Guider nos clients dans l'utilisation du bien acquis

Guider nos clients dans l'utilisation du bien acquis

Le financement dans un contexte international

– Plan. – Dans un contexte d'internationalisation, les situations d'emprunt transfrontière/transnational sont de plus en plus fréquentes : c'est le cas d'étrangers, résidents français ou non, recourant à un emprunt dans leur pays d'origine pour financer l'acquisition d'un bien immobilier en France ; ou de Français souhaitant financer l'acquisition d'une résidence secondaire à l'étranger. Dans le cadre de notre devoir d'information et de conseil, il nous appartient d'être en mesure d'accompagner et d'avertir nos clients sur les implications liées à cet élément d'extranéité, qu'il provienne du fait que l'établissement bancaire prêteur est situé à l'étranger ou du fait que la garantie du financement doit être prise sur un bien situé à l'étranger. Nous rappellerons les points de vigilance dans la pratique actuelle (Section I) et envisagerons les évolutions en cours (Section II).

De quelques particularités du financement de clients étrangers investissant en France

Le secteur bancaire est très régulé et réglementé. Une banque française finançant des clients étrangers doit souvent interférer avec près de quinze autorités de régulation, répondre à leurs audits, demandes de licences, etc. En effet, pour les besoins d'une intervention, d'un financement « transfrontière » (notamment parce qu'il implique un client non résident), il sera nécessaire de détenir une licence dans le pays de résidence du client pour avoir le droit de lui proposer un financement et/ou l'ouverture d'un compte bancaire en France (notamment aux États-Unis, au Japon, en Suisse et en Grande-Bretagne). Depuis 2008 (et la crise financière américaine), la plupart des pays ont en effet développé un arsenal réglementaire pour protéger leurs ressortissants, leur périmètre. La banque doit alors souvent décider de segmenter son activité. La Banque Transatlantique a par exemple choisi d'être présente en Europe, en Asie (Singapour, Hong Kong) et en Amérique du Nord (États-Unis et Canada). Pour les clients de ces pays, elle est alors en mesure de les rencontrer localement, de connaître leur écosystème.

La pratique actuelle du financement international : anticiper les difficultés

– Plan. – Lorsqu'il est amené à intervenir pour une opération de financement international, que ce soit directement comme notaire rédacteur de l'acte de prêt consenti par un établissement étranger (Sous-section I) ou comme conseil d'un client investissant à l'étranger (Sous-section II), le notaire français devra être en mesure d'appréhender différentes questions pour anticiper les difficultés. Il devra également prévoir l'exécution de l'acte à l'étranger (Sous-section III).

Investir en France au moyen du financement d'un établissement de crédit étranger

Quelle banque étrangère ? Vérifier l'identité du prêteur
Lorsqu'un investissement en France est réalisé au moyen d'un financement consenti par un établissement de crédit étranger, il conviendra tout d'abord de s'interroger sur l'identité de cet établissement afin de déterminer si son intervention sur le marché français est autorisée.
– L'agrément délivré par la Banque centrale européenne. – C'est le Code monétaire et financier qui fixe les conditions d'intervention des établissements étrangers sur le marché bancaire français, en imposant l'obtention d'un agrément, qui est actuellement délivré par la Banque centrale européenne (BCE), sur proposition de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). L'agrément est délivré lorsque sont respectées les garanties prévues par les articles L. 511-10 et suivants du Code monétaire et financier.
– Le registre des agents financiers (Regafi). – En pratique, il conviendra de consulter le site du registre des agents financiers (www.regafi.fr">Lien), qui recense les établissements de crédit ayant obtenu un agrément pour exercer une activité en France.
– Principe de reconnaissance mutuelle au sein de l'Union européenne. – En application du principe de reconnaissance mutuelle, si un établissement de crédit est agréé dans un État membre (lieu de son siège), il le sera dans les autres États membres (où il pourra créer une succursale).

