Le choix du tuteur

Le choix du tuteur

- Le principe de liberté de choix du tuteur. - Le parent titulaire du droit de désigner un tuteur exerce librement ce choix et peut nommer un tuteur, qu'il soit ou non parent du mineur. Il a donc le pouvoir de choisir une personne étrangère à la famille même s'il existe des ascendants ou des alliés vivants. Ainsi, dans une famille recomposée, un parent peut désigner son nouveau conjoint, beau-parent de l'enfant, comme tuteur . La qualité de tuteur peut également être conférée à une personne morale, comme une association tutélaire. Si en théorie ce choix est très ouvert, dans la réalité il est plus difficile à exercer. Le tuteur doit avoir la confiance du testateur pour lui confier son enfant et le charger de le protéger. Cette personne doit également être suffisamment proche de l'enfant. Elle doit par ailleurs présenter des qualités éducatives et techniques en matière de gestion de patrimoine. Si la liberté de choix demeure le principe, l'intérêt de l'enfant doit seul guider la décision des parents.
Quel que soit le choix du tuteur, il paraît nécessaire en pratique de s'assurer de son accord pour exercer cette mission. Même s'il n'a pas à accepter formellement sa désignation lors de l'établissement du testament, le testateur doit recueillir son consentement. À défaut, il prend le risque que ce tuteur refuse sa désignation.
- Les exceptions à la liberté de choix du tuteur. - La liberté de choix du tuteur n'est cependant pas totale.
L'article 395 du Code civil dispose que :
« Ne peuvent exercer les différentes charges de la tutelle :
  • Les mineurs non émancipés, sauf s'ils sont le père ou la mère du mineur en tutelle ;
  • Les majeurs qui bénéficient d'une mesure de protection juridique prévue par le présent code ;
  • Les personnes à qui l'autorité parentale a été retirée ;
  • Les personnes à qui l'exercice des charges tutélaires a été interdit en application de l'article 131-26 du Code pénal ».
Lors de son choix, le parent devra donc veiller à ne pas désigner une personne incapable d'exercer cette fonction. S'il désigne par exemple ses propres parents, il anticipera, au moment de l'établissement de son testament, leur vieillissement et leur vulnérabilité pouvant justifier la mise en place d'une mesure de protection juridique les empêchant d'assumer une charge tutélaire.
L'article 396 du Code civil dispose que : « Toute charge tutélaire peut être retirée en raison de l'inaptitude, de la négligence, de l'inconduite ou de la fraude de celui à qui elle a été confiée. Il en est de même lorsqu'un litige ou une contradiction d'intérêts empêche le titulaire de la charge de l'exercer dans l'intérêt du mineur ». Dans les familles recomposées où le parent peut être tenté de désigner comme tuteur son nouveau conjoint, il est à craindre, dans certaines hypothèses, des conflits d'intérêts entre l'enfant et son beau-parent. Pour éviter des situations qui peuvent créer des suspicions ou des tensions, le parent devra mûrement réfléchir avant de désigner le beau-parent de l'enfant. L'intérêt de l'enfant doit toujours primer. La désignation du beau-parent ne peut être envisagée sérieusement que si des liens sociaux et affectifs suffisamment consistants se sont tissés avec l'enfant.
Pour résoudre ou éviter ces problèmes d'inaptitude technique, de fraude ou de conflit d'intérêts, la désignation d'une pluralité de tuteurs peut constituer une solution.
- La désignation de plusieurs tuteurs. - Il est possible et souvent souhaitable de désigner plusieurs tuteurs, ceci pour deux raisons . D'une part, dans l'hypothèse où le tuteur désigné ne serait pas en mesure d'assumer la charge qui lui est confiée par suite de décès, d'incapacité ou de récusation du conseil de famille, le testateur peut opportunément désigner un, voire deux autres tuteurs à titre subsidiaire, appelés à suppléer le premier.
D'autre part, selon les circonstances, la désignation de plusieurs tuteurs en distinguant les attributions de chacun peut constituer une organisation efficace de la protection du mineur. L'article 405 du Code civil permet en effet de diviser l'exercice de la tutelle entre un tuteur chargé de la personne du mineur et un tuteur chargé de la gestion de ses biens. S'il est dévolu à l'enfant un patrimoine particulier composé par exemple de biens locatifs, d'un portefeuille de valeurs mobilières ou d'une entreprise, un tuteur adjoint peut être affecté spécialement à la gestion de ces biens. Cependant, il n'est pas possible de désigner plusieurs tuteurs qui exerceraient conjointement les mêmes prérogatives.
- La désignation d'un tuteur résidant à l'étranger. - A priori, rien n'empêche la désignation d'un tuteur résidant à l'étranger . Elle demeure licite et elle s'impose au conseil de famille à moins que l'intérêt du mineur commande de l'écarter. Le conseil de famille sera donc d'autant plus vigilant lorsque l'ouverture de la tutelle, consécutive à la perte de ses deux parents, s'accompagne en plus pour l'enfant d'un déracinement et d'une sortie du territoire national. Pourtant la question n'est pas anodine. L'éclatement géographique des familles consécutif notamment aux conséquences de la décolonisation et des migrations ainsi que de l'internationalisation des parcours professionnels peut amener certains parents à vouloir désigner comme tuteur de leur enfant une personne domiciliée à l'étranger, qu'elle soit de nationalité française ou étrangère.
L'intérêt de l'enfant sera la seule boussole du conseil de famille. Les considérations porteront sur le déracinement géographique, l'éloignement de la famille et des amis, les liens avec le tuteur et la capacité de ce dernier à assurer cette charge, le changement culturel et les difficultés linguistiques. S'il souhaite désigner un tuteur résidant à l'étranger, le parent devra motiver particulièrement son choix dans son testament.