La désignation anticipée d'une personne de confiance

La désignation anticipée d'une personne de confiance

- La personne de confiance dans le champ sanitaire. - Créé par la loi du 5 mars 2002 (dite « loi Kouchner ») , puis renforcé à plusieurs reprises depuis lors , l'article L. 1111-6 du Code de la santé publique dispose que, dans le domaine de la santé, « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin ». Et le texte de préciser, dans l'hypothèse où le patient est lucide, que « si le patient le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions ».
La loi du 2 février 2016 a précisé le rôle de la personne de confiance, qui est de rendre compte de la volonté du « désignant », d'en être le témoin, étant ici précisé que « son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ». La désignation écrite doit être cosignée par la personne de confiance, qui consent ainsi expressément à exercer cette mission délicate. Elle est révisable et révocable à tout moment. Si cette désignation peut être faite lors d'une hospitalisation dans un établissement de santé, elle peut aussi être réalisée de manière anticipée et se muer alors en mesure de prévoyance.
- La personne de confiance dans le champ du médico-social. - Initialement limitée par l'article L. 1111-6 du Code de la santé publique au strict domaine de la santé, la présence d'une personne de confiance dans des missions repensées aux côtés de la personne reconnue comme particulièrement vulnérable avait été souhaitée par de nombreux acteurs .
Sensible à ces souhaits, la loi no 2015-1776 du 28 décembre 2015 a introduit la personne de confiance dans le domaine médico-social. En vertu de l'article L. 311-5-1 du Code de l'action sociale et des familles : « Lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social, il est proposé à la personne majeure accueillie de désigner, si elle ne l'a pas déjà fait, une personne de confiance dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L. 1111-6 du Code de la santé publique » . Cette désignation est valable sans limitation de durée, à moins que le « désignant » n'en dispose autrement. La personne de confiance visée par le texte peut être la même personne ou une personne différente que celle qui est visée à l'article L. 1111-6, selon le souhait du « désignant » lui-même.
Par ailleurs, l'article L. 311-4 du Code de l'action sociale et des familles dispose qu'à l'occasion de la conclusion d'un contrat de séjour dans un établissement, lors d'un entretien, le cas échéant, en présence de la personne de confiance désignée en application de l'article L. 311-5-1, « le directeur de l'établissement ou toute autre personne formellement désignée par lui recherche, chaque fois que nécessaire avec la participation du médecin coordonnateur de l'établissement, le consentement de la personne à être accueillie, sous réserve de l'application du dernier alinéa de l'article 459-2 du Code civil », après l'avoir informé de ses droits et s'être s'assuré de leur compréhension. Préalablement à l'entretien, dans des conditions définies par décret, il l'informe de la possibilité de désigner une personne de confiance.
La personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits. Si le « désignant » le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.
- Articulation avec les mesures judiciaires de protection. - La loi envisage l'articulation de la désignation d'une personne de confiance avec la tutelle, en prévoyant notamment que : « Dans l'hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer » (C. santé publ., art. L. 1111-6, al. 5). En dépit du silence du texte, nul doute qu'une solution identique s'impose si la personne fait l'objet d'une habilitation judiciaire, d'une sauvegarde de justice ou d'une curatelle. Il convient toutefois d'avoir présent à l'esprit que d'évidentes questions de périmètre d'intervention risquent de se poser entre la personne de confiance et la personne désignée par le juge des tutelles, dans le cadre de la mission spécifique d'assistance de représentation de l'article 459, alinéa 2 du Code civil .
À ce propos, un récent rapport témoigne de la nécessité de revoir l'articulation entre le rôle du tuteur et celui de la personne de confiance, en regrettant que le rôle joué par ce dernier reste actuellement trop limité par rapport à celui du tuteur . Et le rapport de souligner, à juste titre, qu'il ne paraît pas cohérent que le tuteur représente le majeur si celui-ci a désigné une personne de confiance, qui, selon le droit commun, doit être consultée lorsqu'une personne est hors d'état d'exprimer sa volonté et rendre compte de la volonté de cette dernière.
- Articulation avec le mandat de protection future. - De la même façon, il faut une cohérence entre la désignation de la personne de confiance et le rôle dévolu au mandataire dans le cadre d'un éventuel mandat de protection future. Selon les textes, « le mandat peut prévoir que le mandataire exercera les missions que le Code de la santé publique et le Code de l'action sociale et des familles confient (?) à la personne de confiance » (C. civ., art. 479, al. 2). Rien n'empêche toutefois le mandant de désigner une personne de confiance distincte de son mandataire. Il peut le faire dans le mandat, en prévoyant la répartition des tâches entre chacun, étant ici souligné que, dans le mandat notarié, le notaire doit alors s'assurer de l'accord de la personne de confiance. Il peut aussi le faire indépendamment, ce qui ne soulève pas de difficulté spécifique si le mandat ne confère aucun pouvoir au mandataire concernant la protection de la personne. En revanche, dans le cas inverse, il s'agira bien évidemment d'éviter les contradictions entre un contrat qui confierait un mandat général à la personne au mandataire et la désignation postérieure d'une personne de confiance. Toutes ces mesures d'anticipation doivent faire l'objet d'une réflexion d'ensemble et supposent que la personne concernée bénéficie d'un conseil avisé d'un professionnel, ce qui n'empêche pas les initiatives irréfléchies.