Le financement des acquisitions en France par des non-résidents, l'exemple de la du Crédit Agricole et problématique Brexit

Le Crédit Agricole de Normandie a créé il y a plus de vingt-cinq ans une agence spécialisée dans le financement de la clientèle britannique en France, la Britline. Sa clientèle est composée à 80 % de Britanniques investissant en France (sans s'y installer), et 20 % de Britanniques installés en France. Elle dispose d'environ 45 000 clients britanniques en portefeuille. Jusqu'au 31 décembre 2020, le financement d'un résident britannique opérait sans difficulté. Depuis le Brexit, la commercialisation de produits à des résidents britanniques a été restreinte et nécessite la délivrance d'un agrément de la Financial Conduct Authority (FCA).
Quelle loi applicable ? Déterminer la loi applicable au financement
En présence d'un investissement financé via un établissement de crédit étranger, il conviendra de s'interroger sur la loi applicable. Àcet égard, une distinction doit être faite entre la loi applicable au contrat de prêt et celle applicable aux garanties du contrat de prêt.
La loi applicable au contrat de prêt
La loi applicable au contrat de prêt peut être :
  • soit la loi d'autonomie. En application du règlement dit « Rome I », le contrat de prêt est soumis à la loi d'autonomie choisie par les parties ;
  • soit la loi du pays de résidence de la partie fournissant la prestation caractéristique. Àdéfaut de choix exprès, c'est « la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle » qui s'applique, et donc en pratique la loi du pays du prêteur.
La loi applicable aux garanties du contrat de prêt
En matière de garanties réelles, il faut respecter les règles impératives de la loi applicable aux garanties réelles, qui est celle du lieu de situation du bien donné en garantie, en application de l'article 3 du Code civil.
Même s'il n'y aura pas toujours une seule loi applicable (la loi de la source de la garantie trouvant parfois à s'appliquer), la lex rei sitae devra être respectée pour la sécurité des tiers.
Autres lois applicables
Nous rappellerons ici que la capacité de l'emprunteur personne physique est régie par sa loi nationale et que les pouvoirs pour emprunter découlent du régime matrimonial des emprunteurs mariés et de la loi applicable audit régime.
Dans le cas d'un emprunteur personne morale, sa capacité est appréciée au regard de la lex societatis (loi du siège social réel). Un certificat de coutume / une legal opinion pourront le cas échéant être demandés à un juriste local compétent.
Quelle garantie ? Vérifier la garantie pouvant être consentie au prêteur et les étapes à respecter
– Vérification de la cohérence entre la loi du contrat de prêt et la loi applicable à la sûreté réelle. – Comme indiqué précédemment, la loi applicable aux garanties réelles est celle du lieu de situation du bien donné en garantie. Pas de difficulté en théorie, puisque l'on pourra donc choisir les garanties réelles prévues par la loi française, même si le contrat de prêt est régi par une loi étrangère. Toutefois, en pratique, il conviendra d'être vigilant car vérifier que la sûreté respecte les exigences du droit français ne suffira pas dans certaines hypothèses : il faudra en outre que la garantie respecte la loi gouvernant la créance, comme c'est le cas par exemple quand la sûreté est d'origine légale.
– Banque étrangère et hypothèque légale de prêteur de deniers. – En droit international privé, le privilège est soumis, quant à sa validité, à la loi qui régit la créance. Son inscription en France ne sera donc possible que s'il est admis également par la loi régissant le contrat de prêt. Dans la mesure où cette garantie, si courante en France, n'est que rarement connue par d'autres pays (actuellement presque uniquement au Luxembourg ou Monaco), certains auteurs ont proposé de procéder à un « dépeçage », dont l'objet est de soumettre un même rapport contractuel à des lois différentes : il conviendrait ainsi de faire référence, dans le contrat de prêt étranger, à la loi française dans une stipulation spécifique à la reconnaissance de ce privilège, et de respecter la forme authentique avec un acte de prêt reçu à l'étranger devant notaire. L'acte de vente français ne nécessitera pas l'intervention du prêteur pour faire naître l'hypothèque légale de prêteur de deniers, puisque l'article 2402 du Code civil (qui a remplacé l'article 2374 aux termes de la réforme des sûretés) impose uniquement une quittance authentique consentie par le vendeur (et un acte notarié avec promesse d'emploi).
Toutefois, certains praticiens ont douté de la faisabilité du procédé du « dépeçage » en pratique. Pour les contrats d'envergure et les financements d'ampleur, et notamment pour les crédits paneuropéens, il peut alors être fait appel à un « contrat-cadre » et un « contrat d'application » : le contrat cadre, quant aux conditions de la convention de crédit, est soumis à la loi de la banque ; chaque tirage de l'ouverture de crédit est ensuite reçu par le biais d'un contrat d'application soumis lui à la loi locale (la créance de remboursement ne naissant que du contrat d'application).
– Banque étrangère, hypothèque légale de prêteur de deniers et réforme du droit des sûretés. – La transformation du privilège de prêteur de deniers en hypothèque légale n'a pas modifié les difficultés et nécessaires adaptations soulignées ci-dessus. Sous réserve de la modification tenant au fait que ces sûretés prennent désormais rang à la date de leur inscription, le régime de ces sûretés reste inchangé. « C'est vrai du formalisme à respecter comme de la fiscalité applicable mais également, dans un contexte international, de la loi compétente pour décider de l'octroi de la sûreté ».

