Les dispositions anticipées

Les dispositions anticipées

- Plan. - La faveur accordée à l'anticipation s'illustre par l'éventail de ses instruments. Ainsi il est loisible à une personne, à l'avance, de désigner un curateur ou un tuteur chargé le moment venu de la représenter (Sous-section I). Mieux encore, alors que pendant longtemps le législateur a négligé la protection de la personne dans son être même pour ne porter qu'une attention sur son patrimoine, il y a depuis plusieurs années une éclosion de textes particuliers s'intéressant enfin à la personne. C'est ainsi que toute personne majeure peut aujourd'hui, dans l'optique d'une éventuelle inaptitude, désigner une « personne de confiance » qui l'accompagnera dans le domaine médical (Sous-section II), ou rédiger des directives anticipées de fin de vie (Sous-section III).

La désignation anticipée de son tuteur ou de son curateur

- Conditions de fond. - Participant du mouvement qui vise à favoriser les principes d'autonomie de la volonté et d'autodétermination des personnes vulnérables, la loi du 5 mars 2007 a offert la possibilité pour une personne majeure de désigner, de manière anticipée, « une ou plusieurs personnes chargées d'exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle » (C. civ., art. 448) .
Ces dispositions traduisent l'importance cruciale accordée à la volonté pour confier à un tiers la gestion de son propre patrimoine et/ou de sa personne.
Le texte est peu prolixe concernant les conditions de fond touchant aux uns et aux autres. Tout juste peut-on souligner que le « désignant » doit être logiquement doté de la capacité à agir pour procéder à une telle désignation. Celle-ci est donc offerte au majeur placé sous sauvegarde de justice, sous couvert des suspicions qui peuvent naturellement s'attacher à un choix tardif. Concernant le désigné tuteur ou curateur, le choix est libre, sauf à devoir respecter les causes d'empêchement classiques à l'exercice des charges curatélaires ou tutélaires (C. civ., art. 445) .
- Conditions de forme. - La désignation anticipée du curateur ou du tuteur ne peut être faite « que par une déclaration devant notaire ou par un acte écrit en entier, daté et signé de la main du majeur concerné » (CPC, art. 1255). Une double faculté s'offre à la personne prévoyante : soit recourir à un acte authentique, ce qui garantit la sécurité de la conservation outre le rôle de conseil du notaire, soit établir un document sous seing privé répondant aux mêmes caractéristiques qu'un testament olographe. Mais il est alors conseillé d'écarter la qualification de tutelle testamentaire, un testament ne prenant effet, par principe, qu'en cas de décès, alors que la désignation d'un tuteur ou d'un curateur pour soi-même est liée à une perte de capacité.
En dépit du choix qui s'offre au signataire, il est opportun de lui conseiller d'utiliser la forme notariée, laquelle garantit la conservation de l'acte et assure au requérant d'être utilement conseillé quant aux conséquences qui découlent de son choix.
- Effets. - Par principe, la désignation anticipée par le majeur s'impose au juge, ce qui place le protecteur choisi, qui tire directement sa légitimité de la volonté du majeur protégé, au premier rang dans l'ordre des personnes susceptibles d'être désignées par le juge pour exercer les fonctions de tuteur, et cela « au point d'évincer le principe de prééminence familiale » .
Les textes prévoient toutefois que le juge ne sera pas tenu de respecter le choix opéré si la personne désignée « refuse la mission ou est dans l'impossibilité de l'exercer » (C. civ., art. 448, al. 1er). S'agissant d'une mesure d'anticipation, ces soupapes de sécurité sont compréhensibles. Dans le laps de temps qui sépare la désignation et l'ouverture de la mesure de protection, de multiples changements ont pu intervenir dans la situation du désigné, lesquels sont susceptibles de remettre en cause ses facultés ou son désir à assumer la mission qui lui a été confiée : maladie, éloignement, charges professionnelles, etc. En cas de difficulté, le juge statue et choisit une autre personne pour assister ou représenter la personne protégée.
« L'intérêt de la personne protégée » peut également commander d'écarter le protecteur désigné, choisi à l'avance. Le juge dispose, pour l'appréciation de cet intérêt, d'un pouvoir souverain. Ce n'est toutefois pas un droit discrétionnaire et toute décision d'écarter la personne désignée doit être motivée . Les motifs peuvent être divers. Il en sera ainsi par exemple, si, au regard de la consistance du patrimoine, le choix de la personne choisie s'avère en définitive inapproprié car insuffisamment protecteur des intérêts du majeur vulnérable. Ce peut être également le cas si les relations entre la personne désignée et le majeur sont « conflictuelles, empreintes de méfiance ou intéressées » .

