La protection par les règles de validité du testament

La protection par les règles de validité du testament

Acte solennel s'il en est, le testament, par l'importance et la gravité de sa portée, implique le respect de règles de fond et de forme dans le but de protéger à la fois le testateur et ses héritiers. Ces règles, en fonction du but qui leur est assigné, sont appliquées avec plus ou moins de rigueur. Envisageons d'abord les règles de fond (Sous-section I), puis celles qui s'attachent à la forme (Sous-section II).

La protection par des règles de fond : une protection du testateur

Ces règles de capacité concernent le testateur (§ I), mais aussi les gratifiés (§ II). Elles ont toutes pour objet de mettre à l'abri le testateur des décisions prises sous influence, sous emprise, par faiblesse ou vulnérabilité, et ainsi de le protéger contre lui-même et contre les autres.

La capacité du testateur : une protection contre lui-même

- Importance des règles de capacité pour tester. - Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. Il s'agit là d'une règle générale applicable à tous les actes juridiques. Cette règle figure désormais (depuis la réforme des obligations) à l'article 1129 du Code civil. Le consentement exigé pour un testament ou une donation ne diffère en rien de celui nécessaire à tout acte juridique. C'est en ce sens que les règles édictées par les articles 901 et 1129 du Code civil sont identiques. L'appréciation de la situation cognitive du contractant en général est la même que celle du testateur ou du donateur. Toutefois, l'insanité du disposant et plus spécialement du testateur est plus fréquemment invoquée pour faire annuler les testaments que les autres actes. Les enjeux sont sans doute différents. Cette règle est une garantie de protection du disposant lui-même et de ses héritiers ou autres ayants cause.
En effet le testateur, plus ou moins âgé, plus ou moins en bonne santé, est en situation de vulnérabilité. Il peut faire l'objet de pressions, de chantage, et même de voies de fait en vue d'influencer, voire de lui dicter ses volontés testamentaires et d'orienter la dévolution de son patrimoine. Il est des cas simples, ceux des testaments faits par les personnes protégées, et des cas plus complexes qui nécessitent une certaine appréciation : ceux des personnes non soumises à un régime de protection.

Le cas du mineur

- L'incapacité de tester du mineur. - Frappé par son incapacité de jouissance, le mineur dont l'âge est inférieur à seize ans ne peut tester . Son représentant ne peut lui non plus tester à sa place. Nous verrons un peu plus loin que la conception d'un testament, acte intime s'il en est, est réfractaire à toute forme de représentation. Le testament fait par un mineur est nul de plein droit (le juge est lié par cette nullité). Cette nullité frappe toutes les dispositions patrimoniales et celles qui concernent la sépulture ou les obsèques régies par la loi du 15 novembre 1887 (art. 3). Il est deux petites exceptions à ce principe : il est admis que ces règles ne s'appliquent qu'à ces dispositions et que le mineur, dès lors que son discernement est certain, pourrait prendre d'autres dispositions testamentaires comme la reconnaissance d'un enfant naturel, des dispositions non patrimoniales relatives au droit d'auteur .
- Première exception au principe de l'incapacité de tester du mineur. - La loi permet au mineur âgé de seize ans et non émancipé de tester dans la limite de la moitié de son disponible ordinaire. Le mineur de plus de seize ans bénéficie donc d'une demi-capacité de tester . C'est-à-dire qu'en l'absence de descendant, cas le plus fréquent, le mineur peut disposer de la moitié de ses biens, et qu'en présence de descendants il pourra léguer la moitié de la quotité disponible. L'appréciation de l'âge, bien évidemment comme tout contrôle de capacité, se fait au moment où l'acte est établi, c'est-à-dire le jour où le testament est fait, même s'il est ouvert après le décès. Par contre, l'appréciation de la quotité disponible se fait au jour du décès. Il ne faut pas se méprendre sur la nature de la règle. Il s'agit bien d'une règle de capacité qu'il faut compléter par les règles de la dévolution légale. En effet, ce mineur âgé de seize ans au moins peut léguer la moitié de ses biens s'il n'a pas d'enfant et la moitié de la quotité disponible en présence de descendants. Il ne s'agit pas d'une protection des héritiers légaux qui deviendraient en quelque sorte des super-réservataires. Il s'agit véritablement d'une règle de capacité. Aussi les héritiers du sang n'ont-ils pas besoin d'agir en une quelconque réduction comme ils l'auraient fait pour revendiquer leur réserve héréditaire. La règle s'applique automatiquement sans qu'il soit besoin d'agir en justice. C'est ainsi qu'un tel mineur ne pourra jamais faire un legs universel, il devra se contenter d'un legs à titre universel .
- Seconde exception : le mineur sous les drapeaux. - Une autre exception à l'incapacité de tester du mineur existe : le mineur appelé sous les drapeaux a la possibilité de tester comme s'il était majeur. Cette capacité n'est pas limitée dans son quantum comme dans le cas précédent, mais dans les bénéficiaires du testament qui ne peuvent être que les parents du mineur. Bien heureusement cette hypothèse, prévue par le législateur de 1916, ne peut plus se rencontrer aujourd'hui.
- Le mineur émancipé. - Le mineur émancipé est capable de tester et d'accomplir, comme un majeur, tous les actes de la vie civile. Cette règle est édictée par l'article 413-6 du Code civil. Elle est implicitement et a contrario rappelée à l'article 904 du même code.
- Appréciation. - Ces règles strictes sur la capacité de tester du mineur sont fondées sur la vulnérabilité inhérente à la jeunesse. Le manque de maturité, l'inexpérience, la dépendance, la fragilité, l'influençabilité des enfants justifient pleinement l'interdiction qui constitue un vrai socle de protection de la jeunesse. Leur application stricte est une nécessité sociale, elle ne saurait souffrir d'autres exceptions. La situation du majeur protégé est différente. Les règles relatives à la capacité du testateur ne se distinguent pas de celles du donateur. S'agissant des incapacités relatives, seul l'article 995 du Code civil prévoit le cas particulier, aujourd'hui un peu désuet, de la prohibition de tester du passager d'un navire au bénéfice d'un officier de l'embarcation, sauf si testateur et légataire officier sont parents.

