L'exigence d'une libéralité consentie à un mineur

L'exigence d'une libéralité consentie à un mineur

- L'exigence d'une libéralité. - La clause d'exclusion de l'administration légale permettant de désigner un tiers administrateur ne peut être stipulée que dans une libéralité. Seuls les biens donnés ou légués au mineur peuvent être soustraits au pouvoir de l'autorité parentale.
La libéralité peut être consentie entre vifs. La donation contenant une clause d'exclusion de l'administration légale peut ainsi trouver deux cas d'application relativement courants. Elle peut d'abord être utilisée dans les libéralités consenties par les grands-parents à leurs petits-enfants. Cette clause est alors le signe d'une certaine défiance des grands-parents vis-à-vis de leurs enfants ou beaux-enfants jugés incapables d'administrer les biens transmis à leurs petits-enfants. Il est cependant considéré que si cette clause favorise les libéralités consenties aux petits-enfants, l'intérêt de ces derniers commande que cette clause puisse être utilisée.
La clause d'exclusion de l'administration légale peut également être mise en ?uvre dans les schémas de transmission d'entreprise. Nous voulons parler ici des donations avant cessions des titres de sociétés qui permettent de réaliser simultanément des objectifs d'anticipation successorale et d'optimisation fiscale, car la fiscalité des plus-values mobilières est généralement plus lourde que celle des transmissions à titre gratuit. Cependant, lorsque l'un des donataires est mineur, le séquencement des opérations peut se trouver compliqué par l'article 387-1 du Code civil qui impose l'autorisation préalable du juge des tutelles pour réaliser une cession de titres de sociétés par un mineur. La clause d'exclusion de l'administration légale permet de s'affranchir de cette obligation en désignant un tiers administrateur investi de pouvoirs plus larges qu'un administrateur légal, incluant le droit de céder les titres donnés. Cette clause marque alors une certaine défiance à l'égard du juge des tutelles ou la volonté de s'affranchir d'un contrôle judiciaire pour fluidifier les cessions d'entreprises.
La libéralité peut également être consentie à cause de mort et c'est surtout à l'occasion de testament que la jurisprudence s'est prononcée sur le régime de la clause d'exclusion de l'administration légale. L'analyse de la jurisprudence révèle le grand libéralisme de la Cour de cassation pour valider des désignations d'administrateur qui ne contenaient pas formellement de legs. Ainsi, afin de faire prévaloir la volonté de l'exclusion du testateur, la Cour de cassation retient l'existence d'un « legs improbable », bien qu'il ne soit pas clairement formulé mais simplement déduit d'autres dispositions du testament .
- Une libéralité consentie à un mineur. - La clause d'exclusion de l'administration légale ne peut être utilisée que pour une libéralité consentie à un mineur. Ce point ne souffre pas de difficultés, mais il appelle deux précisions. D'une part, le gratifié doit être mineur au moment où il reçoit la libéralité. Ainsi le testament contenant une telle disposition ne produira ses effets que si le bénéficiaire est mineur au jour de l'ouverture de la succession du disposant. Elle sera sans effet si l'enfant est majeur à cette date. D'autre part, la clause désignant un tiers administrateur cessera de produire effet de plein droit à la majorité de l'enfant gratifié. C'est pourquoi, dans certaines situations qui le justifient, cette disposition testamentaire peut être utilement complétée par un mandat posthume puisque ce dernier peut produire effet au-delà de la majorité de l'enfant.
- L'acceptation de la libéralité. - Pour être valablement formée, la libéralité doit être acceptée pour le compte du mineur. Mais quel administrateur est investi de ce pouvoir ? À notre sens, le tiers administrateur désigné aux termes de la libéralité ne peut en être investi et ne peut accepter la libéralité. Il ne peut tenir son pouvoir précisément que d'une libéralité valablement formée et sa mission ne peut prendre effet qu'après cette formation.
Le pouvoir d'accepter la libéralité est dévolu à l'administrateur légal. On peut cependant craindre que ce dernier soit réticent à accepter une libéralité qui le prive de ses pouvoirs d'administrateur. Il ne peut refuser une libéralité consentie à son enfant ; cela serait contraire à l'intérêt de ce dernier. L'opposition d'intérêts entre le mineur, bénéficiaire d'une libéralité et son administrateur, frustré de ses pouvoirs sur les biens transmis, est manifeste. La désignation d'un administrateur ad hoc sur le fondement de l'article 383 du Code civil s'impose. Le juge des tutelles pourra être saisi à cet effet, notamment par le tiers administrateur.
Rappelons également que si la libéralité est une donation, elle pourra être acceptée par les ascendants du mineur, sur le fondement de l'article 935 du Code civil, même du vivant des père et mère.
- La clause d'exclusion peut-elle porter sur la réserve héréditaire ? - Il a longtemps été considéré, en jurisprudence comme en doctrine que la clause d'exclusion de l'administration légale ne pouvait porter que sur la quotité disponible et ne pouvait grever la réserve héréditaire. Cette conception se fondait sur l'ordre public de la réserve héréditaire et sur le fait que la transmission s'opérait par l'effet de la loi et non de la volonté. La Cour de cassation a opéré un revirement et admettant que « l'article 389-3 du Code civil, qui permet au disposant, sans aucune distinction, de soustraire l'administration légale des père et mère des biens qu'il donne ou lègue à un mineur, est une disposition générale qui ne comporte aucune exception pour la réserve héréditaire » . Désormais la clause d'exclusion de l'administration légale peut porter sur l'intégralité du patrimoine transmis au mineur, y compris sa part réservataire.
- L'absence d'autres conditions de fond. - La loi ne subordonne la validité de la clause d'exclusion de l'administration légale à aucune autre condition de fond et la Cour de cassation y veille. Certaines juridictions du fond ont tenté d'invalider cette clause en contrôlant son opportunité au regard de l'intérêt de l'enfant ou des motifs qui ont inspiré le testateur. La Cour de cassation censure ces décisions , rappelant que de telles conditions ne sont pas exigées par la loi.