Conseils pratiques

Sur lesquels, V. J. Combret, <em>Anticiper son état de vulnérabilité. Assurer la protection de sa personne et de son patrimoine</em> : <em>Actes prat. strat. patrimoniale</em> janv. 2017, n<sup>o</sup> 1, dossier 3, spéc. n<sup>o</sup> 13.

Le notaire chargé de conseiller celui qui veut avoir recours à cette faculté devra systématiquement suggérer plusieurs mesures pratiques de manière à réduire ou éliminer les difficultés. La première précaution consiste à consulter préalablement la personne que l'on envisage de désigner. Qui mieux que celui qui choisit quelqu'un est-il à même de lui demander son avis, de lui expliquer ce qu'il attend de lui, les conséquences ou contraintes éventuelles de son acceptation ? Une seconde précaution est de choisir si possible quelqu'un de plus jeune que soi afin de ne pas courir le risque que, les uns et les autres vieillissant, la personne désignée ne soit elle-même plus en capacité lorsque l'auteur de la désignation perdra lui-même sa capacité. Une dernière précaution, à l'instar de celle préconisée dans le cadre du mandat de protection future
, consiste à désigner si possible plusieurs personnes chargées de la fonction de tuteur ou curateur. Deux options sont possibles : soit une désignation conjointe soit une désignation successive, l'un pouvant prendre la place de l'autre en cas de refus ou d'incapacité d'exercer la fonction. L'idéal consiste d'ailleurs à systématiser cette pratique qui est la meilleure garantie du respect de la volonté. Si le juge écarte pour une raison valable la personne désignée en premier, il devra ensuite prendre en compte la personne désignée en suivant. Le risque que toutes les personnes désignées soient écartées sera faible.

- Alternative au mandat de protection future. - Comparée au mandat de protection future, la désignation anticipée du curateur ou du tuteur constitue un dispositif d'anticipation plus modéré en ce qu'il permet de choisir la personne du représentant, mais de s'en remettre à la loi pour définir ses prérogatives et obligations. C'est dire que si la personne désireuse d'anticiper sa vulnérabilité future souhaite non seulement désigner un représentant, mais aussi lui conférer des pouvoirs plus étendus que ceux d'un tuteur, hors du contrôle du juge, le mandat de protection future offrira alors la solution appropriée, pour peu qu'il revête la forme notariée.
Il reste que lorsqu'une personne envisage d'établir un mandat de protection future, il arrive fréquemment que cela s'avère difficile à mettre en ?uvre . La principale raison est l'absence d'un environnement familial ou amical de confiance suffisant pour garantir une bonne organisation du mandat. Souvent, la personne est relativement âgée et elle n'a autour d'elle, quand elle n'est pas isolée, que des parents ou amis de la même génération. Choisir des personnes de son âge n'est pas à conseiller. Il existe un risque non négligeable que celles-ci ne soient elles-mêmes pas en état d'assumer la fonction en raison de leur état de santé lorsque la question viendra éventuellement à se poser. Dans une telle situation, le recours à l'option plus limitée de la désignation anticipée d'un tuteur ou d'un curateur sera parfois plus facile à mettre en ?uvre. Une autre justification à une préférence accordée à une désignation anticipée de tuteur ou curateur plutôt qu'un mandat de protection future est liée à un patrimoine faible. Le mandat de protection future peut alors représenter un mécanisme trop lourd au regard de ses volontés et de son patrimoine. Autant le choix d'un représentant peut sembler important, autant encadrer ce choix avec un mandat de protection future n'est pas nécessaire.
- Complément au mandat de protection future. - La désignation du tuteur peut également s'inscrire dans une volonté non pas de s'y substituer, mais de compléter le mandat de protection future. Nous savons, en effet, que le juge peut écarter un mandat de protection future et décider de lui substituer une mesure de protection, s'il considère que le mandat ne constitue pas un mécanisme adapté pour garantir les intérêts de la personne protégée (C. civ., art. 483, 4o) . En pareil cas, le risque pour la personne qui avait entendu organiser sa protection future est que non seulement le contenu du mandat ne soit plus totalement pris en compte, mais encore que la personne choisie soit écartée. Afin de se prémunir contre ce risque, le notaire doit conseiller à son client de doubler son mandat d'une désignation anticipée de tuteur ou de curateur . Dans cette désignation, il devra indiquer clairement qu'une telle décision ne sera mise en ?uvre que dans l'hypothèse où le mandat de protection future est écarté pour un motif qui n'est pas lié à la personne même du mandataire. Dans ce cas, celui-ci, désigné parallèlement comme tuteur ou curateur, sera normalement choisi par le juge pour exercer ces fonctions. Il passera alors du statut de mandataire à celui de curateur ou tuteur. En revanche, si le mandat est révoqué pour une raison liée à la personne du mandataire, celui-ci doit être démis de ses doubles fonctions prévues conventionnellement, la principale (mandataire) et la subsidiaire (curateur ou tuteur). À l'évidence, écarté d'un côté, il doit l'être tout autant de l'autre. L'intérêt de désigner plusieurs personnes successivement trouve ici encore tout son sens afin de garantir au mieux la volonté de la personne protégée.
- Une regrettable absence de publicité. - Il reste que le choix anticipé d'un curateur ou d'un tuteur ne deviendra réalité qu'à la condition que le juge des tutelles, saisi d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection, ait été informé de l'existence de cette désignation. Dans cette optique, il est évident qu'une mesure de publicité s'imposerait. Et pourtant, si la loi a prévu une mesure de publicité pour le mandat de protection future, elle n'a pas envisagé une telle formalité pour les désignations anticipées de tuteur ou curateur, ce qui traduit une politique « des petits pas », difficilement compréhensible. À l'instar du mandat de protection future, et pour des motifs similaires, on pourrait songer à confier cette mesure de publicité au notariat. En l'état, confronté au risque d'ignorance de la volonté exprimée au moment où le juge prendra sa décision, le notaire doit conseiller au client qui choisit par anticipation un tuteur ou un curateur de demander à ce dernier de suivre régulièrement son état de santé. La personne désignée aura ainsi conscience de l'importance de son rôle. Elle portera, s'il y a lieu, à la connaissance du juge la volonté de la personne à protéger au moment où une procédure de mise sous protection sera engagée.