Banque étrangère et hypothèque légale de prêteur de deniers

Afin qu'une banque étrangère finançant l'acquisition d'un immeuble situé en France bénéficie de l'hypothèque légale de prêteur de deniers, il existe différentes techniques, non remises en cause ni améliorées ou augmentées par la réforme des sûretés.
– Banque étrangère et inscription d'hypothèque conventionnelle en France. – Si le contrat de prêt soumis à une loi étrangère, reçu par un notaire étranger, prévoit une prise d'hypothèque conventionnelle sur l'immeuble situé en France, le notaire français devra obtenir une copie authentique de l'acte afin de procéder à l'inscription hypothécaire en France (et prévoir une traduction en langue française par un traducteur assermenté). Àcet égard, et en vertu de l'article 2417 du Code civil, le notaire français a un monopole pour la rédaction de l'acte constitutif (ce qui n'est pas le cas de la procuration pour constituer hypothèque). Dans le cadre de son devoir d'information, le notaire français attirera l'attention du créancier établissement étranger qui ferait signer l'acte de prêt par voie sous seing privé à l'étranger qu'il convient de réitérer le contrat de prêt dans l'acte français de prise de garantie pour qu'une copie exécutoire puisse être délivrée. Nous envisageons ci-après la question du titre exécutoire (V. infra, nos et s.).
Quelles lois de police applicables ? Vérifier quelles lois de police devront obligatoirement être prises en compte
– Application de la loi Scrivener dans un contexte international. – Dans le cas d'un financement soumis à une loi étrangère en vue d'une acquisition en France, il conviendra de s'interroger sur l'application des lois de police françaises en la matière, et notamment de la loi Scrivener du 13 juillet 1979 (C. consom., art. L. 321-1 et s.). Cette loi sera applicable si l'immeuble donné en garantie est situé en France et que l'une des parties au contrat de prêt est établie en France (donc même si l'emprunteur ou le prêteur sont établis à l'étranger).
Dans le cas où l'emprunteur et le prêteur sont établis à l'étranger, un doute existe, mais on recommandera d'appliquer lesdites dispositions protectrices afin de minimiser le risque que des acquéreurs qui n'auraient pas obtenu leur financement tentent d'invoquer la caducité de la vente en application de l'article 1186 du Code civil .

