ne prévoit pas la résolution du seul fait de l'inexécution, le créancier ne peut invoquer la clause résolutoire que s'il a au préalable mis en demeure le débiteur en mentionnant expressément la clause résolutoire.
– L'astreinte conventionnelle. – Le pacte extrastatutaire peut prévoir que l'inexécution d'une obligation fera l'objet d'une astreinte, dont le montant pourra toujours être révisé par le juge.
Cette clause, organisée par l'article 1231-5 du Code civil, sera en complément et en amont d'une clause pénale ou d'une clause résolutoire ; le montant contractuel de l'astreinte pourra bien entendu être révisé par le juge.
Enfin, même en l'absence de toute clause contractuelle, l'astreinte pourra être prononcée par le juge pour assurer l'exécution de sa décision.
– La clause d'exécution forcée en nature. – Nous avons vu ci-dessus le champ d'application de la clause d'exécution forcée résultant du Code civil. Il faut se poser la question de savoir si les parties au contrat pourraient renforcer l'efficacité de cette clause en écartant les exceptions à l'article 1221 du Code civil. Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 27 mars 2008 a admis la validité d'une clause qui écartait l'application de l'ancien article 1142 du Code civil.
Le nouvel article 1221 du Code civil prévoit, comme nous l'avons vu ci-dessus, deux exceptions à l'exécution en nature. Il convient donc de se poser la question de savoir si les parties pourraient écarter ces deux exceptions. La doctrine est aujourd'hui partagée sur la question. Elle considère que cela ferait courir le risque au débiteur de supporter une sanction disproportionnée et conseille donc plutôt de les aménager en attendant de voir les orientations de la jurisprudence.
– La nomination d'un gestionnaire. – Née de la pratique afin d'assurer une plus grande efficacité, la nomination d'un gestionnaire va avoir pour objectif d'assurer une bonne exécution des clauses du pacte extrastatutaire.
L'étendue des missions de ce mandataire désigné dépendra des clauses du pacte. En règle générale, a minima, il aura pour mission d'être un séquestre des titres objet du pacteextrastatutaire. Il évitera ainsi qu'il y ait des mouvements sur les titres qui soient en contravention avec les dispositions du pacte. Mais le pouvoir de ce gestionnaire peut aller bien au-delà. La rédaction de la clause devra donc être particulièrement soignée afin de bien définir les contours de sa mission. Certains pactes confèrent à ce mandataire un droit de vote sur des titres lorsque le pacte contient des conventions de droit de vote. Or, ce mandataire ne peut pas avoir de pouvoir de disposition. Il conviendra donc d'être vigilant sur le contenu du droit de vote qui lui sera reconnu.
Il faut savoir que cette clause n'est pas un remède aussi efficace qu'on le pense face à la faiblesse du pacte extrastatutaire en ce qui concerne l'effectivité de la convention. En effet, quand bien même il y aurait un gestionnaire du pacte et des titres, une cession réalisée en violation des dispositions du pacte sera rarement remise en question par un juge, sauf collusion avec le cessionnaire.
(à ce niveau, faire un renvoi à l'annexe dénommée « Modèle pacte d'associés » Ca fait partie des annexes fournies