Conseil pratique

Investie dans le cadre du mandat de protection future, la personne de confiance est soumise à son régime. C'est dire qu'une fois le mandat activé, le mandant ne peut plus révoquer la personne de confiance. Pour ces raisons, et pour conserver la faculté de révocation <em>ad nutum</em> attachée à la désignation de la personne de confiance, il semble préférable d'annexer cette désignation à l'acte notarié, plutôt que de l'y inclure
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- Une publicité déficiente. - D'une manière générale, pour éviter une éventuelle cacophonie, il faudrait assurer une publicité de la désignation de la personne de confiance, afin que celle-ci soit connue des intervenants. Cette disposition est d'autant plus importante qu'en l'état du droit, en cas de désignation anticipée, le juge des tutelles, pour confirmer la mission de la personne de confiance ou révoquer sa désignation, doit avoir connaissance, dès l'instruction du dossier, si une personne de confiance a été désignée antérieurement par la personne à protéger afin de se prononcer sur ce point dans le jugement d'ouverture, ce qu'il n'est pas en mesure de faire actuellement. Il s'agit également, par ce biais, en présence d'un mandat de protection future, de permettre une articulation sans heurt des missions du mandataire et de la personne de confiance, ceci afin d'éviter des interférences entre ces deux personnes, qui nuiraient à un bon exercice de la mesure de protection.
- Une souhaitable coordination des textes. - De nombreux spécialistes constatent, et regrettent, que le périmètre d'intervention et le rôle de la personne de confiance dans les champs sanitaire et médico-social soient sensiblement différents, ce qui soulève d'indéniables difficultés et un manque certain de lisibilité. En outre, on sait que les dispositions figurant dans le Code de la santé publique quant aux conditions de consentement aux soins pour les personnes protégées, notamment sous tutelle, font l'objet de multiples interprétations discordantes par les magistrats, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les médecins .
En son temps, le rapport Caron-Déglise a notamment appelé de ses v?ux à la fois la création d'une définition socle du rôle et du périmètre d'intervention de la personne de confiance et des précisions claires, dans le silence des textes (CPC, art. 1222 et C. civ., art. 430) sur les droits d'accès de cette dernière au dossier de protection judiciaire quand une telle mesure est ouverte . De son côté, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a estimé que la question de l'articulation entre le Code civil et le Code de la santé publique devait être étudiée plus spécifiquement.
Manifestement sensible aux divers souhaits ainsi exprimés, la loi du 23 mars 2019 a habilité le gouvernement à procéder à la coordination des textes du Code civil en matière de protection de la personne, du Code de la santé publique et du Code de l'action sociale et des familles, ce dont on peut se féliciter. Toutefois, il reste désormais à espérer que cette directive ne demeure pas lettre morte. Faut-il en effet rappeler qu'une précédente loi avait déjà habilité le gouvernement à procéder à la coordination de ces textes, ce dont il ne s'était pas saisi (L. no 2016-41, 26 janv. 2016, art. 211).

Un outil relativement confidentiel

La fonction de personne de confiance est encore trop peu connue et utilisée. Et pourtant, faire connaître la possibilité d'être assisté par une personne de son choix dans tout processus de consentement aux soins et de changement du lieu de vie est un axe prioritaire d'information des personnes âgées. Simultanément, il convient aussi de faire connaître son rôle de témoin privilégié dans les processus de concertation sur les décisions d'arrêt de traitement de fin de vie.