Loi Scrivener et emprunt international

La situation du bien acquis n'est pas suffisante pour l'application de la loi Scrivener.
La langue de l'offre de prêt : vérifier la nécessité de traduction de l'offre de prêt
– La traduction de l'offre de prêt. – Un autre point de vigilance important dans le cadre d'un emprunt consenti à des étrangers et générateur de responsabilité notariale tient à la question de la traduction du contrat de prêt. Nous ferons ici référence aux recommandations formulées dans le cadre de la 66e Assemblée de liaison des notaires de France.
Dans le cadre de son devoir d'information et de conseil, il appartient au notaire de s'assurer que l'emprunteur a compris la portée de son engagement et donc les conditions de l'offre de prêt. Dans le cas de clients étrangers, l'offre de prêt doit être traduite dans la langue de l'emprunteur par un traducteur assermenté dès son émission par la banque, pour la bonne exécution du délai de réflexion prévu par la loi Scrivener. Et l'acte authentique doit comporter en annexe les deux versions signées par les emprunteurs (et être lui-même traduit).
En conséquence, si le notaire s'aperçoit que l'offre de prêt n'a pas été traduite dans la langue de l'emprunteur, il est conseillé de demander à la banque de procéder à cette traduction et de purger à nouveau le délai de réflexion de la loi Scrivener.
– Client étranger et mention manuscrite loi Scrivener. – Si aucune mention manuscrite de renonciation au bénéfice de la condition d'obtention de financement ne doit être apposée dans une promesse de vente reçue en la forme authentique, cela doit être le cas dans un avant-contrat sous seing privé. Dans cette hypothèse, et en présence d'un acquéreur étranger, la mention manuscrite peut être rédigée dans la langue de l'acquéreur et traduite sur l'acte lui-même. C'est ainsi que s'est prononcée la Cour de cassation en jugeant que « la cour d'appel qui a retenu, à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que ces dispositions avaient pour objectif la protection de l'acquéreur, et qu'elles n'imposaient pas que la mention prévue à l'article L. 312-17 doive être impérativement rédigée en français ».
Procuration et contrat de prêt
Si l'acquéreur-emprunteur étranger ne peut être présent pour la signature de l'acte d'acquisition contenant prêt authentique ou pour la signature d'un acte d'emprunt, il conviendra de s'interroger sur les conditions de forme et de fond de la procuration à établir, notamment à l'étranger (A). Il pourra bien sûr également être fait appel à la procuration notariée à distance (B).
Conditions de fond et de forme de la procuration établie à l'étranger
– Conditions de forme, notaire étranger et précautions. – Malgré le principe Locus regit actum, le droit français impose la forme authentique pour les procurations pour hypothéquer. Pour ce faire, il pourra être fait appel à un notaire étranger d'un pays connaissant le notariat latin et membre de l'UINL.
Àdéfaut, il conviendra de recourir à un acte étranger établi sous une forme locale équivalente à un acte authentique français. Il convient d'être vigilant à cet égard. La Cour de cassation a précisé que la procuration devra être reçue par un professionnel délégataire de la puissance publique, habilité à authentifier la signature des personnes qu'il reçoit et ayant informé les signataires sur les conséquences de l'acte.
Scrivener notary , notary public et procuration authentique à l'étranger. – Quand il sera nécessaire de faire établir une procuration authentique aux États-Unis, il conviendra d'être vigilant : le notary public américain ne pourra pas être considéré comme ayant une fonction équivalente à celle d'un notaire français. En Angleterre, ce sera le cas du scrivener notary. La jurisprudence de la Cour de cassation conduit ainsi à ne pas recourir à une procuration dressée par un notary public d'un pays du Commonwealth lorsqu'une procuration authentique sera nécessaire.
– Conditions de fond, faire le choix de la loi française. – En vertu de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, c'est aux parties de choisir la loi applicable à la procuration quant au fond ; à défaut de choix exprès, c'est la loi de résidence habituelle du mandataire qui s'appliquera. Il conviendra donc de bien préciser que la loi française sera applicable.
– Langue de la procuration. – Notons que si le notaire étranger sollicité maîtrise la langue française, un modèle de procuration pourra lui être envoyé en langue française (à charge pour lui de procéder à la traduction dans la langue de son pays pour les besoins de son acte authentique étranger). Il procédera à la lecture de l'acte et à la délivrance du conseil en langue française. Àdéfaut, la présence d'un traducteur auprès de lui sera nécessaire.

Procuration établie à l'étranger et précautions

Il conviendra toujours d'obtenir confirmation de l'autorité recevant la procuration à l'étranger en vue d'un acte à recevoir en France :
  • que l'acte a été lu au mandant ;
  • que ce dernier comprend la langue dans laquelle la procuration est établie ;
  • que le devoir de conseil a été exercé, par les explications fournies et les réponses apportées aux questions du client.
La procuration notariée à distance (PND)
La procuration notariée à distance, instaurée durablement par décret du 20 novembre 2020, peut permettre de pallier les difficultés évoquées ci-dessous lorsqu'une procuration doit être établie à l'étranger en la forme authentique pour les besoins d'un acte à recevoir en France (V. infra, nos et s.).