La désignation anticipée d'une personne de confiance

- La personne de confiance dans le champ sanitaire. - Créé par la loi du 5 mars 2002 (dite « loi Kouchner ») , puis renforcé à plusieurs reprises depuis lors , l'article L. 1111-6 du Code de la santé publique dispose que, dans le domaine de la santé, « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin ». Et le texte de préciser, dans l'hypothèse où le patient est lucide, que « si le patient le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions ».
La loi du 2 février 2016 a précisé le rôle de la personne de confiance, qui est de rendre compte de la volonté du « désignant », d'en être le témoin, étant ici précisé que « son témoignage prévaut sur tout autre témoignage ». La désignation écrite doit être cosignée par la personne de confiance, qui consent ainsi expressément à exercer cette mission délicate. Elle est révisable et révocable à tout moment. Si cette désignation peut être faite lors d'une hospitalisation dans un établissement de santé, elle peut aussi être réalisée de manière anticipée et se muer alors en mesure de prévoyance.
- La personne de confiance dans le champ du médico-social. - Initialement limitée par l'article L. 1111-6 du Code de la santé publique au strict domaine de la santé, la présence d'une personne de confiance dans des missions repensées aux côtés de la personne reconnue comme particulièrement vulnérable avait été souhaitée par de nombreux acteurs .
Sensible à ces souhaits, la loi no 2015-1776 du 28 décembre 2015 a introduit la personne de confiance dans le domaine médico-social. En vertu de l'article L. 311-5-1 du Code de l'action sociale et des familles : « Lors de toute prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico-social, il est proposé à la personne majeure accueillie de désigner, si elle ne l'a pas déjà fait, une personne de confiance dans les conditions définies au premier alinéa de l'article L. 1111-6 du Code de la santé publique » . Cette désignation est valable sans limitation de durée, à moins que le « désignant » n'en dispose autrement. La personne de confiance visée par le texte peut être la même personne ou une personne différente que celle qui est visée à l'article L. 1111-6, selon le souhait du « désignant » lui-même.
Par ailleurs, l'article L. 311-4 du Code de l'action sociale et des familles dispose qu'à l'occasion de la conclusion d'un contrat de séjour dans un établissement, lors d'un entretien, le cas échéant, en présence de la personne de confiance désignée en application de l'article L. 311-5-1, « le directeur de l'établissement ou toute autre personne formellement désignée par lui recherche, chaque fois que nécessaire avec la participation du médecin coordonnateur de l'établissement, le consentement de la personne à être accueillie, sous réserve de l'application du dernier alinéa de l'article 459-2 du Code civil », après l'avoir informé de ses droits et s'être s'assuré de leur compréhension. Préalablement à l'entretien, dans des conditions définies par décret, il l'informe de la possibilité de désigner une personne de confiance.
La personne de confiance est consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits. Si le « désignant » le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.
- Articulation avec les mesures judiciaires de protection. - La loi envisage l'articulation de la désignation d'une personne de confiance avec la tutelle, en prévoyant notamment que : « Dans l'hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer » (C. santé publ., art. L. 1111-6, al. 5). En dépit du silence du texte, nul doute qu'une solution identique s'impose si la personne fait l'objet d'une habilitation judiciaire, d'une sauvegarde de justice ou d'une curatelle. Il convient toutefois d'avoir présent à l'esprit que d'évidentes questions de périmètre d'intervention risquent de se poser entre la personne de confiance et la personne désignée par le juge des tutelles, dans le cadre de la mission spécifique d'assistance de représentation de l'article 459, alinéa 2 du Code civil .
À ce propos, un récent rapport témoigne de la nécessité de revoir l'articulation entre le rôle du tuteur et celui de la personne de confiance, en regrettant que le rôle joué par ce dernier reste actuellement trop limité par rapport à celui du tuteur . Et le rapport de souligner, à juste titre, qu'il ne paraît pas cohérent que le tuteur représente le majeur si celui-ci a désigné une personne de confiance, qui, selon le droit commun, doit être consultée lorsqu'une personne est hors d'état d'exprimer sa volonté et rendre compte de la volonté de cette dernière.
- Articulation avec le mandat de protection future. - De la même façon, il faut une cohérence entre la désignation de la personne de confiance et le rôle dévolu au mandataire dans le cadre d'un éventuel mandat de protection future. Selon les textes, « le mandat peut prévoir que le mandataire exercera les missions que le Code de la santé publique et le Code de l'action sociale et des familles confient (?) à la personne de confiance » (C. civ., art. 479, al. 2). Rien n'empêche toutefois le mandant de désigner une personne de confiance distincte de son mandataire. Il peut le faire dans le mandat, en prévoyant la répartition des tâches entre chacun, étant ici souligné que, dans le mandat notarié, le notaire doit alors s'assurer de l'accord de la personne de confiance. Il peut aussi le faire indépendamment, ce qui ne soulève pas de difficulté spécifique si le mandat ne confère aucun pouvoir au mandataire concernant la protection de la personne. En revanche, dans le cas inverse, il s'agira bien évidemment d'éviter les contradictions entre un contrat qui confierait un mandat général à la personne au mandataire et la désignation postérieure d'une personne de confiance. Toutes ces mesures d'anticipation doivent faire l'objet d'une réflexion d'ensemble et supposent que la personne concernée bénéficie d'un conseil avisé d'un professionnel, ce qui n'empêche pas les initiatives irréfléchies.

