– Un titre venu de l'écosystème des
startups
. – Les « Bons de Souscription d'Actions – Accord d'Investissement Rapide » (BSA-AIR) constituent une valeur mobilière dont l'entrée est relativement récente au sein des modes de financement en France. Elle fut proposée par un incubateur bien connu de la place parisienne (The Family), et trouve son inspiration outre-Atlantique d'un autre incubateur à très forte notoriété (Y Combinator). Le BSA-AIR est ainsi la traduction de la terminologie anglo-saxonne, qui apparaît plus pertinente, de Safe (Simple Agreement for Future Equity).
Les BSA-AIR, un financement innovant
Les BSA-AIR, un financement innovant
– L'accélération de l'arrivée des capitaux. – L'idée fondatrice était d'accélérer le processus de levée de fonds des entreprises, avec un encaissement des fonds plus rapide que les financements traditionnels (émission d'actions, dette financière, etc., lesquels prennent souvent de six à neuf mois compte tenu de leurs enjeux et leurs contraintes). Cette valeur mobilière peut être émise par les sociétés par actions, à l'instar des bons de souscription d'actions traditionnels. Le principe est de souscrire une valeur mobilière particulière qui octroiera le droit de souscrire, dans un second temps, des actions de capital.
- si la valorisation de la société augmente de plus de 20 €, il aura tout intérêt à souscrire dans un second temps cette action pour la conserver ou la revendre ;
- si la valorisation diminue, la valeur du bon décroîtra d'autant (ce qui aboutit à ce qu'une « simple » baisse de valeur de l'action de 20 %, soit 20 €, prive le bon de toute valeur), mais l'investisseur aura initialement engagé des sommes inférieures comparativement à une souscription d'action.
En conclusion, les bons participent au financement immédiat de la société, exposent leurs souscripteurs au risque sur des sommes moins importantes, et leur font profiter de la prise de valeur, mais avec un risque de perte plus élevé.
– Un mécanisme financier simple. – Un investisseur pourra ainsi par exemple souscrire un bon d'une valeur de 20 € pour avoir le droit de souscrire, plus tard, une action valorisée 100 € au jour de l'émission du bon :
– Les paramètres clés de la procédure d'émission. – Le processus est le suivant : sur rapport du mandataire social, est proposé aux associés un contrat d'émission au sein duquel seront déterminés :
- l'élément déclencheur de l'augmentation de capital permettant la souscription d'actions (cet élément peut être lié à de nombreux événements portant soit sur des données comptables de la société, comme atteindre un objectif de chiffre d'affaires, un certain niveau de liquidités, etc., soit sur des paramètres capitalistiques, comme la réalisation d'une levée de fonds postérieure, la cession de la société, etc.) ;
- la durée de vie des bons (au-delà de laquelle, si l'élément déclencheur s'est réalisé, ou non, les bons pourront être convertis en actions) ;
- le taux de décote qui leur sera appliqué (comme nous le verrons ensuite, le BSA-AIR est plus risqué qu'un BSA traditionnel et justifie ainsi l'application d'une décote) ;
- et les conditions d'une éventuelle cessibilité des bons.
La collectivité des associés se prononcera ensuite sur ces conditions d'émission des bons et délèguera souvent au mandataire social le soin de recevoir les fonds, de constater la survenance – ou non – de l'élément déclencheur, de constater l'augmentation de capital en cas d'exercice du droit à souscription, et de procéder aux formalités.
– L'élément différenciant, origine du « AIR ». – La principale différence avec un BSA traditionnel, qui permet d'accélérer significativement le processus, réside dans le fait qu'en principe, l'émission de BSA-AIR reporte dans le temps certaines négociations, au rang desquelles : la valorisation de la société lors de l'émission des actions, la parité d'échange entre le nombre de BSA-AIR souscrits et le nombre futur d'actions émises, et le pacte d'associés.
Ces points ont été identifiés comme des étapes délicates de négociations, aboutissant à ralentir fortement le processus de levée de fonds. En effet, la valorisation d'une PME ou d'une ETI est un exercice très délicat déjà à l'instant « T » au cours d'une négociation, mais en faire une projection à moyen terme (au jour où potentiellement l'investisseur pourra effectivement souscrire les actions) relève d'une gageure, qui plus est dans une société nouvelle, et potentiellement à très forte croissance.
En parallèle, les négociations d'un pacte d'associés freinent nécessairement le processus de levée de fonds. Dans notre hypothèse, il ne s'agirait au surplus que d'un pacte éventuel, en cas de souscription effective des actions.
– Un risque élevé avec des protections légales faibles. – Le BSA-AIR place donc l'investisseur dans une situation très risquée puisque ce dernier ne connaît pas par avance la valeur à laquelle il pourra souscrire les actions, ni leur nombre, ni les conditions précises des règles de fonctionnement entre associés. L'investisseur ne bénéficie « que » de protections formelles du Code de commerce (art. L. 228-98 et s. : agrément en cas de modification de la structure capitalistique avant souscription, droit d'information, devenir des bons en cas de fusion ou en cas de procédure collective).
– La normalisation par la pratique. – Pour éviter un aléa total, et au risque de dévoyer quelque peu l'outil en en ralentissant le processus, la pratique a proposé de fixer des conditions un peu plus précises, permettant de sécuriser (et donc de séduire) l'investisseur et les associés de la société émettrice : une tunnelisation de la valeur des actions à souscrire (avec un plancher, qui peut également s'appliquer en cas de non-réalisation de l'élément déclencheur, et un plafond, qui évite aux investisseurs une dilution trop importante), le rapport d'échange en fonction de la table de capitalisation au jour de la souscription des actions, et des conditions de fonctionnement entre associés (formule synthétique de pacte d'associés si les droits à souscription sont finalement exercés).
– Une proposition innovante, à entourer de précautions. – La présentation de cet outil permettra au notaire, conseil de l'entreprise et de ses associés, d'apporter une solution originale et simplifiée de levée de fonds, dans la mesure où la société nécessite des apports très rapides, que les associés ne peuvent, ou ne veulent y procéder, et que les financeurs en dette ne sont pas, ou plus, enclins à répondre présent rapidement.
L'attention des investisseurs devra nécessairement être attirée sur les particularités de cette valeur mobilière singulière, et ses facteurs importants de risque, comparativement aux autres outils.
L'affluence de liquidités à investir, les lacunes des produits de placement disponibles, la recherche de rentabilité et la multiplication des projets d'entreprise innovants et des investisseurs en capital ont sans doute développé cette pratique plus qu'elle ne l'aurait été dans un contexte économique classique.
Cette diffusion est pointée du doigt par certains investisseurs professionnels pour qui ce niveau d'aléa n'est que très peu compatible avec une prise de décision raisonnable, dans la mesure où la plupart des souscripteurs de ce type de produits sont des investisseurs individuels, non professionnels, à la recherche effrénée de rendement élevé, qui, peu informés, mesurent souvent mal les conséquences du choix de ce type de valeur mobilière.