L'outil de production de l'énergie renouvelable

L'outil de production de l'énergie renouvelable

– Ouvrage privé ou public. – La loi offre la possibilité aux collectivités locales d'exploiter elles-mêmes des ouvrages hydroélectriques, des unités de méthanisation ou autres énergies renouvelables (CGCT, art. L. 2224-32). Ainsi, les exploitations d'énergie renouvelable sont susceptibles de constituer des équipements publics. Néanmoins, avec la libéralisation du marché de l'énergie et la transformation d'EDF en société anonyme, l'essentiel du service public de l'électricité est désormais assuré par des personnes de droit privé. Par conséquent, il convient de déterminer si les équipements utilisés par des personnes privées ne sont pas des ouvrages publics en raison de leur affectation à un but d'intérêt général 1500713746188. Un avis important du Conseil d'État éclaire cette question 1500714098673 : les immeubles aménagés et directement affectés à un service public sont des ouvrages publics, y compris lorsqu'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public. Le Conseil d'État précise néanmoins que le principal objet du service public de l'électricité n'est pas la production d'électricité en tant que telle, mais la sécurité de l'approvisionnement sur l'ensemble du territoire national. Cette sécurité d'approvisionnement exige, en raison de la difficulté à stocker l'énergie électrique, que soit assuré à tout moment l'équilibre entre la production et la consommation.
Le Conseil d'État distingue ainsi deux situations :
  • dans les zones non interconnectées, la production locale doit couvrir l'intégralité des besoins de la consommation. Il s'agit essentiellement de régions insulaires (en dehors de la Corse bénéficiant d'une interconnexion partielle avec l'Italie), où toute l'électricité consommée doit être produite localement : Guadeloupe, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, etc. Dans ces zones, les ouvrages dont la production est entièrement destinée de façon permanente aux réseaux de transport ou de distribution doivent être regardés comme affectés au service public de la sécurité de l'approvisionnement et ont, par suite, le caractère d'ouvrage public ;
  • à l'inverse, dans les zones interconnectées, tous les sites de production ne présentent pas la même importance. Seuls les ouvrages déterminants pour l'équilibre du système d'approvisionnement en électricité sont considérés comme directement affectés au service public. L'avis du Conseil d'État retient un seuil de puissance supérieur à quarante mégawatts pour la qualification d'ouvrage public.
Un certain nombre d'ouvrages d'énergies renouvelables exploités par des entreprises privées sont ainsi des ouvrages publics. Par exemple, un parc d'une vingtaine de grandes éoliennes dépasse le seuil fixé par le Conseil d'État.

Conséquence de la nature d'ouvrage public

La juridiction administrative est compétente pour trancher les litiges liés à un ouvrage public de production d'électricité
<sup class="note" data-contentnote=" T. confl., 12 avr. 2010, n° 3718 : AJDA 2010, p. 815.">1500715358067</sup>. Le Tribunal des conflits l'a confirmé dans une espèce où des époux se plaignaient d'ennuis de santé attribués selon eux aux ondes électromagnétiques émises par le poste de transformation électrique voisin. Ils avaient saisi le tribunal de grande instance pour obtenir le déplacement du poste de transformation ou, subsidiairement, l'exécution de travaux de protection, ainsi que le paiement de dommages et intérêts. S'agissant d'un dommage aux tiers rattaché au fonctionnement d'un ouvrage public, le Tribunal des conflits a renvoyé l'affaire devant la juridiction administrative.