Conseil pratique

Investie dans le cadre du mandat de protection future, la personne de confiance est soumise à son régime. C'est dire qu'une fois le mandat activé, le mandant ne peut plus révoquer la personne de confiance. Pour ces raisons, et pour conserver la faculté de révocation <em>ad nutum</em> attachée à la désignation de la personne de confiance, il semble préférable d'annexer cette désignation à l'acte notarié, plutôt que de l'y inclure
.

- Une publicité déficiente. - D'une manière générale, pour éviter une éventuelle cacophonie, il faudrait assurer une publicité de la désignation de la personne de confiance, afin que celle-ci soit connue des intervenants. Cette disposition est d'autant plus importante qu'en l'état du droit, en cas de désignation anticipée, le juge des tutelles, pour confirmer la mission de la personne de confiance ou révoquer sa désignation, doit avoir connaissance, dès l'instruction du dossier, si une personne de confiance a été désignée antérieurement par la personne à protéger afin de se prononcer sur ce point dans le jugement d'ouverture, ce qu'il n'est pas en mesure de faire actuellement. Il s'agit également, par ce biais, en présence d'un mandat de protection future, de permettre une articulation sans heurt des missions du mandataire et de la personne de confiance, ceci afin d'éviter des interférences entre ces deux personnes, qui nuiraient à un bon exercice de la mesure de protection.
- Une souhaitable coordination des textes. - De nombreux spécialistes constatent, et regrettent, que le périmètre d'intervention et le rôle de la personne de confiance dans les champs sanitaire et médico-social soient sensiblement différents, ce qui soulève d'indéniables difficultés et un manque certain de lisibilité. En outre, on sait que les dispositions figurant dans le Code de la santé publique quant aux conditions de consentement aux soins pour les personnes protégées, notamment sous tutelle, font l'objet de multiples interprétations discordantes par les magistrats, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les médecins .
En son temps, le rapport Caron-Déglise a notamment appelé de ses v?ux à la fois la création d'une définition socle du rôle et du périmètre d'intervention de la personne de confiance et des précisions claires, dans le silence des textes (CPC, art. 1222 et C. civ., art. 430) sur les droits d'accès de cette dernière au dossier de protection judiciaire quand une telle mesure est ouverte . De son côté, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a estimé que la question de l'articulation entre le Code civil et le Code de la santé publique devait être étudiée plus spécifiquement.
Manifestement sensible aux divers souhaits ainsi exprimés, la loi du 23 mars 2019 a habilité le gouvernement à procéder à la coordination des textes du Code civil en matière de protection de la personne, du Code de la santé publique et du Code de l'action sociale et des familles, ce dont on peut se féliciter. Toutefois, il reste désormais à espérer que cette directive ne demeure pas lettre morte. Faut-il en effet rappeler qu'une précédente loi avait déjà habilité le gouvernement à procéder à la coordination de ces textes, ce dont il ne s'était pas saisi (L. no 2016-41, 26 janv. 2016, art. 211).