Investir à l'étranger en empruntant en France

– Connaître pour accompagner l'investissement à l'étranger d'un client. – Lorsqu'un de nos clients souhaitera investir à l'étranger, et comme nous l'envisagerons ci-après (V. infra, nos et s.), nous pourrons être amenés à intervenir, tout en le faisant de façon réfléchie et limitée, dans les limites de notre compétence nationale et de nos connaissances. Si nous ne devons pas nous improviser juriste international et conseiller bancaire, nous pouvons toutefois envisager avec nos clients les solutions de financement possibles pour une acquisition à l'étranger, et développer en la matière des contacts avec des notaires et juristes étrangers, des banques étrangères et des courtiers internationaux, mais également avec des banques françaises intervenant à l'international. Le notaire sera un des maillons de la chaîne d'experts nécessaires à la réalisation d'un investissement en Europe. Il permettra de coordonner les projets et les partenaires. Il sera particulièrement intéressant pour un client que le notaire français qui suit régulièrement ses dossiers soit en mesure de lui donner les premières informations ou recommandations importantes, avant l'intervention nécessaire d'un notaire étranger. En Grande-Bretagne par exemple, le calendrier et les délais d'une transaction immobilière sont plus rapides qu'en France. Il est nécessaire de les connaître en amont, afin de les anticiper.

L'exemple de la Banque Transatlantique

Certaines banques françaises sont régulièrement amenées à financer des clients investissant dans l'immobilier à l'étranger. La Banque Transatlantique, par ses filiales, experts et avocats dans les pays concernés, est par exemple en mesure de mettre en place des garanties réelles sur un bien immobilier situé à l'étranger, dans sept pays hors de France : Portugal, Espagne, Grande-Bretagne, Luxembourg, Suisse, Irlande, Canada. Les experts et contacts locaux interviendront pour procéder aux vérifications nécessaires sur place, et notamment quant au droit de propriété du vendeur. Cette prise de garantie n'est souvent pas suffisante et les banques privilégient à la place ou en complément un nantissement dans les livres de la banque ou dans une filiale spécifique au statut fiscal du client.

Être en mesure d'avertir nos clients de certaines particularités des financements transfrontières. L'exemple de l'Italie et de l'Espagne

Même s'il est bien sûr impossible de maîtriser l'ensemble des particularités des financements à l'étranger, avertir nos clients de certains aspects devant être pris en compte dans leurs choix et décisions dans ce domaine représentera une plus-value dans notre intervention.
Nous prendrons ici l'exemple des financements d'acquisitions en Italie et en Espagne :
  • en Italie, lorsqu'une banque étrangère consent un crédit à un résident italien, elle se trouve taxée à hauteur d'un pourcentage par rapport au taux d'emprunt. Les sommes correspondantes doivent être versées à l'administration fiscale italienne pendant toute la durée du crédit ;
  • en Espagne, en cas de financement garanti par une hypothèque prise sur un bien situé dans ce pays, les frais de constitution de garantie doivent être supportés par la banque (ce qui peut diminuer son intérêt à suivre le client qui la sollicite).

Point de vigilance sur l'assurance-emprunteur en cas de financement d'un non-résident

En cas de financement consenti à un client non résident par une banque française, une difficulté peut apparaître quant à l'assurance-emprunteur, puisque cette banque ne disposera généralement pas des autorisations nécessaires pour proposer une telle assurance à une personne non résidente (une délégation d'assurance devant alors être mise en place). Ce point est souvent jugé anecdotique par les banquiers non habitués à une clientèle de non-résidents, et les opérations prennent alors du retard en raison de la recherche d'une assurance-emprunteur en adéquation avec le profil des expatriés. Pour anticiper, il est essentiel d'aborder ce point dès le début de la recherche du financement.

