L'article 763 du Code civil reconnaît à l'époux successible un droit temporaire au logement sur l'habitation principale (A), dont va également profiter mais de manière atténuée le partenaire survivant (B). Les concubins en union libre sont totalement exclus de ce dispositif. Le maintien dans l'indivision temporaire, quant à lui, ne peut être demandé que par le conjoint ou un héritier du conjoint prédécédé (C).
La protection temporaire du logement du conjoint successible et du partenaire pacsé
La protection temporaire du logement du conjoint successible et du partenaire pacsé
Le droit temporaire de jouissance du conjoint successible : article 763 du Code civil
- Conditions. - Le droit temporaire de jouissance peut être analysé comme l'émergence d'une nouvelle disposition du régime primaire
. Mme Watine-Drouin
a parfaitement souligné que l'article 763 du Code civil apparaît comme le prolongement, au-delà de la mort, de la protection conférée au logement familial par l'article 215, alinéa 3 du Code civil. Ce droit temporaire permet au conjoint successible d'avoir la jouissance gratuite du logement qu'il occupe à titre d'habitation principale pendant l'année qui suit le décès de son conjoint, ainsi que du mobilier le garnissant. Pour en bénéficier, doivent être remplies des conditions matérielles et juridiques :
- conditions matérielles : il doit s'agir de l'habitation principale et effective (elle n'était pas forcément commune avec le défunt). Les meubles doivent être des meubles meublants garnissant ce logement ;
- conditions juridiques : le logement doit dépendre de la succession dans son entier, pour partie de la succession l'autre appartenant au survivant voire à un tiers. Ce droit s'ouvre aussi si le local d'habitation était loué par les époux. Le conjoint pouvant en bénéficier est celui qui présente les qualités requises pour succéder au sens de l'article 732 du Code civil : « Est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé ».
- Les caractères du droit annuel au logement. - Ce droit est considéré comme un effet direct du mariage. Aussi il en découle qu'il est :
- impératif ou d'ordre public en ce que le de cujus ne peut en priver son conjoint qui ne peut non plus y renoncer par anticipation ;
- personnel au conjoint. Il est une créance sur la succession. Il n'est pas taxable et il constitue une charge de la succession déductible au titre du passif fiscal (il n'a pas à être publié au fichier immobilier).
- Les cas où il ne peut y avoir ce droit au logement. - Le bien qui constitue l'habitation principale effective du conjoint successible doit dépendre intégralement de la succession ou avoir constitué un bien commun aux deux époux ou un bien indivis.
Cette condition de propriété a pour effet d'exclure du champ d'application du droit temporaire :
- le logement dont le défunt était seulement usufruitier. L'usufruit s'éteignant au décès, le bien ne se retrouve pas dans la succession ;
- le logement qui est la propriété exclusive du conjoint survivant, lequel ne peut se prévaloir d'aucun droit de créance à l'encontre de la succession.
La question de l'exclusion du droit temporaire se pose encore dans l'hypothèse où le logement appartenait à une société unipersonnelle dont le défunt était titulaire des parts ou à une société associant les deux époux (société civile immobilière notamment). L'immeuble est alors propriété de la personne morale et non propriété du défunt ou des deux conjoints, ce qui conduit à exclure l'application de ce texte. Dans une telle situation, soit un bail avait été conclu préalablement au décès, et dans ce cas l'article 1751 du Code civil accordera au survivant des époux un droit exclusif sur le logement, tandis que l'article 763 du même code mettra à la charge de la succession le remboursement des loyers pendant un an à compter du décès ; soit la jouissance du bien résultait d'un commodat et dans ce cas l'article 763 du Code civil n'a pas vocation à jouer
. Certains auteurs expriment toutefois une opinion inverse, considérant que dans l'hypothèse où le défunt seul ou les deux époux détiennent les parts d'une société, le droit temporaire au logement doit s'appliquer
.
- Modalités. - Le droit viager au logement peut prendre trois formes. Soit il est une occupation gratuite du bien dépendant de la succession, soit il est le remboursement ou le paiement de l'indemnité d'occupation par la succession (bien dépendant de la succession pour partie et à un tiers pour l'autre partie), soit il est le remboursement des loyers si le logement était loué.
La succession doit-elle également verser au conjoint le montant de la taxe d'habitation, des charges de copropriété et plus généralement l'ensemble des charges locatives ? Une partie de la doctrine y est favorable, considérant que l'esprit de la loi conduit à concéder au conjoint survivant une occupation gratuite « de sorte que les charges seraient l'accessoire naturel des loyers »
. D'autres auteurs ne partagent pas cette analyse dans la mesure où le texte ne fait référence qu'au remboursement des loyers
. Ce point n'a pas encore été tranché par la jurisprudence.
Sur le plan fiscal, le montant des loyers ou l'indemnité d'occupation effectivement remboursé par la succession au conjoint successible est déductible de l'actif successoral (CGI, art. 775 quater). Aucune autre somme (notamment les charges locatives) n'est admise en déduction
.
- Le mobilier. - La notion de mobilier garnissant le logement désigne les meubles meublants au sens de l'article 534 du Code civil. La doctrine est favorable à une interprétation large de cette notion, de manière à y inclure les objets d'agrément tels que les tableaux
ou objets d'art qui font partie du cadre de vie de l'époux survivant. Encore faut-il, pour que le droit temporaire au logement s'exerce, que le mobilier ait été la propriété exclusive du défunt ou la propriété commune ou indivise des époux.
L'extension de la protection du droit temporaire de jouissance au partenaire pacsé survivant : article 515-6, alinéa 3 du Code civil
À sa naissance, le Pacs ne conférait aucun droit temporaire ou viager au logement à ses membres. La loi du 23 juin 2006 a étendu aux partenaires pacsés le bénéfice du droit temporaire au logement institué par l'article 763 du Code civil. Ce droit s'exerce au profit du partenaire dans les mêmes conditions que celles concernant le conjoint
sous les réserves ci-dessous exposées.
- Caractère supplétif des dispositions pacsimoniales. - L'article 515-6 du Code civil renvoie les partenaires pacsés à l'application de l'article 763 du même code, mais seuls les deux premiers alinéas leur sont applicables. Ces règles sont supplétives et peuvent être écartées par le défunt par voie de testament. Cela se comprend aisément dans la mesure où le contrat de Pacs ne conférant pas de vocation successorale automatique, il ne saurait être question d'instituer là un droit d'ordre public.
Le maintien en indivision
- Véritable prérogative. - Organisé par les articles 821-1 et suivants du Code civil, le maintien en indivision n'est jamais de droit et doit être demandé au tribunal. La décision est soumise à l'unique appréciation des juges. Le maintien en indivision ne peut être demandé que par le conjoint ou un héritier du conjoint prédécédé. Cette mesure protectrice permet aux demandeurs de s'organiser sur une sortie de l'indivision qui soit acceptable. Elle permet d'éviter une éviction brutale à laquelle les membres de l'indivision ne sont pas prêts. Le tribunal « statue en fonction des intérêts en présence et des possibilités d'existence que la famille peut tirer des biens indivis »
. Ce maintien en indivision permet à l'époux occupant de rester dans son environnement jusqu'à la réunion par lui des fonds nécessaires pour désintéresser les indivisaires.