Les majeurs protégés

Si, en pratique, le cas du testateur mineur est relativement rare car il n'a, en général, pas de patrimoine et pas de volonté particulière quant à ses biens, celui du majeur protégé est bien plus fréquent. Il y lieu de distinguer les différents régimes d'assistance de protection.
Le majeur sous tutelle
- Le testament fait après la mesure de protection. - Depuis la loi du 3 janvier 1968, l'impossibilité pour le majeur de rédiger son testament a été fortement tempérée. La loi du 23 juin 2006 est allée plus avant encore en permettant au majeur sous tutelle de tester. Désormais le majeur sous tutelle, doit, pour établir valablement un testament, être autorisé soit par le juge des tutelles soit par le conseil de famille s'il en existe un. Ce texte a pour objet de permettre au majeur protégé d'exprimer sa volonté testamentaire. Le juge, préalablement à l'autorisation, auditionnera le majeur pour apprécier son aptitude à exprimer clairement ses dernières volontés. Il n'appartient certainement pas au juge de vérifier les dispositions testamentaires qu'envisage le majeur protégé, leur bien-fondé ou d'en limiter le contenu. Cette solution avait été discutée en doctrine et la Cour de cassation semble avoir tranché dans ce sens . C'est le caractère éminemment personnel du testament qui l'a emporté. La forme de ce testament du majeur sous tutelle n'est pas imposée et il pourrait avoir recours à toutes les formes du testament. Néanmoins, au cas précis, la forme notariée du testament est vivement conseillée. En effet, le testament authentique apportera des garanties de respect des règles de forme, d'une bonne rédaction et de conservation, l'intervention du notaire permettant ainsi de compenser les insuffisances de la personne protégée. Le juge pourrait, dans sa décision, prescrire une forme précise - sans doute la forme authentique serait préférée - et surtout il peut limiter dans le temps la validité de son autorisation.
- La liberté de révoquer du majeur sous tutelle. - Depuis cette même réforme de 2006 entrée en vigueur en 2007, le majeur sous tutelle peut librement révoquer un testament qu'il a fait précédemment, que ce testament ait été fait avant la mesure de protection ou après avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille. Le texte ne prévoit pas de forme particulière pour cette révocation qui pourra prendre la forme d'un testament ou d'un acte en la forme notariée prévu par l'article 1035 du Code civil. Cette capacité de révoquer un testament permet donc de priver d'effet une dévolution volontaire présumée valable pour refaire une place à la dévolution légale dont les fondements supérieurs apparaissent une nouvelle fois dans ces règles. On peut néanmoins s'interroger sur cette différence entre l'institution et la révocation de legs. Car révoquer un legs, c'est implicitement faire bénéficier les autres légataires ou les héritiers légaux des biens initialement légués. Une révocation par le majeur sous tutelle peut elle aussi être suspicieuse, car faite sous la pression et la contrainte.
- Le sort du testament antérieur à la mesure de tutelle. - Le testament fait avant la mesure de protection demeure valable. C'est le principe que pose l'article 476, alinéa 4 du Code civil. Toutefois, un tel testament, par la mesure de tutelle qui frappe son auteur, est atteint d'une fragilité supérieure. Outre que, comme toute libéralité, il peut être annulé pour insanité d'esprit, il peut également être annulé s'il est prouvé que la cause qui avait présidé à son élaboration a disparu. Il est encore quelques textes de loi qui font référence à la cause même si cette notion n'existe plus en droit des obligations depuis la réforme du 10 février 2016 . L'article 476 du Code civil en est un exemple. Ce texte se comprenait surtout par l'impossibilité pour le majeur sous tutelle de révoquer son testament. Aussi la règle n'a-t-elle plus la même portée depuis que le majeur sous tutelle peut librement révoquer son testament et que le divorce révoque de plein droit les legs entre époux . Par cause, il faut ici entendre un élément essentiel et déterminant dans la volonté du testateur qui n'aurait pas pris la disposition si cet élément n'était pas présent au jour du testament. L'appréciation de cette cause semble devoir être faite de manière objective comme la résiliation d'un Pacs, l'abandon d'un projet matrimonial ou la naissance d'un enfant.
