La détection d'une vulnérabilité
La détection d'une vulnérabilité
L'aptitude à effectuer un acte de manière éclairée
- une apparence physique ou vestimentaire inhabituelle (porte des vêtements mal boutonnés ou inappropriés pour la saison) ;
- des problèmes de mémoire (pose à plusieurs reprises la même question ; paraît avoir oublié des informations données pendant l'entretien) ;
- des difficultés de compréhension ou de raisonnement (a du mal à comprendre les concepts abstraits, à comparer les alternatives ; répond plusieurs fois « à côté de la question ») ;
- des troubles de l'humeur (paraît anxieux, stressé, abattu ou déprimé ; assiste passivement à l'entretien, comme s'il n'était pas concerné) ;
- un comportement ou des propos surprenants (paraît agité, impulsif ou excessivement méfiant ; s'exprime de manière inhabituellement familière ; exprime des idées de préjudice ou de persécution).
Se méfier des stéréo types sur l'avancée en âge
« La vieillesse n'est pas toujours un naufrage »
. Comme le souligne la brochure, contrairement à une idée très répandue, l'avancée en âge n'implique pas nécessairement une diminution des facultés intellectuelles. Si certaines personnes développent en vieillissant des déficiences cognitives, de nombreuses personnes âgées conservent leurs capacités intellectuelles jusqu'à la fin de leur vie. Elles peuvent se fatiguer plus rapidement, traiter moins vite certaines informations, mais ces difficultés, normales avec l'âge, ne signifient pas qu'elles souffrent pour autant d'une altération de leurs facultés. Comme tous les citoyens, les personnes qui avancent en âge doivent donc être présumées compétentes jusqu'à preuve du contraire. Sur le plan des principes, il faut donc avoir à l'esprit que la mise en doute de la capacité d'une personne au seul motif qu'elle est âgée ou très âgée par exemple en lui demandant de produire un certificat médical pour prouver qu'elle est en possession de toutes ses facultés constitue une rupture d'égalité et une discrimination, car cela revient à la traiter différemment, du seul fait de son âge. Concrètement, il ne saurait donc être question pour le notaire de requérir l'avis d'un professionnel de santé chaque fois qu'il est en présence d'un client âgé, mais seulement quand ce dernier paraît en sus souffrir de troubles cognitifs. Toute autre solution serait du reste bien délicate à mettre en ?uvre car, à bien y penser, à partir de quel âge devrait-on considérer que l'avis médical doit être automatiquement recherché ? Ici, à l'évidence, tout est affaire de circonstances, l'état de vulnérabilité d'une personne pouvant certes être lié à son âge, mais aussi à de nombreux autres facteurs : son caractère, la présence de troubles de l'humeur (dépression, anxiété), un isolement social, des problèmes de santé, ou encore un handicap moteur ou sensoriel. Dès lors, on ne saurait ignorer les limites attachées à un raisonnement <em>in abstracto</em> s'agissant d'une problématique qui postule, au contraire, un regard « au cas par cas ». Qu'il soit toutefois entendu, dans un souci de réalisme, que dans les faits le respect de ces principes n'exclut nullement, bien au contraire, une vigilance encore plus acérée de la part du notaire. En somme, si le client âgé doit être traité comme n'importe quel client, c'est avec le respect et les précautions précisément liés à son âge.
Ce qu'il faut retenir de la détection des troubles cognitifs
Il convient d'avoir à l'esprit que :
Par ailleurs, si des difficultés semblent présentes, il convient, d'une part, de s'assurer qu'elles ne sont pas liées à des troubles visuels ou auditifs, à une maladie somatique, à un traitement médicamenteux ou à un contexte de crise (hospitalisation, dépression, deuil, entrée en institution?) et, d'autre part, de tenir compte de ces difficultés dans la façon de mener l'entretien et de communiquer avec la personne.
L'aptitude à effectuer un acte de manière libre
- le client n'est pas connu du notaire ;
- le bénéficiaire de la disposition a activement participé aux démarches pour voir le notaire ; ce n'est pas le client qui a pris rendez-vous ;
- un tiers a accompagné le client à l'office, il veut absolument assister à l'entretien, prend la parole en premier ou donne l'impression de surveiller ce que dit le client ;
- le client manifeste peu d'intérêt pour l'entretien, ne prend pas vraiment part à la discussion ; il semble craindre de s'exprimer, paraît anxieux, hésitant, peu sûr de lui, ou au contraire semble pressé d'en finir et veut tout régler rapidement, sans discuter ;
- le client modifie substantiellement ses dispositions, sans raison apparente, ou prend des dispositions qui paraissent étonnantes au regard de ses valeurs et préférences passées ;
- des bénéficiaires inattendus apparaissent ou des bénéficiaires « naturels » reçoivent beaucoup moins que l'on ne pourrait attendre.
- le client a déjà été victime d'actes de maltraitance (physique, psychologique, financière) ou de négligence ;
- il a besoin d'aide pour de nombreux actes de sa vie quotidienne (faire ses courses, se nourrir, s'habiller) ou pour continuer de vivre à son domicile ;
- il reçoit peu de visites ou a peu de contacts avec les personnes qui pourraient le conseiller parce qu'il a des difficultés pour se déplacer, ou parce que ses proches habitent loin ou sont décédés ;
- il a récemment rompu ses liens avec ceux qui avaient autrefois sa confiance ou place une grande confiance dans une personne rencontrée depuis peu ;
- il est fatigué, déprimé, ou paraît confus et désorienté parce qu'il n'est pas dans son environnement de vie habituel ou parce qu'il a des problèmes de santé importants ;
- des changements significatifs sont intervenus dans sa vie (décès d'un proche qui jouait un grand rôle auprès de lui) ou des tensions sont apparues dans sa famille (compétition entre ses enfants pour savoir qui est le plus aidant ou le plus aimant).
Comment établir que la disposition est prise librement ?
La règle d'or, pour minimiser les risques d'influence abusive, consiste pour le notaire à <strong>recevoir son client seul</strong>, au moins pendant un moment, même si celui-ci vient accompagné à l'office. Lorsque les souhaits du client ont été initialement relayés par un tiers, ceux-ci devraient ainsi toujours être confirmés par le client lui-même, au cours d'un entretien en privé. Ce n'est qu'en s'entretenant seul à seul avec son client que le notaire pourra apprécier au plus juste ses capacités et vérifier qu'il ne fait pas l'objet de pressions ou d'une manipulation.
Partant, quand un tiers a accompagné le client à l'office, le notaire devrait expliquer pourquoi il souhaite s'entretenir seul pendant un moment avec son client. Ces explications devraient tenir compte de l'anxiété que cette demande risque de susciter chez le client, qui peut se sentir rassuré par la présence d'un proche, et de la surprise qu'elle risque d'occasionner chez la personne qui l'accompagne. Le notaire doit expliquer au client et à son accompagnant qu'ils ne doivent pas s'inquiéter ou se sentir offensés par cette demande, qui est dans leur intérêt, surtout si l'accompagnant est l'un des bénéficiaires de la disposition, ou s'il est très impliqué auprès du client.
Une autre précaution utile consiste à ne pas se contenter d'un entretien unique, mais à <strong>revoir le client</strong> quelques jours ou semaines plus tard, pour confirmer sa volonté de prendre la disposition envisagée. Le notaire aura alors parfois intérêt à se rendre au domicile du client pour le voir <strong>dans son environnement</strong> de vie, se faire une idée plus précise de la situation et « sentir » comment les choses se passent au quotidien. Dans certains cas, une visite impromptue peut être plus éclairante.