– Meuble ou immeuble. – Les exploitations les plus imposantes, barrages hydroélectriques ou unités de méthanisation, sont incontestablement des immeubles. Le doute est en revanche permis pour les installations plus légères telles que les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques. L'enjeu est lié à la garantie attachée au financement de l'ouvrage, mobilière ou immobilière, gage ou hypothèque notamment. La conséquence est également fiscale, les droits de mutation différant selon la nature mobilière ou immobilière du bien. En doctrine, le débat concerne surtout les éoliennes 1500719696582. Certains auteurs estiment que toute la partie mobile de l'éolienne est un meuble, avec les conséquences juridiques associées 1500736334546. Une décision des juges du fond est d'ailleurs fondée sur cette idée, considérant que la vente d'une parcelle agricole ne comprend pas de plein droit la petite éolienne installée dessus 1500738170892. Les juges ont en effet estimé que l'éolienne n'étant pas destinée à l'usage perpétuel du bien vendu, n'est pas un immeuble par destination, ni un meuble attaché au fonds à perpétuelle demeure par le propriétaire. En dehors de cette décision peu significative, l'éolienne étant en l'espèce la propriété du preneur rural et non du bailleur, il ne semble toutefois pas exister de jurisprudence sur la question. La loi considère comme meubles les biens pouvant se transporter d'un lieu à un autre (C. civ., art. 528). Mais le caractère démontable d'une installation ne suffit pas à lui conférer une nature mobilière. Ainsi, une serre démontable, fixée au sol par des dés en béton, a été considérée comme un immeuble par nature 1500741374316. La même solution s'applique à des baraquements temporaires de chantier, dès lors qu'il existe un dispositif d'ancrage et qu'ils ne sont pas maintenus au sol par leur seul poids 1500741582326. Or, les éoliennes possèdent bien de solides fondations au sol. Il convient par ailleurs de considérer que l'élément mobile de l'éolienne est indissociable du mât fixe, l'un n'ayant pas d'utilité sans l'autre 1500741775406. D'ailleurs, la loi considère les moulins à vent, fixés sur piliers et faisant partie du bâtiment, comme des immeubles par nature (C. civ., art. 519). La jurisprudence précise au surplus que les ailes du moulin sont également de nature immobilière 1500742166528. Un raisonnement par analogie permet d'appliquer la même analyse aux éoliennes, et, par extension, aux panneaux photovoltaïques ancrés au sol ou sur le toit d'un édifice. De manière générale, il faut donc conclure sur la nature immobilière, par principe, des installations exploitant une énergie renouvelable.
– La garantie de l'ouvrage. – La loi prévoit une responsabilité décennale spécifique pour les ouvrages de construction (C. civ., art. 1792). Les ouvrages d'importance tels que les unités de méthanisation entrent sans discussion dans son champ d'application. La question est plus délicate pour des réalisations plus légères, particulièrement pour la pose de panneaux photovoltaïques. Pour la jurisprudence, l'ouvrage n'est pas nécessairement un bâtiment. L'entreprise réalise néanmoins des travaux de bâtiment ou de génie civil. Les travaux à finalité industrielle ne relèvent pas de la garantie décennale. Cette solution s'applique par exemple à la machinerie automatisée d'une porcherie, même si son défaut rend le bâtiment impropre à sa destination 1500825520874. Ainsi, la garantie des constructeurs ne s'applique pas aux panneaux d'une ferme photovoltaïque, assimilables à des unités de production au sein d'une industrie produisant de l'électricité 1500825496320. En revanche, la garantie est évidemment applicable lorsque les ouvrages constituent de véritables travaux immobiliers. Il s'agit par exemple des travaux touchant à l'étanchéité du bâtiment 1500825554918. En conséquence, les panneaux photovoltaïques intégrés dans la toiture relèvent logiquement de la garantie décennale 1500825575042. Le contentieux se place surtout sur le terrain de l'atteinte à la destination de l'immeuble. En effet, selon l'article 1792 du Code civil, la responsabilité est due lorsque l'ouvrage est impropre à sa destination, que le désordre ait son siège dans un « élément constitutif » ou dans un « élément d'équipement ». Sur ce fondement, la géothermie est garantie par la responsabilité décennale, qu'il s'agisse de petite géothermie telle qu'une pompe à chaleur défectueuse dans un bâtiment 1500825589643, ou d'une installation desservant plusieurs milliers de logements 1500825610626. En raisonnant sur l'atteinte à la destination, la jurisprudence tend à glisser du vice de construction à l'insuffisante performance énergétique 1500825627366. Ainsi, la garantie décennale a été retenue dans une espèce où l'eau chaude était produite principalement par l'installation de gaz et non par le mix solaire promis par le promoteur, en raison du défaut des panneaux photovoltaïques 1500825650358. Cette tendance n'est toutefois pas encore assurée. Ainsi, l'article 1792 du Code civil a été jugé inapplicable à une installation géothermique fonctionnelle mais dont la production était moindre que celle attendue 1500825666816. Néanmoins, il est probable qu'elle se renforce à l'avenir, la loi prévoyant désormais que l'insuffisance de performance énergétique est une impropriété de destination lorsqu'elle implique un coût exorbitant (CCH, art. L. 111-13-1).

Assurances de l'ouvrage

La question des garanties n'a rien de théorique. Par exemple, en 2010, le Consuel observait que 51 % des installations photovoltaïques contrôlées et appartenant à des particuliers étaient non conformes
<sup class="note" data-contentnote=" J.-Ph. Defawe, En France métropolitaine, plus d&#039;une installation photovoltaïque sur deux est jugée non conforme : LeMoniteur.fr., 16 mars 2010.">1500826216899</sup>. Parmi les installations non conformes, 72 % présentaient un risque d'électrocution et 28 % présentaient un risque d'incendie. Ainsi, face à la défaillance du professionnel ayant réalisé l'installation, la question de l'assurance est primordiale. Le champ d'application de la garantie décennale étant incertain en matière d'énergie renouvelable, le domaine de l'assurance de l'entrepreneur et celui de la dommages-ouvrage sont également flous par contrecoup
<sup class="note" data-contentnote=" P. Dessuet, Bâtir un plan d&#039;assurance pour couvrir les risques en matière de photovoltaïque : RD imm. 2010, p. 472.">1500828402087</sup>. Il convient également de tenir compte du fait que les assurances du secteur ne concernent souvent que les techniques courantes, un certain nombre de réalisations n'étant pas couvertes par les assurances
<sup class="note" data-contentnote=" P. Dessuet, L&#039;influence de la crise sur l&#039;assurance-construction : crises économique et environnementale : RD imm. 2010, p. 48.">1500828407095</sup>. Enfin, en phase d'exploitation, il est judicieux de souscrire une assurance relative à la responsabilité de l'exploitant, aux dommages subis par l'installation, et éventuellement, à la perte d'exploitation
<sup class="note" data-contentnote=" D. Deharbe et S. Gandet, Montage et exploitation d&#039;un projet éolien, Le Moniteur, 2016, p. 395.">1500828643201</sup>.