Les majeurs sous curatelle et sous sauvegarde de justice
- Capacité de principe. - Le majeur sous curatelle, s'il n'a pas la capacité de donner, peut valablement disposer par testament à la condition qu'il soit sain d'esprit. Cette règle figure à l'article 470, alinéa 1er du Code civil. Le majeur sous curatelle rédige son testament seul, sans aucune autre condition. L'assistance de son curateur ne se conçoit pas. Le testament est un acte intime, personnel, et nul ne saurait en influencer le contenu. Toutefois, comme pour toute libéralité, le testateur doit être sain d'esprit le jour où il établit son testament. On ne saurait que conseiller au notaire qui reçoit le testament d'un majeur sous curatelle ou qui en conserve le testament olographe d'être en possession d'un certificat médical attestant ses capacités cognitives pour prendre de telles dispositions car, par son existence même, la mesure fragilise le testament et le risque d'action en annulation du testament pour insanité d'esprit se fait plus grand. La situation du majeur sous sauvegarde de justice est identique. La simple existence d'une telle mesure de protection ne suffit pas à caractériser l'insanité d'esprit du testateur, ce qui oblige le demandeur en nullité à démontrer qu'à l'époque de la rédaction du testament son auteur était privé de discernement même si la mesure de protection était antérieure au testament .
L'insanité d'esprit
- Une règle générale appliquée au testament. - « Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. » La règle figure à l'article 414-1 du Code civil. Elle est reprise en son article 901 de manière identique , et on la retrouve également dans l'article 1129 pour les contrats. Il n'existe pas de différence dans l'appréciation des capacités cognitives du contractant ou du disposant. Simplement dans la plupart des contrats, il y a une contrepartie alors que pour les libéralités il n'y en a pas. L'acte de donation est un acte d'appauvrissement, le consentement revêt donc une certaine gravité qui justifie la solennité de l'acte. Il en est de même pour le testament avec cette spécificité que le testateur sera mort le jour où il faudra apprécier cette capacité cognitive.
- Annulation pour insanité d'esprit. - Pour faire annuler un testament, il faut démontrer cette insanité d'esprit. Elle correspond à une altération importante des facultés mentales, voire à la démence. Démontrer l'incapacité pour le testateur de gérer ses affaires ne suffit pas à caractériser l'insanité d'esprit. À celle-ci doit correspondre l'incapacité de pouvoir exprimer ses dernières volontés. De la même manière, les troubles de mémoire n'emportent pas à eux seuls insanité d'esprit causant l'annulation du testament. La vieillesse et la maladie, en elles-mêmes, ne doivent pas avoir pour conséquence inéluctable l'impossibilité de tester, car n'est-ce pas quand il est vieux ou malade que la volonté de tester se fait plus prégnante pour l'homme ? L'action en annulation pour insanité d'esprit risque de se heurter à des obstacles de preuve. Comment prouver l'insanité d'esprit d'un testateur ? Cela pourrait bien évidemment avoir lieu au moyen d'éléments intrinsèques au testament s'il contient des dispositions incohérentes, contradictoires, fantaisistes. Mais cette preuve sera surtout apportée par des éléments extrinsèques tels des témoignages, des certificats ou expertises médicales qui pourraient même être ordonnées par le juge avant dire droit . Cette règle protège à la fois le testateur contre des influences extérieures cherchant à capter sa succession, mais aussi les proches, héritiers du sang ou bénéficiaires d'un testament antérieur. C'est aussi une protection de la liberté supérieure de pouvoir rédiger seul et en conscience ses dernières volontés. L'appréciation des juges du fond est souveraine en la matière .

