Le régime du gage sur l'immeuble par destination

Le régime du gage sur l'immeuble par destination

– La nécessité d'un écrit. – Le gage sur l'immeuble par destination est soumis au régime de droit commun du gage et doit donc être constaté par écrit. Cette solennité est confirmée par le nouvel article 2336 du Code civil : « Le gage est parfait par l'établissement d'un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ».
– Publication et opposabilité du gage. – Le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite. La publication se fait sur un registre spécial dont les modalités seront précisées par un décret en Conseil d'État.
– Le possible conflit des créanciers inscrits. – Il convient ici d'attirer l'attention du praticien sur la possibilité de voir naître un conflit entre le créancier hypothécaire et le créancier gagiste. En effet, imaginons le cas d'un exploitant constituant au profit de son créancier un gage sur les pales d'éoliennes qu'il prévoit d'immobiliser pour une durée de trente ans sur le site de production. Imaginons également que le droit réel dont il dispose sur l'unité foncière, siège de l'installation de production, ait fait l'objet d'une affectation hypothécaire au profit d'un autre créancier, par exemple le prêteur des fonds nécessaires à l'acquisition dudit droit réel. Dans un tel cas, une importante difficulté apparaît :
• les pales d'éoliennes devenant immeuble par destination accroissent incontestablement l'assiette de l'hypothèque, et cet accroissement bénéficie par principe au créancier hypothécaire.
Dès lors, comment résoudre ce conflit ? La solution a heureusement été prévue par l'ordonnance et le nouvel article 2334, alinéa 2 du Code civil qui renvoie à la règle de conflit établie par le nouvel article 2419 : « L'ordre de préférence entre les créanciers hypothécaires et les créanciers gagistes, dans la mesure où leur gage porte sur des biens réputés immeubles, est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, nonobstant le droit de rétention des créanciers gagistes ». Par conséquent, la primeur sera donnée à celui qui aura rendu sa sûreté opposable le premier.
– Les précautions à prendre. – Le risque de voir deux créanciers titulaires de deux garanties réelles distinctes mais portant en partie sur un même objet n'est donc pas uniquement théorique. En pratique, le notaire en charge de procéder à la régularisation de l'une ou l'autre de ces garanties devra dès lors, et au préalable, vérifier qu'il n'existe pas déjà :
  • sur l'immeuble destiné à recevoir l'immeuble par destination une inscription hypothécaire antérieurement publiée ;
  • sur l'immeuble par destination immobilisé sur l'immeuble destiné à être hypothéqué une inscription de gage spécifique de l'article 2334 ayant date plus ancienne. Sur ce point, la vérification s'effectuera sur le registre des gages sans dépossession accessible depuis le site internet www.infogreffe.fr">Lien.
Ce travail de vérification sera indispensable afin d'assurer que la garantie souhaitée par le créancier et consentie par le débiteur puisse conserver toute son efficacité. La difficulté résidant dans la dualité des registres regroupant ces inscriptions, la question de leur centralisation se pose aujourd'hui. La loi dite « 3DS » récemment votée par le Parlement, autorisant le gouvernement à réformer la publicité foncière par voie d'ordonnance (dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, soit avant le 21 août 2023), pourrait constituer une belle opportunité à cet effet.