Financement international et titre exécutoire

Disposer d'un droit est une chose, l'exécuter en est une autre. Dans un contexte d'internationalisation constante, et dans un souci d'anticipation, il nous appartient de vérifier, si l'acte notarié doit passer les frontières, qu'il pourra être exécuté hors de son territoire d'origine. Pour qu'un acte authentique dressé par un notaire français et constatant un crédit puisse avoir force exécutoire à l'étranger, il existe deux procédures : celle prévue par le règlement européen dit « Bruxelles I bis » ou celle du titre exécutoire européen (§ I). La création d'un titre exécutoire international a été proposée par le 115e Congrès des notaires de France (§ II).
Le rôle d'information et d'anticipation du notaire est ici très important (§ III).
Règlement Bruxelles I bis ou titre exécutoire européen
Afin de permettre l'exécution à l'étranger d'un acte de crédit reçu en France, il pourra être fait à appel à deux règlements européens différents :
  • la procédure prévue aux articles 58 et suivants du règlement Bruxelles I bis (ainsi que celle du règlement Bruxelles I pour les actes authentiques antérieurs au 10 janvier 2015), que nous ne développerons pas ici ;
  • ou la procédure prévue à l'article 25 du règlement ayant créé le titre exécutoire européen, qui est la procédure la plus simple pour un notaire français.
– La création du titre exécutoire européen (TEE). – Le règlement (CE) no 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire pour les créances incontestées, entré en vigueur le 21 octobre 2005, a instauré le titre exécutoire européen.
– Un contrôle en amont dans l'État d'origine. – Supprimant toute exigence d'exequatur et de contrôle a posteriori, le titre exécutoire européen fait l'objet d'un contrôle dans l'État d'origine lors de sa délivrance ; il assure donc au créancier dès l'origine qu'il détient un titre exécutoire. C'est un exemple abouti de la confiance mutuelle existant entre États membres de l'Union européenne.
– Procédure d'exécution d'un acte grâce au TEE. – Lorsqu'un acte notarié français a été certifié en tant que titre exécutoire, il est traité dans tous les pays membres de l'Union européenne comme s'il s'agissait d'un titre exécutoire émanant de leur autorité. Pour obtenir son exécution, il convient de solliciter les agents d'exécution du pays dans lequel on souhaite exécuter, muni d'une expédition de l'acte notarié, d'une expédition du certificat de titre exécutoire européen et éventuellement d'une traduction du certificat (Règl. no 805/2004, art. 20, § 2). L'acte authentique proprement dit n'est en revanche pas traduit. Seul l'est si besoin le certificat de titre exécutoire européen (à noter que le formulaire vierge du certificat existe dans toutes les langues de l'Union européenne [disponible sur le site e-justice ; cf. encadré ci-dessous]).
L'article 25 du règlement portant création du titre exécutoire européen (TEE) dispose que l'acte « est, sur demande, adressé à l'autorité désignée par l'État membre d'origine, certifié en tant que titre exécutoire européen en utilisant le formulaire type figurant à l'annexe III ». En France, le Code de procédure civile donne compétence au notaire rédacteur de l'acte pour délivrer le certificat de titre exécutoire européen. Cela est également le cas en Belgique, en Espagne et au Luxembourg par exemple, mais en Italie il est délivré par le tribunal.
Pour des informations données par chaque pays membre de l'Union européenne sur la procédure de titre exécutoire européen :
Et pour des informations sur la législation et les procédures d'exécution dans l'Union européenne :

Délivrer un certificat de titre exécutoire européen

La délivrance d'un certificat de titre exécutoire est simple. Le certificat tient sur deux pages et est multilingue. C'est le notaire rédacteur de l'acte qui délivre lui-même le certificat. L'acte concerné doit bien contenir une clause dans laquelle les parties requièrent le notaire de délivrer un certificat de titre exécutoire. Les créances constatées dans un acte authentique sont par nature incontestées et entrent donc dans le champ d'application du règlement.
Champ d'application = prêt bancaire, bail commercial (mais pas en droit de la famille).
Il peut être prévu dans un contexte initial franco-français, pour anticiper par exemple la possibilité de saisir des biens du débiteur à l'étranger.
Des informations sont fournies par chaque État membre sur le portail e-justice : https://e-justice.europa.eu">Lien.

Certificat de titre exécutoire européen et responsabilité notariale

Attention à la responsabilité du notaire qui n'aurait pas prévu dans l'acte une clause permettant la délivrance d'un titre exécutoire européen, responsabilité qui pourrait par la suite être recherchée par le créancier dépourvu de la possibilité de demander la délivrance d'un tel titre.

Les conséquences du Brexit en matière d'exécution des actes authentiques

Pour les actes authentiques français dressés à compter du 1er janvier 2021, les procédures prévues par le règlement Bruxelles I bis et le règlement sur le titre exécutoire européen ne pourront plus être utilisées pour les actes destinés à être appliqués ou exécutés au Royaume-Uni. Un exequatur et une apostille devront être demandés.