La capacité spéciale des légataires : une protection contre les autres

- Capacité du légataire. - Bien évidemment vont s'appliquer les incapacités spéciales de recevoir à titre gratuit des personnels de santé ayant assisté le testateur dans sa dernière maladie, des mandataires à la protection des majeurs pour les protéger, qu'ils assistent ou représentent, et les ministres du culte . Ces dispositions communes à toutes les libéralités ont pour objectif d'éviter que le testateur, en fin de vie et dépendant soit du personnel de santé, soit de son soutien spirituel, perde son libre arbitre et leur consente des libéralités qu'il n'aurait pas faites dans un autre contexte. Il peut, malgré tout, les gratifier pour les services rendus au moyen de libéralités rémunératoires. Toutefois, la Cour de cassation exclut l'application de l'article 909 du Code civil si le légataire en question a un lien de parenté avec le testateur. Ainsi la nièce également curatrice de son oncle peut valablement recevoir de lui un legs .

La protection par des règles de forme

Le testament par acte notarié : une protection solennelle renforcée

- Un testament notarié. - Le testament authentique est reçu par un ou deux notaires. Aussi aux règles générales applicables aux actes notariés vont s'ajouter des règles spéciales à ce testament. Ces dernières vont amplifier la solennité qui entoure cet acte. Aussi la seule présence à l'acte du notaire et de son client ne suffit pas. Soit le testament authentique doit être reçu par deux notaires, soit il est reçu par un notaire en présence de deux témoins.
- Les notaires. - Les deux notaires ont la même mission qui s'exerce simultanément : instrumenter le testament. Il n'est pas un notaire qui vérifie la forme et l'autre le consentement par exemple : ils ont la même fonction redondante dans l'acte. Leur rôle est de s'assurer de ce consentement afin de protéger la volonté du disposant (et sa liberté). Les deux notaires ne peuvent appartenir à la même structure d'exercice professionnel. Les mêmes prohibitions ne s'appliquent que pour leurs actes courants. Ils ne peuvent donc recevoir le testament de leurs parents jusqu'au troisième degré, leurs conjoints, alliés. Nous regrettons toujours qu'il ne soit pas interdit au notaire de recevoir les actes pour son partenaire pacsé. Le notaire doit recevoir lui-même le testament, et ce ne pourrait être un clerc habilité.
- Les témoins. - Il s'agit du cas où le testament n'est reçu que par un seul notaire ; alors doivent être présents deux témoins instrumentaires. Leur mission est de garantir le respect du formalisme et la régularité des formalités : ils doivent donc être capables de voir, d'entendre et de signer. La condition de nationalité a été supprimée en 2006 . Les témoins doivent comprendre le français, être majeurs et avoir la jouissance de leurs droits civils, ils ne doivent pas être mariés entre eux (deux partenaires pacsés pourraient être témoins ensemble…). Les témoins ne peuvent être choisis parmi les légataires du testament ni parmi les parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus ainsi que les clercs (aujourd'hui employés) du notaire instrumentaire. Ces dernières interdictions semblent s'appliquer par rapport au testament lui-même. Ainsi un légataire dans un testament initial reçu en la forme authentique semble pouvoir être témoin à un codicille reçu en la forme authentique dans lequel il ne recevrait rien. Ces conditions sur la qualité des témoins étant d'application stricte, le partenaire pacsé peut valablement être témoin du testament authentique. Toutefois, il ne saurait bénéficier du moindre legs dans le testament . Cette analyse jurisprudentielle fait passer la lettre du texte sur son esprit : dans la mesure où le conjoint est exclu du cercle de personnes pouvant être témoins du testament, il eut été logique d'étendre cette incapacité au partenaire pacsé .
- L'interprète. - Le testateur, soit parce qu'en raison de son handicap il ne peut s'exprimer qu'en langue des signes, soit parce qu'il ne parle pas le français, peut avoir recours au service d'un interprète inscrit sur la liste des experts judiciaires du ressort de la cour d'appel. Mention de ce recours devra être portée dans l'acte que l'interprète signera également.
- Le support. - Bien évidemment le notaire doit recevoir cet acte si important en minute, c'est le décret du 26 novembre 1976 qui semble l'imposer. Il est évident que seul l'acte en minute permet d'en assurer la conservation. Ce testament sera également inscrit au Fichier central des dispositions de dernières volontés. La question qui est aujourd'hui posée est celle de savoir si le testament reçu par deux notaires peut l'être en la forme électronique. D'un côté, on peut s'opposer à cela en indiquant que les deux notaires ne peuvent avoir le même rôle en matière d'acte électronique, puisqu'aujourd'hui un acte électronique ne peut être reçu par les deux notaires usant chacun de leur clé Real, laquelle garantit la fiabilité du support électronique. L'autre thèse conduit à admettre cette forme électronique, le second notaire signant ledit acte sur la tablette numérique. La question n'est à ce jour pas tranchée : elle est pourtant primordiale.
- Le formalisme spécifique : un véritable rituel. - Le testament est dicté par le testateur au notaire, qui écrit lui-même ou le fait écrire par un clerc. Le notaire peut demander au testateur de préciser ses volontés, mais il ne doit pas s'y immiscer de sorte que sa liberté de tester doit rester entière. Depuis la loi du 16 février 2015 , si le testateur ne peut exprimer par oral ses volontés mais qu'il sait écrire en français, alors il peut exprimer ses volontés sur des notes que le notaire retranscrira sur le testament. Le notaire n'est pas lié par la terminologie utilisée par le testateur, il peut la transposer en des termes juridiques, bien évidemment sans la dénaturer . Une fois les volontés inscrites sur l'acte, le notaire donne lecture du testament au testateur pour lui permettre de vérifier leur exactitude. Le notaire doit mentionner que toutes ces formalités ont été accomplies, sans pour autant qu'il soit besoin d'user de formule sacramentelle. Le testateur signe ensuite l'acte avec les témoins et le notaire. S'il ne peut signer, alors il en fait déclaration et le notaire précise les raisons de l'impossibilité de signer (âge, maladie, etc.) .
- Conclusion sur le testament authentique : un testament supérieur. - Le testament notarié tient sa force de sa rigueur formelle, car cet acte public va bénéficier de toute la force de l'acte notarié. Ainsi il est doté d'une force supérieure aux autres testaments, car l'héritier qui veut en contester le contenu devra emprunter la voie de la procédure du faux en écriture publique. Le testament authentique, par l'intervention du notaire, offre une garantie quant à son contenu même qui évitera des difficultés d'interprétation, car on peut supposer que l'homme de loi qu'est le notaire aura su le transcrire en des termes à la fois compréhensibles et juridiques, ce qui n'est pas toujours le cas pour le testament olographe. On a parfois avancé le côté non secret de ce testament, craignant les indiscrétions des témoins. La parade est alors simple : il suffit que le testament soit reçu par deux notaires, car tous deux sont tenus au secret professionnel. En outre, en l'absence d'héritier réservataire, le légataire universel sera immédiatement envoyé en possession sans avoir à accomplir les formalités d'interprétation, de vérification et de publicité prévues par l'article 1007 du Code civil. Il en est de même pour l'exécuteur testamentaire.

Le testament authentique nul requalifié en testament international

Les conditions de forme du testament authentique participent de sa puissance, mais en constituent également ses faiblesses par leur sanction radicale. Toutefois la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 juin 2014 , confirmé depuis par d'autres décisions , a pu déclarer nul un testament en tant que testament authentique mais lui a maintenu sa validité en tant que testament international. Cela témoigne de la volonté des hauts magistrats de sauver et donc de protéger les dernières volontés.