Un outil relativement confidentiel

La fonction de personne de confiance est encore trop peu connue et utilisée. Et pourtant, faire connaître la possibilité d'être assisté par une personne de son choix dans tout processus de consentement aux soins et de changement du lieu de vie est un axe prioritaire d'information des personnes âgées. Simultanément, il convient aussi de faire connaître son rôle de témoin privilégié dans les processus de concertation sur les décisions d'arrêt de traitement de fin de vie.

Les directives anticipées de fin de vie

- Rédaction des directives anticipées. - S'agissant toujours de la gestion de la personne, la loi no 2005-370 du 22 avril 2005 a créé une nouvelle forme de manifestation de volonté de prévoyance, en introduisant dans le Code de la santé publique la procédure des directives anticipées. Ainsi : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'actes médicaux » (C. santé publ., art. L. 1111-11). La rédaction de telles directives permet au médecin et aux proches de connaître les volontés de la personne concernée, à un moment où elle ne pourra plus les exprimer.
Ces directives doivent être envisagées par la personne concernée principalement avec l'aide de son médecin traitant, ou avec d'autres professionnels de santé, qui peuvent ainsi éclairer son choix, en l'aidant à envisager les diverses situations qui peuvent se présenter en fin de vie et en lui expliquant les traitements possibles, leur efficacité, leurs limites ou leurs désagréments. Bien évidemment, les personnes désignées par ses soins, et qui ont toute sa confiance, comme le mandataire de protection future ou la personne de confiance, peuvent également la conseiller dans la rédaction de ses directives.
Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Haute Autorité de santé, aussi bien par des personnes en fin de vie ou ayant une maladie grave que, de manière réellement anticipée, par des personnes en bonne santé ou n'ayant pas de maladie grave .
- Portée des directives anticipées. - Les directives anticipées sont révisables et révocables à tout moment et par tout moyen (C. santé publ., art. L. 1111-11, al. 2), ce qui les rend peu propices à une insertion au sein d'un mandat de protection future. Elles peuvent cependant y être annexées, ce qui préserve leur caractère révocable tout en favorisant à la fois leur diffusion et leur conservation . Envisagées en dehors d'un tel mandat, ces directives doivent bien évidemment être respectées par le mandataire.
Depuis la loi no 2016-87 du 2 février 2016, elles « s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation et lorsqu'[elles] apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » (C. santé publ., art. L. 1111-11, al. 3). Le refus du médecin d'appliquer les directives anticipées ne peut être discrétionnaire et doit résulter d'une procédure collégiale, définie par voie réglementaire. Le décret no 2016-1067 du 3 août 2016 est venu définir les conditions d'information des patients et les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées (C. santé publ., art. R. 1111-17 et s.).
- Conservation des directives anticipées. - Si un « dossier médical partagé » a été créé au nom de la personne concernée, il est recommandé d'y faire enregistrer les directives anticipées, car elles seront ainsi aisément consultables en cas de besoin. En l'absence d'un « dossier médical partagé », ces directives anticipées peuvent être confiées au médecin traitant, à l'hôpital en cas d'hospitalisation pour une maladie grave ou à l'établissement concerné en cas d'admission dans un établissement pour personnes âgées. Lorsqu'elles ont été rédigées à l'avance, elles peuvent être confiées au médecin traitant, au mandataire de protection future ou à la « personne de confiance », voire à un membre de la famille ou à un proche. Le tout étant de s'assurer de leur conservation. Dans cette optique, il est loisible d'imaginer leur dépôt chez un notaire.
- Rôle du notaire. - À l'évidence, envisager à l'avance la fin de vie est difficile, voire angoissant. Mais il est important d'y réfléchir. De prime abord, cette préoccupation paraît éloignée de la pratique notariale quotidienne. En réalité, la question de la fin de vie n'est pas totalement absente de nos études : elle apparaît parfois au détour de la rédaction d'un testament, de la régularisation d'une donation familiale ou d'un changement de régime matrimonial. Elle est nécessairement présente lors de la prévoyance d'un mandat de protection future. Alors certes, le notaire n'a pas la compétence médicale pour apprécier ou, encore moins, pour dicter une directive anticipée, mais il doit cependant, dans le cadre de son devoir de conseil, porter à la connaissance de son client la faculté qui lui est donnée d'exprimer ses volontés par écrit sur les décisions médicales à prendre lorsqu'il sera en fin de vie, sur les traitements ou actes médicaux qui seront ou ne seront pas engagés, limités ou arrêtés.