Le titre exécutoire européen, un outil peu utilisé

Le titre exécutoire européen est peu utilisé dans les États membres, et même si c'est également le cas en France, elle n'est finalement pas le plus mauvais élève. On constate en pratique que les acteurs sont plus habitués au règlement Bruxelles I bis. La Commission européenne procède actuellement à une évaluation de la pratique du titre exécutoire européen.
Un titre exécutoire international ?
Lors de ses travaux, l'équipe du 115e Congrès des notaires de France a proposé que soit créé un titre exécutoire international inspiré du titre exécutoire européen, notamment pour faciliter les investissements transfrontières. Le professeur Cyril Nourissat a souligné à cette occasion que « le réseau notarial mondial existe et les actes établis devraient pouvoir circuler sans entraves, assortis de la force exécutoire ». Et il a été proposé que ce soit la Conférence de La Haye qui organise une convention contenant titre exécutoire international.
Àce jour il n'y a pas eu d'évolution à cet égard. Il existe notamment un problème lié à l'absence de « confiance mutuelle », celle qui existe entre pays européens et qui permet d'accepter comme exécutoire un titre émis par un État membre. Au niveau international, et même si le notariat latin est très développé, le contexte est plus compliqué. En outre, et même entre États membres, le titre exécutoire est peu utilisé, les acteurs préférant souvent le règlement Bruxelles I bis mentionné ci-dessus, auquel ils sont plus habitués.
Exécution à l'étranger et bonne pratique notariale
– L'obligation pour un notaire de vérifier l'efficacité des actes qu'il reçoit. – Il appartient au notaire de vérifier qu'un acte, qu'il soit de prime abord destiné à circuler à l'étranger ou non, pourra y être efficace, conformément à l'obligation des notaires de s'assurer de la portée et de l'efficacité des actes qu'ils reçoivent. Or à ce jour, le titre exécutoire européen n'est pas assez utilisé en pratique.
– L'obligation d'information du notaire. – Il n'est pas obligatoire de mentionner dans l'acte qu'il peut circuler comme titre exécutoire européen, mais dans le cadre de son devoir d'information il est important que le notaire en avise les parties.
Lors du 111e Congrès des notaires de France, il a été préconisé d'inclure une clause dans les actes concernés :

Les évolutions à venir

– Plan. – Àce jour, il n'existe pas de réglementation internationale ou européenne portant sur le régime des garanties immobilières. On trouve une multitude de formes de gages immobiliers en Europe, qui diffèrent dans leurs modalités de constitution, dans leurs effets et dans leur réalisation notamment. L'eurohypothèque et le Code européen des affaires (Sous-section I) viendront peut-être bientôt faciliter les opérations de crédit transfrontière. La réforme de la publicité foncière en France aura-t-elle une influence en la matière ? (Sous-section II).