Le testament olographe : une protection accessible au plus grand nombre

- Le testament commun. - Le testament olographe, par la simplicité de ses formes, par son accessibilité et par son coût réduit au minimum est la forme de testament la plus couramment utilisée. Ses conditions sont triples : il doit être écrit en entier de la main du testateur, daté et signé. Aucune autre condition n'est exigée. Pas de condition quant au support, pas de condition non plus quant à son libellé. Simplement cet écrit doit être l'expression d'une volonté posthume. Ses trois conditions ont plusieurs objectifs : s'assurer de son auteur, vérifier sa capacité, et que le contenu reflète sa volonté réelle. Selon l'objet de chacune de ces formes, la jurisprudence est plus ou moins stricte .
- L'écriture. - L'écriture doit être manuscrite. Tout procédé mécanique ou informatique est nul . Et ce doit être à l'évidence celle du testateur. La condition d'écriture doit s'appliquer à l'intégralité du testament. Si un tiers en a rédigé même une infime partie, alors le testament est nul. L'écriture présume par elle-même que son auteur est pleinement conscient de ce qu'il fait et de la portée de son acte. Transcrire sur du papier de telles volontés est en soi une épreuve qui nécessite discernement et sagesse. L'écriture d'une personne lui est propre, bien souvent à nulle autre pareille et parfaitement reconnaissable même si l'âge venant elle n'est plus aussi sûre ou si elle devient tremblotante. L'écriture, comme la signature, permet de contrôler que le signataire en est bien l'auteur. La jurisprudence a accepté que la main du testateur soit guidée par une tierce personne si, en raison de sa faiblesse physique, l'écriture lui est trop éprouvante. Cette auxiliaire dans l'écriture ne doit être qu'une aide matérielle et c'est bien le testateur qui doit être « le pilote » de ses volontés . À défaut le testament, une fois encore, serait annulable. L'écriture ne suffit pas à démontrer la conscience de l'auteur de la portée de l'acte qu'il rédige. Ainsi le recopiage d'un testament prérédigé par une tierce personne ayant autorité sur un testateur dont la fragilité intellectuelle a toujours été reconnue est nul .
- La date. - À la différence de l'écriture, il s'agit d'une condition qui n'est pas de l'essence de ce testament. L'exigence de la date a une fonction purement technique, à savoir la vérification de la capacité du disposant et éventuellement la capacité des légataires à recevoir la libéralité. La date comprend le jour, le mois et l'année. Si, volontairement, le testateur mentionne une fausse date, alors le testament est nul. Par contre, si la date est inexacte ou tout simplement oubliée et que par des éléments intrinsèques il est possible de reconstituer cette date, alors le testament pourra être validé ces éléments intrinsèques au testament pouvant être complétés par des éléments extrinsèques . La jurisprudence a évolué de manière favorable au testament mal daté ou non daté. En effet, depuis 2007 un testament non daté n'est pas nul si par des éléments intrinsèques au testament et extrinsèques à celui-ci, il est démontré qu'au cours de la période pendant laquelle il a été rédigé son auteur n'était pas frappé d'une incapacité de tester et qu'il n'avait pas révoqué le testament (de manière expresse ou tacite) . La date permet également de hiérarchiser les testaments en cas de pluralité, les derniers révoquant ou modifiant les précédents.
- La signature. - La fonction assignée à l'exigence de la signature est double :
  • comme l'écriture, elle permet de s'assurer de la personne de l'auteur du testament. La signature est une émanation écrite de la personnalité qu'elle identifie. Une signature définit l'auteur d'une œuvre, d'un écrit, d'une lettre, d'un acte ;
  • la signature marque le caractère abouti des dispositions. Elle est en quelque sorte la confirmation du consentement du testateur à ses dispositions qui, signées, sont considérées comme définitives. Un document non signé est un projet, il n'a donc pas de portée juridique même s'il est écrit à la main. Voilà pourquoi la signature doit figurer en fin du texte .
La signature exigée est bien évidemment celle habituelle de l'auteur du testament. Les noms de l'état civil ne sont pas exigés, ce peut être le pseudonyme ou les surnoms habituels du testateur. Il a été également admis que les simples prénom et nom écrits à la main, détachés du texte, même s'ils ne correspondent pas à la signature habituelle du défunt peuvent remplir cette condition de signature .

Le rôle du notaire dans la rédaction du testament olographe

Accessible, peu coûteux et finalement assez simple à mettre en forme, le testament olographe remporte un succès pratique considérable. À cette simplicité est souvent ajoutée l'efficacité notariale, par le conseil du praticien sur la rédaction et la conservation du testament. Cette intervention du notaire n'est pas sans péril. En effet, le recopiage par le testateur d'un modèle fourni par son notaire risque de faire douter de la réalité de son auteur. Le notaire est là pour aider son client et non pas pour faire le testament à sa place. Il doit se ménager la preuve de la pleine conscience par son client de ce qu'il écrit, les dispositions devant refléter la volonté du testateur. Le notaire engage bien évidemment sa responsabilité au titre du devoir de conseil
.

Le notaire exerce, lorsqu'il est sollicité, une sorte de « police du testament olographe », par la vérification qu'il a faite du respect des règles de forme et par un contrôle quant à la clarté et l'aspect exécutable de son contenu, puis en assurant sa conservation et son inscription au Fichier central des dispositions de dernières volontés.

- Conclusion sur le testament olographe. - Le testament olographe, nous l'avons dit, est le plus simple car considéré comme le plus accessible. Ses formes exigeantes étaient considérées à la portée de tous lorsque l'écriture sur papier était la base de l'éducation scolaire et de la communication entre les personnes. Aujourd'hui on constate que l'homme ne prend plus son stylographe pour écrire sur une feuille de papier. Il préfère taper ses écrits sur une tablette numérique, sur son ordinateur ou sur son smartphone et pour remplacer la signature, ce sont des codes spécifiques. Il est donc permis de se demander si, à notre époque moderne, ces règles de forme sont toujours d'actualité. Écrire une page entière à la main, pour une partie des citoyens, devient une épreuve. Le droit, ici, est peut-être un peu archaïque et sans doute existe-t-il un procédé technologique qui permette de remplir les mêmes fonctions que l'écriture, la signature et la datation.

