Le contrat des époux séparés de biens

Le contrat des époux séparés de biens

– Liberté rédactionnelle. – Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 214 du Code civil sont supplétives de volonté. La diversité des clauses est grande puisque les parties ont la possibilité non seulement de déterminer le montant de leur contribution, mais également d'en fixer les modalités d'exécution.
Étant ici précisé que la participation des deux époux aux charges du ménage est la conséquence de la communauté de vie résultant du mariage. Elle est imposée par le Code civil et est impérative sous tous les régimes matrimoniaux. Toutefois, sous le régime de la séparation de biens, il n'y a pas de biens communs pour y subvenir. Comme l'ont ainsi relevé plusieurs auteurs, les conventions trouvent leur utilité essentielle non pas dans les régimes communautaires où les charges du mariage incombent à la communauté et où tous les revenus des époux, quelle que soit leur provenance, sont appelés à accroître la masse commune, mais dans les régimes séparatistes. Ceci explique le renvoi exprès à l'article 214, fait par le législateur dans l'article 1537 du Code civil, à propos du régime de la séparation de biens.
Quelles sont, à cet égard, nos préconisations rédactionnelles en qualité d'ingénieur notarial pour les époux séparés de biens ? Deux solutions s'offrent aux époux afin de déterminer le montant de la contribution aux charges du mariage : soit ils reprennent le mode de détermination proposé par l'article 214 du Code civil (§ II), soit ils décident d'en retenir d'autres (§ I).

Une contribution à proportion libre

– Portée large ; quoique ? – La première option consiste à laisser aux parties l'initiative de choisir elles-mêmes les modes de détermination du montant de leur contribution, comme l'autorise l'article 214 du Code civil. Cette option est de large portée puisque les conventions envisageables sont diverses.
Les époux peuvent notamment convenir d'une fraction (par ex. : deux tiers pour la femme, un tiers pour le mari) ou d'un pourcentage déterminé (par ex. : 35 % pour la femme, 65 % pour le mari) des charges qui incomberont à chacun d'eux. Ou encore les époux peuvent décider d'une somme fixe ou d'une partie de leurs revenus.
En pratique, la majorité des époux peuvent difficilement anticiper de manière aussi précise la contribution qu'ils seront en mesure d'allouer tout au long du mariage. Cette dérogation est à conserver pour des cas bien particuliers.

Une contribution à proportion des facultés respectives des époux

– Histoire de la clause usuelle. – Ainsi que nous l'avons vu, les notaires avaient pris l'habitude d'insérer, dans quasiment tous les contrats de mariage, une clause reprenant le mode de détermination de la contribution aux charges du ménage tel que prévu à l'article 214 du Code civil, c'est-à-dire à proportion des facultés respectives des époux.
Malgré ce qui a été indiqué ci-dessus sur le caractère simple ou irréfragable de ladite clause usuelle, il convient de revenir sur l'utilité historique de cette clause. Effectivement, de nombreux auteurs estimaient que reprendre le mode de détermination de la contribution aux charges du mariage de l'article 214 du Code civil dans une clause du contrat de mariage était susceptible de se révéler utile ; cela explique que la formule retenue par le texte se retrouve dans la plupart des modèles de contrats proposés aux praticiens.
D'une part, l'objectif poursuivi par cette clause était, si l'on en croit un auteur, « de rappeler aux rédacteurs de contrats de mariage que l'article 214 du Code civil permet aux futurs époux de régler eux-mêmes, dans leurs conventions matrimoniales, le problème de leur contribution respective aux charges du mariage ».
D'autre part, l'occasion était donnée, dans le cadre de cette clause, de définir ce que représente pour chaque couple la notion de charges du mariage. Il était conseillé de demander aux clients s'ils souhaitaient exclure de la contribution aux charges du mariage les dépenses strictement personnelles telles que celles d'habillement, ou s'ils souhaitaient y inclure les dettes d'impôts sur le revenu, les dépenses d'investissements ayant pour objet l'agrément et les loisirs du foyer, ainsi que les acquisitions en indivision du logement familial, voire d'une résidence secondaire.
– Prévoir le périmètre de la contribution aux charges du mariage en cohérence avec le droit positif. – La jurisprudence étant désormais fixée sur les dépenses qui relèvent de la contribution aux charges du mariage et celles qui n'en relèvent pas, les notaires pourraient simplement l'intégrer dans les contrats de mariage.
La clause proposée est la suivante :