Eurohypothèque et Code européen des affaires

– Plan. – L'eurohypothèque est un projet ancien donnant toujours lieu à d'intenses discussions (§ I), qui aboutiront peut-être dans le Code européen des affaires (§ II). Mais quels sont les buts et nécessités de cette harmonisation (§ III) ?
Le projet d'eurohypothèque
– Un projet ancien mais toujours d'actualité. – L'eurohypothèque a émergé dès les années 1960. L'idée d'un gage immobilier européen est émise pour la première fois dans un rapport intitulé « Rapport Segré », établi par des experts consultés par la Communauté européenne. Elle a ensuite été notamment reprise par l'Union internationale du notariat latin (UINL) dans un rapport remis en 1987 à la Communauté économique européenne (CEE) ou dans un Livre vert sur le crédit hypothécaire dans l'Union européenne en 2005. Selon la Commission européenne, l'eurohypothèque aurait pour intérêt que « sa principale caractéristique – l'affaiblissement du lien entre sûreté et crédit hypothécaire (principe « d'accessoirité ») – faciliterait la création d'hypothèques et leur transfert (…) ». L'eurohypothèque a également fait l'objet de nombreux écrits ou thèses.
– Les points de frottement. – Pour la mise en place d'une eurohypothèque, se posent plusieurs questions, telles que notamment celles de sa monnaie, de son efficacité, mais aussi celle du registre à utiliser pour son inscription, en l'absence d'un registre immobilier européen et dans l'attente de l'interconnexion des registres fonciers européens.
– Inscription hypothécaire et monopole. – Mais la question principale tourne bien sûr autour de l'intervention d'un notaire étranger en France et de la possibilité pour lui de procéder à l'inscription d'une hypothèque sur un immeuble situé en France. Il s'agit d'un thème sensible, qui alimente les débats. Doit-on exiger l'intervention d'un notaire français pour la validité de la prise de garantie ou uniquement pour l'inscription et la publicité de cette garantie, laissant ainsi la possibilité d'un acte de constitution d'hypothèque sur un immeuble français dressé par un notaire étranger ? Cette question rebondira-t-elle avec la réforme de la publicité foncière ? (V. infra, no ).
Le projet de Code européen des affaires
  • une plus « fermée », utilisable dans tous les pays mais relevant de la seule compétence d'un notaire du lieu de situation de l'immeuble donné en garantie ;
  • une plus « européenne », qui pourrait être reçue par tout notaire établi dans un État membre, à charge toutefois de recourir à un notaire du lieu de situation de l'immeuble pour procéder à la publicité de la sûreté.
– Le projet de l'association Henri Capitant. – Parce « qu'une législation unifiée et codifiée permettrait de rendre le droit européen des affaires plus accessible et plus lisible », l'élaboration d'un Code européen de droit des affaires a été initiée par un collectif d'une centaine de juristes européens, coordonné par l'association Henri Capitant. L'équipe présentera, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, un projet de code thématique susceptible d'être soumis à consultation. Dans l'offre de loi pour créer un Code européen des affaires, sont par exemple envisagés des « euro-gage » et « euro-réserve de propriété » ; un texte relatif à la création d'une eurohypothèque sera également proposé, avec une alternative entre deux types d'hypothèque :
L'eurohypothèque, un vrai besoin ?
Les projets d'eurohypothèque et d'harmonisation des sûretés en Europe sont notamment portés par la volonté de faciliter le crédit transfrontière, même si l'eurohypothèque reste peu attractive pour les financements immobiliers importants. Toutefois, on peut s'interroger sur la réelle nécessité en la matière. Actuellement, il existe un éclatement des régimes hypothécaires, même au sein de l'Europe. Cela est-il vraiment nuisible au crédit transfrontière ? Des investissements paneuropéens sont actuellement réalisés sans difficulté systématique. Certes, l'existence d'un outil juridique connu de toutes les banques européennes pourrait évidemment « rassurer », mais, malgré un système différent, les banques allemandes sont par exemple maintenant familiarisées avec l'hypothèque française. La vraie rupture de cohérence tient surtout au fait que l'hypothèque légale de prêteur de deniers (ancien privilège de prêteur de deniers) ne soit pas connue d'autres législations.

Réforme de la publicité foncière et crédits transfrontières

Dans sa version telle qu'issue de la loi no 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, l'article 710-1 du Code civil impose que l'acte de constitution d'hypothèque soit reçu par un notaire français, en interdisant qu'un acte reçu par un notaire étranger soit, pour permettre l'inscription de la garantie au service de la publicité foncière, simplement déposé au rang des minutes d'un notaire français. Ce dépôt, même avec reconnaissance d'écriture et de signature, n'est pas propre à justifier et permettre une publicité foncière. Certains internationalistes ont critiqué cette situation, estimant que l'article 710-1 du Code civil est contraire aux principes européens. Dans le cadre du projet de réforme de la publicité foncière, qui interviendra par une loi d'habilitation s'appuyant sur les travaux de la Commission Aynès, ce point revient à l'ordre du jour, avec une discussion relative à l'article 4 du décret de 1955 relatif à la publicité foncière. Un texte semblable à l'article 4, alinéa 3 du décret de 1955 pourrait intégrer la partie législative du Code civil et donc revenir actif, comme forme de tempérament à l'article 710-1 du Code civil qui jusqu'à ce jour « abrogeait » l'article 4, alinéa 3 du décret de 1955. Il s'agirait du futur article 710-8 du Code civil. Faut-il se réjouir de cette évolution ? En tout état de cause, elle pourrait se heurter à des difficultés de mise en œuvre pratique, puisque ce n'est pas l'acte de dépôt qui a vocation à être publié mais l'acte qui est déposé : même traduit en français, comment s'adaptera-t-il aux exigences de présentation du système Télé@ctes ? Plus fondamentalement, cela pose le problème de fiabilité du registre foncier (et de la publication d'un acte susceptible de donner lieu à contentieux).