L'inconvénient du testament olographe : le risque de perte ou de non-découverte

Si l'on fait son testament, c'est pour qu'il soit exécuté ! Le risque inhérent au testament olographe non détenu par un notaire est de ne pas être porté à la connaissance des successeurs au moment où il doit être exécuté. Le testament est caché, enfoui dans une somme importante de papiers ou autres documents qui ne seront jamais triés par les successeurs ; pire encore, une âme indélicate à laquelle le testament préjudicie pourrait le subtiliser pour le détruire. Dans tous ces cas, les dernières volontés du défunt seront bafouées. Il est donc vivement conseillé de mettre en lieu sûr son testament. Le coffre-fort de son notaire paraît tout désigné pour être ce lieu sûr. À cette garantie de conservation qu'implique le contrat de dépôt entre le testateur et son notaire s'ajoute celle de l'inscription au Fichier central des dispositions de dernières volontés qui, le décès survenu, sera forcément interrogé pour établir la dévolution successorale.
Le notariat, par ces missions anciennes, assure une véritable protection de la liberté testamentaire.

Le testament mystique : une mauvaise protection

- Notion et confection. - Le testament mystique est un testament hybride dans la mesure où il implique une première phase qui est la rédaction du testament dont les conditions de forme sont relativement souples par rapport à celle des testaments olographe et public, mais dont la perfection est complétée par un acte notarié dit « de suscription » qui va conforter le premier acte sous seing privé. Cette forme testamentaire est relativement rare en pratique, car jugée dangereuse. Pourtant, pour peu usitée qu'elle soit, elle permet à des personnes illettrées ou handicapées de tester (le sourd-muet, le paralytique). Ce testament est régi par les articles 976 à 979 du Code civil. De cette nature hybride il a résulté une controverse à savoir s'il était doté de la force de l'acte authentique ou demeurait un acte sous signature privée. C'est cette dernière tendance qui semble avoir reçu la bénédiction de la Cour de cassation , le notaire n'ayant pu vérifier le contenu de l'écrit testamentaire ni son auteur. Seul l'acte de suscription lui-même fait foi jusqu'à inscription de faux en écriture publique.
- Première phase. - Le testament est rédigé par le testateur ou écrit pour lui par un tiers et sous ses instructions. Cet écrit doit être signé par le testateur sauf s'il est atteint par une incapacité de signer. Cet écrit peut être manuscrit ou mécanique.
- Seconde phase. - Le document écrit par le testateur ou un tiers est ensuite remis au notaire sous pli clos, cacheté et scellé en présence de deux témoins. Le testateur déclare au notaire que cet écrit est bien son testament et, s'il ne l'a pas écrit lui-même, qu'il a pu personnellement en vérifier la teneur. Le notaire dresse l'acte de suscription sur l'enveloppe du testament ou sur le support même du testament. Cet acte comprend le lieu, la date, la déclaration du testateur (qui doit également préciser l'auteur de l'écriture du testament). Cet acte de suscription est signé par le testateur, les témoins et bien évidemment le notaire. Il sera éventuellement fait mention de l'incapacité du testateur à signer et des raisons de cette incapacité.
- Conclusion sur le testament mystique. - Ce modèle testamentaire est considéré comme dangereux, car il recèle les inconvénients du testament authentique et du testament olographe :
  • du testament authentique il hérite de mentions obligatoires que doit contenir l'acte de suscription à peine de nullité. Il en a également la lourdeur par la présence des deux témoins (ici pas de possibilité de faire dresser cet acte de suscription par deux notaires) ;
  • comme le testament olographe il encourt les risques d'une mauvaise rédaction, obscure ou imprécise, avec des contresens et donnant évidemment lieu à interprétation. Ce risque est accru par rapport au testament olographe en raison de son caractère secret.
Pourtant ce testament pourrait, sous réserve que le législateur le fasse évoluer, inscrire l'écrit testamentaire dans la révolution numérique que nous vivons.

Le testament international : une protection des testateurs internationaux

- La nécessaire prise en compte de la mobilité géographique. - La loi du 25 avril 1994 a enfin autorisé la ratification de la Convention de Washington du 26 octobre 1973, et la loi du 25 avril 1994 a précisé les personnes pouvant instrumenter ce nouveau testament international sur le territoire français : ce sont les notaires et, pour les Français vivants à l'étranger, ce sont les agents diplomatiques et consulaires. Cette forme de testament a intégré le corpus législatif au moyen du décret du 8 novembre 1994 . Ce testament permet donc aux étrangers en France de tester valablement même s'ils ne pratiquent pas la langue française, et aux Français de l'étranger de tester valablement dans le pays où ils résident.
- Parenté avec le testament mystique. - Dans un premier temps, le testateur rédige ses dispositions ou les fait rédiger par une tierce personne. Aucune langue n'est imposée. Il peut être écrit à la main ou par un procédé mécanique. Dans un second temps, le testateur déclare devant deux témoins et une personne habilitée (en France le notaire et à l'étranger les agents diplomatiques et consulaires) que ce document constitue son testament et qu'il en connaît le contenu. Puis le testateur signe le testament avec les deux témoins et la personne habilitée. Toutes les feuilles du testament doivent être signées. Cette forme testamentaire est relativement peu utilisée, à l'image de son modèle qu'est le testament mystique.

Les autres formes de testaments

Nous distinguerons les formes licites puis les formes illicites. Certaines formes testamentaires autorisées à titre exceptionnel ont pour objectif de permettre à des personnes de tester alors que la situation dans laquelle elles se trouvent les empêche de le faire dans des conditions normales. Ces formes, relativement rares, sont autant de protections du principe fondamental de la liberté de tester (A). D'autres formes sont prohibées en raison justement de l'atteinte qu'elles portent à cette liberté (B).