Une piste à explorer et à développer

L'usage des directives anticipées de fin de vie reste très faible puisque 2 % à 3 % seulement de la population en rédigent . Et pourtant, promouvoir ces directives pour toute personne vieillissante apparaît comme une nécessité sanitaire importante, compte tenu du constat, très largement partagé, des mauvaises conditions, notamment relationnelles, dans lesquelles se déroulent les derniers instants de la vie, le plus souvent hors de chez soi et dans un établissement de soins médicaux. La piste des directives anticipées relatives aux soins de santé mériterait également d'être explorée au-delà du domaine de la fin de vie . En effet, ces directives pourraient être utiles à des personnes en situation de handicap qui ne seraient pas à même de communiquer leur volonté dans une situation d'urgence mais qui, au préalable, et éventuellement avec un accompagnement adapté, seraient en mesure de faire un certain nombre de choix.
- Conclusion sur les mesures volontaires d'anticipation. - La pratique témoigne de ce que l'utilisation concrète de mesures volontaires d'anticipation, heureuses alternatives à l'intervention tardive du juge, demeure marginale. Il est vrai qu'anticiper sa perte éventuelle de capacité n'est pas encore devenu un réflexe chez nos concitoyens. Et pourtant, à l'évidence, de la même façon que rédiger un testament ne fait pas mourir, l'établissement d'une telle mesure d'anticipation ne rend pas vulnérable ! Au-delà, il semble bien que la relative confidentialité de ces mesures soit également liée non seulement à leur méconnaissance par le public et les professionnels de tous les champs, mais aussi à l'absence de publicité, qui entrave grandement leur sécurité.
D'une part, il convient donc de divulguer l'information. Chacun s'accorde sur la nécessité de sensibiliser davantage les citoyens aux avantages de l'anticipation sur les risques de vulnérabilité et de pertes de droits liés au vieillissement . À cette fin, il apparaît essentiel que les professionnels (notaires, mais aussi avocats, Unaf, Udaf, etc.) se mobilisent pour mieux informer le public de l'existence et des vertus de ces dispositifs, en particulier du mandat de protection future. Il s'agirait d'un moyen de les aborder plus sereinement, tant pour les personnes concernées que pour leurs proches. Concrètement, le récent rapport sur les droits fondamentaux des majeurs protégés propose de développer de nouveaux canaux d'informations, notamment en s'appuyant sur des lieux ciblés (CAF, Ehpad, hôpitaux, MDPH, etc.) ou lors de moments clés . Parce qu'il est très souvent le témoin privilégié des vicissitudes, heureuses et douloureuses, qui jalonnent l'existence de ses clients, le notaire a un rôle capital d'information, de conseil et d'orientation à jouer en la matière. Au détour d'une donation au dernier vivant, d'un changement de régime matrimonial ou d'une succession, le notaire doit communiquer pour faire connaître les normes anticipatives mises en place par les pouvoirs publics. Au-delà, lorsqu'il est consulté par ses clients qui l'interrogent sur la façon de procéder en prévision d'une volonté défaillante, le notaire doit avoir en tête la diversité des choix possibles d'anticipation de la vulnérabilité. Parce qu'une telle démarche est indéniablement difficile en ce qu'elle nécessite chez le client de surpasser une réticence psychologique à envisager son affaiblissement et sa perte d'autonomie, le notaire doit évidemment se montrer tout à la fois très pédagogique, empathique et particulièrement humain dans son approche. Il doit aussi faire preuve de clairvoyance en sondant la personne prévoyante sur ses intentions et sur les moyens les plus adaptés pour résoudre son souci de pallier son éventuelle incapacité. De la pertinence du conseil et de la fidélité du notaire aux souhaits de son client, la mesure préventive de protection adéquate dépendra .
D'autre part, la montée en puissance de ces mesures anticipatives est indissociable de la mise en place d'une véritable publicité, déjà envisagée, et longuement développée pour le mandat de protection future . Celui-ci n'est cependant pas le seul concerné. On se souvient, en effet, que le groupe de travail conduit par Mme Caron-Déglise a proposé la création d'un répertoire civil unique national et dématérialisé assurant la publicité de toutes les mesures de protection judiciaire et des dispositions anticipées (mandat de protection future mais aussi directives anticipées et désignation d'une personne de confiance), accessible aux juridictions, aux notaires, aux avocats . À vrai dire, tous les acteurs de la dépendance appellent de leurs v?ux la création d'un tel registre, qui pourrait toutefois être scindé en deux entrées. L'une concernant les mesures juridiques, généralement formalisées par le biais d'un acte authentique, à savoir le mandat de protection future et la désignation anticipée du tuteur ou du curateur, et qui pourrait de ce fait être confiée au notariat, et l'autre relative aux mesures d'anticipation dans le domaine de la santé, qui relèverait de la compétence des pouvoirs publics. S'agissant de ces dernières, et parce que l'on touche là à la sphère intime, il s'agira d'être particulièrement vigilant sur la protection des données personnelles des majeurs concernés et donc de définir précisément les catégories de personnes susceptibles d'y avoir accès .