Définir la contribution aux charges du ménage dans le contrat de mariage des époux séparés de biens, en cohérence avec le droit positif

CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MARIAGE
En vertu de l'article 214 du Code civil : « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au Code de procédure civile ».
La notion de charges du mariage est entendue largement, et dépend du train de vie que les époux se sont donné d'un commun accord. Sont concernés les dépenses de nourriture, de logement, de vêtements des époux et des enfants, de transport, ainsi que les frais d'entretien et d'éducation des enfants.
En outre, relèvent de la contribution aux charges du mariage les dépenses d'investissements immobiliers concernant le financement, savoir :
  • du logement de la famille ;
  • ainsi que de tous les biens immobiliers à l'usage de la famille lorsque ceux-ci sont conformes au train de vie du ménage.
En revanche, ne relèvent pas de la contribution aux charges du mariage, savoir :
  • les dettes d'impôts sur le revenu ;
  • les dépenses d'investissements portant sur des biens immobiliers n'étant pas à l'usage de la famille, notamment des immeubles de rapport ;
  • les dépenses en capital de toutes sortes.
– Prévoir le périmètre de la contribution aux charges du mariage, en opposition avec le droit positif ? – Se pose ensuite la question de savoir si, dans le contrat de mariage, il est possible de prévoir une définition distincte de celle de la jurisprudence actuelle. Le contrat de mariage pourrait-il déterminer les dépenses concernées par ladite contribution et celles qui ne le seraient pas, en fonction du souhait des parties ?
La clause proposée serait la suivante, avec de nombreux aménagements possibles en fonction du souhait des futurs époux :

Définir la contribution aux charges du ménage dans le contrat de mariage des époux séparés de biens, en opposition avec le droit positif

CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MARIAGE
En vertu de l'article 214 du Code civil : « Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au Code de procédure civile ».
La notion de charges du mariage est entendue largement, et dépend du train de vie que les époux se sont donné d'un commun accord. Sont concernés les dépenses de nourriture, de logement, de vêtements des enfants, de transport, ainsi que les frais d'entretien et d'éducation des enfants.
Relèvent également de la contribution aux charges du mariage les dettes d'impôts sur le revenu.
En outre, relèvent de la contribution aux charges du mariage les dépenses d'investissements immobiliers concernant uniquement le financement du logement de la famille.
En revanche, ne relèvent pas de la contribution aux charges du mariage, savoir :
  • les dépenses strictement personnelles telles que les dépenses d'habillement des époux ;
  • les dépenses d'investissements portant sur des biens immobiliers autres que le logement principal de la famille ;
  • les dépenses en capital de toutes sortes.
– Question en suspens. – Malheureusement, la jurisprudence ne s'est à ce jour pas prononcée sur la possibilité de déterminer, conventionnellement, les dépenses qui seraient celles de la contribution aux charges du mariage et celles qui ne seraient pas concernées.
Selon une partie de la doctrine, il semblerait que l'article 214 du Code civil, tout comme l'article 1537 du même code, ne réserve la liberté rédactionnelle qu'en ce qui concerne l'aménagement du règlement de la contribution aux charges du mariage, non de son périmètre. Nous proposons donc, dans le cadre d'une intervention du législateur, d'ajouter dans le Code civil la définition de la contribution aux charges du mariage, et de prévoir la possibilité d'y déroger conventionnellement.