Les formes licites

- Les testaments privilégiés. - Certaines personnes en raison de circonstances particulières (mission militaire, maladie contagieuse, localisation insulaire) sont habilitées à formuler leurs dispositions de dernières volontés auprès d'une autorité supérieure en présence de deux témoins. Le testament est écrit en deux exemplaires et il est doté de la force authentique (ils font foi jusqu'à inscription de faux). En principe la validité de ce testament s'arrête six mois après que les circonstances qui l'avaient exceptionnellement autorisé ont cessé. Au testateur de tester selon les formes classiques. Ces testaments sont exceptionnels et peu usités, néanmoins leur force est d'exister ; encore faut-il les connaître.

Les formes illicites

Deux types de testaments retiendront notre attention : le testament verbal et le testament conjonctif.
Le testament verbal : une protection « au secours » des dernières volontés
- Nullité. - Le testament verbal ou nuncupatif est nul , car il n'entre pas dans les trois formes testamentaires prévues par l'article 969 du Code civil. Les raisons de cette nullité du testament fait oralement devant témoins sont évidentes. Le testament verbal ne garantit pas une exécution fiable des dispositions du testateur. Il pose des difficultés évidentes de certitude dans sa restitution et ouvre trop grand la porte aux manœuvres frauduleuses . Certains droits étrangers l'ont admis en cas d'urgence. On pense aux accidentés de la route ou autres situations où la mort peut se faire imminente. L'« offre de loi » proposée par J. Carbonnier, J. de Saint-Affrique, P. Catala et G. Morin avait suggéré au législateur la possibilité de tester par oral, sous certaines conditions proches des testaments privilégiés que nous venons d'aborder. Le législateur de 2006, s'il a été audacieux en certains points, est resté timoré en la matière car il n'a pas instauré de testament verbal. Sans doute s'agit-il là de véritablement protéger la volonté des morts en ne permettant pas aux vivants de faire leurs testaments.
- Sauvetage du legs verbal par l'obligation naturelle devenue devoir de conscience. - Le legs verbal est, nous venons de le dire, par principe nul. Toutefois les débiteurs des dernières volontés, non contraints par le droit d'exécuter cette disposition, peuvent s'y soumettre, se considérant comme débiteurs d'une obligation morale, d'un devoir de conscience . Ces dispositions de dernières volontés verbales sont fréquentes et, en général, sont d'ordre extrapatrimonial. Il se peut toutefois qu'une personne, de son vivant, ait toujours clamé haut et fort que tel ou tel bien irait à telle personne. Aussi les héritiers, par respect pour la mémoire de leur auteur ou convaincus de l'obligation de délivrer et d'exécuter la libéralité, peuvent en reconnaître l'existence, promettre de l'exécuter et l'exécuter. Cette reconnaissance ou cette exécution doit être faite après le décès, et le légataire ne saurait se prévaloir de la promesse faite par l'héritier au de cujus de respecter cette volonté avant l'ouverture de la succession. À l'évidence la prohibition des pactes sur succession future l'interdit . L'héritier qui reconnaît le legs verbal doit le faire en connaissance de cause, c'est-à-dire qu'il doit connaître la nullité qui l'affecte . Le legs verbal ainsi reconnu doit donc être efficace ; du statut d'obligation morale, il est passé à celui d'obligation civile . Une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation l'a admis. Il en résulte que le legs verbal reconnu n'est pas une libéralité faite par l'héritier au légataire qui tient ses droits directement du défunt. Cette reconnaissance de l'efficacité du legs verbal pose une difficulté : celle de la contrariété du legs verbal reconnu avec un legs précédent parfait en la forme. Il n'y a, semble-t-il, pas de jurisprudence sur cette question. Néanmoins, il semble logique de faire prévaloir le legs valable en la forme.
La prohibition du testament conjonctif : la protection de la liberté individuelle de tester
- Le testament, un acte obligatoirement individuel. - « Le testament ne pourra être fait dans le même acte par deux ou plusieurs personnes soit au profit d'un tiers, soit à titre de disposition réciproque ou mutuelle. » Les termes de l'article 968 du Code civil sont particulièrement clairs et généraux. Les testaments « à plusieurs » sont nuls . En effet, le testament conjonctif pose des difficultés de plusieurs ordres :
  • dans son exécution : qu'advient-il du testament au premier décès de l'un de ses auteurs ? Quel sort doit être réservé aux biens légués dans ce testament entre le premier décès du testateur et ceux des autres ?
  • par l'atteinte qu'il porte à la libre révocabilité des testaments. En effet le testament est conjonctif, qu'il soit une libéralité mutuelle entre ses auteurs ou une libéralité commune envers un même gratifié. Pour admettre le testament conjonctif, il eût fallu que le Code civil réussisse à concilier l'inconciliable, comme l'avait relevé en des termes simples et précis Bigot de Préameneu : « Permettre de le révoquer, c'est violer la foi de la réciprocité ; le déclarer irrévocable c'est changer la nature du testament, qui dans ce cas, n'est plus réellement un acte de dernière volonté. Il fallait interdire une forme incompatible, soit avec la bonne foi, soit avec la nature des testaments » ;
  • enfin, le testament conjonctif est en lui-même suspect. En effet, dans quelle mesure le testament reflète-t-il exactement la volonté d'un testateur ? L'autre n'a-t-il pas été influent, voire autoritaire avec l'autre dans les dispositions qui ont été prises ? En réalité, le testament ne serait-il pas celui de l'autre ?
- Portée de la prohibition. - La nullité du testament conjonctif est une nullité absolue. Toutefois, la jurisprudence apprécie de manière restrictive les conditions de cette nullité. Deux éléments doivent être réunis :
  • conditions de forme ou condition matérielle : le testament litigieux doit être constitué par un seul acte, un seul document écrit. Ce testament est nul même si un seul des testateurs l'a écrit et que l'autre n'a fait que le signer. Par cette signature, le second testateur a fait siennes les dispositions écrites par le premier ;
  • condition de fond ou condition intellectuelle : pour être nul, il faut que les dispositions des testateurs soient réellement communes et forment un ensemble indissociable. Ainsi deux testaments écrits l'un au recto et l'autre au verso d'une feuille ne sont pas nuls . Il en est de même de deux testaments écrits sur la même feuille séparés par un trait .
- Appréciation. - À la fois perçue comme une contrainte, par son manque de souplesse, ou comme une protection de la liberté individuelle de tester jusqu'à son dernier jour, la prohibition des testaments conjonctifs semble avoir été fortement atténuée par une jurisprudence plutôt souple. Toutefois cette jurisprudence valide les testaments individuels contenus dans un support signé par plusieurs. Il s'agit plutôt d'une manifestation de la tendance générale, déjà relevée à plusieurs reprises, de « sauver » le maximum d'expressions de dernières volontés. Cette prohibition est-elle toujours opportune ? Certains droits étrangers, comme le droit allemand, admettent la forme conjonctive du testament. Il est permis de se demander si, dans certaines hypothèses, il ne serait pas envisageable d'admettre quelques exceptions au principe, notamment lorsqu'il s'agirait pour deux personnes (époux ou conjoints au sens large) de répartir leurs biens entre leurs enfants au moyen d'un testament-partage conjonctif . Il faudrait en déterminer les conditions et les modalités. Nécessairement, il faudrait se prononcer sur la question de la révocabilité.