- Alternatives spécifiques aux mesures volontaires d'anticipation. - On ne saurait achever ces développements sur les mesures d'anticipation de la vulnérabilité des majeurs sans évoquer deux procédés spécifiques, au champ d'expression plus restreint, mais qui peuvent paradoxalement avoir une visée plus large : destinés principalement à anticiper des difficultés de gestion liées une perte d'autonomie, ils peuvent aussi être utilisés afin de dégager des revenus pour financer une éventuelle dépendance. Ces deux procédés sont la société civile et la fiducie.
- La société civile, technique de gestion anticipée du patrimoine de la personne vulnérable. - À l'évidence, la société, grâce à l'écran de la personnalité morale, peut représenter un outil de gestion à la fois souple et pérenne dans l'optique d'une anticipation d'une éventuelle vulnérabilité.
Sans s'étendre sur cette forme de détention du patrimoine, qui a fait l'objet de nombreux développements, notamment dans le cadre des 102e et 113e Congrès des notaires de France , qu'il convienne ici simplement de rappeler que lorsqu'une personne est titulaire de droits sociaux, sa vulnérabilité peut être anticipée par la rédaction ab initio de statuts adaptés. Selon les circonstances, il s'agira parfois, par le biais de ses mesures d'anticipation, de permettre la surveillance des autres associés, ou, le plus souvent, bien au contraire, de pouvoir leur assurer une autonomie en dépit de la vulnérabilité avérée frappant l'un d'entre eux . Des statuts rédigés sur mesure permettront au gérant d'assumer pleinement et librement ses fonctions, quel que soit l'état des personnes associées, sans avoir à en référer ni aux associés, ni au mandataire du majeur protégé, ni au juge des tutelles . À titre d'illustrations, les statuts peuvent ainsi prévoir :
  • des clauses d'agrément, en cas de cession de parts, draconiennes ;
  • une faculté de retrait assouplie au bénéfice de la personne protégée ;
  • l'aménagement de manière inégalitaire de la répartition des profits et des pertes en faveur de la personne protégée : limiter sa responsabilité financière à son apport personnel et augmenter sa part dans la distribution des profits de la SCI ;
  • des pouvoirs étendus au profit du gérant et (donc) un objet social strictement défini ;
  • mais aussi des cas de révocation du gérant si une mauvaise gestion porte atteinte aux intérêts de la personne protégée ;
  • une modulation des règles de majorité afin d'éviter, dans la plupart des cas, l'intervention de la personne protégée et de son représentant.
Si la société civile permet, au travers de ses statuts, de concentrer les pouvoirs de gestion dans les mains d'un gérant pour cantonner l'associé que l'on souhaite protéger à un rôle très passif, elle permet également de maintenir des ressources au profit de l'associé à protéger, voire de lui constituer un patrimoine. Il suffit, dans cette optique, de convenir que l'associé vulnérable, « incapable » ou non, disposera de tout ou partie des revenus procurés par les biens dont la société est propriétaire, tandis que l'associé gérant disposera de pouvoirs de gestion à la fois étendus et contrôlés.
La société civile a toutefois pour inconvénient, il convient de l'avoir à l'esprit, la responsabilité indéfinie des associés. Il existe cependant un palliatif à cette règle. Il faut, afin de réduire les risques encourus, moduler dans les statuts la contribution aux pertes de la personne vulnérable. Cette clause ne sera cependant pas opposable aux tiers.
- L'utilisation aux fins d'anticipation d'une technique de gestion patrimoniale : la fiducie. - Redoutée par les uns, adoubée par les autres, la fiducie, introduite en droit français par la loi du 19 février 2007 (C. civ., art. 2011 à 2030), répond au souci d'assurer, à la faveur d'un transfert de propriété dans un patrimoine fiduciaire, la gestion dynamique d'un patrimoine . D'une application aujourd'hui encore relativement confidentielle, la fiducie est un outil assez proche de la société civile, dont la gestion aurait été déléguée de manière assez large à un gérant. Elle constitue ainsi une autre alternative de gestion non négligeable au service des personnes vulnérables.