Le testament hermétique au numérique ?

Dans tous ces développements, nous avons pu voir à quel point dans les formes du testament, quelle que soit la forme choisie, l'écrit est important. Quand on parle d'écrit, il s'agit d'écrit sur papier, et c'est en considération de ce seul support que les textes ont été élaborés. En effet, à cette époque, l'acte électronique n'existait pas. Il en résulte que le testament a aujourd'hui, à l'ère de l'acte électronique et du tout numérique, une grande difficulté à s'adapter aux nouvelles formes d'écrits. Cela se manifeste lors de sa conception mais aussi lors de son ouverture.
• Le testament authentique peut-il être reçu en la forme électronique ? La question est posée, la réponse peu évidente, et la prudence de rigueur chez les notaires conduit à la négative. Dans le testament authentique, les deux notaires, placés sur le même pied d'égalité en termes de réception de l'acte, ne peuvent signer électroniquement l'acte lui-même. Il n'existe pas à ce jour de système informatique dans lequel les deux notaires peuvent signer électroniquement chacun au moyen de leur clé Real. De la même manière, les signatures des témoins sont essentielles au testament authentique alors qu'en soi la signature des parties pour les actes notariés est à la limite superflue. Il faudrait un système de certification des signatures électroniques des témoins.
• À son ouverture, c'est-à-dire au décès de son auteur, le testament olographe ou mystique peut-il être déposé au rang des minutes du notaire au moyen d'un acte électronique ? En d'autres termes, l'original du testament pourrait-il faire l'objet d'une numérisation pour être annexé à son procès-verbal de dépôt et de description prévu par l'article 1007 du Code civil ? Cet acte de dépôt fait corps avec le testament qui constitue le titre des légataires. Cet acte a une fonction de conservation et donc de dépôt de l'écrit. Le notaire doit-il conserver physiquement le testament, ou peut-il le numériser pour ensuite éventuellement réduire l'original matériel à l'inexistence juridique ? En effet, par la numérisation de l'annexe à un acte notarié, c'est la pièce numérisée qui devient l'original, ce qui autorise le notaire à détruire les pièces qu'il a numérisées pour être annexées à l'acte électronique. La règle dérange encore moins depuis que la réforme des obligations a posé comme principe que la copie fiable a la même force que l'original . Si, pour la plupart des actes, cette règle ne gêne pas, pour le testament elle dérange. Les testaments, actes si simples mais aux grands enjeux, sont sujets à des contestations, à des expertises pour en vérifier la sincérité. Aussi l'examen de l'original lui-même permet aux experts en graphologie d'affiner leur rapport (pression du stylo ou du crayon sur le support, nuances de couleurs et d'encre, filigrane du papier, etc.), ce que bien évidemment le support numérique ne permet pas. Aussi le dépôt de testament, par prudence, reste un acte papier « à l'ancienne ».
• L'écriture manuscrite, qu'on le veuille ou non, est en voie de disparition. Les citoyens n'écrivent plus, ils savent donc de moins en moins écrire, et lorsqu'ils doivent le faire (pour se porter caution de leur enfant locataire d'un appartement par exemple), tellement concentrés sur la formule à recopier ou à inscrire, ils ne comprennent plus ce qu'ils écrivent… Et il est évident que faute d'avoir écrit comme auparavant durant leur vie active, à leurs vieux jours l'écriture traditionnelle leur sera de moins en moins accessible. Faire un testament olographe sera une épreuve insurmontable (qui s'ajoute à l'appréhension psychologique). Doit-on pour autant les écarter d'un testament simple et accessible ? Enfin, le temps ne serait-il pas venu d'inventer un testament numérique utilisant les règles un peu anciennes du testament mystique permettant à un testateur de prendre des dispositions en la forme électronique à condition que leur origine soit certifiée par un officier public et éventuellement des témoins ?