Dans cette perspective, le principal frein à son recours réside dans l'impossibilité faite au tuteur de « transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou droits d'un majeur protégé » même avec l'autorisation du juge (C. civ., art. 509). On se souvient que le rapport Caron-Déglise a proposé de supprimer cette interdiction légale, afin de permettre la constitution d'une fiducie lorsque le majeur est antérieurement placé sous une mesure de tutelle, aux motifs qu'une « telle opportunité serait aujourd'hui particulièrement souhaitable dans un monde où l'assistance des personnes âgées et la protection de leur patrimoine vont être de plus en plus importantes » . Au-delà, parce qu'il arrive que la nature de certains biens et les exigences de leur gestion s'accordent mal avec les régimes juridiques de protection des personnes vulnérables, on sait que le Conseil supérieur du notariat a appelé de ses v?ux, d'une manière plus générale, la constitution d'une fiducie-protection qui pourrait être un régime de protection spécifique ou utilisé en complément d'une mesure de protection judiciaire ou conventionnelle. En attendant que cette proposition, qui a également été relayée par le rapport Caron-Déglise , sensibilise les pouvoirs publics, nul doute que la fiducie peut aujourd'hui être constituée en amont, dans une optique d'anticipation d'une éventuelle vulnérabilité.
Sur le principe, la fiducie peut être un outil particulièrement pertinent pour répondre à des préoccupations d'anticipation, en ce qu'elle permet de confier une mission de gestion librement définie par le constituant à un professionnel, lequel peut s'entourer de la compétence d'autres professionnels si besoin. Ce mécanisme innovant peut notamment être utilisé par le dirigeant d'entreprise soucieux de mettre en place des solutions de prévoyance destinées à assurer la pérennité de son entreprise en cas de survenance d'un accident de la vie. La fiducie peut également être un moyen de mettre le patrimoine d'une personne vulnérable, qui serait prodigue, à l'abri de créanciers peu scrupuleux. Outre qu'elle peut permettre une gestion souple des biens du constituant et une grande sécurité d'emploi, la fiducie peut aussi être utilisée comme un moyen de financement de la vulnérabilité. Il suffit, à cette fin, de prévoir dans le contrat que les revenus du patrimoine fiduciaire seront affectés, par exemple, au règlement des frais d'hébergement du constituant dans une maison de retraite ou dans un établissement médicalisé.
Et pourtant, en dépit de ses atouts certains, si la fiducie peut constituer un outil d'anticipation supplémentaire, il est difficile d'imaginer qu'elle puisse devenir un outil de masse à court ou moyen terme. Plusieurs raisons justifient ce scepticisme.
D'une part, la fiducie présente des inconvénients intrinsèques. La technique est lourde à mettre en ?uvre en raison du choix du fiduciaire, de la détermination de ses pouvoirs ou encore de l'audit de patrimoine qu'elle suppose. En outre, en l'état actuel des textes, si la résidence principale ou secondaire de la personne protégée est intégrée dans le patrimoine affecté, il serait fait obstacle aux dispositions protectrices de l'article 426 du Code civil sur la disposition du logement de la personne vulnérable. Par ailleurs, la fiducie ne vise que la gestion d'un patrimoine (et uniquement des biens transférés dans le patrimoine fiduciaire) et non la protection de la personne . Enfin, la fiducie peine à s'harmoniser avec le principe de personnalité des charges tutélaires, selon lequel il est interdit au mandataire de se décharger de l'exercice de son mandat au profit d'un tiers, dans la mesure où le fiduciaire peut se voir attribuer des pouvoirs très étendus sur le patrimoine de la personne protégée et notamment celui d'accomplir de son propre chef non pas seulement des actes d'administration, mais encore des actes de disposition.
D'autre part et surtout, le procédé impliquant le recours à un fiduciaire et la constitution d'un patrimoine d'affectation doté d'une comptabilité propre, son utilisation ne peut concerner, à l'évidence, que des ensembles de biens qui sont suffisamment importants pour justifier le recours à une telle technique, laquelle implique la rémunération d'un fiduciaire gestionnaire sur lequel pèse une lourde responsabilité professionnelle et qui doit donc s'assurer pour cela. De fait, ainsi que l'a souligné le rapport Caron-Déglise, après avoir auditionné M. le Professeur Crocq à ce sujet , l'utilisation de la fiducie en tant que technique de protection d'un grand nombre de personnes protégées ne semble a priori pouvoir être envisagée que dans l'hypothèse où le fiduciaire serait une institution publique à même d'assurer une telle charge, et ce sans coût en soi exorbitant pour les personnes vulnérables concernées.
En somme, la fiducie constitue, en l'état, un procédé dont le recours, compte tenu de sa technicité et de son coût, semble réservé à la gestion des patrimoines complexes ou importants. En sus, lorsqu'elle est mise en place aux fins de prévenir une éventuelle vulnérabilité, la fiducie suppose des précautions accrues, notamment dans le choix et le périmètre des pouvoirs du fiduciaire. Au-delà, il est indispensable de sécuriser le mécanisme et de prévoir des contrôles renforcés pour le jour éventuel où la vulnérabilité du constituant sera avérée .